Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/615/2025 du 03.06.2025 ( AMENAG ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/125/2025-AMENAG ATA/615/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 3 juin 2025 |
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Jean-Marc SIEGRIST, avocat
contre
COMMISSION FONCIÈRE AGRICOLE intimée
A. a. A______ est propriétaire de la parcelle n° 629 de la commune de B______ (ci-après : la commune), au chemin des C______, d’une superficie de 4'135 m2, entièrement sise en zone agricole à l’exception de la partie (de 289 m2, ou 7% de la parcelle) bordant le cours d’eau de la Drize sur le côté est de la parcelle, sise en zone de bois et forêts.
b. Le 2 novembre 2021, il a adressé à la commission foncière agricole (ci‑après : CFA) une demande de désassujettissement de la parcelle de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11).
Elle n’avait jamais été affectée à l’agriculture et n’était pas inventoriée en surface d’assolement. Il en était propriétaire depuis 1996 et la louait depuis 2003 à D______ pour l’usage de « jardinage, loisirs et détente ». En 2021, l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC) du département du territoire (ci‑après : le département) avait ouvert une procédure contre D______ en raison de la présence de constructions et installations non conformes à la zone agricole (cabanons, tables, chaises longues, matériel de jardin, clôture). En 2021, il était entré en pourparlers avec la commune pour lui vendre la parcelle, que celle-ci souhaitait rendre à la nature, pour un prix de CHF 50'000.-. La constatation du non‑assujettissement de la parcelle était une condition de la conclusion de la vente.
c. Le 29 novembre 2021, la CFA a effectué un transport sur place et constaté que la parcelle était située le long de la Drize, n’avait jamais été cultivée et était prétéritée par l’ombre des arbres situés le long du fleuve (sic), jouxtait des parcelles fortement boisées et en jachère, que la commune était à nouveau intéressée par son acquisition pour l’aménager en espace de détente et que la CFA avait précédemment désassujetti une parcelle située dans le même périmètre et pour le même motif en 2015 (dossier 1______).
d. Par ordonnance préparatoire n° 1 du 7 décembre 2021, la CFA a constaté que la parcelle était située en zone agricole et assujettie à la LDFR, indiqué qu’elle préavisait favorablement l’opération projetée à la suite du transport sur place du 29 novembre 2021, qu’elle se prononcerait définitivement sur la requête lorsqu’elle aurait reçu la décision fondée sur le droit de l’aménagement du territoire et a transmis le dossier à l’OAC pour décision au sens de l’art. 4a de l’ordonnance sur le droit foncier rural du 4 octobre 1993 (ODFR - RS 211.412.110).
e. Le 13 mai 2022, l’OAC a proposé de constater que quatorze constructions avaient été érigées et/ou transformées sans autorisation, dont deux avant 1991 et le reste après 2002 selon le propriétaire, une procédure d’infraction étant par ailleurs en cours.
f. Par ordonnance préparatoire n° 2 du 5 juillet 2022, la CFA a invité A______ à lui transmettre l’attestation de l’entrée en force de la décision du 13 mai 2022.
g. Le 12 juillet 2022, A______ a transmis à la CFA une copie de la décision de l’OAC du 13 mai 2022 munie du timbre du Tribunal administratif de première instance attestant qu’elle n’avait fait l’objet d’aucun recours.
h. Par ordonnance préparatoire n° 3 du 13 septembre 2022, la CFA a pris note que la décision du 13 septembre 2022 de l’OAC était entrée en force et décidé que, comme aucune des constructions n’avait été autorisée et qu’une procédure d’infraction était en cours, elle suspendait l’instruction du dossier jusqu’à régularisation de la situation telle que demandée par le département.
i. Par courrier du 20 octobre 2022 adressé à l’OAC et à la CFA, A______ s’est étonné de la suspension par la CFA de la procédure, qui empêchait la constatation du non-assujettissement de sa parcelle à la LDFR.
j. Le 23 novembre 2022, le département a écrit à la CFA, l’invitant à prendre une décision dans les meilleurs délais, compte tenu de son rapport du mois de mai 2022 et de l’engagement du futur propriétaire.
k. Le 30 novembre 2022, la CFA a indiqué à A______ qu’elle maintenait la suspension prononcée et réservait sa décision sur le désassujettissement, une fois que la situation aurait été régularisée et après avoir le cas échéant accompli un transport sur place.
L’art. 4a al. 2 ODFR prévoyait que l’autorité compétente en matière d’autorisation au sens de la LDFR ne se prononce que s’il existait une décision exécutoire fondée sur le droit de l’aménagement du territoire et constatant la légalité de l’affectation de la construction ou de l’installation. La décision de l’OAC constatait au contraire qu’aucun objet érigé sur la parcelle n’avait été autorisé.
l. Le 2 décembre 2022, A______ a demandé à la CFA de revoir sa position.
La commune ne partageait pas son analyse. L’art. 4a ODFR avait pour but d’imposer aux autorités compétentes en matière de droit foncier rural respectivement de droit des constructions de coordonner leurs procédures. Cette coordination était limitée et n’exigeait pas que la CFA attende une régularisation de la situation – cette mesure ressortissant aux seules compétences de l’OAC – mais exigeait uniquement une décision exécutoire fondée sur le droit de l’aménagement du territoire. L’OAC avait rendu une telle décision le 13 mai 2022, la CFA avait requis une attestation du caractère exécutoire de celle-ci et le département avait invité la CFA à statuer le 23 novembre 2022.
m. Le 21 décembre 2022, la CFA a maintenu sa décision.
Aucune décision n’avait encore constaté la légalité des constructions érigées, de sorte qu’elle ne pouvait se prononcer sur le désassujettissement de la parcelle.
n. Par ordonnance préparatoire n° 4 du 16 avril 2024, la CFA a imparti à A______ un délai au 14 juin 2024 pour lui faire part de ses intentions, après quoi sa requête serait gardée à juger.
Aucun élément nouveau ne lui était parvenu depuis la fin de l’année 2022.
o. Le 17 mai 2024, A______ a indiqué au département que la parcelle était libre de toute construction, a joint un rapport photographique et lui a demandé un « retour rapide » compte tenu du délai que lui avait imparti la CFA.
p. Le 31 mai 2024, le département a accusé réception de ces éléments et indiqué à A______ qu’il procédait au classement du dossier d’infraction 2______ et que l’affaire « trouv[ait] ici son terme ».
q. Le 4 juin 2024, A______ a demandé à la CFA de prononcer le désassujettissement de sa parcelle.
Celle-ci avait été remise en état, ce dont attestait le reportage photographique qu’il annexait, et le département avait classé la procédure d’infraction.
r. Le 18 juin 2024, la CFA a procédé à un transport sur place.
Les constatations faites lors du précédent transport sur place du 29 novembre 2021 étaient confirmées. La parcelle ne comportait plus aucune installation. L’accès se faisait par un portail.
s. Par ordonnance préparatoire n° 5 du 3 septembre 2024, la CFA a transmis à A______ le procès-verbal du transport sur place du 18 juin 2024 et l’a invité à se déterminer.
t. Le 1er novembre 2024, A______ et la commune ont persisté dans leur demande de désassujettissement du droit foncier rural de la parcelle.
u. Par décision du 12 novembre 2024, la CFA a rejeté la requête de désassujettissement.
La parcelle était désormais libre de toute construction et était par conséquent appropriée à l’agriculture.
B. a. Par acte remis à la poste le 14 janvier 2025, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et au prononcé du désassujettissement de la parcelle. Préalablement, un transport sur place devait être ordonné.
La parcelle accueillait de très nombreux arbres, non seulement aux abords de la Drize mais également à proximité de ses diverses limites. Un quart seulement de sa surface constituait une sorte de clairière. En raison de sa localisation enclavée, de sa proximité avec la Drize et des peuplements boisés environnants, elle n’avait jamais été affectée à l’agriculture, comme en attestaient les images aériennes de 1932, 1972 et 2005 qu’il produisait. La commune souhaitait l’acheter pour en faire une zone de verdure et de loisirs.
Son droit d’être entendu avait été violé. Il ressortait de ses échanges avec la CFA que le seul obstacle à l’admission de sa requête résidait dans la mise en conformité de la parcelle. La requête établissait que la parcelle n’était objectivement et subjectivement pas appropriée à l’agriculture et la CFA n’était jamais revenue sur ce point, se concentrant sur l’assainissement de la parcelle. Elle avait rendu sa décision sans lui donner l’occasion de s’expliquer de manière complète sur les éléments propres à influer sur l’issue de la procédure. Elle n’avait exposé aucune motivation à l’appui de sa décision. Le motif que la parcelle serait désormais adaptée à l’agriculture n’était aucunement suffisant. La CFA disposait d’une importante marge d’appréciation lui imposant une obligation de motivation accrue.
La décision violait le principe de la bonne foi. La CFA avait préavisé favorablement sa requête, mais s’était réservé le droit de se prononcer définitivement une fois la décision du département rendue. Alors même que le département n’avait pas rendu de décision subséquente visant l’assainissement de la parcelle, la CFA lui avait demandé de régulariser la situation, laissant entendre qu’une décision définitive favorable était subordonnée à cette condition. Il s’était ainsi exécuté. En rejetant ensuite sa requête au motif que la parcelle était propre à l’agriculture, la CFA avait commis une violation crasse du principe de la bonne foi.
La décision violait la loi. La parcelle n’était pas appropriée à l’agriculture et à l’horticulture, en raison de sa situation, de son arborisation et de son humidité, ce qu’un transport sur place pourrait confirmer. À sa connaissance, la parcelle n’avait jamais été exploitée et il n’avait lui-même aucune intention de l’exploiter à l’avenir.
b. Le 24 février 2025, la CFA a conclu au rejet du recours.
L’ordonnance préparatoire n° 1 avait été rendue avant que le département n’ouvre une procédure, dont la CFA devait attendre l’issue, issue à laquelle elle devait ensuite adapter son appréciation. Elle n’était pas compétente en droit des constructions et de l’aménagement du territoire et ne pouvait préjuger de l’issue de la procédure devant le département. Le recourant ne pouvait considérer les ordonnances préparatoires comme des assurances données. Il ne pouvait pas non plus faire grief à la CFA d’avoir dû régulariser une situation sous l’angle du droit de la construction et de l’aménagement du territoire.
La parcelle disposait d’une couche de terre suffisante pour produire de la végétation. Débarrassée de ses constructions illicites, elle avait retrouvé son état naturel et aucun motif ne permettait de remettre en cause son caractère approprié à l’usage agricole.
La parcelle ne pouvait être exploitée durant de nombreuses années en raison de l’usage illicite qui en avait été fait depuis au moins 2004, année durant laquelle des constructions non autorisées étaient apparues. Dès lors que des constructions illégales avaient été édifiées sans droit, la condition de la composante subjective de l’absence d’usage agricole ne pouvait être remplie. Autoriser le désassujettissement au seul motif que le recourant s’était conformé aux ordres de l’inspecteur des constructions reviendrait à récompenser une utilisation non-agricole illégale d’un terrain agricole pendant environ vingt ans.
c. Le 31 mars 2025, le recourant a persisté dans ses conclusions.
La CFA ne lui avait pas dit de quelle manière elle tiendrait compte de l’issue de la procédure devant le département. Sa décision finale constituait un revirement manifestement contraire à la bonne foi.
La parcelle constituait en réalité une petite clairière entourée d’arbres. Elle n’avait jamais fait l’objet d’une exploitation agricole depuis 1932, et n’avait jamais suscité d’intérêt de la part des agriculteurs, sa surface et sa situation ne permettant pas une rentabilité suffisante. Il pouvait être conclu qu’elle ne serait jamais propre à l’agriculture et ne ferait jamais l’objet d’un usage agricole.
d. Le 2 avril 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
e. Les images du système d’information du territoire genevois (ci-après : SITG) montrent que les parcelles à l’est, au sud et à l’ouest de la parcelle objet de la présente procédure sont cultivées jusqu’aux dernières images de 2023 – à l’exception de la parcelle n° 2'143 directement adjacente au sud. La parcelle n° 630, adjacente au nord, a apparemment été cultivée jusqu’à la fin des années 1980, puis a contenu jusqu’aux dernières images de 2023 deux serres ainsi que plusieurs petites constructions. La parcelle suivante au nord, n° 631, a également été cultivée jusqu’à la fin des années 1980. Les contours d’une culture sont visibles sur l’image de mars 2005 et la même surface a été travaillée sur l’image de juin 2009.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 13 loi d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 16 décembre 1993 - LaLDFR - M 1 10 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. À titre préalable, le recourant conclut à ce qu’un transport sur place soit ordonné.
2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).
2.2 En l’espèce, la CFA s’est déjà rendue à deux reprises sur place, les 29 novembre 2021 et 18 juin 2024, et a consigné ses observations dans un procès-verbal, notant que l’état de la parcelle n’avait pas changé entre les deux visites. Le recourant s’est vu offrir l’occasion de se déterminer à plusieurs reprises devant la CFA puis la chambre de céans et il a décrit la parcelle et les qualités qu’il lui attribue. Les éléments nécessaires à la détermination de la qualité du sol figurent à la procédure et ne sont pas contestés. La situation de la parcelle, sa proximité avec la Drize et la présence de végétation sont établies par les illustrations versées au dossier et par les plans et images du SITG. Il n’est enfin pas contesté que la parcelle est désormais libre de toute construction ou installation illicite. On ne voit pas dans ces circonstances, quels constats supplémentaires utiles à la solution du litige la chambre de céans pourrait faire sur place.
Il ne sera pas donné suite à la demande d’acte d’instruction.
3. Dans un premier grief, d’ordre formel, le recourant se plaint de la violation de son droit d’être entendu.
3.1 Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. comprend également le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_157/2018 du 28 mai 2018 consid. 3.1 et les références citées).
3.2 Le droit d’être entendu implique par ailleurs pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit qu’elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de sa portée et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 143 III 65 consid. 5.2). L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 83 consid. 4. 1). Elle ne doit pas se prononcer sur tous les arguments (arrêt du Tribunal fédéral 2C_286/2022 du 6 octobre 2022 consid. 6.3 et les arrêts cités). La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_586/2021 du 20 avril 2022 consid. 2.1).
3.3 En l’espèce, le recourant se plaint de n’avoir connu, et partant pu se déterminer à son sujet, l’intention de la CFA de rejeter sa requête. Il se plaint également de l’insuffisance de la motivation de la décision.
Il a pu faire valoir son point de vue devant la CFA à plusieurs reprises et produire toute pièce utile. La CFA a indiqué dans ses ordonnances préparatoires successives qu’elle attendait la décision en matière de droit de la construction et de l’aménagement pour se déterminer. Le recourant connaissait tous les faits pertinents ainsi que les normes applicables et était en mesure de déterminer sur le bien‑fondé de sa requête, ce qu’il a fait une dernière fois à l’invitation de l’intimée avant que celle-ci ne rende la décision contestée. L’intimée, qui statuait à la demande du recourant, n’avait pas pour le surplus l’obligation de lui indiquer dans quel sens elle envisageait de décider.
La décision attaquée est, certes, motivée sommairement. Mais cette motivation suffit, dès lors qu’elle désigne la raison pour laquelle la requête a été rejetée, savoir que la parcelle est adaptée à l’agriculture. Le recourant l’a d’ailleurs comprise, puisqu’il l’a critiquée dans son recours.
Le grief sera écarté.
4. Le litige a pour objet le refus de la CFA de désassujettir la parcelle du recourant.
4.1 En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l'espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; ATA/349/2021 du 23 mars 2021 consid. 3).
4.2 La LDFR a pour but notamment d’encourager la propriété foncière rurale et en particulier de maintenir des entreprises familiales comme fondement d’une population paysanne forte et d’une agriculture productive, orientée vers une exploitation durable du sol, ainsi que d’améliorer les structures (art. 1 al. 1 let. a LDFR ; Yves DONZALLAZ, Pratique et jurisprudence du droit foncier rural 1994-1998, n. 497 p. 192) ; de renforcer la position de l’exploitant à titre personnel, y compris celle du fermier, en cas d’acquisition d’entreprises et d’immeubles agricoles (let. b), et de lutter contre les prix surfaits des terrains agricoles (let. c).
4.2.1 La LDFR s'applique aux immeubles agricoles isolés ou aux immeubles agricoles faisant partie d'une entreprise agricole qui sont situés en dehors d'une zone à bâtir au sens de l'art. 15 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700 ; art. 2 let. a LDFR) et dont l'utilisation agricole est licite (let. b).
4.2.2 L’art. 84 LDFR prévoit que celui qui y a un intérêt légitime peut en particulier faire constater par l’autorité compétente en matière d’autorisation si (a) une entreprise ou un immeuble agricole est soumis à l’interdiction de partage matériel, à l’interdiction de morcellement, à la procédure d’autorisation ou au régime de la charge maximale ou (b) l’acquisition d’une entreprise ou d’un immeuble agricole peut être autorisée.
4.2.3 La LaLDFR s’applique aux immeubles, qu’il s’agisse de bâtiments ou de biens-fonds situés dans la zone agricole au sens de l’art. 20 LAT (art. 2 al. 1 LaLDFR). Elle prévoit que les immeubles situés en zone agricole qui ne sont pas appropriés à un usage agricole ou horticole sont exclus du champ d’application de la présente loi par décision de l’autorité compétente (art. 3 al. 1 LaLDFR), soit la CFA (art. 10 let. f LaLDFR).
4.2.4 Selon l'art. 6 al. 1 LDFR, est agricole l'immeuble approprié à un usage agricole ou horticole (ATF 132 III 515 consid. 3.2 ; 128 III 229 consid. 2), à savoir celui qui, par sa situation et sa composition, peut être exploité sous cette forme (ATF 139 III 327 consid 2.1 ; Eduard HOFER, in Christoph BANDLI et al., Le droit foncier rural, Commentaire de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991, 1998, n. 7 ss ad art. 6 LDFR). En faisant abstraction des aires forestières, toutes les surfaces qui ne sont pas boisées et qui disposent d'une couche de terre suffisante pour produire de la végétation se prêtent à un usage agricole (ATF 139 III 327 consid. 2.1 ; Yves DONZALLAZ, op. cit., p. 49). Parmi celles‑ci, on trouve les prairies, les champs, les surfaces cultivables, les cultures fruitières et les pâturages (arrêts du Tribunal fédéral 2C_14/2020 du 18 juin 2020 consid. 5.1 ; 2C_1068/2019 du 26 mai 2020 consid. 2.1). Cette notion est identique à celle des terrains se prêtant à une exploitation agricole au sens de l'art. 16 al. 1 LAT (ATF 125 III 175 consid. 2b).
4.2.5 Si, du point de vue des plans d'affectation locaux, l'on admet qu'un immeuble non bâti est potentiellement soumis au régime de la LDFR, il conviendra encore d'examiner dans quelle mesure l'immeuble concerné est effectivement approprié à une utilisation agricole. Dès lors, ce n'est pas seulement l'admissibilité de l'utilisation agricole au sens de la LAT qui doit être donnée, mais aussi l'aptitude concrète d'un immeuble à cette utilisation (Yves DONZALLAZ, Traité de droit agraire suisse : droit public et droit privé, vol. 2, 2006, n. 2033 p. 176).
4.2.6 La caractéristique de l'aptitude est d'abord d'ordre objectif (ATF 139 III 327 consid. 2.1). Elle est néanmoins tempérée par une composante d'ordre subjectif, à savoir la prise en compte de l'usage effectif qui est fait de l'immeuble. Cette composante ne revêt qu'une portée subsidiaire. Elle ne doit pas conduire à contourner la LDFR (ATF 139 III 327 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A.2/2007 du 15 juin 2007 consid. 3.4 ; 5A.14/2006 du 16 janvier 2007 consid. 2.2.3). Dès lors qu'elle est de nature à faire perdre au terrain sa nature agricole, elle ne peut être déterminante qu'à trois conditions cumulatives strictes : l'usage non agricole doit durer depuis quelques dizaines d'années, il ne doit plus être envisageable pour l'avenir et les installations qui ont été érigées sur le terrain doivent l'avoir été de manière légale (ATF 139 III 327 consid. 2.2 et 3).
4.2.7 Dans un premier temps, l’usage non agricole doit durer depuis plusieurs années (ATF 139 III 327 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A.4/2000 du 1er septembre 2000 consid. 2b). Ce critère doit être appliqué de façon stricte afin d’éviter tout comportement abusif. Le Tribunal fédéral a renoncé à fixer cette durée de manière abstraite. Il a toutefois établi qu’elle ne saurait être inférieure à quelques dizaines d’années (ATF 139 III 327 consid. 3.1). En particulier, un usage non agricole d’une dizaine d’années n’est pas suffisant (arrêt du Tribunal fédéral 5A.4/2000 précité consid. 2b).
4.2.8 Il faut ensuite que l’usage agricole ne soit pas non plus envisageable pour l’avenir. Dans ce cas, une approche concrète est privilégiée. Il faut en particulier que l’évaluation repose sur des éléments objectifs autres que la nature du sol. Le long usage non agricole passé permet souvent de présumer, à défaut d’éléments nouveaux, qu’il en sera de même pour l’avenir. Il suffit donc qu’un tel usage non agricole futur soit seulement vraisemblable (ATF 139 III 327 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A.4/2000 précité consid. 2b).
4.2.9 Le fait que l’environnement général soit agricole n’est pas propre, à lui seul, à empêcher la soustraction d’un immeuble au champ d’application de la LDFR. Il est ainsi insuffisant de retenir l’existence d’immeubles agricoles plus ou moins proches pour faire obstacle à la soustraction du champ d’application de la LDFR en partant de la présomption qu’un usage agricole futur demeure possible (ATF 139 III 327 consid. 4).
4.2.10 Est ainsi approprié à l’agriculture l’immeuble effectivement exploité selon un mode agricole et ne l’est pas celui qui, objectivement apte à un tel usage, n’a plus été utilisé pour l’agriculture depuis de nombreuses années et ne le sera vraisemblablement plus à l’avenir (Yves DONZALLAZ, Traité de droit agraire suisse, op. cit., p. 176-177). L’usage effectif n’est en résumé pas déterminant dans la mesure où il est récent. Par contre, son existence prolongée ferait perdre au terrain sa nature objectivement agricole (ATA/807/2012 du 27 novembre 2012 consid. 3b).
4.2.11 Selon l’art. 4a ODFR, dans la procédure d’octroi d’une dérogation à l’interdiction de partage matériel ou de morcellement de même que dans la procédure d’octroi d’une décision en constatation y relative ou de non-application de la LDFR, l’autorité compétente en matière d’autorisation au sens de cette loi transmet le dossier pour décision à l’autorité cantonale compétente en matière de construction hors de la zone à bâtir lorsqu’une construction ou une installation se trouve sur le bien-fonds concerné et qu’elle est située hors de la zone à bâtir au sens du droit de l’aménagement du territoire (al. 1). L’autorité compétente en matière d’autorisation au sens de la LDFR ne se prononce alors que s’il existe une décision exécutoire fondée sur le droit de l’aménagement du territoire et constatant la légalité de l’affectation de la construction ou de l’installation (al. 2). Il n’est pas nécessaire de procéder à la coordination des procédures s’il est évident (a) qu’aucune dérogation au sens de la LDFR ne peut être accordée ou (b) que le bien-fonds considéré doit rester soumis à la LDFR (al. 3).
4.2.12 La décision d'aménagement du territoire doit simplement précéder celle de droit foncier rural (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1208/2012 du 17 juillet 2013 consid. 5.2 ; 5A.22/2003 du 11 mars 2004 consid. 5.2). Dans sa décision, l'autorité d'aménagement du territoire approuve ou refuse l'utilisation hors zone à bâtir et crée ainsi la base en droit de l'aménagement du territoire pour la décision à rendre en droit foncier rural. De plus, l'art. 4a al. 2 ODFR exige que la décision en matière d'aménagement du territoire soit exécutoire au moment où l'autorité du droit foncier rural rend la sienne. Cela signifie que l'autorité compétente en droit foncier rural doit attendre non seulement qu'une décision en matière d'aménagement du territoire ait été rendue mais également que celle-ci soit entrée en force (arrêt du Tribunal fédéral 2C_747/2013 du 8 septembre 2014 consid. 4.2.1). Pour les constructions, installations et transformations entreprises illégalement, un délai pour déposer une demande d'autorisation de construire a posteriori sera en principe octroyé à la personne concernée. Si l'autorisation est refusée, l'ordre de rétablir l'état conforme au droit sera généralement prononcé. Compte tenu de ces éléments, il est impératif que l'autorité du droit foncier rural attende l'issue définitive de la procédure de droit des constructions et une décision exécutoire dans ce cadre pour rendre sa propre décision, comme cela est prévu à l'art. 4a al. 2 ODFR (arrêt du Tribunal fédéral 2C_458/2021 du 2 décembre 2021 consid. 4.4.1).
4.3 En l’espèce, la CFA a conclu que la parcelle était adaptée à l’agriculture.
Cette conclusion n’appelle aucune critique.
Le recourant ne conteste pas que la parcelle est pourvue d’une couche de terre arable suffisante. Il soutient toutefois qu’elle ne se prête pas à l’agriculture.
Il a exposé devant la CFA que la parcelle est trop humide pour être cultivée. Il a fait valoir qu’elle borde la Drize. Or, tel est le cas d’autres parcelles situées le long de cette rivière, qui sont cultivées. Il a fait valoir que la parcelle est bordée de haies d’arbres. Tel est également le cas de nombre des parcelles environnantes, pourtant cultivées.
Devant la chambre de céans, il fait valoir qu’un quart seulement de la surface de la parcelle constitue une sorte de clairière et qu’en raison de sa localisation enclavée, de sa proximité avec la Drize et des peuplements boisés environnants, elle n’a jamais été affectée à l’agriculture.
Or, la taille de la parcelle n’est en soi pas déterminante. Quant à sa situation, la parcelle se trouve certes entre deux haies d’arbres et en bordure d’une rivière, mais tel est également le cas des parcelles qui la jouxtent au nord et au sud, avec lesquelles elle communique par ailleurs sans obstacle. La parcelle au nord, qui ne semble pas être d’une superficie supérieure, accueille deux serres de taille importante, ainsi qu’il ressort du SITG, dont une à l’orée du cordon boisé côté Drize, ce qui confirme au besoin qu’elle est apte à la cultivation.
S’agissant de la condition subjective de l’usage effectif de l’immeuble, c’est à bon droit que la CFA a objecté au recourant qu’il ne pouvait pas se prévaloir de ce que sa parcelle n’avait pas été cultivée depuis longtemps dès lors qu’il l’avait lui-même mise à disposition d’un tiers pour un usage non agricole durant les deux dernières décennies, et que ce tiers y avait à son tour édifié des constructions sans autorisation et de manière non conforme à la 5e zone agricole. Le même raisonnement s’applique s’agissant d’établir que la parcelle ne sera jamais cultivée. Le recourant, qui l’a soustraite à l’agriculture et proposée à la commune, ne saurait le rendre vraisemblable.
C’est ainsi de manière conforme à la loi et sans excès ni abus de son pouvoir d’appréciation que l’intimée a conclu que la parcelle était adaptée à l’agriculture et a rejeté la requête de désassujettissement de la LDFR.
4.4 Le recourant se plaint encore de la violation du principe de la bonne foi.
4.4.1 Ancré à l'art. 9 Cst., et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de tout comportement propre à tromper l'administré et ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_596/2022 du 8 novembre 2022 consid. 8.1). Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 146 I 105 consid. 5.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_204/2022 du 21 mars 2023 consid. 5.1).
4.4.2 Il est vrai que la première ordonnance préparatoire, du 7 décembre 2021, indiquait que la CFA préavisait favorablement l’opération projetée à la suite du transport sur place du 29 novembre 2021.
Toutefois, la même ordonnance indiquait également – et expressément – que la CFA ne se prononcerait définitivement sur la requête que lorsqu’elle aurait reçu la décision fondée sur le droit de l’aménagement du territoire.
Si le recourant pouvait ainsi penser que la CFA voyait son projet d’un œil favorable et espérer une décision positive, il ne pouvait en revanche inférer de la position de la CFA ni promesse ni garantie d’un désassujettissement dès lors que la décision finale était expressément réservée.
À cela s’ajoute que dans ses ordonnances préparatoires suivantes, la CFA a réitéré qu’elle suspendait sa décision à la décision du département en matière de construction et d’aménagement mais n’a plus affirmé qu’elle préavisait favorablement l’opération projetée.
Le recourant ne prétend pas avoir pris de mesures concrètes, qui lui auraient porté préjudice, sur la base du comportement ou des promesses de l’autorité. Il fait certes valoir qu’il a débarrassé ou fait débarrasser la parcelle des constructions non autorisées et non conformes à la zone. Toutefois, le débarras lui avait été imposé après l’ouverture d’une procédure pour infraction par le département. Il suit de là que le recourant ne pourrait en toute hypothèse imputer à la CFA un préjudice résultant de son obligation de se conformer à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), la LAT et la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30).
La décision de la CFA, pour décevante qu’elle puisse être pour le recourant, apparaît cependant en tous points conforme à la loi et à la jurisprudence, ainsi qu’il a été vu plus haut et ne consacre pas de violation du principe de la bonne foi.
Le grief sera écarté.
Mal fondé, le recours sera rejeté.
5. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 14 janvier 2025 par A______ contre le la décision de la Commission foncière agricole du 12 novembre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;
dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Jean-Marc SIEGRIST, avocat du recourant, à la commission foncière agricole, à l'office fédéral du développement territorial (ARE), à l'office fédéral de la justice ainsi qu’à l'office fédéral de l'agriculture (OFAG).
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière-juriste :
M. MARMY
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| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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