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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/714/2024

ATA/1360/2024 du 19.11.2024 ( TAXIS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/714/2024-TAXIS ATA/1360/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 novembre 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Guy ZWAHLEN, avocat

contre

DIRECTION DE LA POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimée



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1984, est titulaire d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi depuis le 1er juin 2021.

b. Le 25 octobre 2023, il a déposé auprès du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir, devenue la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN), une requête en délivrance d’une autorisation d’usage accru du domaine public (ci-après : AUADP), formulaire à l’attention des chauffeurs de taxi visés à l’art. 46 al. 13 de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31).

Il avait loué une AUADP à B______ du 25 janvier au 1er février 2022 (plaques GE 1______).

Il produisait notamment : un contrat de location-gérance d’une autorisation de stationnement de taxi conclu avec B______, déployant ses effets dès le 1er février 2022 mais ne comportant ni date ni signatures ; un contrat « d’Essai de Chauffeur de Taxi » conclu avec B______ le 24 octobre 2023 et portant la signature de ce dernier, portant sur la période du 25 janvier au 1er février 2022 et prévoyant que « l’Employeur engage le Chauffeur à titre d’essai pour une période débutant le 25 janvier 2022 et se terminant le 1er février 2022. […] Pendant la période d’essai, le Chauffeur sera responsable de toutes les tâches liées à la conduite de véhicules de taxi pour l’Employeur, y compris le respect de toutes les lois et réglementations en vigueur. […] À la fin de la période d’essai, l’Employeur et le Chauffeur se réuniront pour évaluer les performances du Chauffeur. Si les deux parties sont satisfaites, un contrat de bail à ferme taxi pourra être envisagé. Dans le cas contraire, l’essai prendra fin et les obligations de l’Employeur envers le Chauffeur cesseront » ; une procuration manuscrite, datée du 25 janvier 2022 et portant la signature de B______, par laquelle celui-ci autorisait A______ à immatriculer son véhicule Toyota Prius n° 2______ auprès de l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) ; un contrat de travail par lequel C______, exploitant de l’entreprise D______, engageait A______ dès le 1er août en qualité de chauffeur de taxi.

c. Le 9 novembre 2023, la PCTN a indiqué à A______ qu’il envisageait de rejeter sa requête.

Il n’établissait pas avoir été l’exploitant d’une AUADP le 22 janvier 2022. Le contrat avait été conclu bien après l’essai et il ne l’avait pas signé. Le propriétaire de l’AUADP avait indiqué par courrier reçu le 8 février 2022 qu’il n’avait jamais loué ses plaques ni conclu de bail à ferme.

Il était invité à produire toute pièce attestant l’usage effectif d’une AUADP au 28 janvier 2022 : un relevé du terminal bancaire utilisé pour l’encaissement des courses en janvier 2022 ; l’éventuelle facturation par une entreprise de diffusion des courses en janvier 2022 ; la preuve du versement de l’avance du prix de location pour le mois de janvier 2022.

d. Par décision du 1er février 2024, la PCTN a rejeté la requête pour les motifs exposés dans son courrier du 9 novembre 2023, auquel A______ n’avait pas répondu.

B. a. Par acte remis à la poste le 29 février 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’une AUADP lui soit délivrée. Préalablement, B______ devait être entendu en qualité de témoin.

B______ avait mis à sa disposition à l’essai son AUADP depuis le 25 janvier 2022, ce que B______ confirmait par l’attestation [i.e. la procuration] du 25 janvier 2022, qu’il produisait à nouveau.

b. Le 18 avril 2024, la PCTN a conclu au rejet du recours.

Les pièces produites n’établissaient pas l’utilisation d’une AUADP au 28 janvier 2022.

c. Le 31 mai 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions et la demande d’audition de B______.

d. Le 9 septembre 2024, sur demande du juge délégué, la PCTN a produit l’échange de correspondance avec B______, soit son courrier du 2 février 2022 par lequel elle lui demandait s’il utilisait personnellement son AUADP liée aux plaques GE 1______ et la réponse manuscrite de B______ du 8 février 2022 par laquelle celui-ci indiquait qu’il était taxi indépendant et n’avait « jamais loué [s]es plaques, ni bail à ferme ».

e. Le 25 septembre 2024, A______ a persisté dans sa demande d’audition de B______.

f. Le 8 octobre 2024, le juge délégué a entendu les parties et B______.

fa. A______ a expliqué que le contrat avait été rédigé lorsque la loi avait changé et qu’il avait déposé une demande. Il avait bien travaillé pour B______ du 25 janvier au 1er février 2022. Il avait pris en charge des clients. Il les attendait aux stations de taxi. Il n’était alors pas abonné à une centrale d’appels. Ses clients le payaient en espèces contre quittance ou par carte de crédit. Il avait un terminal. Il pouvait prouver qu’il avait facturé ses courses du 25 janvier au 1er février 2022. Il avait fourni à la PCTN un relevé de facturation.

Il a déposé un relevé de myPOS Payments Ltd établi le 1er janvier 2023 et confirmant que son compte client présentait en janvier 2022 un solde de CHF 0.97 à l’ouverture, en février 2022 un solde de CHF 0.97 à l’ouverture et CHF 71.71 de débit, le solde ayant par la suite crû.

Il a activé et présenté son application myPOS Payments Ltd sur son portable. Celle‑ci montrait pour janvier 2022 un paiement de CHF 1.- effectué le 22 décembre 2021 par une carte de crédit. Les paiements suivants étaient datés du 19 février 2022 (2 paiements), 20 février 2022 (4 paiements), 21 février 2022 (2 paiements), 22 février 2022 (un paiement), 23 février 2022 (2 paiements), 24 février 2022 (4 paiements), et ainsi de suite tous les jours de l’année 2022. Il était juste de dire qu’entre le 22 décembre 2021 et le 19 février 2022 aucun paiement par carte n’avait été enregistré. Il produisait un constat d’accident impliquant le véhicule, dépourvu de date. La procuration du 25 janvier 2022 l’autorisait à immatriculer son véhicule Toyota au nom de B______.

fb. La PCTN a indiqué ne pas avoir reçu les documents mentionnés par le recourant.

fc. B______ a expliqué que le recourant et lui avaient travaillé sur le même véhicule, soit celui du recourant, et qu’il avait autorisé celui-ci à l’immatriculer à son nom. Chacun utilisait le véhicule à tour de rôle et encaissait ses courses séparément. Il était possible que la date de la procuration, soit le 25 janvier 2022, était celle à partir de laquelle ils avaient partagé l’AUADP. Le contrat exprimait la vérité. Entre le 25 janvier et le 1er février 2022, le recourant avait travaillé pour lui. Il travaillait lui-même jusque-là avec un autre véhicule, de marque Mercedes. Le partage avait duré jusqu’à novembre 2022. Il ne se souvenait pas quand il avait commencé à exploiter l’AUADP avec le recourant, soit en janvier ou en février 2022. Ils avaient jugé nécessaire de faire une période d’essai car il arrivait que le chauffeur ne fasse pas attention avec la voiture, commette un excès de vitesse ou se rende coupable d’incivilités avec les clients. Il était vrai que le risque de dommage pour le véhicule et les excès de vitesse ne le concernaient pas dès lors que le véhicule était propriété du recourant, et que cinq jours était une courte période. Il avait fait établir un permis de circulation à son nom sur le véhicule du recourant avant la phase d’essai car il préférait partager le véhicule. Il était domicilié à l’époque dans le canton de Vaud et se rendait à Genève en train, ou plus rarement en voiture, pour récupérer le véhicule.

fd. Le recourant a indiqué qu’il allait produire les quittances des courses qu’il avait effectuées entre le 25 janvier et le 1er février 2022. La PCTN a indiqué qu’il allait vérifier s’il avait reçu de tels documents. Le juge délégué a indiqué qu’il demanderait à l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) la date d’immatriculation du véhicule du recourant. Le juge délégué a indiqué aux parties que les documents, et à défaut des explications, devraient être produits le 5 novembre 2024 au plus tard.

g. Le 9 octobre 2023, le juge délégué a demandé à l’OCV de lui indiquer à quelle date en janvier ou février 2022 le véhicule Toyota Prius n° 2______ propriété de A______ avait été immatriculé avec les plaques GE 1______ appartenant à B______.

h. Le 18 octobre 2024, l’OCV a indiqué et documenté que le véhicule Toyota Prius n° 2______ avait été immatriculé le 8 février 2022 au nom de B______ avec les plaques GE 1______. Il ressort de la documentation fournie que le même véhicule avait auparavant été immatriculé au nom de E______ avec les plaques GE 3______ dès le 6 septembre 2017 et le 14 octobre 2021, et ensuite au nom de F______ dès le 12 décembre 2022, C______ dès le 31 mai 2023 sous les plaques GE 4______ et enfin G______ dès le 15 août 2024 sous les plaques GE 5______.

i. Le 5 novembre 2024, la PCTN a persisté dans ses conclusions en rejet du recours.

Il n’avait reçu aucune quittance de course de taxi du recourant, que ce soit lors du dépôt de la requête ou plus tard.

j. Le recourant n’a fourni ni pièces ni explications dans le délai imparti au 5 novembre 2024.

k. Le 8 novembre 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant a conclu préalablement à l’audition de B______ en qualité de témoin.

En l’espèce, B______ et les parties ont été entendus, de sorte que la conclusion préalable a perdu son objet.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus du PCTN de délivrer au recourant une AUADP en application du régime transitoire prévu par l’art. 46 al. 13 LTVTC.

3.1 La LTVTC, actuellement en vigueur depuis le 1er novembre 2022, résulte du projet de loi (ci-après : PL) n° 12'649 sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur, déposé par le Conseil d’État devant le Grand Conseil le 26 février 2020. Ce projet a été renvoyé à la commission parlementaire des transports qui a rendu deux rapports, respectivement le 16 août 2021 (ci-après : Rapport A) et le 11 janvier 2022 (ci-après : Rapport B).

Dans sa présentation du PL, le département a exposé qu’en raison du numerus clausus des AUADP, le délai d’attente pour leur obtention pouvait atteindre plusieurs années, ce qui augmentait leur valeur économique et permettait à leurs titulaires de gagner de l’argent en vivant de la rente résultant de la location de leurs plaques pour un loyer dépassant parfois plus de dix fois le montant de la taxe annuelle. De nombreux chauffeurs voulant exercer la profession de chauffeur de taxi étaient ainsi contraints de louer une AUADP, ce qui les rendait dépendants et économiquement vulnérables. Il était apparu que 53 personnes détenaient 150 AUADP, dont une personne qui en avait dix. En l’absence d’outils permettant de contrôler les prix, le PL prévoyait de supprimer la cession des plaques, en recourant à leur location ou au bail à ferme. Ainsi, selon le PL, le détenteur d’une AUADP pouvait soit l’utiliser lui-même, soit engager un chauffeur pour l’utiliser, qui devenait contractuellement son employé, soit céder définitivement l’AUADP.

La commission parlementaire a voulu supprimer la location des plaques, qui conférait une rente de situation aux titulaires d’une AUADP, lesquels les louaient à un prix abusif. Le bail à ferme permettait la réalisation de marges excessives par rapport à l’outil de travail proposé, en tirant profit d’un avantage octroyé par l’État pour le monnayer. Il convenait de supprimer cette possibilité, une indemnisation étant introduite dans les dispositions transitoires en faveur des personnes rendant leur AUADP.

À l’issue de la séance du 28 janvier 2022, le Grand Conseil a adopté la LTVTC (loi 12'649), publiée le 4 février 2022 dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) fixant le délai référendaire au 16 mars 2022.

Vu l’expiration du délai référendaire, le Conseil d’État a, par arrêté du 23 mars 2022 publié dans la FAO du 25 mars 2022, promulgué la LTVTC pour être exécutoire dans tout le canton dès le lendemain de la publication dudit arrêté, l’entrée en vigueur de la loi devant être fixée ultérieurement par le Conseil d’État. Le 19 octobre 2022, le Conseil d’État a annoncé que la LTVTC et son règlement d’application entreraient en vigueur le 1er novembre 2022.

3.2 L’art. 46 al. 13 LTVTC dispose, sous l’intitulé « attribution des autorisations restituées ou caduques », que le département peut attribuer l’AUADP à la personne physique ou morale qui en était l’utilisateur effectif au moment du dépôt de la LTVTC, s’il en est toujours l’utilisateur au moment de l’adoption de la LTVTC, en fait la requête et réalise les conditions de délivrance visées à l’art. 13 al. 5 LTVTC.

Les personnes réalisant les conditions de l’art. 46 al. 13 de la loi peuvent requérir la titularité d'une AUADP. La requête doit être déposée dans le délai transitoire mentionné à l’al. 11 du présent article ; l'art. 5 du présent règlement est applicable pour le surplus (art. 57 al. 12 règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 - RTVTC - H 1 31 01). L’art. 57 al. 11 RTVTC prévoit que le service peut, pendant le délai transitoire des douze mois visé à l’art. 46 al. 8 LTVTC délivrer jusqu’à 200 AUADP supplémentaires aux utilisatrices et utilisateurs effectifs au sens de
l’art. 46 al. 13 LTVTC.

Dans son arrêt du 24 mars 2023 (ACST/15/2023), la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) a jugé que l’art. 46 al. 13 LTVTC était une disposition légale transitoire, adoptée pour permettre aux chauffeurs de taxis exerçant leur profession à travers la location de plaques ou d’un bail à ferme de continuer leur activité, malgré l’abolition de ces pratiques par l’entrée en vigueur de la LTVTC, et de leur attribuer, pour autant que les conditions légales soient remplies, une AUADP (consid. 5.3.4). Dans ce contexte, le Conseil d’État avait indiqué que l’augmentation transitoire du nombre d’AUADP pendant un an (art. 57 al. 11 RTVTC) permettait d’atténuer les effets du passage au régime de l’interdiction de location des autorisations.

La chambre constitutionnelle a rappelé que l’AUADP octroyée aux taxis ne conférait généralement pas de droits acquis, à moins de garanties spécifiquement obtenues concernant la poursuite de l’activité de location de plaques, ce qui n’était pas le cas dans les affaires dont elle était saisie (ACST/26/2022 du 22 décembre 2022 ; ACST/27/2022 du 22 décembre 2022).

3.3 Se penchant sur la condition d’être utilisateur effectif de l’AUADP au moment du dépôt de la LTVTC, la chambre de céans a jugé que celle-ci n’était pas décisive, mais qu’était en revanche déterminant le fait d’être utilisateur effectif au moment de l’adoption de la loi le 28 janvier 2022 (ATA/779/2023 du 18 juillet 2023 consid. 5.6.2 ; ATA/886/2023 du 22 août 2023 consid. 6.6).

Dans un arrêt récent du 4 juin 2024 (2C_690/2023), le Tribunal fédéral a confirmé la compatibilité de l’art. 46 al. 13 LTVTC avec les principes de non‑rétroactivité des lois et de proportionnalité en lien avec la liberté économique.

Dans sa jurisprudence, la chambre administrative a eu l’occasion de relever que la situation des chauffeurs de taxis liée à la crise sanitaire ne permettait pas de déroger à l’application de l’art. 46 al. 13 LTVTC. À rigueur de texte, cette disposition ne prévoyait pas la possibilité d’invoquer des motifs d’empêchement à la location d’une AUADP. Il ressortait des travaux parlementaires que l’idée du régime transitoire était de prévoir un passage en douceur pour les personnes subissant des sacrifices trop importants du fait de la nouvelle réglementation. Or, les chauffeurs de taxi qui n’étaient pas locataires d’une AUADP au moment de l’adoption de la loi ne se trouvaient pas dans la situation dans laquelle leur relation par rapport au bailleur devait être clarifiée et ils ne couraient pas le risque de perdre leur outil de travail en raison de la restitution par leur bailleur de l’AUADP (ATA/1051/2024 du 3 septembre 2024 consid. 3.6 et 3.7 ; ATA/1013/2024 du 27 août 2024 consid. 2.3 ; ATA/918/2024 du 6 août 2024 consid. 2.10 ; ATA/878/2024 du 23 juillet 2024 consid. 3.9 ; ATA/879/2024 du 23 juillet 2024 consid. 2.9 ; ATA/821/2024 du 9 juillet 2024 consid. 3.9).

Ces considérations ont conduit la chambre administrative à retenir qu'un chauffeur de taxi (il s'agissait déjà du recourant) qui, sans être locataire à ce moment d'une AUADP, avait été absent de Suisse de janvier à mars 2022 n’était pas, durant cette période, l’utilisateur effectif des plaques louées au sens de l'art. 46 al. 13 LTVTC, peu importaient les motifs pour lesquels il s’était rendu à l’étranger (ATA/687/2023 du 27 juin 2023 consid. 3.9). Elle a abouti à la même conclusion dans le cas d'un chauffeur de taxi dont le contrat de location d'une AUADP avait pris fin depuis plusieurs mois en raison d'un accident et qui se trouvait toujours en incapacité de travail à la date d'adoption de la LTVTC (ATA/814/2024 du 9 juillet 2024 consid. 2.6).

3.4 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 144 V 313 consid. 6.1 ; 137 IV 180 consid. 3.4). La chambre de céans suit la même approche (ATA/1279/2023 du 28 novembre 2023 consid. 4.8 et l'arrêt cité).

3.5 Selon un principe général de droit intertemporel, les dispositions légales applicables à une contestation sont celles en vigueur au moment où se sont produits les faits juridiquement déterminants pour trancher celle-ci (ATF 146 V 364 consid. 7.1 ; 140 V 41 consid. 6.3.1). Liée aux principes de sécurité et de prévisibilité du droit (art. 5 al. 1 Cst.), l'interdiction de la rétroactivité des lois résulte du droit à l'égalité de traitement (art. 8 Cst.), ainsi que de l'interdiction de l'arbitraire et de la protection de la bonne foi (9 Cst.). L'interdiction de la rétroactivité (proprement dite) fait obstacle à l'application d'une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur (ATF 147 V 156 consid. 7.2.1), car les personnes concernées ne pouvaient, au moment où ces faits se sont déroulés, connaître les conséquences juridiques découlant de ces faits et se déterminer en connaissance de cause (ATF 144 I 81 consid. 4.2 ; arrêt 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 4.1). Il n'y a pas de rétroactivité proprement dite lorsque le législateur entend réglementer un état de chose qui, bien qu'ayant pris naissance dans le passé, se prolonge au moment de l'entrée en vigueur du nouveau droit ; cette rétroactivité (improprement dite) est en principe admise, sous réserve du respect des droits acquis (ATF 148 V 162 consid. 3.2.1 ; 146 V 364 consid. 7.1 ; 144 I 81 consid. 4.1).

3.6 En l’espèce, la requête formée par le recourant auprès de la PCTN en vue de l’obtention d’une AUADP – qui constitue le fait juridiquement déterminant – date du 25 octobre 2023, soit après l’entrée en vigueur de la nouvelle LTVTC. Cette demande doit donc s’examiner au regard de la nouvelle réglementation, conformément au principe général du droit intertemporel rappelé par la jurisprudence fédérale susmentionnée.

3.7 Le recourant soutient avoir été utilisateur effectif d’une AUADP le 28 janvier 2022. Il ne l’établit pas et la procédure montre le contraire.

Le contrat « d’Essai de Chauffeur de Taxi » apparaît insolite, circonstanciel et dénué de toute force probante. Il a en effet été conclu le 24 octobre 2023, soit plus d’une année après la période où il devait produire des effets. De l’aveu du recourant et du témoin B______, il a été établi lorsque des preuves devaient être fournies à la PCTN. Une période d’essai de cinq jours est insolite par sa durée et parce qu’il pouvait être attendu du recourant et de B______ qu’ils la stipulent dans le contrat qui devait déployer ses effets dès le mois de février 2022. Elle est insolite sous l’angle de sa nécessité dès lors que le véhicule appartenait au recourant, et le témoin B______ a reconnu qu’il ne prenait lui-même guère de risques. Enfin, l’établissement du contrat ne prouve pas qu’il aurait été exécuté.

La procuration du 25 janvier 2022 établit uniquement que B______ avait autorisé à cette date le recourant à immatriculer son propre véhicule avec ses plaques et son AUADP.

Le recourant a montré en audience qu’il n’avait encaissé aucune course de taxi par carte bancaire ou de crédit avant le 19 février 2022. Il n’a produit aucune quittance ou autre preuve de courses payées en espèces entre le 25 janvier et le 1er février 2022. Il est invraisemblable qu’aucune des courses de taxi que le recourant aurait effectuées entre le 25 janvier et le 1er février 2022, soit une période de huit jours, n’ait été payée par carte bancaire ou de crédit.

L’OCV a indiqué que le véhicule du recourant avait été immatriculé avec les plaques et l’AUADP de B______ le 8 février 2022, et tant le recourant que le témoin B______ ont indiqué que le partage de l’AUADP du témoin devait se faire « sur » le véhicule du recourant seulement.

Il est ainsi établi que le recourant n’était pas utilisateur effectif d’une AUADP avant le 8 février 2022.

Il suit de là que, faute d'avoir été titulaire d’une AUADP au moment déterminant du 28 janvier 2022, le recourant ne peut bénéficier du régime transitoire instauré par l’art. 46 al. 13 LTVTC (ATA/814/2024 du 9 juillet 2024 consid. 2.6 ; ATA/619/2024 du 21 mai 2024 consid. 4).

La décision de refus du PCTN apparaît ainsi en tous points conforme à la loi.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.-, tenant compte des actes d’instruction, sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu de ses allégations mensongères et de la confection tardive et circonstancielle d’un contrat afin de les rendre crédibles, soit des agissements constitutifs de témérité, le recourant, qui ne pouvait ignorer n’avoir immatriculé son véhicule et avoir pu utiliser une AUADP que dès le 8 février 2022, n’a jamais produit de quittances de courses payées en espèces et pouvait en tout temps vérifier sur son téléphone portable via l’application myPOS Payments Ltd qu’il n’avait encaissé aucune course par carte avant le 19 février 2022, se verra en outre infliger une amende de CHF 500.- en application de l’art. 88 LPA, sanctionnant l’emploi abusif des procédures et selon lequel la juridiction administrative peut prononcer une amende n’excédant pas CHF 5'000.- à l’égard de celui dont le recours, l’action, la demande en interprétation ou en révision est jugée téméraire ou constitutive d’un emploi abusif des procédures prévues par la loi.

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 février 2024 par A______ contre la décision de la direction du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 1er février 2024 ;

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

inflige une amende de CHF 500.- à A______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guy ZWAHLEN, avocat du recourant, ainsi qu'à la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :