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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1436/2025

ATA/624/2025 du 03.06.2025 ( FPUBL ) , ACCORDE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1436/2025-FPUBL ATA/624/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 3 juin 2025

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Fabrice COLUCCIA, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé

_________



Attendu, en fait, que :

1. A______ a été engagée le 1er novembre 1986 en qualité d'enseignante. Depuis le 1er septembre 1994, elle est maîtresse d'enseignement au sein du collège et école de commerce (ci-après : CEC) B______.

2. Le 4 septembre 2024, le directeur général de l'enseignement secondaire II du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci‑après : le département) a prononcé un blâme à son encontre pour avoir violé ses devoirs de fonction. En substance, il lui était reproché d'avoir participé le 1er mars 2024 à la diffusion de copies d'un courrier qui était adressé à la conseillère d'État en charge du département. Il a également été retenu qu'elle avait été convoquée au secrétariat de sa direction et qu'elle avait refusé de s'y rendre pour donner son cours.

3. Par décision du 17 mars 2025, déclarée exécutoire nonobstant recours, la conseillère d'État en charge du département a rejeté le recours formé par A______ à l'encontre de cette décision.

Les reproches retenus dans la décision du 4 septembre 2024 étaient exempts d'arbitraire et ladite décision était conforme au droit. Elle était également conforme au principe de la proportionnalité puisqu'il s'agissait de la sanction la plus basse dans l'échelle des sanctions.

4. Par acte du 24 avril 2025, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant, principalement, à son annulation et, préalablement, à la restitution de l'effet suspensif au recours.

En pratiquement 40 ans de carrière, elle avait toujours fait preuve d'un comportement exemplaire. Depuis l'arrivée d'une nouvelle directrice en septembre 2022, le CEC avait traversé de fortes turbulences, avec notamment des modifications des horaires des enseignants et l'imposition de diminutions de postes, sans concertation. En novembre 2023 déjà, avec l'aide de plusieurs collègues, elle avait signalé les problématiques en s'adressant notamment au groupe de confiance. Elle contestait avoir commis une erreur.

S'agissant de l'effet suspensif, le département ne motivait à aucun moment le prononcé exécutoire nonobstant recours qui ne figurait que dans le dispositif de la décision, ce qui devait conduire à l'admission de la requête en restitution de l'effet suspensif, le procédé étant choquant. Aucun intérêt public ne pouvait au demeurant être invoqué. À l'inverse, l'intérêt privé de la recourante à ne pas faire d'emblée l'objet d'une décision de sanction disciplinaire exécutoire, dont le caractère infamant lui portait à l'évidence préjudice, y compris moralement, était largement prépondérant.

5. Le 13 mai 2025, le département a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif. La recourante se contentait d'alléguer subir un préjudice moral en raison de l'exécution immédiate de la décision, ne fournissant aucun détail à ce sujet ni de preuve à l'appui. Il existait bien un intérêt public prépondérant, à savoir pour l'autorité de confirmer les griefs retenus à l'endroit de la recourante afin que les comportements incriminés ne se reproduisent plus. Il était par ailleurs indispensable pour le bon fonctionnement de l'établissement scolaire concerné que l'entrée en vigueur de la décision soit immédiate dans la mesure où les violations aux devoirs de service et de fonction retenus à l'endroit de la recourante concernaient le non-respect des initiatives et instructions émises par sa hiérarchie. Enfin, accorder l'effet suspensif au recours reviendrait à accorder les conclusions au fond.

6. Dans sa réplique du 23 mai 2025, la recourante a persisté dans ses conclusions, rappelant notamment que l'exécution immédiate de la décision porterait directement atteinte à sa réputation, risquant de la discréditer auprès de ses collègues et élèves, et que le département avait échoué à établir un intérêt public prépondérant justifiant une telle mesure.

7. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

Attendu, en droit, que :

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est, prima facie, recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Les décisions sur effet suspensif et sur mesures provisionnelles sont prises par le président de la chambre administrative, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un-e juge (art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020).

3. Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 LPA).

Lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA).

4. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/541/2025 du 14 mai 2025 ; ATA/795/2021 du 4 août 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020) ;

Elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3).

Lors de l'octroi ou du retrait de l'effet suspensif, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

5. La loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10) s'applique, notamment, aux membres du corps enseignant secondaire de l'instruction publique (art. 1 al. 4 LIP).

Aux termes de l'art. 123 LIP, les membres du personnel enseignant doivent observer dans leur attitude la dignité qui correspond aux missions, notamment d’éducation et d’instruction, qui leur incombent (al. 1). Ils sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (al. 2).

Les membres du personnel enseignant qui enfreignent leurs devoirs de service ou de fonction, soit intentionnellement, soit par négligence, peuvent faire l’objet de sanctions (art. 142 al. 1 LIP). Le blâme est la sanction la plus légère parmi celles prévues par cette disposition (art. 142 al. 1 let. a 1° LIP).

6. En l'espèce, la décision querellée n’indique pas pour quels motifs la décision a été déclarée exécutoire nonobstant recours.

Dans sa réponse, l'intimé a invoqué l'intérêt public au bon fonctionnement de l'établissement scolaire concerné et à ce que les griefs retenus à l'endroit de la recourante soient confirmés afin que les comportements incriminés ne se reproduisent plus.

Le fait que la recourante fasse l'objet d'une procédure disciplinaire paraît suffisant pour prévenir la récidive. À l'inverse, en cas d'exécution immédiate de la sanction, il pourrait en être déjà tenu compte à titre d'antécédent alors que la décision querellée n'est pas en force. Ceci risquerait de vider de facto le présent recours de son objet qui est justement de contrôler la légalité et la proportionnalité de la sanction infligée. Il n’y a par ailleurs pas d’urgence à déclarer immédiatement exécutoire la décision attaquée.

Au vu de ce qui précède, et sans préjudice de l'examen au fond du litige, l’intérêt privé de la recourante à ne pas faire l'objet d'un blâme, la plus légère des sanctions disciplinaires, avant que la chambre de céans n'ait examiné son bien-fondé, l'emporte sur les intérêts publics invoqués par l'intimé.

Partant, il convient de restituer l’effet suspensif au recours.

5. Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

restitue l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Fabrice COLUCCIA, avocat de la recourante ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

 

La vice-présidente

 

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :