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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2425/2025

ATA/866/2025 du 15.08.2025 sur JTAPI/796/2025 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2425/2025-MC ATA/866/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 août 2025

en section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 juillet 2025 (JTAPI/796/2025)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1999 et également connu sous d'autres identités, est originaire de Guinée.

Il est démuni de tout document de voyage, pièce de légitimation ou titre de séjour. Il ne dispose ni d'une résidence fixe ni de ressources financières.

b. Il a déposé le 28 février 2017 une demande d'asile, laquelle a fait l'objet d'une décision de non-entrée en matière aujourd'hui définitive. Son renvoi vers l'Italie, état Dublin responsable, n'a jamais pu être exécuté.

c. Selon l'extrait de son casier judiciaire versé à la procédure, daté du 30 juin 2025, A______ a fait l'objet depuis son arrivée en Suisse en 2017 de onze condamnations définitives, la dernière prononcée le 11 avril 2025 par le Ministère public. Ces condamnations concernent en grande partie des violations des dispositions de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) ainsi que de l'art. 291 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), mais également des contraventions et délits à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), des oppositions aux actes de l'autorité (art. 286 aCP), des voies de fait (art. 126 al. 1 CP), des lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 al. 1 CP) et des dommages à la propriété d'importance mineure (art. 144 CP cum art. 172ter al. 1 CP). Par jugements du Tribunal de police des 24 août 2020 et 29 juin 2022, son expulsion judiciaire a été prononcée pour une durée de trois, respectivement cinq ans. Par décisions des 27 mars 2021 et 23 mars 2023, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de reporter l'exécution de ces mesures d'expulsion.

A______ faisait également l'objet au 30 juin 2025 de quatre procédures pénales en cours concernant des violations de la LEI ou des ruptures de ban (art. 291 al. 1 CP). En dernier lieu, le Ministère public, par ordonnance pénale du 30 juin 2025, l'a reconnu coupable de rupture de ban pour avoir persisté à séjourner à Genève depuis sa dernière condamnation pour le même motif, soit le 12 avril 2025, alors qu'il savait faire l'objet d'une mesure d'expulsion, et l'a condamné à une peine pécuniaire égale à zéro.

d. Il a déjà fait l'objet à deux reprises, en 2018 et 2019, d'interdictions de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois, qu'il n'a pas respectées.

e. Par décision du 30 juin 2025, le Commissaire de police, en application de l'art. 74 LEI, a fait interdiction à A______ de pénétrer sur l'ensemble du territoire du canton de Genève pour une durée de 36 mois.

Dans la mesure où ce dernier n'était titulaire d'aucune autorisation et menaçait la sécurité et l'ordre publics, les conditions de l'art. 74 al. 1 let. a LEI étaient réalisées. Il en allait de même de celles de l'art. 74 al. 1 let. b LEI, dès lors qu'il n'avait pas quitté la Suisse malgré les décisions d'expulsion exécutoires dont il faisait l'objet.

La durée de l'interdiction territoriale se justifiait au regard du fait que A______ devait quitter la Suisse depuis plusieurs années déjà, avait fait l'objet de multiples condamnations pour infractions à la LEI et ruptures de ban, et n'avait aucune attache avec le canton.

f. Par lettre du 9 juillet 2025, A______ a formé opposition à cette décision.

g. Lors de l'audience tenue le 23 juillet 2025 devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), il a expliqué qu'avant son interpellation par la police le 29 juin 2025, il vivait dans la rue à Genève. Depuis sa remise en liberté le 30 juin 2025, il vivait dans la rue en France voisine. Il avait fait l'objet le 29 juin 2025, peu avant son arrestation, d'une tentative de meurtre ayant donné lieu à l'ouverture d'une procédure pénale dans laquelle il avait qualité de partie plaignante. À la suite de cette tentative de meurtre, il avait des rendez-vous médicaux et avait entrepris des démarches auprès de l'instance LAVI.

Son conseil a relevé qu'il devait pouvoir se rendre aux audiences auxquelles il serait convoqué dans le cadre de la procédure pénale pour tentative de meurtre. S'il était pris note qu'une citation à une audience devant le Ministère public ou un tribunal valait sauf‑conduit, il n'en allait pas de même pour les rendez-vous avec son avocat. Or l'obtention d'un sauf-conduit pour ce genre de rendez-vous ne fonctionnait pas.

Le représentant du commissaire de police a indiqué que les mesures d'expulsion dont A______ faisait l'objet n'avaient pu être exécutées en raison du refus des autorités guinéennes de délivrer des sauf-conduits à leurs ressortissants dont le départ de Suisse ne serait pas volontaire. Le système des sauf-conduits fonctionnait très bien, ceux-ci étant délivrés moyennant un préavis de 24 heures ou même, dans certains cas, de quelques heures seulement, les cas de refus demeurant exceptionnels. Les convocations pour des audiences ou des rendez-vous médicaux valaient sauf-conduits.

A______ a conclu à l'annulation de la mesure d'interdiction territoriale prise le 30 juin 2025. La durée de cette interdiction était en tout état disproportionnée.

Le représentant du commissaire de police a plaidé et conclu au rejet de l'opposition.

h. Par jugement du 23 juillet 2025, le TAPI a partiellement admis l'opposition et confirmé la mesure d'interdiction de pénétrer sur le territoire du canton de Genève prise par le commissaire de police pour une durée réduite à 24 mois.

A______ faisait l'objet d'une mesure d'expulsion n'ayant pu être exécutée. Il avait par ailleurs de nombreux antécédents pénaux permettant de retenir qu'il menaçait l'ordre et la sécurité publics. La mesure était donc fondée dans son principe. Dans la mesure où il n'avait aucune attache à Genève et que son seul besoin allégué de pénétrer sur le territoire cantonal consistait à se rendre à des audiences, des rendez-vous médicaux, ou de s'entretenir avec son conseil, toutes activités pour lesquelles un sauf-conduit pouvait lui être délivré, son intérêt privé n'était pas touché de manière excessive par l'étendue géographique de la mesure. Quant à sa durée, s'il était vrai qu'il n'avait pas respecté les interdictions territoriales rendues à son encontre en 2018 et 2019, d'une durée de douze mois chacune, ce qui devait conduire à admettre la proportionnalité d'une durée supérieure, celle de 36 mois prévue par la décision contestée paraissait excessive au regard de l'ancienneté des précédentes mesures d'interdiction et de la nature des dernières infractions qui lui étaient reprochées. Une durée de 24 mois, davantage conforme au principe de la proportionnalité et tout aussi apte à l'encourager à quitter le pays, devait donc être privilégiée.

B. a. Par acte adressé le 5 août 2025 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), A______ a formé recours contre ce jugement, concluant à son annulation et à celle de la décision d'interdiction du 30 juin 2025. À titre préalable, il a sollicité la restitution de l'effet suspensif.

Les let. a et b de l'art. 74 al. 1 LEI avaient été mal appliquées. Il avait été interpellé le 29 juin 2025 par la police alors qu'il faisait lui-même l'objet d'une agression violente et avait ensuite été reconnu coupable de rupture de ban, soit une infraction de peu de gravité selon la jurisprudence. Il ne pouvait donc être considéré qu'il constituât une menace pour l'ordre et la sécurité publics au sens de l'art. 74 al. 1 let. a LEI. Dans la mesure où il résidait désormais en France voisine, la mesure d'expulsion dont il faisait l'objet avait par ailleurs été exécutée, avec pour conséquence que les conditions de l'art. 74 al. 1 let. b LEI n'étaient pas non plus réalisées.

En sa qualité de victime d'une infraction violente, il devait par ailleurs pouvoir se rendre en Suisse pour participer aux audiences pénales et assurer le suivi de son état de santé, ce qui justifiait que la mesure d'expulsion soit suspendue.

La mesure était disproportionnée. Elle ne répondait pas au principe de la nécessité puisqu'une mesure d'expulsion, moins incisive, efficace et visant le même but, était déjà appliquée. Au vu du peu de gravité de l'infraction pour laquelle il avait été condamné, comme du contexte de son interpellation, la durée de la mesure, même réduite, était encore trop longue.

b. Dans ses observations du 7 août 2025, le commissaire de police a conclu au rejet du recours, faisant siens les considérants du jugement contesté.

c. Par réplique du 11 août 2025, le recourant a persisté dans ses argumentation et conclusions. Il a produit un échange de courriels des 5 et 6 août 2025 avec l'OCPM relatif à la délivrance d'un sauf-conduit en vue de consultations d'urgence aux hôpitaux universitaires de Genève.

d. La cause a été gardée à juger le 11 août 2025.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 6 août 2025 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3.             Est litigieuse l’interdiction de pénétrer dans tout le territoire cantonal pendant 24 mois.

3.1 Aux termes de l'art. 74 al. 1 LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas pénétrer dans une région déterminée notamment lorsque l'étranger est frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion entrée en force et que des éléments concrets font redouter qu'il ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou qu'il n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire (let. b). L’assignation à un territoire ou l’interdiction de pénétrer un territoire peut également être prononcée lorsque l’étranger n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, d’une autorisation de séjour ou d’une autorisation d’établissement et trouble ou menace la sécurité et l’ordre publics ; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants (let. a).

Si le législateur a expressément fait référence aux infractions en lien avec le trafic de stupéfiants, cela n'exclut toutefois pas d'autres troubles ou menaces à la sécurité et l'ordre publics (ATF 142 II 1 consid. 2.2 et les références), telle par exemple la violation des dispositions de police des étrangers (arrêts du Tribunal fédéral 2C_123/2021 du 5 mars 2021 consid. 3.1 ; 2C_884/2021 du 5 août 2021 consid. 3.1.). Selon le message du Conseil fédéral du 22 décembre 1993 (FF 1994 I 325), les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour et d'établissement n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement. S'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle de l'étranger concerné, « le seuil, pour l'ordonner, n'a pas été placé très haut ». Il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics.

L'assignation d'un lieu de résidence ou l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée fondée sur l'art. 74 al. 1 let. b LEI vise à permettre le contrôle du lieu de séjour de l'intéressé et à s'assurer de sa disponibilité éventuelle pour la préparation et l'exécution de son renvoi de Suisse par les autorités (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.1), mais aussi, en tant que mesure de contrainte poursuivant les mêmes buts que la détention administrative, à inciter la personne à se conformer à son obligation de quitter la Suisse (ATF 144 II 16 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.1 ; CHATTON/MERZ, in Code annoté de droit des migrations, vol. II : Loi sur les étrangers [LEtr], 2017 n° 22 ad art. 74 LEtr).

3.2 Il n'est pas contesté en l'espèce que le recourant est dépourvu de tout titre de séjour en Suisse. Depuis son arrivée dans le pays il y a moins de dix ans, il a fait l'objet de nombreuses condamnations aujourd'hui définitives. Certes, la majorité de ces condamnations concerne des violations de dispositions régissant le séjour des personnes de nationalité étrangères, ce qui n'est toutefois pas déterminant selon la jurisprudence : il résulte en effet de son casier judiciaire que le recourant a violé les mesures d'interdiction, d'une durée de douze mois chacune, rendues à son encontre en 2018 et 2019 et qu'il fait obstacle depuis plusieurs années à l'exécution des mesures d'expulsion dont il fait l'objet. À cela s'ajoute que, outre ces violations répétées de la législation sur le séjour des étrangers, le recourant a été condamné à de nombreuses reprises pour des infractions de droit commun et, surtout, pour contraventions et délits contre la LStup, en dernier lieu en août 2023. Il est en outre dépourvu de toute source de revenus légitime, admettant dormir dans la rue. Dans ces circonstances, le TAPI a considéré à juste titre qu'il constituait une menace pour l'ordre et la sécurité publics et, partant, que les conditions prévues par l'art. 74 al. 1 let. a LEI pour le prononcé d'une mesure d'interdiction territoriale étaient réalisées.

Celles prévues par l'art. 74 al. 1 let. b LEI le sont également. Le recourant fait en effet l'objet de deux décisions d'expulsion entrées en force, n'a jusqu'à ce jour pas collaboré en vue de l'exécution de son expulsion et, même s'il a soutenu devant le TAPI et soutient aujourd'hui encore dans son recours qu'il vivrait désormais en France voisine, rien ne l'atteste. On voit mal au demeurant, si cette allégation était exacte, quel intérêt il conserverait à contester la mesure d'interdiction prononcée le 30 juin 2025 puisqu'il ne pourrait alors, en toute hypothèse, plus pénétrer sur l'ensemble du territoire suisse, a fortiori sur le territoire genevois.

4.             Reste à vérifier si la mesure prononcée respecte le principe de la proportionnalité.

4.1 L'art. 74 LEI ne précise ni la durée ni l'étendue géographique de la mesure. Elle doit dans tous les cas répondre au principe de proportionnalité, soit être adéquate au but visé et rester dans un rapport raisonnable avec celui-ci (ATF 142 II 1 consid. 2.3).

La mesure doit être nécessaire et suffisante pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés. En matière d'interdiction de pénétrer sur une partie du territoire, le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; ATA/1126/2024 du 24 septembre 2024 consid. 3.3). L'interdiction de pénétrer peut s'appliquer à l'entier du territoire d'un canton (arrêts du Tribunal fédéral 2C_231/2007 du 13 novembre 2007 ; 2A.253/2006 du 12 mai 2006), même si la doctrine relève que le prononcé d'une telle mesure peut paraître problématique au regard du but assigné à celle-ci (Tarkan GÖKSU, in Martina CARONI/Thomas GÄCHTER/Daniela TURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, 2010, p. 725 n. 7).

La mesure ne peut pas être ordonnée pour une durée indéterminée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1). Des durées inférieures à six mois ne sont guère efficaces (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 précité consid. 4.2) ; des mesures d'une durée d'une année (arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.2), voire de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.5) ont été admises.

4.2 Le Tribunal fédéral a confirmé une assignation territoriale d’une durée de deux ans au territoire d’une commune zurichoise pour un étranger qui ne s’était pas soumis au renvoi qui lui avait été notifié (arrêt du Tribunal fédéral 2C_497/2017 du 5 mars 2018).

4.3 La chambre de céans a confirmé une interdiction territoriale étendue au centre‑ville de Genève, compte tenu des relations du recourant avec sa compagne et son enfant, pour une durée de 24 mois prononcée contre un étranger interpellé en possession de huit boulettes de cocaïne et condamné auparavant à six reprises pour infractions à la LStup et à la LEI (ATA/537/2022 du 23 mai 2022).

Elle a confirmé des interdictions territoriales étendues à tout le canton de Genève pour des durées de 18 mois prononcées contre : un étranger interpellé en flagrant délit de vente de deux boulettes de cocaïne et auparavant condamné deux fois et arrêté une fois pour trafic de stupéfiants (ATA/2577/2022 du 15 septembre 2022) ; un étranger sans titre, travail, lieu de séjour précis ni attaches à Genève, condamné plusieurs fois pour infractions à la LEI et la LStup, qui avait longtemps caché sa véritable identité et était revenu en Suisse malgré un renvoi (ATA/536/2022 du 20 mai 2022) ; un étranger sans titre, travail, lieu de séjour précis ni attaches à Genève, plusieurs fois condamné pour infractions à la LStup, objet de décisions de renvoi et traité sans succès pour une dépendance aux stupéfiants (ATA/411/2022 du 14 avril 2022).

Elle a rétabli à 24 mois une interdiction territoriale réduite à 18 mois par le TAPI dans le cas d’un ressortissant algérien ne disposant d’aucun lieu de vie en Suisse, hormis le domicile à Genève de sa compagne, où quelques affaires lui appartenant avaient été retrouvées. Il paraissait également vivre chez sa sœur en France voisine. Il n’établissait pas sa paternité sur l’enfant qu’il prétendait être le sien. Il avait fait l’objet de multiples condamnations pénales notamment pour infractions à la LStup et d’autres procédures pénales étaient en cours contre lui. Il n’avait eu aucune considération pour la première décision d’interdiction territoriale prononcée à son encontre, pour une durée de douze mois, ni pour l’interdiction d’entrée. Une durée de 18 mois paraissait donc faible au regard de ces circonstances (ATA/609/2023 du 9 juin 2023).

Dans un arrêt récent (ATA/611/2025 du 3 juin 2025), elle a confirmé une interdiction de 24 mois dans le cas d'un ressortissant sénégalais ayant été interpellé pour vente d'une boulette de cocaïne, drogue dont il admettait consommer 3 à 4 grammes par semaine. Il avait son travail, son domicile et sa famille (deux enfants) en France et ses relations avec le canton n'étaient qu'épisodiques ou non établies. Il avait été condamné à plusieurs reprises, notamment pour des infractions à la LStup, et avait fait l'objet de deux mesures d'interdiction d'entrée en Suisse, qu'il n'avait pas respectées.

4.4 Dans le cas d'espèce, il est vrai que les dernières infractions ayant conduit à des interpellations puis à des condamnations du recourant concernent des dispositions de police des étrangers. Il n'en reste pas moins, comme cela a été exposé ci-dessus en relation avec l'examen des conditions d'application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI, qu'il constitue une menace pour l'ordre et la sécurité publique du fait de ses nombreuses condamnations pénales, en particulier pour infractions à la LStup, en relation avec son absence de source légitime de revenus. Il existe donc un intérêt public élevé à lui interdire l'accès au territoire cantonal. À cela s'ajoute que les mesures prévues par l'art. 74 LEI ont aussi pour but d'inciter l'étranger à se conformer à son obligation de quitter la Suisse, qui, dans le cas de recourant, résulte notamment de deux mesures d'expulsion pénale définitives actuellement inexécutables en raison de son refus d'être rapatrié volontairement en Guinée.

Pour sa part, le recourant n'a aucune attache avec le canton de Genève. Il n'a en particulier pas allégué y avoir de la famille ou des amis proches, un travail, ou des relations particulières. Les seuls besoins de pénétrer sur le territoire genevois qu'il a invoqués sont directement liés à l'agression dont il indique avoir été victime le 29 juin 2025, laquelle a selon lui donné lieu à une procédure pénale dirigée contre son agresseur, dans le cadre de laquelle il aurait qualité de partie plaignante. Il s'agit donc pour lui de pouvoir se rendre aux audiences devant le Ministère public, puis devant les juridictions de jugement, de se présenter devant l'instance LAVI, de recevoir les soins médicaux nécessaires et de s'entretenir avec son conseil. Or ces besoins peuvent être satisfaits par l'obtention de sauf-conduits, lesquels sont implicitement accordés dans les convocations aux audiences et les rendez-vous médicaux, et sont, sauf cas exceptionnels, accordés pour les autres occasions justifiées, tels les rendez-vous avec un avocat.

Aucun élément du dossier ne permet de retenir que, comme le soutient le recourant, les sauf-conduits nécessaires ne seraient en réalité pas délivrés. Il n'a en particulier fait état d'aucun exemple de sauf-conduit refusé, ou même délivré tardivement, pour un rendez-vous avec son avocat. L'échange de courriels produit avec ses écritures de réplique ne lui est à cet égard d'aucun secours puisqu'il ne concerne pas une occasion particulière mais une demande d'autorisation générale pour toutes les consultations médicales d'urgence qu'il considérerait opportunes, sans distinguer selon que ces consultations s'inscriraient dans le contexte de soins consécutifs à son agression – auquel cas ils devraient en principe faire l'objet de rendez-vous valant sauf-conduits – ou d'autres urgences, auquel cas il peut être attendu de sa part qu'il se fasse traiter dans un premier temps à son lieu de résidence, hors du canton.

L'intérêt privé du recourant à ce que la mesure d'interdiction soit limitée dans son étendue ou dans sa durée est ainsi faible.

Comme l'a relevé le TAPI, il convient également de tenir compte du fait que le recourant a fait par le passé, en 2018 et 2019, l'objet de mesures similaires mais d'une moindre durée qui n'ont pas eu les effets souhaités puisqu'il ne les a pas respectées.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la mesure d'interdiction de pénétrer sur le territoire genevois pour une durée de 24 mois respecte le principe de la proportionnalité tant dans son étendue que dans sa durée. Le recours sera donc rejeté.

5.             Ce rejet rend sans objet la requête de restitution de l'effet suspensif formée simultanément au recours.

6.             La procédure étant gratuite (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument de procédure ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 août 2025 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 juillet 2025 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dina BAZARBACHI, avocate du recourant, au commissaire de police, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Patrick CHENAUX, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. GANTENBEIN

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :