Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/736/2025 du 01.07.2025 sur ATA/1140/2024 ( EXPLOI ) , REFUSE
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/2903/2024-EXPLOI ATA/736/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Décision du 1er juillet 2025 sur effet suspensif
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dans la cause
ASSOCIATION A______ recourante
contre
OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé
Attendu, en fait, que par décision du 8 juillet 2024, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a notamment refusé de délivrer à l’ASSOCIATION A______ (ci‑après : A______) l’attestation visée à l’art. 25 de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05), lui a infligé une amende administrative de CHF 5'600.- et l’a exclue de tous les marchés publics futurs pour une période de deux ans ; le premier chiffre du dispositif, concernant le refus de délivrer l’attestation, était déclaré exécutoire nonobstant recours ; elle n’avait pas respecté le salaire minimum impératif en vigueur depuis le 1er novembre 2020 et enfreint les usages pour l’ensemble des travailleurs contrôlés ; les faits s’étaient déroulés entre le 1er novembre 2020 et le 30 avril 2024 et les infractions concernaient l’ensemble du personnel de l’entreprise ; malgré les demandes de mise en conformité, A______ n’avait effectué des rattrapages que pour les parts concernant les vacances de 17 employés pour un total de CHF 14'984.88, mais ne s’était pas mise en conformité concernant le temps de travail et n’avait pas effectué le rattrapage dû pour la différence avec le salaire minimum cantonal à une employée pour un montant de CHF 20'279.35 ; en cas de demande formelle de reconsidération, le refus de délivrer l’attestation pouvait être revu ou même levé si l’entreprise acceptait de se soumettre au contrôle de l’OCIRT et prouvait que les usages avaient été respectés pour toute la période correspondant aux créances non prescrites selon le droit privé ;
qu’un premier recours formé le 22 juillet 2024 contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a été déclaré irrecevable par décision du 19 août 2024 pour défaut de paiement de l’avance de frais dans le délai imparti ;
que par acte remis à la poste le 9 septembre 2024, A______ a formé un second recours contre la décision de l’OCIRT auprès de la chambre administrative, concluant à son annulation ; subsidiairement le refus de délivrance de l’attestation était limité à trois mois et aucune amende administrative n’était prononcée ; plus subsidiairement, le montant de l’amende était ramené à CHF 1'000.- ; préalablement, des « mesures provisionnelles ex parte – à titre urgent et avec effet ex tunc limité, couvrant seulement le passé jusqu’au lundi 8 juillet 2024, en vue de maintenir l’état de fait et de sauvegarder [ses ] intérêts […] » étaient prononcées contre la décision du 8 juillet 2024 ; les parties devaient être entendues puis des mesures provisionnelles prononcées pour « sauvegarder [s]es créances – actuellement gelées – […] relatives à des contrats valablement conclus par elle avec des tiers au cours des trois années précédentes » ; l’Hospice général devait être appelé en cause ;
qu’elle n’était certes plus recevable à demander la restitution de l’effet suspensif suite à son malencontreux oubli de payer à temps l’avance de frais, mais cela n’empêchait pas la chambre administrative de l’octroyer sua sponte ; des clients réguliers avaient déclaré suspendre leurs paiements pour des travaux pourtant régulièrement commandés et exécutés à leur entière satisfaction, au motif qu’ils avaient été informés qu’elle figurait sur la liste des entreprises en infraction tenue par l’OCIRT ; il n’était pas normal, et telle ne pouvait avoir été l’intention du législateur, que des tiers, sans connaître l’affaire divisant les parties, s’estiment autorisés du jour au lendemain à ne pas payer des factures échues pour des périodes antérieures au 8 juillet 2024 ;
qu’au fond, la décision était arbitraire, l’OCIRT ayant refusé toutes les offres de preuves et n’ayant pas justifié la rigidité confinant à l’arbitraire avec laquelle il avait refusé d’ordonner la production par la B______, dénonciatrice, de l’intégralité de son dossier, laquelle aurait pourtant pu l’éclairer sur les faits de la cause, et tout particulièrement sur les soi-disant heures supplémentaires offertes par centaines selon une ancienne employée ; pour la même raison, elle avait été victime d’un excès par l’OCIRT de son pouvoir d’appréciation ;
qu’elle disposait de nombreux témoignages démontrant l’inanité des reproches de l’OCIRT, les faits ayant été établis de manière erronée ; elle produisait un courriel de C______ (C______@ville-ge.ch) du 15 juillet 2024 à D______ (D______@geneve.ch), avec l’objet « VdG Démat 1 – Message interne service » et le texte suivant : « Bonjour, Le service de la CMAI nous informe que ce partenaire Association A______ à E______ (1______) est sur la liste d’infractions de l’OCIRT. De ce fait, cette facture ne peut être traitée pour paiement. À disposition et meilleures messages. » ; ce courriel lui était transmis le même jour (associationA______@outlook.com) par D______, avec le texte suivant : « Monsieur E______, À la suite de notre entretien téléphonique de ce jour je me permets de vous faire suivre le mail de la CMAI afin que vous puissiez nous confirmer la régularisation de votre position vis-à-vis de l’OCIRT […] » ;
que la chambre administrative a déclaré ce second recours irrecevable par arrêt du 1er octobre 2024, le litige ayant été purgé par le précédent arrêt d’irrecevabilité ;
que par arrêt 2C_553/2024 du 7 mai 2024, le Tribunal fédéral a annulé l’arrêt de la chambre administrative du 1er octobre 2024 et lui a renvoyé la cause pour qu’elle entre en matière sur le recours, sous réserve des autres conditions de recevabilité ;
que le 12 juin 2025, l’OCIRT s’est référé à sa détermination du 29 juillet 2024 par laquelle il s’opposait à la restitution de l’effet suspensif ;
que le 25 juin 2025, A______ a persisté dans ses conclusions sur mesures provisionnelles, lesquelles demeuraient d’actualité, dès lors qu’elle persistait à subir un dommage très grave du fait de la fermeture aux marchés publics que lui avait imposée l’OCIRT ;
que le 26 juin 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;
Considérant, en droit, que le recours a été interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) ;
que les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement par un ou une juge (art. 21 al. 2 LPA ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 20 juin 2020) ;
qu’aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3) ;
que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/288/2021 du 3 mars 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020) ;
qu’elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, p. 265) ;
que l’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405 du 18 septembre 2018) ;
que lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution ; elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire ; la restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;
que selon l’art. 25 LIRT, sont soumises au respect des usages les entreprises pour lesquelles une disposition légale, réglementaire ou conventionnelle spéciale le prévoit (al. 1) ; les entreprises soumises au respect des usages peuvent être amenées à signer auprès de l’OCIRT un engagement à respecter les usages lorsque cela est prévu par le dispositif ou lorsque l’entité concernée le demande ; que l’OCIRT délivre à l’entreprise l’attestation correspondante, d’une durée limitée (al. 3) ;
que selon l’art. 45 al. 1 LIRT, lorsqu'une entreprise visée par l'art. 25 LIRT ne respecte pas les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage ou le salaire minimum prévu à l'article 39K LIRT, l'OCIRT peut prononcer : (a) une décision de refus de délivrance de l'attestation visée à l'art. 25 LIRT pour une durée de trois mois à cinq ans, étant précisé que la décision est immédiatement exécutoire ; (b) une amende administrative de CHF 60'000.- au plus ; (c) l'exclusion de tous marchés publics pour une période de cinq ans au plus ;
qu’en l’espèce, le refus de délivrance de l’attestation de l’art. 25 LIRT est exécutoire nonobstant recours par l’effet même de la loi (art. 45 al. 1 let. a in fine LIRT) ;
que la recourante fait valoir le grave dommage qu’elle subirait du fait de la mesure qu’elle conteste ; qu’elle ne mentionne toutefois que le paiement d’une facture, par la Ville de Genève, dont elle n’indique pas le montant ni la contrepartie, et ne démontre ni d’ailleurs n’allègue qu’elle serait exclue de marchés publics avec un préjudice chiffré, et que ce préjudice mettrait par son importance son existence en péril, alors qu’il lui est loisible de prouver ces allégations par pièces (contrats, comptabilité sur plusieurs années) ;
que la recourante se plaint que des tiers refuseraient d’honorer des prestations qu’elle aurait accomplies avant la décision querellée ; que les mesures prononcées par l’OCIRT déploient cependant leurs effets pour le futur, et que les litiges évoqués par la recourante semblent relever du droit des contrats et de la poursuite en paiement, lesquels sont de la compétence du juge civil ;
qu’ainsi la recourante n’établit pas d’intérêt privé qui prévaudrait sur l’intérêt public au respect de la LIRT et du salaire minimum et à l’entrée en force immédiate du refus de délivrer l’attestation telle que voulue par le législateur ;
que les chances du recours n’apparaissent par ailleurs pas, à ce stade de la procédure et sans préjudice de l’examen du fond, manifestes ;
qu’au vu de ce qui précède, la requête de restitution de l’effet suspensif au recours sera rejetée ;
qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec la décision sur le fond ;
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;
réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;
communique la présente décision à l’ASSOCIATION A______ ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.
La vice-présidente :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN
Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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