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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2977/2024

ATA/1241/2024 du 24.10.2024 ( ANIM ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2977/2024-ANIM ATA/1241/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 24 octobre 2024

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Charles ARCHINARD, avocat

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET
DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES intimé



Vu, en fait, le recours interjeté le 12 septembre 2024 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice par A______ contre la décision du service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV) du 2 septembre 2024, déclarée exécutoire nonobstant recours, prononçant le séquestre préventif de ses chiens de race bull terrier « B______ » dit « C______ », mâle, né le ______ 2017, et de « D______ », femelle, née le ______ 2014, informant la détentrice de ce qu’une enquête était ouverte à son encontre, qu’elle était convoquée afin de faire valoir son droit d’être entendue le 9 septembre 2024, qu’un rapport d’infraction serait transmis au service des contraventions pour la suite pénale à donner aux manquements constatés concernant la détention d’animaux, que les frais et émoluments inhérents au séquestre des chiens lui seraient imputés, qu’à l’issue de l’enquête précitée, le SCAV pourrait prendre des mesures plus contraignantes et que les émoluments administratifs relatifs aux décisions rendues lui seraient facturés à la fin de la procédure ;

que le SCAV avait reçu, le 29 août 2024, une annonce de morsure sur humain par un bull terrier dont l’identité du détenteur était inconnue, mais qui habitait chemin E______ au F______ ; que A______ était la seule détentrice d’un tel chien à ladite adresse ; que par décision du 18 juillet 2024, celle-ci s’était fait enjoindre de promener « C______ » individuellement, muselé et en courte laisse ; que la précitée avait, le 11 juillet 2024, repris la détention de « D______ », précédemment détenue par son fils selon la base de données « amicus » ; qu’au regard de la nouvelle agression par un chien détenu par A______, il apparaissait que la sécurité publique était mise en péril ;

que la détentrice conclut, préalablement, à pouvoir compléter son recours après la transmission d’une copie de son dossier, à l’audition de la personne ayant annoncé la morsure par un chien et à la restitution de l’effet suspensif et, principalement, à l’annulation de la décision attaquée et la restitution de ses deux chiens ; que le jour de la prétendue morsure, elle avait eu un rendez-vous médical entre 15h00 et 17h00 à la Clinique G______ ; qu’elle se déplaçait en transports publics et que le trajet de son domicile à la clinque prenait 31 minutes en bus ; qu’il était ainsi impossible que l’un de ses chiens soit l’auteur de la morsure survenue à 17h00 le même jour ; que son droit d’être entendue avait été violé, du fait qu’elle n’avait pas eu accès aux pièces du dossier tels le rapport médical ou les déclarations de la victime ;

que, se déterminant sur la requête de restitution de l’effet suspensif, le SCAV a conclu à son rejet ; que « C______ » avait déjà été impliqué dans des incidents survenus les 6 janvier 2022, 6 octobre 2022 et 7 octobre 2023, malgré les décisions du SCAV ordonnant à la détentrice de suivre des cours d’éducation canine et de tenir le chien en laisse courte dans l’espace public, de porter une muselière dès la sortie du domicile et de le promener séparément de ses congénères dans l’espace public et lui interdisant de détenir à son nom un autre canidé ; que les 23 avril et 19 juin 2024, le SCAV avait pris connaissance d’accidents de morsures sur être humain et à un animal par un chien ; que lors des deux incidents, « C______ » se trouvait sur les lieux ; que « D______ » se trouvait également sur les lieux de l’incident du 18 juin 2024 ; que lors de ces deux incidents, la recourante détenait un troisième chien, « Tyson », qu’elle avait décidé d’euthanasier après avoir été sévèrement mordue par celui-ci ; qu’au vu des informations figurant sur le formulaire d’annonce de morsure sur humain le 29 août 2024, comportant la description de la race et du lieu d’incident, il était urgent de procéder au séquestre provisoire des canidés afin de garantir la sécurité publique ;

qu’il ressort du dossier que le SCAV a rendu une décision le 26 janvier 2022 ordonnant à la recourante de suivre des cours d’éducation canine et de tenir son chien « B______ » en laisse courte lorsqu’elle était dans l’espace public jusqu’à sa parfaite maîtrise, l’animal ayant agressé plusieurs congénères et la spécialiste en comportement canin ayant constaté que le chien présentait un comportement impétueux et que sa détentrice ne le maîtrisait pas ;

qu’une décision du 18 juillet 2024, annulant et remplaçant celle du 30 octobre 2023, constate que « C______ » souffre de problèmes de santé lui occasionnant des douleurs ; que lors des cours d’éducation canine de gros progrès ont été constatés concernant le comportement de « C______ » et la gestion de sa détentrice, en qui le chien « pouvait trouver un pilier de référence […] grâce au lien relationnel qui avait été construit » ; qu’au vu des antécédents de ce chien, de ses douleurs chroniques et de la possible réactivité envers ses congénères ainsi que de l’état de santé et de fatigue chronique de la détentrice, celle-ci n’était pas en mesure de maîtriser plusieurs chiens à la fois ; qu’ainsi, il était ordonné à cette dernière de prendre toute mesure utile pour éviter que son chien blesse une personne ou un animal ; qu’elle devait le promener muni d’un muselière et le tenir en laisse courte dès sa sortie du domicile ; qu’elle devait poursuivre les cours d’éducation canine, promener le chien séparément de ses congénères, qu’il lui était interdit de détenir un autre chien que « C______ » ainsi que, en cas d’absence de son fils, la chienne « D______ » et qu’elle était informée qu’en cas de non-respect de ces consignes, elle s’exposait à des mesures plus contraignantes, pouvant notamment conduire au séquestre préventif de « C______ » ;

que répliquant sur effet suspensif, la recourante s’est plainte d’un a priori du SCAV à son encontre en raison de ses antécédents ; qu’elle avait suivi le cours d’éducation canine avec « C______ », dont elle joignait le rapport établi par l’experte qui constatait de « gros progrès concernant le comportement » du chien et la gestion de celui-ci par sa détentrice et concluait à l’absence de risque par « C______ » pour la sécurité publique ; que « D______ » n’avait jamais été visée par une mesure ; qu’elle avait repris cette chienne à son nom en raison de l’absence prolongée de son fils et des problèmes de santé de celle-ci ; qu’entretemps, la victime avait été entendue par le SCAV ; que celle-ci avait déclaré que le mâle prénommé « B______ » l’avait agressée alors que la femelle portait une muselière ; que la victime ne s’était rendue que le lendemain chez son médecin, alors qu’une blessure si elle avait été infligée par un bull terrier, aurait nécessité des soins immédiats ; que compte tenu de ces incohérences et de l’impossibilité de la recourante de se trouver avec ses chiens à l’endroit de la prétendue agression, le séquestre devait être levée, l’enquête du SCAV étant de surcroît vraisemblablement terminée ;

qu’il ressort du dossier que la victime, entendue par le SCAV le 10 septembre 2024, a confirmé avoir été mordue par un des bull terriers détenus par la recourante, dont elle ignorait le nom, mais qui habitait son immeuble ; que lors de l’incident, la recourante était tombée, car ses chiens avaient « tiré » ; qu’un de ces chiens était arrivé vers le petit chien de la victime et qu’au moment où elle s’était baissée pour attraper son chien, elle s’était fait mordre la main ; que son petit chien avait eu peur et s’était enfui ; que c’était son grand-père qui avait récupéré son chien plus tard, qui n’était pas blessé ; que le chien qui l’avait mordue était un mâle nommé « B______ », de couleur caramel, sans tache et que la femelle portait une muselière ;

que sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, que les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou la vice-présidente de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10) et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020) ;

qu’aux termes de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que l’autorité peut d'office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018 et les références citées) ;

que l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405) ;

que lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution ; qu’elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu'un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités) ;

que la loi sur les chiens du 18 mars 2011 (LChiens - M 3 45) a pour but de régir les conditions d'élevage, d'éducation et de détention des chiens, en vue de garantir la santé de ces derniers, d'assurer la sécurité, la salubrité de la tranquillité publiques, notamment (art. 1 LChiens) ; que le SCAV est compétent pour l'application de la LChiens et de son règlement (art. 3 LChiens, art. 1 al. 1 du règlement d'application de la loi sur les chiens du 27 juillet 2011 - RChiens - M 3 45.01) ;

que tout détenteur de chien est tenu de prendre les précautions nécessaires, notamment, afin que l'animal ne puisse pas blesser le public (art. 18 al. 1 LChiens) et de l’éduquer, en particulier, en vue d'assurer qu'il ne nuise ni au public, ni aux animaux (art. 15 LChiens) ;

que selon l'art. 38 LChiens, dès réception d'une dénonciation ou d'un constat d'infraction, le département procède à l'instruction du dossier (al. 1) ; qu’il peut séquestrer immédiatement l'animal et procéder à une évaluation générale ou faire appel à des experts afin d'évaluer le degré de dangerosité du chien, ce aux frais du détenteur (al. 2) ; qu’à l'issue de la procédure, le département statue et prend, le cas échéant, les mesures prévues par la loi (al. 3) ;

qu’en vertu de l'art. 39 LChiens, le département peut, en fonction de la gravité des faits, prononcer et notifier aux intéressés, notamment : l'obligation de suivre des cours d'éducation canine (let. a) ; de tenir le chien en laisse dès sa sortie du domicile du détenteur (let. b) ; du port de la muselière (let. c) ; le séquestre provisoire ou définitif du chien (let. g) ; l'euthanasie du chien (let. i) ; le retrait de l'autorisation de détenir un chien (let. g) ou l'interdiction de détenir un chien (let. o).

qu’en l’espèce, il est rendu vraisemblable qu’une voisine de la recourante a subi une blessure à la main, provenant selon le certificat médical figurant au dossier, de la morsure d’un chien ;

que, certes, la recourante a produit une attestation de la clinique dans laquelle elle s’est rendue le jour de l’incident, selon laquelle le traitement avait pris fin à 17h00, et la médecin ayant signalé la morsure a indiqué dans le formulaire que l’incident s’était produit à 17h00 ;

que toutefois, les descriptions faites par la victime tant des chiens que du déroulement des faits permettent, à ce stade de la procédure, de considérer comme vraisemblable que l’incident est imputable au chien « C______ », dont la recourante est détentrice, quand bien même l’heure de l’incident n’est en l’état pas établie ;

que, par ailleurs, il n’est pas contesté que la recourante a enfreint l’interdiction du SCAV qui lui avait été faite de détenir deux bull terriers ;

qu’ainsi, au vu de ces éléments, le retrait de l’effet suspensif au séquestre préventif des deux chiens, durant la procédure de recours, répond à un intérêt public important, à savoir la sécurité publique ;

qu’en outre, le bien-fondé du recours n’apparaît pas d’emblée si manifeste qu’il se justifierait de restituer les chiens à sa détentrice, pendant la procédure de recours ;

que, partant, la requête en restitution de l’effet suspensif sera rejetée ;

qu’il sera statué ultérieurement sur les frais du présent incident.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de restitution de l’effet suspensif ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Charles ARCHINARD, avocat de la recourante, ainsi qu'au service de la consommation et des affaires vétérinaires, ainsi qu’à l’office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires.

 

 

Le juge :

 

J.-M. VERNIORY

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :