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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3197/2024

ATA/77/2025 du 17.01.2025 ( PRISON ) , SANS OBJET

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3197/2024-PRISON ATA/77/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 janvier 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Cédric KURTH, avocat

contre

ÉTABLISSEMENT FERMÉ LA BRENAZ intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ était incarcéré à l’établissement fermé La Brenaz (ci-après : l’établissement ou La Brenaz).

b. Selon un rapport d’incident du 30 août 2024, A______ aurait refusé de se rendre au travail.

Il a indiqué à 07h15 qu’il avait du mal à se déplacer et qu’il avait le genou gonflé. Il n’avait pas dormi de la nuit et avait écrit au « médical ». Dans sa déclaration d’incident de 15h35, il indiquait avoir mal aux dents et trop de douleurs qu’« ils ne veulent pas enlever ». Il indiquait également avoir mal à la cheville depuis deux ans sans que rien ne soit fait à ce propos.

c. Une décision de sanction, sous forme de suppression des activités de formation, sports, loisirs et repas en commun pour une durée de 15 jours, à compter du 30 août 2024, lui a été notifiée pour refus de travailler.

B. a. Par acte du 30 septembre 2024, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à l’annulation de la décision du 30 août 2024, l’allocation d’une indemnité pour le tort moral pour la suppression des quinze jours d’activité et de repas communs, à raison de CHF 100.‑/jour.

Il avait refusé de se rendre au travail en raison de son état de santé dégradé, notamment sa dentition, qui le faisait souffrir. La situation était attestée depuis le début de l’année 2024 et était connue de la direction de l’établissement. Sa dentition était partielle et pourrie, comme en attestait le certificat médical du 22 janvier 2024, indiquant notamment qu’il paraissait important que A______ puisse bénéficier rapidement d’une prise en charge dentaire complète et adaptée du fait de ses douleurs dentaires chroniques et invalidantes.

L’autorité avait violé ses droits fondamentaux, soit la dignité humaine (art. 7 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst. - RS 101]), l’égalité (art. 8 Cst.), la garantie de la bonne foi (art. 9 Cst.), ainsi que les art. 35 et 36 Cst. qui imposaient notamment à la direction de La Brenaz de respecter les droits fondamentaux de la population fragilisée qui lui était confiée.

Par ordonnance du 13 septembre 2024, le Tribunal d’application des peines et mesures (ci-après : TAPEM) lui avait accordé sa libération conditionnelle et avait ordonné sa mise en liberté à compter du 16 septembre 2024.

Dans ses considérants, le TAPEM avait désavoué la direction de La Brenaz. « […] son comportement inadéquat en prison se limite à ses comportements vis‑à‑vis du personnel médical (propos inadéquats et insultes) qui à son sens ne considère pas suffisamment ses souffrances et besoins, en se limitant à chercher à réduire la douleur, sans plus. Sans justifier ces comportements, il faut bien retenir que les problèmes dentaires du cité sont importants et peuvent causer de fortes douleurs et expliquer les refus de travailler ».

b. La Brenaz a conclu au rejet de la demande d’indemnité et du recours, A______ ayant obtenu une libération conditionnelle et n’ayant dès lors plus d’intérêt actuel à l’annulation de la décision.

c. Dans sa réplique, A______ a indiqué que sa libération conditionnelle ne péjorait en rien son intérêt actuel à recourir. Il avait un intérêt privé à recourir et droit à justice rendue et de percevoir une indemnisation. Il y avait aussi un intérêt public à ce que de telles pratiques choquantes ne se reproduisent plus. Une libération conditionnelle ne pouvait en outre être considérée comme définitive. Dans le cadre d’une autre affaire, il n’était en effet pas à exclure qu’il doive réintégrer La Brenaz.

d. Le 5 décembre 2024, A______ a indiqué ne pas souhaiter de suspension de la procédure jusqu’à droit jugé de de son recours dans la cause A/2250/2024 par devant le Tribunal fédéral. Cette cause concerne un arrêt de la chambre administrative déclarant irrecevable du fait de sa libération le recours interjeté par A______ contre une autre sanction prononcée par la prison à son encontre.

e. Se déterminant dans le délai imparti, l’établissement a indiqué s’en rapporter à la justice quant à cette question.

f. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

g. Il ressort de l’extrait du jugement ordonnant la libération conditionnelle du recourant produit par ce dernier, que celui-ci entend se rendre à Lyon où il peut bénéficier de l’aide de sa nièce.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant a été mis en liberté et a quitté la Brenaz le 16 septembre 2024, ce qui pose la question de son intérêt actuel au recours.

2.1 Aux termes de l’art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; ATA/1272/2017 du 12 septembre 2017 consid. 2b).

2.2 Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1) ; si l’intérêt s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4).

2.3 Il est toutefois exceptionnellement renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 140 IV 74 consid. 1.3 ; 139 I 206 consid. 1.1) ou lorsqu’une décision n’est pas susceptible de se renouveler mais que les intérêts des recourants sont particulièrement touchés avec des effets qui vont perdurer (ATF 136 II 101 ; 135 I 79). Cela étant, l’obligation d’entrer en matière sur un recours, dans certaines circonstances, nonobstant l’absence d’un intérêt actuel, ne saurait avoir pour effet de créer une voie de recours non prévue par le droit cantonal (ATF 135 I 79 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_133/2009 du 4 juin 2009 consid. 3).

2.4 La jurisprudence a toutefois admis que l’autorité de recours doit entrer en matière même s’il n’existe plus d’intérêt actuel et pratique au recours lorsque la partie recourante invoque de manière défendable un grief fondé sur la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 ; 139 I 206 consid. 1.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1028/2021 du 16 novembre 2022 consid. 1.2 ; ATA/460/2023 du 2 mai 2023 consid. 3.2).

3.             En l’espèce, le recourant a été libéré le 16 septembre 2024.

Il ne fait valoir aucun grief de violation de ses droits de rang conventionnel.

En application de la jurisprudence constante de la chambre de céans, il n’y a dès lors aucune raison de passer outre l’exigence de l’intérêt actuel (ATA/765/2023 du 13 juillet 2023 ; ATA/672/2023 du 21 juin 2023 ; ATA/575/2023 du 1er juin 2023).

Par ailleurs, il ne peut être entré en matière sur les conclusions en indemnisation des conditions de détention illicites, celles-ci relevant des normes ordinaires en matière de responsabilité de l'État (ATF 141 IV 349 consid. 4.3 ; ATA/498/2021 du 11 mai 2021 consid. 2c ; ATA/735/2022 du 14 juillet 2022 consid. 6c ; ATA/667/2022 du 24 juin 2022). La chambre de céans n'est ainsi pas compétente pour connaître de ces prétentions, qui relèvent de la compétence du Tribunal civil de première instance.

Vu ce qui précède, le recours a perdu son objet en cours de procédure, ce qu’il y a lieu de constater, et la cause devra être rayée du rôle.

4.             Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

dit que le recours interjeté le 30 septembre 2024 par A______ contre les décisions de l’établissement fermé de la Brenaz du 30 août 2024 est devenu sans objet ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Cédric KURTH, avocat du recourant, ainsi qu'à l'établissement fermé La Brenaz.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. SPECKER

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :