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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1093/2024

ATA/1388/2024 du 26.11.2024 sur JTAPI/692/2024 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1093/2024-PE ATA/1388/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 novembre 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Jean ORSO, mandataire professionnellement qualifié

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 juillet 2024 (JTAPI/692/2024)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1988, est ressortissant du Kosovo.

Il est père de deux enfants, B______, né le ______ 2020 et C______, né le ______ 2022, issus de son union avec D______, née le ______ 1974, de nationalité kosovare, qu’il a épousée de manière coutumière au Kosovo en 2019. Les enfants sont nés en Suisse.

b. Le 15 juin 2017, A______ a été interpellé par le corps des gardes-frontière. Lors de son audition du même jour, il a déclaré séjourner en Suisse depuis 2012.

c. Par décision du 12 septembre 2017, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé son renvoi de Suisse. Cette décision a été publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 11 décembre 2017.

d. Il a été condamné, le 20 septembre 2017, par le Ministère public genevois (ci‑après : MP) à une peine pécuniaire de 100 jours-amende d’un montant de CHF 30.‑ le jour assortie du sursis pour infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; anciennement loi fédérale sur les étrangers - LEtr), puis le 28 juillet 2018, à une peine pécuniaire de 90 jours‑amende d’un montant de CHF 30.- le jour pour infractions à la LEtr.

e. Par décision du 1er décembre 2017, le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé à son encontre une interdiction d’entrée en Suisse, valable jusqu’au 20 novembre 2020.

f. Le 28 juillet 2018, A______ a été interpellé par le corps des gardes‑frontière.

Lors de son audition, il a notamment déclaré être arrivé pour la première fois en Suisse en 2009, puis y être revenu le 20 juin 2018.

B. a. Le 21 décembre 2018, A______ a formé auprès de l’OCPM une demande d’autorisation de séjour.

Il a notamment produit un formulaire « Papyrus » indiquant une arrivée en Suisse en 2008, des fiches de salaire de la société E______ pour les années 2008 à 2013, de la société F______ pour les années 2014 à 2016 et de la société G______ Sàrl pour les années 2017 et 2018.

b. Le 29 avril 2019, A______ a obtenu de l’OCPM une autorisation de travail provisoire et révocable en tout temps pour travailler auprès de G______ Sàrl.

c. Le 11 septembre 2019, A______ a transmis à l’OCPM un extrait de compte individuel AVS indiquant le versement de cotisations pour les années 2017 et 2018.

d. Les 22 février et 22 juin 2021, A______ a sollicité de l’OCPM la délivrance de visas de retour afin de se rendre au Kosovo pour des raisons familiales.

e. Le 8 octobre 2021, l’OCPM a dénoncé A______ au MP pour des soupçons portant sur l’authenticité des décomptes de salaire établis par les entreprises E______ et F______.

Les fiches de salaire ne ressortaient pas de l’extrait AVS produit, les taux de cotisation n’étaient pas corrects et l’entreprise n’avait porté le nom d’F______ qu’à partir de décembre 2014.

f. Le 13 novembre 2021, le MP a condamné A______ à une peine pécuniaire de 180 jours-amende d’un montant de CHF 80.- le jour pour faux dans les titres et infractions à la LEI et à la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

g. Par décision du 24 mai 2022, l’OCPM a refusé de délivrer l’autorisation de séjour sollicitée par A______ et a prononcé son renvoi de Suisse.

Il avait produit des documents falsifiés, notamment de faux certificats et fiches de salaires, dans le but de l’induire en erreur afin d’obtenir frauduleusement une autorisation de séjour. Sa situation ne répondait dès lors pas aux critères de l’« opération Papyrus ».

Il ne remplissait pas non plus les critères d’un cas individuel d’extrême gravité. Il n’avait démontré ni une très longue durée de séjour en Suisse ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence. Son intégration socioculturelle n’était pas particulièrement remarquable au vu de son comportement. Elle correspondait au mieux à ce qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. En outre, il n’avait pas démontré qu’une réintégration dans son pays d’origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place.

S’agissant de la prise en compte de l’intérêt supérieur de son fils B______, celui-ci était né en Suisse le ______ 2020, était âgé d’un an et n’était pas encore scolarisé, de sorte que son intégration n’était pas déterminante. Son fils était en bonne santé et sa réintégration dans son pays d’origine ne poserait pas de problèmes insurmontables.

Enfin, il n’avait pas démontré l’existence d’obstacles au renvoi et le dossier ne faisait pas apparaitre que l’exécution de celui-ci n’était pas possible, pas licite ou ne pouvait être raisonnablement exigée.

C. a. Par acte du 27 juin 2022, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision.

Il était entré en Suisse pour la première fois en 2008. Il était parfaitement intégré et avait noué de fortes relations amicales et professionnelles. Concernant la condamnation du 13 novembre 2021, il ignorait que les documents transmis à l’OCPM étaient problématiques. Ses autres condamnations pénales étaient en lien avec son statut de sans-papier. Il était éloigné de son pays d’origine depuis quatorze ans et sa réintégration y était impossible.

b. Par jugement du 6 janvier 2023, le TAPI a rejeté le recours.

c. Par arrêt du 4 juillet 2023, la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) a rejeté le recours de l’intéressé contre le jugement précité.

Le TAPI avait retenu que le séjour d’A______ n’était établi au mieux qu’à partir de 2017. Devant la chambre de céans, le recourant se bornait à répéter qu’il séjournait en Suisse depuis quatorze ans, sans indiquer en quoi l’appréciation du TAPI ne serait pas fondée. C’était dès lors à bon droit que le TAPI avait établi qu’au moment de déposer sa demande, le recourant ne pouvait se prévaloir que d’un séjour de deux ans, lequel ne répondait pas à la condition de la longue durée et s’était déroulé dans l’illégalité, ce qui, selon la jurisprudence, en relativisait la durée.

Le TAPI avait retenu que sa condamnation pour faux dans les titres dénotait de la part du recourant un mépris pour les institutions et faisait douter qu’il puisse être considéré comme intégré. Le recourant, qui ne soutenait pas que sa condamnation ne serait pas entrée en force, ne critiquait pas ce constat. Or, cette circonstance tendait à elle seule à exclure, de jurisprudence constante, qu’il puisse bénéficier de l’« opération Papyrus » et que son intégration sociale puisse par ailleurs être considérée comme réussie sous l’angle du cas individuel d’extrême gravité, ce qui suffisait à sceller le sort de son recours.

Le recourant réaffirmait qu’il avait toujours travaillé et assuré son indépendance, qu’il n’émargeait pas à l’aide sociale et n’avait aucune dette, qu’il maîtrisait le français et qu’il avait en Suisse des liens particuliers. Ces qualités pouvaient toutefois être attendues de tout candidat à un titre de séjour en Suisse mais elles n’établissaient pas pour autant une intégration socio-professionnelle particulièrement réussie. Le recourant affirmait être employé dans le secteur de la mécanique. Il ne soutenait pas qu’il se serait investi dans la vie associative, culturelle ou sportive. C’était ainsi à bon droit que l’OCPM puis le TAPI avaient considéré que l’intégration du recourant n’était pas exceptionnelle.

Le recourant réaffirmait qu’il serait enraciné en Suisse et n’aurait plus d’attaches avec le Kosovo. Il ne contestait toutefois pas l’appréciation du TAPI, selon laquelle il avait toujours dans ce pays sa famille et sa femme, auprès desquels il pourrait trouver appui, et qu’il était encore jeune et en bonne santé et pourrait faire valoir dans son pays l’expérience acquise en Suisse. Sa réintégration au Kosovo n’apparaissait nullement compromise.

d. Par courrier du 19 octobre 2023, l’OCPM a fixé à A______ un délai au 17 janvier 2024 pour quitter le territoire.

D. a. Par courrier du 13 février 2024 à l’OCPM, A______ a sollicité la reconsidération de la décision du 24 mai 2022. Il a exposé son parcours migratoire, familial et professionnel ainsi que sa bonne intégration. Il n’avait jamais falsifié de documents. Les éléments retenus par l’autorité pénale relevaient en réalité d’imprécisions, de contradictions ou de lacunes commises par ses employeurs comme en témoignait la lettre de E______ du 8 février 2024.

Étaient notamment joints divers justificatifs de son séjour en Suisse couvrant la période 2008 à 2018.

b. Par décision du 4 mars 2024, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération.

Ses explications n’étaient pas de nature à modifier sa position. Il n’était pas compétent pour réviser une position prise par le MP.

Les circonstances ne s’étaient pas modifiées de manière notable depuis la décision de refus, de sorte que les conditions de l’art. 48 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) n’étaient pas réunies. Les éléments contenus dans la nouvelle requête n’étaient pas des faits nouveaux et importants susceptibles de modifier sa position.

La décision rappelait par ailleurs que l’intéressé faisait l’objet d’une décision de refus et de renvoi de Suisse et de l’espace Schengen entrée en force, rendue le 10 mai 2022 à laquelle il était tenu de se conformer sans délai.

c. Par acte du 30 mars 2024, A______ a interjeté recours devant le TAPI contre cette décision, concluant préalablement, à la restitution de l’effet suspensif au recours ; sur mesures provisionnelles, il devait être autorisé à séjourner en Suisse jusqu’à droit jugé sur le recours ; principalement, la décision devait être annulée et l’OCPM enjoint d’entrer en matière sur la demande de reconsidération. Un délai au 19 avril 2024 pour compléter son recours devait lui être accordé afin de prouver son niveau de français.

Il avait fait attester qu’il n’avait jamais commis de faux dans les titres et que sa condamnation pénale résultait de négligences commises par son employeur. Il ne représentait aucun danger pour la sécurité et l’ordre public suisse. Son employeur et lui-même avaient cotisé aux assurances-sociales. Il totalisait près de quinze ans de séjour ininterrompu en Suisse, de sorte que sa personnalité d’adulte s’était formée dans ce pays vu son âge lors de son arrivée (20 ans). Il était parfaitement intégré.

Il ne demandait pas la révision de la position du MP mais que l’OCPM tienne compte de la réalité des faits tels que rectifiés par son employeur E______, seul responsable des documents inexacts et/ou incomplets produits auparavant. Le garage de E______ avait connu trois changements de société, ce qui rendait les erreurs administratives commises non seulement compréhensibles mais excusables.

d. Par décision du 8 mai 2024, le TAPI a rejeté la demande d’effet suspensif et de mesures provisionnelles.

e. Dans sa réplique au fond, le recourant a relevé que n’étant pas assisté d’un avocat au moment de son audition par le MP et ne maîtrisant pas le français, il n’avait pas fait opposition à l’ordonnance pénale, de sorte qu’elle était entrée en force. Partant, l’attestation de son employeur aurait dû être prise en considération par l’OCPM comme constitutive d’un moyen de preuve nouveau.

f. Par jugement du 11 juillet 2024, le TAPI a rejeté le recours.

Le recourant fondait sa demande de reconsidération sur l’existence d’un prétendu moyen de preuve nouveau censé établir a posteriori son innocence dans la procédure pénale qui avait abouti à sa condamnation par le MP le 13 novembre 2021. Il produisait à cet effet un courrier de son employeur daté du 8 février 2024, lequel exposait en particulier que les documents, notamment les contrats de travail et les fiches de salaire sur la base desquels il avait été condamné, comprendraient des erreurs ou des imprécisions commises par son propre personnel administratif, de sorte que A______ n’en était pas l’auteur et partant n’avait pas commis de faux dans les titres. Or ce courrier ne pouvait avoir la portée que lui prêtait le recourant. En effet, il résultait de la décision dont il sollicitait la reconsidération que l’OCPM s’était notamment fondé sur l’ordonnance pénale du 13 novembre 2021, qui avait reconnu le recourant coupable notamment de faux dans les titres et de comportement frauduleux à l’égard des autorités, ordonnance pénale qu’il n’avait pas contestée en temps voulu de sorte qu’elle était en force. Si comme le prétendait le recourant, le MP s’était basé sur des faits erronés, il aurait pu, dans le cadre de la procédure d’opposition, solliciter l’audition de son employeur ou produire une attestation de ce dernier, qui avec le minimum de diligence requise, aurait pu être établie sans grande difficulté à ce moment. Contrairement à ce qu’il laissait entendre, il était assisté d’un avocat de choix et un traducteur était présent lors de son audition devant la police en novembre 2021. Par ailleurs, l’ordonnance pénale du 13 novembre 2021 lui avait été dûment traduite, de sorte qu’il ne pouvait invoquer valablement qu’il n’en aurait pas saisi toute la portée. Le recourant était représenté par un avocat dans le cadre de la procédure de recours devant le TAPI, puis devant la chambre administrative, contre la décision du 24 mai 2022 et n’avait pas remis en question les faits à la base de sa condamnation.

Par conséquent, la lettre de son employeur fournie à l’appui de sa demande de reconsidération, qui aurait pu être aussi bien produite devant le MP ou dans le cadre d’une opposition devant le Tribunal de police, ne constituait pas un nouveau moyen de preuve obligeant l’OCPM d’entrer en matière sur ladite demande de reconsidération. Le refus de l’OCPM d’entrer en matière était fondé.

S’agissant des nouvelles circonstances, le recourant invoquait la durée de son séjour en Suisse, soit une période de quinze ans qu’il considérait comme la plus marquante pour le développement de sa personnalité et également son intégration sociale ainsi que le fait que sa femme et ses deux enfants auraient déposé une demande d’autorisation de séjour. Or, le changement des circonstances depuis la décision du 24 mai 2022, n’était dû qu’à l’obstination du recourant à demeurer en Suisse malgré la décision de renvoi définitive et exécutoire. Son refus de se soumettre à l’ordre juridique suisse et de quitter ce pays comme il aurait dû le faire le 17 janvier 2024, dans le nouveau délai de départ fixé par l’OCPM, ne pouvait être pris en considération comme une preuve de sa bonne intégration. À l’évidence, cette argumentation allait à l’encontre de la jurisprudence. Enfin, le fait que sa femme et ses deux enfants auraient déposé une demande d’autorisation de séjour, ce qui n’était au demeurant pas établi, ne permettait à ce stade pas une autre conclusion.

E. a. Par acte remis à la poste le 16 septembre 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation ainsi qu’à l’annulation de la décision de l’OCPM et à ce qu’il soit ordonné à ce dernier de lui délivrer une autorisation de séjour. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée à l’OCPM pour qu’il préavise favorablement sa demande auprès du SEM.

E______, son oncle et employeur depuis 16 ans, ainsi que H______ devaient être entendus.

L’art. 48 al. 1 LPA avait été violé. La décision initiale de l’OCPM du 24 mai 2022 s’était basée sur l’ordonnance pénale du 13 novembre 2021. Or, son employeur et lui-même avaient cotisé aux assurances sociales. Les imprécisions et lacunes de ladite ordonnance étaient le fait de E______. Contrairement à ce qu’avait retenu le TAPI, il n’avait pas été assisté par un avocat lors de la procédure pénale. Il n’avait bénéficié que d’un traducteur-juré. Il ne pouvait dès lors pas lui être reproché de ne pas avoir fait opposition.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique, le recourant a relevé que la cause n’était pas en état d’être jugée. Sa compagne avait déposé une demande d’autorisation de séjour en sa faveur et celle de leurs enfants. Elle avait demandé que sa requête soit examinée conjointement avec la sienne. Dans l’attente d’une décision entrée en force de l’OCPM, la procédure devait être suspendue. Subsidiairement, un délai complémentaire devait lui être octroyé pour compléter sa réplique.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Le 12 novembre 2024, l’OCPM a transmis à la chambre de céans une copie des décisions du 28 octobre 2024 rejetant les requêtes en autorisations de séjour de D______, B______ et C______. Leur séjour ne serait établi que depuis 2020. Une copie a été envoyée au recourant.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b LPA).

2.             Le recourant sollicite préalablement son audition, au motif que le MP ne l’aurait pas entendu avant de prononcer son ordonnance de condamnation, ainsi que celles d’H______ et E______.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s’étend qu’aux éléments pertinents pour l’issue du litige et n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2). En outre, il n’implique pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, le recourant, qui ne dispose pas du droit à être entendu oralement, a eu l’occasion d’exposer son point de vue en détail par écrit tant devant l’autorité intimée que devant le TAPI, puis la chambre de céans, à l’occasion d’un double échange d’écritures. Il a ainsi pu fournir toutes les explications et pièces utiles. Son audition n’apparait dès lors pas nécessaire.

En l’absence de toute explication sur les motifs fondant la demande d’audition d’H______, il n’y sera pas donné suite. E______ est l’employeur et l’oncle du recourant. Outre qu’il ne pourrait pas être auditionné en qualité de témoin mais uniquement à titre de renseignement (art. 31 let. c LPA), il a déjà versé au dossier une attestation. Sa position a été développée dans les écritures. Le recourant ne précise pas sur quels points, qu’il n’aurait pas encore détaillés, son oncle devrait être entendu. Son audition n’apparait en conséquence pas utile.

Pour le surplus, le dossier étant complet et en état d’être jugé, il ne sera pas donné suite aux demandes d’actes d’instruction.

3.             Le recourant sollicite la suspension de la procédure dans l’attente d’une décision entrée en force de l’OCPM concernant sa compagne et ses enfants.

3.1 Lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature notamment pénale relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant celle-ci, la suspension de la procédure administrative peut être prononcée jusqu’à droit connue sur cette question (art. 14 al. 1 LPA). L’art. 14 LPA est une norme potestative (ATA/994/2024 du 21 août 2024 ; ATA/1493/2019 du 8 octobre 2019 consid. 3b).

La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance de la décision d’une autre autorité serait utile à l’autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend (ATA/994/2024 précité ; ATA/630/2008 du 16 décembre 2008 consid. 5). Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l’interdiction du déni de justice formel fondée sur l’art. 29 al. 1 Cst. d’attendre la décision d’une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, si ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d’autres motifs (ATA/812/2021 du 10 août 2021 consid. 2a ; ATA/1493/2019 précité consid. 3b).

3.2 En l’espèce, la présente procédure se limite à l’examen du bien-fondé du refus de l’autorité intimée d’entrer en matière sur la demande de reconsidération. Le sort du présent recours ne dépendant pas de l’issue de la demande d’autorisation de la compagne et de leurs enfants, rejetées le 28 octobre 2024 par l’OCPM, la demande de suspension n’est pas fondée.

De même, le recourant n’a pas indiqué de motifs qui auraient justifié de lui octroyer un délai complémentaire pour pouvoir compléter sa réplique.

4.             Le recours a pour objet le refus de l’OCPM d’entrer en matière sur la demande de reconsidération formée par le recourant.

Ce dernier invoque une violation de l’art. 48 al. 1 LPA.

4.1 L’autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n’est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l’art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l’influence d’un crime ou d’un délit (art. 80 let. a cum 48 al. 1 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b cum 48 al. 1 let. a LPA; faits nouveaux « anciens » ; ATA/512/2024 du 23 avril 2024 consid 3.1 ; ATA/651/2023 du 20 juin 2023 consid. 4.1).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s’est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux », c’est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l’état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l’autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/512/2024 précité consid 3.1 ; ATA/757/2023 du 11 juillet 2023 consid. 3.1). Pour qu’une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l’état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l’autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/512/2024 du 23 avril 2024 consid 3.2 ; ATA/651/2023 précité consid. 4.1 in fine).

4.2 Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d’éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1). C’est pourquoi, en principe, l’administré n’a aucun droit à ce que l’autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l’autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées (ATF 120 Ib 42 consid. 2b). La procédure de reconsidération ne constitue pas un moyen de réparer une erreur de droit ou une omission dans une précédente procédure (ATF 111 Ib 211 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 1417).

En droit des étrangers, le résultat est identique que l’on parle de demande de réexamen ou de nouvelle demande d’autorisation : l’autorité administrative, laquelle se base sur l’état de fait actuel et traiterait une requête comme une nouvelle demande, n’octroiera pas une autorisation de séjour dans un cas où elle l’a refusée auparavant si la situation n’a pas changé ; si la situation a changé, les conditions posées au réexamen seront en principe remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_715/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.2 ; ATA/512/2024 précité consid. 3.3).

4.3 Saisie d’une demande de reconsidération, l’autorité examine préalablement si les conditions de l’art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n’est pas le cas, elle rend une décision de refus d’entrer en matière qui peut faire l’objet d’un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid 4a). Si lesdites conditions sont réalisées, ou si l’autorité entre en matière volontairement sans y être tenue, et rend une nouvelle décision identique à la première sans avoir réexaminé le fond de l’affaire, le recours ne pourra en principe pas porter sur ce dernier aspect. Si la décision rejette la demande de reconsidération après instruction, il s’agira alors d’une nouvelle décision sur le fond, susceptible de recours. Dans cette hypothèse, le litige a pour objet la décision sur réexamen et non la décision initiale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_319/2015 du 10 septembre 2015 consid. 3 ; 2C_406/2013 du 23 septembre 2013 consid. 4.1).

4.4 L’écoulement du temps et la poursuite d’une intégration socioprofessionnelle ne peuvent être qualifiés d’éléments notables au sens de l’art. 48 al. 1 let. b LPA lorsqu’ils résultent uniquement du fait que l’étranger ne s’est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/511/2024 du 23 avril 2024 ; ATA/98/2024 du 30 janvier 2024 consid. 3.2 et les références citées).

4.5 En l’espèce, l’autorité intimée n’est pas entrée en matière sur la demande de reconsidération de sa décision du 26 juin 2020, ce qu’a confirmé le TAPI, de sorte que seule sera examinée la violation alléguée de l’art. 48 LPA, à l’exclusion de l’application des art. 30 al. 1 LEI et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

4.5.1 Le recourant n’a pas produit de moyens de preuve nouveaux et importants qu’il ne pouvait pas connaître ou invoquer dans la procédure précédente.

Le courrier de son oncle indiquant que les erreurs contenues dans les pièces produites relèveraient de sa responsabilité ne constitue pas un moyen de preuve nouveau. D’une part, le recourant aurait pu le produire lors de la première procédure, étant en contact régulier avec son proche chez qui il déclare travailler « depuis plus de quinze ans ». D’autre part, il ne peut se prévaloir de la prise en compte de ces faits devant l’autorité administrative alors qu’il n’a pas demandé la révision de l’ordonnance pénale du 13 novembre 2021, entrée en force, au sens de l’art. 410 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0).

Par ailleurs, outre le traducteur, le recourant était assisté lors de l’audience du 21 novembre 2021 de Me I______, excusant Me J______. Le procès-verbal mentionne qu’elle était présente. Il ressort certes de ce document qu’après une heure trente d’audition, l’avocate, après s’être entretenue plusieurs minutes avec son client, a souhaité se dessaisir de l’affaire et qu’elle a quitté les locaux. L’intéressé n’a dès lors plus répondu aux questions des policiers. Le recourant ne peut toutefois pas être suivi lorsqu’il soutient qu’il n’était pas assisté d’un conseil lors de son audition et que, dans l’ignorance, ce fait l’aurait empêché de faire opposition. Il n’invoque d’ailleurs aucune violation d’une règle de procédure pénale.

Les conditions de l’art. 48 al. 1 let. a LPA ne sont en conséquence pas remplies.

4.6 De surcroît, les circonstances ne se sont pas modifiées dans une mesure notable depuis la première décision, du 24 mai 2022, confirmée par arrêt de la chambre de céans du 4 juillet 2023. Il n’existe aucun fait « nouveau nouveau ». Une plus longue durée de séjour, une intégration renforcée au fil du temps, en particulier sur le plan professionnel, sont liés au simple écoulement du temps et à l’évolution normale de son intégration en Suisse, si bien que, conformément à la jurisprudence précitée, ils ne peuvent être qualifiés d’éléments notables au sens de l’art. 48 al. 1 let. b LPA.

Il ne peut enfin rien déduire de la situation de ses enfants et de sa compagne, venue illégalement le rejoindre, relativement récemment, et dont les demandes en autorisation de séjour ont été refusées, quand bien même celles-ci ne sont pas encore entrées en force.

Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a ni violé la loi ni commis un abus de son pouvoir d’appréciation en refusant d’entrer en matière sur la demande de reconsidération.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

Le prononcé du présent arrêt rend sans objet la requête d’effet suspensif.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 550.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 septembre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 juillet 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 550.- à la charge de A______;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Jean ORSO, mandataire professionnellement qualifié du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.