Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/149/2023

ATA/1071/2024 du 10.09.2024 sur JTAPI/212/2024 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/149/2023-ICCIFD ATA/1071/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 septembre 2024

4e section

 

dans la cause

 

A______ et hoirie de feu B______,
soit A______, C______, et
D______, recourants

représentés par Me Nicolas MERLINO, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 mars 2024 (JTAPI/212/2024)


EN FAIT

A. a. Durant l’année fiscale 2012, les époux E______ et A______, nés respectivement les ______ 1946 et ______ 1944, parents de deux enfants majeurs, C______ et D______, résidaient sur le canton de Genève.

Le 21 septembre 2023, E______ est décédée.

b. Régisseur de profession, A______ détient un grand nombre d'immeubles, certains à titre privé, d'autres à titre commercial. Il possède également des participations dans plusieurs sociétés.

Il était notamment l'un des cinq membres fondateurs de la société F______ SA (ci-après : la société), constituée le ______ 1999 et ayant pour but social la « prise, administration et gestion de participation dans des sociétés ou entreprises, particulièrement dans le domaine immobilier ; achat, vente, location et exploitation de biens immobiliers ». Il détenait un quart du capital‑actions. Deux autres actionnaires possédaient également chacun 25% du capital-actions. G______, administrateur de la société, détenait 12.5% du capital-actions à titre personnel et 12.5% à titre fiduciaire. Cette société était propriétaire de deux immeubles locatifs gérés par la régie H______ SA (ci-après : la régie) dont A______ possédait 60% du capital-actions.

c. Par acte notarié du 4 octobre 2012, les actionnaires de la société ont cédé la totalité de leurs actions à la I______ (ci-après : la fondation) pour un prix de CHF 9'100'000.-.

d. Le même jour, A______ est devenu administrateur de la société, avec signature individuelle, à la place de G______. Le 6 février 2024, il en est devenu administrateur président.

B. a. Le 13 décembre 2012, A______ a remis à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) une déclaration pour l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers (ci-après : IBGI) faisant état de cette vente. La vente de ses 25 actions de la société lui avait permis de réaliser un gain immobilier de CHF 967'550.-.

b. Par courrier du 12 mars 2014, l'AFC-GE a informé A______ que, compte tenu de la nature professionnelle de la cession des actions précitée, le dossier était transmis au service des promoteurs immobiliers pour taxation.

c. Par bordereaux de taxation du 18 octobre 2016, l'AFC-GE a fixé l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2012 des contribuables à CHF 1'615'637.05 sur la base d'un revenu imposable de CHF 2'513'197.- et d'une fortune imposable de CHF 84'295'481.- et l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2012 à CHF 294'825.50 sur la base d'un revenu imposable de CHF 2'563'700.-.

Selon les avis de taxation de l'activité indépendante « B », annexés auxdits bordereaux, le bénéfice provenant de la vente des actions de la société avait été taxé en tant que revenu professionnel. Après application de la « déduction pour participations qualifiées commerciales », le bénéfice net y relatif s'élevait à CHF 483'775.-.

d. Le 18 novembre 2016, les contribuables ont élevé réclamation contre leurs bordereaux de taxation ICC et IFD 2010, 2011 et 2012.

Leur contestation portait sur l'attribution à la fortune commerciale des actions de la régie et sur la prise en considération d'une provision AVS d’A______.

e. Par décisions sur réclamation du 9 décembre 2022 portant sur l'année fiscale 2012, l'AFC-GE a accepté de faire droit aux conclusions des contribuables s'agissant de la prise en considération des actions de la régie dans le cadre de leur fortune privée et de tenir compte d'une provision de cotisations AVS, calculée sur les bénéfices de l'activité indépendante d’A______. Après rectifications, leur imposition était ainsi réduite de CHF 135'645.95 pour l'ICC et CHF 26'243.- pour l'IFD.

Dans la lettre accompagnant la décision relative à l'ICC 2012, les actions de la société figuraient dans la liste des titres qualifiés de fortune privée alors que dans l'avis de taxation de l'activité indépendante « A » remis en annexe des bordereaux rectificatifs, le bénéfice provenant de la vente de ces actions apparaissait comme un revenu.

Les taxations 2010 et 2011, ayant également fait l'objet de décisions sur réclamation du même jour, n’ont pas été contestées.

C. a. Par acte du 11 janvier 2023, les contribuables ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions précitées, en concluant à leur annulation et au renvoi de la cause à l'AFC-GE pour nouvelle taxation ICC et IFD 2012 retenant la qualification privée de la participation d’A______ dans le capital de la société et l'exonération fiscale du gain en capital réalisé lors de son aliénation en 2012.

b. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué, en persistant dans leurs conclusions.

Les contribuables ont notamment produit les documents suivants :

- deux conventions de crédit hypothécaire conclues entre la société et l'établissement bancaire UBS, dont l'art. 4 prévoyait que les crédits octroyés à la société, d'un montant total de CHF 5'000'000.-, devaient exclusivement servir au financement d'objets immobiliers. La société, propriétaire des immeubles, était donc débitrice des dettes hypothécaires, à l'exclusion du contribuable ;

- une attestation de G______ du 15 août 2023 indiquant que « les actions de la société n’étaient détenues par A______ que de manière purement passive. Son implication dans la société n’était que d’importance mineure et se limitait à sa participation aux assemblées générales de la société. La vente des actions de la société [était] intervenue à l’encontre de la volonté d’A______ qui y était opposé, néanmoins la majorité des actionnaires [avait] voté en faveur d’une telle vente. A______ [avait] été nommé administrateur de la société à partir du 4 octobre 2012 », date à partir de laquelle il n’avait plus détenu aucune action de la société. Cette attestation démontrait donc l'absence de toute activité de gestion du contribuable au sein de la société jusqu'à la cession des actions et sa position d'actionnaire minoritaire n'ayant aucun contrôle sur la société.

d. Par jugement du 11 mars 2024, le TAPI a rejeté le recours.

Compte tenu des circonstances, les contribuables ne pouvaient valablement et de bonne foi tirer argument de l’erreur de plume de l’AFC-GE dans le texte de sa décision sur réclamation de l’ICC 2012 en mentionnant les actions de la société dans la liste des participations qualifiées de privées, tandis que la position de celle‑ci sur la question du caractère professionnel de la vente desdites actions avait toujours été claire. En tout état, depuis lors, l’AFC-GE avait expliqué pour quels motifs elle avait retenu le caractère professionnel de l’opération querellée et les contribuables avaient pu se déterminer et faire valoir leurs arguments à cet égard. Une éventuelle violation de leur droit d’être entendus avait donc été réparée.

L’implication et l’expérience du contribuable dans le domaine immobilier ne pouvaient être remises en question. S’il n’avait pas une fonction d’administrateur au moment de la cession de ses actions de la société, il jouissait néanmoins, en tant que fondateur, d’une influence non négligeable sur les décisions de celle-ci grâce à sa participation représentant un quart du capital-actions. Sa participation purement passive ne pouvait être retenue, dès lors qu’il reconnaissait lui-même avoir confié la gérance des immeubles détenus par la société à sa régie. Au moment de l’opération litigieuse, le contribuable détenait 60% du capital-actions de la régie à qui la gestion des deux immeubles, propriété de la société, avait été confiée, ce qui accroissait directement l’activité commerciale de la régie. Ce seul fait était de nature à établir un rapport économique étroit entre ces deux entités et le caractère commercial de la participation. Le fait que les actions du contribuable dans la régie appartenaient à sa fortune privée n’était pas pertinente. La question de savoir si des fonds étrangers avaient été utilisés par le contribuable pour acquérir les actions de la société pouvait rester ouverte, dans la mesure où même s’il fallait reconnaître que tel n’était pas le cas, cela ne suffirait pas à contrebalancer les autres éléments permettant de considérer que le contribuable avait dépassé le cadre de l’administration courante de sa fortune privée. Le fait qu’il avait détenu ses actions durant plus de treize ans ne pouvait suffire à remettre en cause le caractère commercial de l’opération. Par conséquent, le bénéfice réalisé par le contribuable lors de la vente des actions de la société ne pouvait être qualifié de gain en capital privé, obtenu de manière fortuite dans le cadre de la simple administration de sa fortune privée, étant précisé que la notion d’activité lucrative indépendante s’interprétait largement.

D. a. Par acte du 12 avril 2024, l’hoirie de feu B______ et A______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant, principalement, à son annulation et au renvoi de la cause à l’AFC-GE pour la notification de nouveaux bordereaux de taxation ICC/IFD 2012. Préalablement, ils sollicitaient la suspension de l’instruction du recours en raison du décès de feu E______, l’audition d’A______, ainsi que de G______ et J______, en qualité de témoins.

Dans son appréciation des faits, le TAPI n’avait pas tenu compte des considérations ni des pièces qu’ils avaient remises, alors qu’elles permettaient de démontrer l’absence de toute implication de la part du contribuable dans les affaires de la société. Le TAPI n’avait pas tenu compte de l’attestation de G______ du 15 août 2023, ni du fait que la participation du contribuable aux assemblées générales de la société était sporadique et que la cession des actions de la société était intervenue sur requête de l’acquéreuse, de sorte qu’elle ne relevait pas d’une planification systématique et commerciale des opérations, mais constituait un cas fortuit. Ces éléments auraient dû, à tout le moins, susciter des doutes quant à l’étendue du pouvoir décisionnel du recourant au sein de la société. Le TAPI s’était limité à les mentionner de manière succincte dans sa constatation des faits, sans approfondir leur légitimité ni les intégrer dans son analyse. Il n’avait pas davantage cherché à éclaircir les faits ou solliciter des informations ou moyens de preuves complémentaires alors même que des indices concrets requéraient la nécessité d’une instruction supplémentaire. Le TAPI s’était donc fondé sur un état de fait inexact et incomplet pour rendre sa décision.

Contrairement à ce qu’avait retenu le TAPI, il n’y avait pas de lien étroit entre la société et la régie. Les actions de cette dernière appartenaient à la fortune privée du recourant, qualification qui avait été confirmée à plusieurs reprises par l’AFC-GE. La régie, en tant que personne morale, était une contribuable distincte. La donation de 40% du capital-actions de la régie faite à son fils en 2010 découlait de son souhait de lui en confier la direction, dans la mesure où il aspirait à s’éloigner de la régie après avoir atteint l’âge de la retraite en 2009. Au moment des faits, le recourant était lui-même employé de la régie, en percevant un salaire annuel brut de CHF 292'500.-, soit un salaire mensuel brut de CHF 22'500.- sur treize mois. Cette rémunération, conforme au prix du marché, écartait tout besoin ou recours à d’autres sources de revenu, renforçant ainsi la séparation juridique et fiscale entre le recourant et la régie. Les relevés détaillés du compte de gestion des immeubles de la société pour l’année 2011 attestaient que la rémunération convenue pour l’activité exercée par la régie avait été établie en conformité avec les prix du marché. La détention des actions de la société n’avait aucunement permis d’augmenter l’activité commerciale de la régie, cette dernière s’étant limitée à déployer une simple activité de gérance comme elle l’aurait fait pour tout autre client. La société était d’ailleurs restée cliente de la régie, sans changement, après la vente de la participation du recourant. Les documents produits montraient qu’il ne s’était pas endetté personnellement pour constituer les actions de la société ni pour permettre à cette dernière d’acquérir ses deux immeubles. Les dettes hypothécaires mentionnées dans la convention de cession du capital-actions de la société et déduites du prix de vente de CHF 9'100'000.- étaient les dettes hypothécaires comptabilisées au passif du bilan de la société et qui grevaient les deux immeubles détenus par cette dernière. Dès lors que le recourant avait financé la constitution de la société uniquement avec des fonds propres, il ne pouvait être retenu qu’il avait fait appel à des fonds étrangers afin d’acquérir lesdites participations. Les analogies établies avec la jurisprudence citée n’étaient pas pertinentes. Le TAPI s’était appuyé sur l’apparence d’un pouvoir de contrôle qu’aurait eu le recourant sur la société, alors que celle-ci était erronée au regard des éléments précités.

Les mesures d’instruction requises devaient leur permettre de fournir des informations complémentaires sur les fonctions du contribuable au sein de la société durant la période des faits, en particulier l’absence de toute influence qu’il aurait pu exercer sur celle-ci.

Étaient notamment joints les documents suivants :

- le procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire de la société du 16 mars 2012 indiquant que celle-ci s’était tenue dans les locaux de la régie ;

- les relevés détaillés du compte de gestion des immeubles de la société au 31 décembre 2011 ;

- le contrat de gérance entre la société et la régie pour l’un des deux immeubles de la première pour l’année 2017, renouvelable tacitement d’année en année. Le taux des honoraires de gérance était fixé à 3,7% TVA incluse de l’état locatif annuel encaissé du bien immobilier faisant l’objet dudit contrat.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Quant aux faits, elle s’en remettait à ses précédentes écritures et au jugement litigieux.

Contrairement aux allégations des recourants, le TAPI avait pris en considération l’attestation de G______, laquelle ne permettait pas de démontrer, à elle seule, l’absence d’influence du contribuable sur les décisions de la société. Le TAPI avait exposé les éléments ayant fondé sa conviction, quant à l’influence certaine du contribuable sur les décisions de cette société. Les faits n’avaient donc pas été présentés de manière inexacte. En réalité, les recourants contestaient l’interprétation qu’il avait donnée à ces faits, laquelle relevait du droit.

Bien que le contribuable n’ait pas été administrateur de la société, il en détenait 25% du capital-actions, soit une participation qualifiée. De par cet investissement substantiel, il était évident qu’il participait aux prises de décisions de la société. Pour preuve, la gestion des deux immeubles de cette société avait été attribuée à la régie, dont il détenait, durant l’année fiscale litigieuse, la majorité du capital-actions et au sein de laquelle il était salarié. La gestion des immeubles appartenant à la société avait bel et bien permis d’augmenter le chiffre d’affaires et, par là même, les profits de la régie. Il existait donc un lien économique entre la société, la régie et le recourant. Le fait que le contribuable ne s’était pas endetté personnellement pour la constitution de la société et pour permettre à cette dernière d’acquérir ses immeubles, devait être relativisé au vu de son importante surface financière. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le seul élément déterminant était l’expertise du contribuable dans le domaine immobilier lui permettant de faciliter la réalisation de gains immobiliers. Celle-ci ne pouvait être niée in casu, dès lors que le recourant était, lors de la vente des actions de la société, salarié de la régie, dont il détenait la majorité du capital-actions, ainsi que propriétaire d’un grand nombre d’immeubles et de participations à des sociétés actives dans l’immobilier.

Au surplus, les recourants se limitaient à substituer leur appréciation à celle du TAPI sans démontrer le caractère arbitraire du jugement querellé.

c. Les recourants ont répliqué en persistant dans leurs conclusions et précédents développements.

Un examen adéquat du TAPI l’aurait amené à s’interroger sur l’identité de la personne exerçant réellement le pouvoir décisionnel, en particulier celui dont jouissait G______. Or, ni la position des autres actionnaires ni leur pouvoir décisionnel au sein de la société n’avaient été discutés. Les éléments mis en avant montraient le rôle significatif de G______ au sein de la société, l’absence d’implication et d’influence du recourant dans la gestion des affaires de la société, ainsi que les circonstances ayant entouré la vente des actions de la société, intervenue à l’encontre de la volonté du recourant, qui auraient dû être prises en considérations par le TAPI. La régie agissait uniquement en tant que mandataire pour la gestion des immeubles, sans aucun pouvoir décisionnel sur la société. Elle avait facturé ses services de manière régulière et au prix du marché. Sur la base des comptes 2011 de la régie, l’activité de gestion des immeubles de la société n’avait eu aucun impact significatif sur les affaires de la régie. Ainsi, contrairement à la jurisprudence citée par le TAPI, dans le cas d’espèce, G______ était administrateur unique de la société avec signature individuelle, le recourant n’avait aucun pouvoir de contrôle sur la société ni de gestion, la durée de détention de ses participations était de treize ans et il en avait financé l’acquisition au moyen de fonds propres.

Étaient notamment joints le bilan, ainsi que le compte de pertes et profits de la régie au 31 décembre 2011.

d. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             À titre liminaire, les recourants sollicitent la suspension de la procédure en raison du décès de feu E______.

2.1 Aux termes de l’art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions.

Cette disposition est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu’une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/206/2015 du 24 février 2015 consid. 2c).

2.2 In casu, les recourants concluent à ce que la suspension de la présente procédure soit ordonnée en raison du décès de feu E______ le 21 septembre 2023. Hormis cette conclusion, leur acte de recours ne contient toutefois aucun développement à ce sujet. En particulier, il n’est aucunement expliqué que l’ouverture ou la conduite d’une éventuelle procédure civile en parallèle s’opposerait au déroulement de la présente procédure administrative. Au demeurant, la qualité pour recourir de l’hoirie n’est pas contestée dans la présente procédure.

Par conséquent, il ne sera pas donné suite à la demande de suspension de celle-ci.

3.             Préalablement, les recourants sollicitent des mesures d’instruction, à savoir l’audition du contribuable, de G______ et de J______.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour la personne intéressée de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Il n'empêche toutefois pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 du 20 avril 2023 consid. 3.1 et les références citées). Le droit d'être entendu n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_372/2021 du 26 janvier 2023 consid. 2.3). Il n’implique pas non plus celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 En l'occurrence, les recourants ont pu se déterminer à plusieurs reprises dans le cadre de la présente procédure, ainsi que produire tous les documents utiles, notamment une attestation de G______ du 15 août 2023 relatant le rôle du contribuable au sein de la société. Il s’ensuit que la chambre de céans dispose des déterminations du contribuable ainsi que de celle de G______ sur l’implication du premier au sein de la société. Aucun élément ne justifie donc de les auditionner oralement. Quant à l’audition de J______, si celle-ci est sollicitée dans les écritures des recourants, elle ne figure pas dans leur conclusion à ce sujet. En outre, aucune indication ne précise la fonction de celui-ci ou les éléments qu’il pourrait apporter dans le cadre de la présente cause, de sorte que son audition n’apparaît pas utile à la résolution du présent litige.

Par ailleurs, les recourants ont pu se déterminer sur l’ensemble des écritures de l’AFC-GE, qui a détaillé sa position et produit la totalité de son dossier relatif à la situation du contribuable et de sa défunte épouse.

La chambre de céans dispose donc d’un dossier complet, lui permettant de trancher le présent litige. Ainsi, il ne sera pas donné suite à la requête des recourants.

4.             Il convient au préalable de déterminer le droit matériel applicable.

4.1 En l'absence d'une réglementation expresse contraire, le droit applicable à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause (ATF 140 I 68 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_715/2022 du 19 juillet 2023 consid. 5).

4.2 En l'espèce, le litige porte sur la taxation ICC et IFD pour l’année 2012. La cause est ainsi régie par le droit en vigueur durant cette période, à savoir, s'agissant de l'IFD, par les dispositions de la LIFD et, pour ce qui est de l'ICC, par celles de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009
(LIPP - D 3 08) et de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14).

La question à trancher dans le cadre du recours étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme l'admet la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1).

5.             Le litige porte sur la question de savoir si la cession des actions de la société a été réalisée dans le cadre de l'administration ordinaire du patrimoine, auquel cas le bénéfice serait exclusivement soumis à l'IBGI, ou dans l'exercice d'une activité lucrative indépendante, alors imposable comme revenu.

À cet égard, il est d'emblée relevé que les parties s'accordent sur le montant en question, de sorte que seule demeure litigieuse la qualification de la fortune – privée ou commerciale – visée, déterminant le type d'impôt applicable.

6.             6.1 Les gains en capital réalisés sur des éléments de la fortune privée du contribuable, notamment lors de l'aliénation d'éléments de la fortune privée, sont exonérés de l'impôt sur le revenu (art. 16 al. 3 LIFD ; art. 7 al. 4 let. b LHID).

Sont imposables tous les revenus provenant notamment de l'exploitation d'une entreprise commerciale ou de toute autre activité lucrative indépendante (art. 18 al. 1 LIFD). Tous les bénéfices en capital provenant de l'aliénation d'éléments de la fortune commerciale font partie du produit de l'activité lucrative indépendante. La fortune commerciale comprend tous les éléments de fortune qui servent, entièrement ou de manière prépondérante, à l'exercice de l'activité lucrative indépendante (art. 18 al. 2 LIFD).

À Genève, au titre de revenu imposable, sont également considérées comme une activité lucrative indépendante les opérations portant sur des éléments de la fortune, notamment sur des titres et des immeubles, dans la mesure où elles dépassent la simple administration de la fortune (art. 19 al. 1 LIPP). Les bénéfices en capital provenant de l'aliénation d'éléments de la fortune commerciale font partie du produit de l'activité lucrative indépendante (art. 19 al. 2 LIPP). La fortune commerciale comprend tous les éléments de fortune qui servent entièrement ou de manière prépondérante à l'activité indépendante (art. 19 al. 3 LIPP).

6.2 Depuis le 1er janvier 2001, les cantons sont tenus de prélever un impôt sur les gains immobiliers (art. 1 al. 2 et art. 2 al. 1 let. d LHID), la LHID fixant les principes selon lesquels la législation cantonale l'établit (art. 1 al. 1 LHID et 129 Cst.). Ainsi, l'impôt sur les gains immobiliers privés a pour objet les gains réalisés lors de l'aliénation de tout ou partie d'un immeuble faisant partie de la fortune privée du contribuable ou d'un immeuble agricole ou sylvicole, à condition que le produit de l'aliénation soit supérieur aux dépenses d'investissement (prix d'acquisition ou autre valeur s'y substituant, impenses ; art. 12 al. 1 LHID). Les cantons peuvent percevoir l'impôt sur les gains immobiliers également sur les gains réalisés lors de l'aliénation d'immeubles faisant partie de la fortune commerciale du contribuable, à condition que ces gains ne soient pas soumis à l'impôt sur le revenu ou sur le bénéfice ou que l'impôt sur les gains immobiliers soit déduit de l'impôt sur le revenu ou sur le bénéfice (art. 12 al. 4 LHID).

À Genève, l'IBGI, qui a pour objet le bénéfice net provenant de l’aliénation d’immeubles ou de parts d’immeubles sis dans le canton, est réglé aux art. 80 ss de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05).

6.3  

6.3.1 La coexistence des art. 16 al. 3 et 18 al. 1 et 2 LIFD autorise l’autorité de taxation à requalifier de gains provenant d’activités indépendantes des bénéfices réalisés par des contribuables lors de l’aliénation d’éléments annoncés par ceux-ci, comme appartenant à leur fortune privée (Yves NOËL, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2017, n. 66 et 71 ad art. 16 LIFD).

La question de savoir si l’aliénation d’un de ses actifs par un contribuable doit être considérée comme un acte de simple gestion de la fortune privée laquelle était exonérée, ou si elle devait être considérée comme le produit d’une activité lucrative indépendante, a suscité une abondante jurisprudence dont la tendance a été de restreindre progressivement le champ application de l’art. 16 al. 3 LIFD au profit de l’extension de la notion d’activité indépendante. Sur ce point spécifique, cette jurisprudence ne fait que confirmer celle plus générale de prêter à l’art. 18 LIFD, par la double adoption de ses al. 1 et 2, l’objectif d’étendre la notion d’activité indépendante en y intégrant les gains en bénéfice, l’exonération des bénéfices en capital privés restant limitée à la simple administration de la fortune privée (ATF 125 II 113 consid. 3c = RDAF 1999 II 385, 396 ; Yves NOËL, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, op. cit., n. 10 et 11 ad art. 18 LIFD).

6.3.2 Pour déterminer si un gain généré par la vente d’un élément de la fortune d’un contribuable doit être qualifié de produit d’une activité indépendante ou de gain privé en capital, le Tribunal fédéral a jugé que différents indices, déjà développés dans le cadre de l’ancien arrêté fédéral du 9 décembre 1940 concernant la perception d’un impôt fédéral direct (AIFD) lors de l’exercice d’une activité indépendante pouvait être repris dans l’interprétation de l’art. 18 al. 1 LIFD (ATF 125 II 113 précité consid. 5b ; ATF 122 II 446 consid. 3 = RDAF 1997 II 383 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_948/2010 du 31 octobre 2010 consid 2.2 ; Yves NOËL, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, op. cit., n. 10 ad art. 18 LIFD).

De jurisprudence constante, la distinction entre un gain privé en capital (non imposable sur le revenu) et un bénéfice commercial en capital provenant de l'exercice d'une activité lucrative indépendante (imposable sur le revenu), dépend des circonstances concrètes du cas. La notion d'activité lucrative indépendante s'interprète largement, de telle sorte que sont seuls considérés comme des gains privés en capital exonérés de l'impôt sur le revenu ceux qui sont obtenus par un particulier de manière fortuite ou dans le cadre de la simple administration de sa fortune privée. En revanche, si l'activité du contribuable excède ce cadre relativement étroit et est orientée dans son ensemble vers l'obtention d'un revenu, l'intéressé est réputé exercer une activité lucrative indépendante dont les bénéfices en capital sont imposables. Une telle qualification peut se justifier, selon les cas, même en l'absence d'une activité reconnaissable pour les tiers et/ou organisée sur le modèle d'une entreprise commerciale, et même si cette activité n'est exercée que de manière accessoire ou temporaire, voire même ponctuelle.

C'est avant tout en lien avec les transactions effectuées par les particuliers sur des immeubles ou sur des titres que la jurisprudence a été amenée à dégager des critères permettant de tracer la limite entre les gains (privés) en capital exonérés et les bénéfices (commerciaux) en capital imposables. Elle a notamment considéré que valent comme indices d'une activité lucrative indépendante dépassant la simple administration de la fortune privée les éléments suivants : le caractère systématique et/ou planifié des opérations, la fréquence élevée des transactions, la courte durée de possession des biens avant leur revente, la relation étroite entre l'activité indépendante (accessoire) supposée et la formation et/ou la profession (principale) du contribuable, l'utilisation de connaissances spécialisées, l'engagement de fonds étrangers d'une certaine importance pour financer les opérations, le réinvestissement du bénéfice réalisé ou encore la constitution d'une société de personnes. Parmi les indices permettant, de manière générale, de distinguer entre activité indépendante et gestion privée, on peut mentionner l'utilisation effective du bien et le motif de son aliénation. Chacun de ces indices peut conduire, en concours avec les autres voire - exceptionnellement - isolément s'il revêt une intensité particulière, à la reconnaissance d'une activité lucrative indépendante. En outre, l'absence d'éléments typiques d'une telle activité dans un cas concret peut être relativisée par d'autres indices revêtant une intensité particulière. En toute hypothèse, les circonstances concrètes du cas sont déterminantes, telles qu'elles se présentent au moment de l'aliénation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_419/2020 du 23 novembre 2020 consid. 5.3 et le références citées).

6.3.3 Dans le commerce d’immeubles, un comportement jugé trop actif d’un contribuable ou de ses mandataires dans la gestion d’un bien est fréquemment qualifié d’activité lucrative indépendante, même si l’intéressé n’apparaît pas comme tel aux yeux de tiers. Tel est spécialement le cas lorsqu’un contribuable exerce déjà une activité indépendante et qu'il vend des biens appartenant à sa fortune privée, ces biens étant requalifiés en éléments de la fortune commerciale (Yves NOËL, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, op. cit., n. 71 ad art. 16 LIFD).

Une participation à une collectivité de personnes s'occupant d'affaires immobilières place tous les associés sur le rang de professionnels de l'immobilier et, du même coup, fait de l'immeuble un actif commercial (Raoul OBERSON, L'immeuble et le droit fiscal, 1999, p. 153-154).

Les opérations immobilières d'un contribuable peuvent être d'emblée considérées comme commerciales lorsqu'elles sont en relation avec sa profession. Cette relation est directe lorsque l'opération a pour but de procurer du travail au contribuable ou à son entreprise ou que celui-ci utilise les connaissances qu'il a acquises dans sa profession principale. C'est le cas de personnes qui exercent l'un des métiers du bâtiment, c'est-à-dire des entrepreneurs, des architectes, des gypsiers-peintres, des installateurs de chauffage et autres maîtres d'état, ainsi que celles dont la profession est en rapport direct avec l'exploitation d'immeubles, telle que les gérants d'immeubles. Il est indifférent que l'opération ait effectivement procuré un travail au contribuable ou que celui-ci ait revendu l'immeuble sans transformation (Danielle YERSIN, Les gains en capital considérés comme le revenu d’une activité lucrative, in ASA 59 137 ss, p. 143-144).

6.3.4 Ainsi, le Tribunal fédéral a confirmé un arrêt de la chambre de céans retenant que les conditions permettant d'admettre l'existence d'un revenu provenant de l'exercice d'une activité indépendante étaient réunies dans le cas d'un particulier ayant revendu un bien qu'il avait acquis, partiellement en s'associant avec deux tiers, et avait occupé lui-même à titre privé. Le bien en question n'avait pas été acheté initialement dans le but de satisfaire des besoins purement privés, mais afin d'accueillir le siège de son employeur, dans un contexte immobilier particulier. L'intéressé avait également rentabilisé le bien immobilier en question en le louant. Il n'y avait logé que sept ans, alors qu'il l'avait détenu pendant dix-sept ans, afin de le revendre au terme de la période de crise immobilière avec un bon profit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_834/2012 du 19 avril 2013 ; ATA/422/2012 du 3 juillet 2012).

Selon les cas, une opération unique peut même être assimilée à une telle activité lorsque, par son ampleur, sa complexité, les compétences requises ou les moyens mis en œuvre, elle excède largement les capacités d'un simple particulier en matière de gestion de ses biens, ou encore les limites d'un mandat de gestion de fortune de type traditionnel (ATA/593/2011 du 20 septembre 2011 consid. 5 : réhabilitation d'un immeuble suivie de la revente de la plus grande partie des appartements issus de la transformation). Tel est également le cas lorsque l'opération isolée est en rapport avec la profession principale du contribuable. Ce sont les circonstances dans lesquelles s'est déroulée l'opération et son but qui sont déterminants (ATF 96 I 655 ; 93 I 285). Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a considéré que la constitution d'une propriété par étage (ci-après : PPE) pour faciliter la revente d'un immeuble et réaliser un gain plus élevé ne constitue pas à elle seule un indice déterminant en faveur d'une opération professionnelle. En revanche, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des opérations immobilières réalisées par les personnes concernées et les apprécier dans leur globalité. Le Tribunal fédéral a ainsi retenu que trois opérations immobilières sur des lots de PPE en l'espace de sept ans dépassaient la simple gestion de la fortune privée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1276/2012 et 2C_1277/2012 du 24 octobre 2013 consid. 4.3.1 ; RF 2014 p. 50 ; Yves NOËL, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, op. cit., n. 22 ad art. 18 LIFD).

Le Tribunal fédéral a également confirmé que les bénéfices résultant de la vente d’immeubles détenus durant 35 ans et plus par le recourant devaient être imposés au titre de revenus de l’activité lucrative indépendante, en raison du rôle très actif de celui-ci dans l’immobilier, de son partenariat avec d’autres professionnels de l’immobilier pour les projets en question, ainsi que de ses capacités professionnelles et ses connaissances spécialisées en matière d’immeubles, attestées par sa formation d’ingénieur civil, sa participation à un grand nombre d’opérations immobilières, de même que son activité en tant qu’administrateur-secrétaire au sein de la société qui avait pour but notamment la promotion immobilière. En outre, le recourant n’avait pas participé à ces affaires immobilières pour ses besoins purement privés, n'ayant jamais habité dans un des bâtiments en question (arrêt du Tribunal fédéral 2C_419/2020 précité consid. 5.4.2 ; ATA/371/2020 du 16 avril 2020).

La chambre de céans a aussi considéré que la réalisation de bénéfices imposables comme revenus résultant de l’exercice d’une activité lucrative indépendante devait être retenue dans les cas suivants :

- un recourant, architecte de profession, ayant vendu l’appartement qu’il possédait à son locataire, en faisant preuve d’un comportement actif dans le cadre de la promotion immobilière dont était issu l’immeuble vendu, s’étant associé avec les promoteurs avec lesquels il avait ensuite réalisé diverses opérations immobilières (ATA/977/2021 du 21 septembre 2021 consid. 7b) ;

- la vente d’un immeuble que le recourant avait acquis au travers d’une société constituée avec son ex-belle-mère, compte tenu du risque lié au mode de financement de l'achat de l'immeuble concerné, des travaux effectués postérieurement impliquant un endettement important du recourant, du lien entre la courte durée de détention de l'immeuble et la cession du capital-actions de la société du recourant, ainsi que du but d'assurer des locaux à cette dernière (ATA/1320/2018 du 4 décembre 2018 consid. 4e) ;

- la vente d’une parcelle après sa valorisation effectuée par l'intimée, architecte et promotrice immobilière de profession, peu important que le bien en question ait été acquis par celle-ci en partie par voie successorale et que sa sœur ait été exemptée d'impôt pour cette même opération (ATA/389/2016 du 3 mai 2016 consid. 11, confirmé par arrêts du Tribunal fédéral 2C_550/2016 et 2C_551/2016 du 8 mars 2017) ;

- le produit de la vente des actions qu'un contribuable - en l’occurrence, le recourant - détenait au sein d'une société, spécialisée dans l’immobilier, dans laquelle il était fortement impliqué et dont certains des immeubles étaient gérés par sa propre société de gérance. À ces indices s’ajoutaient les nombreuses années d’expérience du contribuable, qu’il avait pu utilement mettre à profit dans son activité au sein de la société (ATA/719/2014 du 9 septembre 2014 consid. 3c).

6.4 Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA).

6.4.1 En application de la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public (art. 19 et 20 LPA), l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits (ATF 124 II 361 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1) ; il leur incombe d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

6.4.2 La constatation des faits est, en procédure administrative, gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2e phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2  ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/1278/2023 du 28 novembre 2023 consid. 2.6 et les arrêts cités).

6.4.3 En matière fiscale, la chambre administrative détient le même pouvoir d’examen que le TAPI et peut à nouveau examiner les éléments imposables (art. 54 LPFisc). Toutefois, appliquant également au domaine fiscal sa jurisprudence constante, la chambre administrative, dès lors que la cause a déjà été soumise à une juridiction de première instance, n’examine pas les prétentions et les griefs qui n’ont pas fait l’objet du prononcé de l’instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité, d’enfreindre le principe de l’épuisement des voies de droit préalables, et en définitive de priver les parties d’un degré de juridiction (ATA/1261/2015 du 24 novembre 2015, non remis en cause sur ce point par l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2016 du 24 novembre 2016 consid. 2.2.3 ; ATA/1454/2017 du 31 octobre 2017 consid. 3b).

6.5 En l’espèce, les recourants font valoir que le TAPI n’a, à tort, pas tenu compte des éléments, soit l’attestation de G______ du 15 août 2023, démontrant l’absence de rôle décisionnel du contribuable dans la conduite des affaires de la société au moment de la cession des actions de celle-ci. Ils estiment également qu’aucun lien étroit ne pouvait être retenu entre la société et la régie. À ce titre, les analogies établies entre la jurisprudence susrappelée et la situation du contribuable n’étaient pas pertinentes.

Selon l’AFC-GE, le TAPI avait pris en considération tous les éléments du dossier pour considérer que le gain réalisé par les recourants lors de la cession des actions de la société devait être imposé comme revenu. En effet, l’attestation susmentionnée ne suffisait pas, à elle seule, à démontrer l’absence d’influence du contribuable sur les décisions de la société.

6.5.1 Au nombre des éléments plaidant en faveur d’une gestion privée de la fortune du contribuable peut être retenu le mode de financement privé des 25 actions que celui-ci détenait dans la société. Il ressort en effet du dossier, notamment des deux conventions de crédit hypothécaire des 20 septembre et 27 novembre 2012 conclues entre la société et les banques que la première, propriétaire des immeubles concernés, en était débitrice. Ainsi, le recourant n’a lui-même fait appel à aucun fonds étranger pour financer sa part du capital-actions dans la société.

Quant à son rôle au sein de la société en tant qu’actionnaire possédant un quart du capital-actions, l’attestation de G______ du 15 août 2023 indique que celui-ci s’est limité à être passif, le contribuable n’ayant eu aucune influence sur la vente du 4 octobre 2012.

6.5.2 Cependant, ainsi que l’a relevé le TAPI conformément à la jurisprudence susrappelée, la portée de ces deux indices doit être relativisée compte tenu de l’ensemble des autres circonstances du cas d’espèce, se rapprochant davantage de l’exercice d’une activité lucrative indépendante.

Si les recourants fondent principalement leur argumentation sur l’attestation susmentionnée, force est de constater que plusieurs autres éléments du dossier viennent en atténuer, voire en contredire le contenu.

Tandis que le contribuable prétend n’avoir exercé qu’un rôle passif au sein de la société, il apparaît que le jour même de la cession des actions, il en est devenu l’unique administrateur, en lieu et place de G______. Il occupe d’ailleurs toujours cette fonction à ce jour, étant précisé que si un second administrateur l’exerce désormais également à ses côtés, il n’en demeure pas moins administrateur-président. Il apparaît dès lors peu crédible qu’une personne n’ayant exercé aucune influence sur les activités de la société, en ait été nommée l’administrateur le jour même de la cession de ses actions.

Pour minimiser son implication en tant qu’actionnaire au sein de la société, le contribuable invoque également son absence à la dernière assemblée générale. Or, outre le fait que l’attestation de G______ du 15 août 2023 indique expressément que le contribuable y assistait, celle-ci s’est tenue le 16 mars 2012 dans les locaux de la régie dont il est actionnaire majoritaire, selon le procès-verbal y relatif.

À cela s’ajoute que les deux immeubles propriétés de la société étaient et restent à ce jour gérés par la régie, dont le contribuable possède 60% du capital-actions et est lui-même salarié. Quelle que soit la proportion du chiffre d’affaires de la régie que représentent ces mandats, il n’en demeure pas moins que ceux-ci ont contribué à l’augmenter. Ce profit, constituant la base même du fonctionnement d’une société, contribue à rémunérer le contribuable, tant comme salarié de la régie que comme actionnaire de cette entité.

Finalement, tel que cela a été relevé dans l’arrêt de la chambre de céans précité le concernant (ATA/719/2014 précité), le contribuable possède de nombreuses années d’expérience dans le domaine de l’immobilier. Dès lors que la régie dont il est actionnaire majoritaire et salarié gère les deux immeubles de la société et qu’il est, depuis la cession des actions, administrateur de celle-ci, il a indéniablement pu utilement mettre à profit ses connaissances professionnelles dans le cadre de son activité au sein de la société. Il convient d’ailleurs de relever que, pour fonder la société, le contribuable s’est associé à quatre autres personnes, également actives dans le domaine de l’immobilier.

6.5.3 Au vu de ce qui précède, l’examen de l’ensemble des éléments du dossier démontre que les indices indiquant l’exercice d’une activité lucrative indépendante contrebalancent largement ceux en faveur d’une gestion privée.

Les différences que les recourants ont pu relever entre la présente procédure et les cas mentionnés dans la jurisprudence susrappelée, notamment celui visant le contribuable, ne sont pas de nature à changer cette approche. En effet, tel que rappelé dans les considérants précédents, ce sont bien les circonstances concrètes du cas qui sont déterminantes.

En conséquence, l’AFC-GE et le TAPI ont, à juste titre, qualifié le bénéfice de la cession des actions comme relevant de l’activité professionnelle du contribuable, de sorte que le jugement attaqué sera confirmé.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 avril 2024 par A______ et l’hoirie de feu B______, soit A______, C______ et D______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 mars 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire d’A______ et de l’hoirie de feu B______, soit A______, C______ et D______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nicolas MERLINO, avocat des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :