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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/582/2023

ATA/1018/2024 du 27.08.2024 sur JTAPI/889/2023 ( LCR ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.10.2024, rendu le 29.10.2024, REJETE, 1C_599/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/582/2023-LCR ATA/1018/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 août 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 août 2023 (JTAPI/889/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1946, est titulaire d'un permis de conduire depuis le 29 septembre 1964.

b. Le 1er mars 2021, à 10h40, A______ a été interpellé par la police au volant d'un véhicule automobile, circulant sur le boulevard B______, en direction de l'avenue C______.

Selon le rapport de police du 2 mars 2021, arrivé à l'intersection entre ledit boulevard et la rue D______, A______ avait manqué de percuter un scooter en tentant de changer de voie. Les policiers avaient également constaté qu'il avait les yeux rivés sur son téléphone. A______ avait déclaré qu'il n'avait pas le téléphone à l'oreille, mais qu'il l'avait posé sur son genou.

c. Le 16 mars 2021, l'office cantonal des véhicules (ci-après: OCV) a informé A______ que le constat de police pouvait mener au prononcé d'une mesure administrative et lui a imparti un délai pour se déterminer.

La procédure a par la suite fait l'objet d'une suspension.

B. a. Par ordonnance pénale du 30 mars 2021, A______ a été condamné à une amende de CHF 660.- (non compris les émoluments) pour violation des règles de la circulation routière.

Il était retenu que l’intéressé, par inattention et avec mise en danger abstraite, avait manqué de percuter un scooter en changeant de voie, alors qu'il circulait au volant d'un véhicule automobile, et que les policiers en patrouille avaient constaté qu'il était inattentif, son regard étant rivé sur son téléphone portable. Il était relevé que le conducteur contestait les faits tels qu'établis dans le rapport de contravention, car selon lui aucun scooter ne se trouvait à proximité de son véhicule et qu'il n'avait pas les yeux rivés sur son téléphone.

b. En date du 16 août 2022, A______ a retiré l'opposition qu'il avait formée contre cette ordonnance pénale le 7 avril 2021, de sorte que, par ordonnance du 17 août 2022, le Tribunal de police a déclaré que l'ordonnance pénale du 30 mars 2021 devait être assimilée à un jugement entré en force.

c. Par décision du 19 janvier 2023, l'OCV a prononcé le retrait du permis de conduire de A______ pour une durée d'un mois.

Il lui était reproché de ne pas avoir voué toute l'attention nécessaire à la route et à la circulation en manipulant un téléphone portable, avec mise en danger, en manquant de percuter un scooter en tentant de changer de voie, le 1er mars 2021 à 10h40, sur le boulevard B______, en direction de l'avenue C______, au volant d'une voiture. Il s'agissait d'une infraction moyennement grave aux règles de la circulation routière. L'intéressé ne justifiait pas d'un besoin professionnel de conduire et pouvait justifier d'une bonne réputation, de sorte que la mesure prononcée ne s'écartait pas du minimum légal.

C. a. Par acte du 17 février 2023, A______ a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI) contre la décision précitée, concluant, à titre préalable, à l'audition des agents de police présents lors de l'interpellation et à la production de la vidéo relative aux faits qui lui étaient reprochés, et à titre principal à l'annulation de la décision, subsidiairement à ce que seul un avertissement soit prononcé.

Les faits avaient mal été constatés par les agents de police, dès lors qu'il n'y avait eu aucun scooter sur les lieux, ce qui justifiait que l'autorité administrative s'écarte des considérations de la procédure pénale, tant en fait qu'en droit. En toute hypothèse, même si une manipulation du téléphone pouvait lui être reprochée, il ne s'agirait que d'une infraction légère aux règles de la circulation routière. En outre, sa mobilité réduite – il souffrait d'une invalidité de 75% – n'avait pas été prise en compte dans la fixation de la sanction. Le retrait de son permis de conduire constituerait une sanction disproportionnée, dès lors qu'il ne pouvait utiliser les transports publics et qu'aucun de ses proches ne conduisait, de sorte que son suivi médical serait rendu impossible. Il n'avait retiré son opposition à l'ordonnance pénale qu'en raison du fait que l'agent de police dont il entendait solliciter l'audition avait quitté les rangs de la police, sans que l'on puisse retrouver sa trace.

b. Le 20 avril 2023, l'OCV a conclu au rejet du recours.

Le retrait par le conducteur de son opposition contre l'ordonnance pénale du 30 mars 2021 avait eu pour effet que cette dernière était assimilée à un jugement entré en force, raison pour laquelle, à l'issue de la procédure pénale, la décision querellée avait été rendue.

Dans son courrier du 25 mars 2021 valant exercice de son droit d'être entendu, A______ avait reconnu avoir eu son téléphone sur ses genoux et l'avoir manipulé afin de mettre un terme à une tentative d'appel reçu, ne disposant pas, au moment des faits, du dispositif « mains libres » qu'il affirmait utiliser habituellement. Il avait par ailleurs également reconnu avoir circulé sur une voie à trafic dense, ce qui présupposait qu'une attention toute particulière devait être accordée à la circulation.

Le degré général d'attention que le conducteur devait accorder à la route et au trafic était déterminé par l'ensemble des circonstances, notamment la densité du trafic et les sources de danger prévisibles, tel que les nombreux motocycles circulant en centre-ville de Genève. La loi interdisait explicitement toute occupation rendant difficile la conduite du véhicule. De ce fait, certaines occupations, telle la manipulation d'un téléphone portable ou la présence de ce dernier sur les genoux du conducteur entravaient en soi la maîtrise nécessaire du véhicule et créaient ainsi un délit de mise en danger, au moins abstraite, pour les autres usagers. N'étant pas porteur de son dispositif « mains libres » au moment des faits et ayant mis un terme à une tentative d'appel reçu, il était établi que le conducteur avait manipulé son téléphone portable et avait de ce fait déporté son attention et son regard, à tout le moins à une reprise, sur son téléphone portable, au détriment de la circulation routière, ce d'autant que selon le rapport de contravention du 2 mars 2021 établi par la police, il avait le regard rivé sur son téléphone portable.

Ainsi, en ne vouant pas toute son attention à la circulation, le conducteur, inattentif, avait manqué de percuter un scooter en tentant de changer de voie. Il avait de ce fait pris le risque de créer un danger au moins abstrait pour la sécurité de ce dernier, réalisant ainsi une infraction moyennement grave. En second lieu, il s'était accommodé de l'infraction d'inattention et de mise en danger reconnue par l'autorité pénale en retirant l'opposition qu'il avait formée à l'encontre de l'ordonnance pénale du 30 mars 2021, si bien qu'il n'était plus fondé à contester l'infraction reprochée devant la juridiction administrative.

c. Le 31 mai 2023, A______ a persisté dans ses conclusions.

Il n'avait jamais regardé son téléphone portable, s'étant contenté d'un simple contact tactile avec l'écran pour indiquer à son interlocuteur, E______, qu'il conduisait et le rappellerait plus tard. Il avait respecté son obligation de vouer toute son attention au trafic. Il avait maintenu sa trajectoire rectiligne jusqu'au moment où il avait changé de voie. Il avait constamment circulé à une vitesse modérée, sans même atteindre les 30 km/h. Il avait toujours cherché en vain à confronter sa version des faits à celle du policier qui avait dressé le rapport d'interpellation. Il avait immédiatement obtempéré aux injonctions de la police en immobilisant son véhicule. Malgré un appel à témoins et la tentative d'obtenir l'enregistrement vidéo des faits qui lui étaient reprochés, il n'avait jamais pu être confronté au policier concerné, de sorte qu'il avait été privé de son droit d'être entendu. Sa faute ne pouvait être considérée que comme bénigne.

Il sollicitait la tenue d'un transport sur place pour que le TAPI se convainque qu'il était impossible, à la hauteur du boulevard B______, qu'une voiture et un deux‑roues puissent circuler côte à côte et maintenait sa demande d'audition des agents de police présents le jour de l'interpellation, ainsi que celle de E______. Il a joint un plan des lieux et une attestation du 6 décembre 2021 de E______ confirmant sa version des faits s'agissant de l'appel reçu.

d. Par jugement du 22 août 2023, le TAPI a rejeté le recours.

L'ordonnance pénale constatant les faits pertinents était entrée en force. Partant, conformément à la jurisprudence, le TAPI ne pouvait pas revoir la constatation des faits retenue par le jugement pénal, dès lors qu'aucun indice ne laissait présumer l'existence de faits inconnus du juge pénal ou qui n’auraient pas été pris en considération par celui-ci, de l'existence de preuves nouvelles dont l’appréciation conduirait à un autre résultat, ou que l'autorité pénale n'aurait pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation. À cet égard, A______ alléguait déjà devant l'autorité pénale et dans son opposition qu'aucun scooter n'avait été mis en danger, tout en sollicitant des mesures d'instruction complémentaire, notamment l'audition des agents de police concernés et la production de la bande de vidéosurveillance. Le dossier contenait en outre déjà un rapport de police détaillé ainsi qu'une attestation écrite de E______, expliquant la situation de son point de vue.

Le TAPI était ainsi lié par les faits établis par l'autorité pénale. De plus, A______ avait expressément admis avoir fait usage de son téléphone portable, alors qu'il circulait au volant d'un véhicule automobile, quand bien même cela n'aurait été que pour indiquer à son interlocuteur qu'il le rappellerait plus tard. Au vu des circonstances, c'était à bon droit que l'OCV avait retenu une infraction moyennement grave du fait de la manipulation du téléphone portable, même par un simple contact tactile. Lié par le minimum légal incompressible devant sanctionner l'infraction en cause, l'OCV avait correctement appliqué les règles en vigueur et n'avait pas excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation, ce d'autant que, dans la décision querellée, la bonne réputation du conducteur avait été relevée.

D. a. Par acte posté le 27 septembre 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : La chambre administrative) contre le jugement précité, concluant principalement à son annulation et à l'absence de toute sanction administrative. Préalablement, il a conclu à l'audition de cinq témoins, à celle des organes d'une assurance de protection juridique, à l'édition de « la vidéo relative aux faits du 1er mars 2021 entre 10h35 et 10h45 », à un transport sur place aux fins de reconstitution, à l'édition du dossier, à celle de la procédure P/1______/2021 et à la nomination d'un expert.

Le transport sur place était un des moyens de preuves prévus en procédure administrative genevoise. Une appréciation anticipée des preuves n'était in casu pas justifiée. Le jugement attaqué violait le principe ne bis in idem en raison de la « totale apathie du TAPI » en matière de recherche de la vérité. Le considérant 10 du jugement attaqué était tautologique et arbitraire. Si le juge administratif s'écartait, comme il le devait, de l'état de fait fragile constaté au pénal, il devrait admettre l'absence de la moindre mise en danger, fût-elle abstraite. Ce n'était que sur le conseil insistant de son avocat d'alors qu'il avait retiré son opposition devant le Tribunal de police.

Le TAPI n'avait pas procédé à la pondération des critères posés par un arrêt du Tribunal fédéral qu'il citait, et qui demandait de prendre en compte, en matière d'inattention sur la route, toutes les circonstances d'espèce. Or, il n'avait pas été tenu compte du fait que la contravention reprochée avait eu lieu entre 10h30 et 10h40 du matin. De plus, il était victime d'une inégalité de traitement car dans un arrêt de 2022, la chambre administrative avait retenu une infraction moyennement grave pour un comportement nettement plus contraire aux règles de la circulation routière que celui qui lui était reproché. Au vu des circonstances, il n'avait commis qu'une infraction bénigne, qui ne méritait pas le prononcé d'une sanction administrative.

b. Le 27 octobre 2023, l'OCV s'en est rapporté à justice sans formuler d'observations sur le recours.

c. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 22 décembre 2023 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 22 décembre 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions, renouvelant ses offres de preuve.

e. L'OCV ne s'est quant à lui pas manifesté.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 ‑ LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant a demandé à plusieurs reprises l'administration de preuves, et se plaint que le TAPI n'ait pas donné suite à ses requêtes.

2.1 Le droit d'être entendu comprend également et notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En principe, l'autorité administrative statuant sur un retrait du permis de conduire ne peut pas s'écarter des constatations de fait d'un jugement pénal entré en force. La sécurité du droit commande en effet d'éviter que l'indépendance du juge pénal et du juge administratif ne conduise à des jugements opposés, rendus sur la base des mêmes faits (ATF 139 II 95 consid. 3.2 ; 137 I 363 consid. 2.3.2). L'autorité administrative ne peut s'écarter du jugement pénal, dont elle doit en principe attendre la reddition (ATF 119 Ib 158 consid. 2c/bb), que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait inconnues du juge pénal ou qui n'ont pas été prises en considération par celui-ci, s'il existe des preuves nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre résultat, si l'appréciation à laquelle s'est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si le juge pénal n'a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation (ATF 139 II 95 consid. 3.2). Cela vaut non seulement lorsque le jugement pénal a été rendu au terme d'une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés, mais également, à certaines conditions, lorsque la décision a été rendue à l'issue d'une procédure sommaire, même si la décision pénale se fonde uniquement sur le rapport de police. Il en va notamment ainsi lorsque la personne impliquée savait ou aurait dû prévoir, en raison de la gravité des faits qui lui sont reprochés, qu'il y aurait également une procédure de retrait de permis. Dans cette situation, la personne impliquée est tenue, en vertu des règles de la bonne foi, de faire valoir ses moyens dans le cadre de la procédure pénale, le cas échéant en épuisant les voies de recours à sa disposition. Elle ne peut pas attendre la procédure administrative pour exposer ses arguments (ATF 123 II 97 consid. 3c/aa ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_470/2023 du 22 février 2024 consid. 2.1 ; 1C_738/2021 du 1er décembre 2022 ; 1C_91/2021 du 27 juillet 2021 consid. 2.1).

L'auteur d'une infraction qui a fait l'objet d'une ordonnance pénale et n'a pas été sanctionné par une simple amende d'ordre devrait ainsi savoir qu'il va faire l'objet d'une mesure de retrait de son permis de conduire, ce d'autant que la police et les autorités pénales ont l'obligation, en vertu de l'art. 104 al. 1 LCR, de notifier aux autorités compétentes toute infraction pouvant entraîner une mesure prévue dans la présente loi (arrêts du Tribunal fédéral 1C_470/2023 précité consid. 2.2 ; 1C_589/2021 du 5 mai 2022 consid. 2.2).

2.3 En l'espèce, le recourant a fait l'objet d'une ordonnance pénale rendue en procédure ordinaire, le condamnant à une amende de CHF 660.-. De plus, l'intimé l'a averti dès le 16 mars 2021 qu'il risquait une mesure administrative, et c'est donc en pleine connaissance de cause qu'il a retiré l'opposition à l'ordonnance pénale le 16 août 2022. Il en découle qu'ayant retiré ladite opposition – que cela soit motu proprio ou sur l'insistance de son avocat importe peu –, le recourant n'est plus fondé à contester devant le juge administratif l'état de fait qui ressort du rapport de police et de l'ordonnance pénale du 30 mars 2021.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de donner suite à ses demandes d'administration de preuve, et la chambre de céans écartera également le grief de violation du droit d'être entendu par le TAPI.

3.             Le litige a pour objet le bien-fondé du retrait du permis de conduire du recourant pour une durée d’un mois.

3.1 Le conducteur doit rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence (art. 31 al. 1 LCR). Il doit vouer son attention à la route et à la circulation. Il doit éviter toute occupation qui rendrait plus difficile la conduite du véhicule. Il doit veiller en outre à ce que son attention ne soit distraite, notamment, ni par un appareil reproducteur de son ni par un quelconque système d’information ou de communication (art. 3 al. 1 de l’ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 - OCR - RS 741.11).

Le degré de l'attention requise par l'art. 3 al. 1 OCR s'apprécie au regard des circonstances d'espèce, telles que la densité du trafic, la configuration des lieux, l'heure, la visibilité et les sources de danger prévisibles (ATF 137 IV 290 consid. 3.6 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_179/2023 du 3 août 2023 consid. 3.1).

3.2 Les infractions à la LCR sont réparties en fonction de leur gravité en trois catégories distinctes, assorties de mesures administratives minimales : les infractions légères, moyennement graves et graves (art. 16a à 16c LCR). Les principes relatifs aux retraits de permis de conduire d'admonestation sont, beaucoup plus que sous l'ancien droit, fonction de la mise en danger créée par l'infraction (ATA/25/2015 du 6 janvier 2015 ; ATA/479/2014 du 24 juin 2014 ; ATA/552/2012 du 21 août  2012). Lorsque la procédure prévue par la loi fédérale sur les amendes d'ordre du 24 juin 1970 (LAO - RS 741.03) n'est pas applicable, une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait du permis de conduire ou un avertissement (art. 16 al. 2 LCR).

3.2.1 Selon l'art. 16a al. 1 let. a LCR, commet une infraction légère la personne qui, en violant les règles de la circulation, met légèrement en danger la sécurité d'autrui alors que seule une faute bénigne peut lui être imputée.

La doctrine relève que la faute légère (ou bénigne) correspond en principe à une négligence légère. Un tel cas de figure est souvent donné lorsque les conditions de circulation sont bonnes, n'inclinant pas un conducteur moyen – c’est-à-dire normalement prudent – à une vigilance particulière, et qu'une infraction survient malgré tout à la suite d'une inattention. De façon plus générale, une faute légère est donnée lorsque le conducteur a pris conscience du danger spécifique et qu'il a adapté sa vitesse et sa vigilance en conséquence, mais non pas suffisamment du fait d'une mauvaise appréciation compréhensible du point de vue d'un conducteur moyen, par exemple à cause d'un soudain manque d'adhérence malgré une faible vitesse, ou du fait de la survenance d'un élément raisonnablement imprévisible. En d'autres termes, la faute légère représente un comportement qui, sans être totalement excusable, bénéficie de circonstances atténuantes, voire relève d'une certaine malchance (Cédric MIZEL, Droit et pratique illustrée du retrait du permis de conduire, 2015, p. 340-342).

Il faut considérer qu’une infraction de très peu de gravité est en principe donnée lorsqu’une violation des règles de la circulation routière n’a provoqué qu’une mise en danger abstraite accrue très légère et que celle-ci ne procède que d’une faute très légère également (Cédric MIZEL, op. cit., p. 372).

Sont susceptibles, suivant les circonstances, d’être qualifiées d’infractions particulièrement légères au sens de l’art. 16a al. 4 LCR les situations telles que l’inobservation volontaire d’une ligne de sécurité ou d’une double ligne de sécurité sans mise en danger (art. 73 al. 6 OCR), de même que le fait de circuler sur une surface interdite (art. 78 OCR). En définitive, ce n’est pas tant le type d’infraction que les circonstances dans lesquelles celle-ci a été commise qui permettront de conclure au caractère très léger d’une infraction (Cédric MIZEL, op. cit., p. 374).

En cas d’infraction particulièrement légère, il est renoncé à toute mesure administrative (art. 16a al. 4 LCR).

3.2.2 À teneur de l'art. 16b al. 1 let. a LCR, commet une infraction moyennement grave la personne qui, en violant les règles de la circulation, crée un danger pour la sécurité d'autrui ou en prend le risque.

Le législateur conçoit l'art. 16b al. 1 let. a LCR comme l'élément dit de regroupement. Cette disposition n'est ainsi pas applicable aux infractions qui tombent sous le coup des art. 16a al. 1 let. a et 16c al. 1 let. a LCR. Dès lors, l'infraction est toujours considérée comme moyennement grave lorsque tous les éléments constitutifs qui permettent de la privilégier comme légère ou au contraire de la qualifier de grave ne sont pas réunis. Tel est par exemple le cas lorsque la faute est grave et la mise en danger bénigne ou, inversement, si la faute est légère et la mise en danger grave (ATF 136 II 447 consid. 3.2). Ainsi, par rapport à une infraction légère, où tant la mise en danger que la faute doivent être légères, on parle d'infraction moyennement grave dès que la mise en danger ou la faute n'est pas légère, alors qu'une infraction grave suppose le cumul d'une faute grave et d'une mise en danger grave (ATF 135 II 138 consid. 2.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_135/2022 du 24 août 2022 consid. 2.1).

Le Tribunal fédéral a qualifié de moyennement grave la faute du conducteur qui : a démarré en faisant crisser les pneus lors du passage au vert du signal lumineux, sans prendre garde au feu orange clignotant et a renversé un piéton qui traversait normalement au feu vert sur un passage sécurisé (arrêt du Tribunal fédéral 1C_253/2012 du 29 août 2012) ; n'a pas accordé la priorité à un piéton déjà engagé sur le passage protégé au motif qu'une camionnette lui masquait la vue (arrêt du Tribunal fédéral 1C_504/2011 17 avril 2012) ; ébloui par les phares d'un véhicule venant en sens inverse, n'a pas pu freiner à temps et a renversé un piéton qui avait déjà traversé plus de la moitié du passage protégé (arrêt du Tribunal fédéral 1C_594/2008 du 27 mai 2009) ; inattentif, a heurté une piétonne engagée sur un passage sécurisé peu après avoir bifurqué à gauche (arrêt du Tribunal fédéral 6A.83/2000 du 31 octobre 2000) ; à l'approche d'un carrefour, alors qu'il réduisait son allure et concentrait son attention sur les véhicules venant de sa gauche, a remarqué tardivement la piétonne qui avait traversé les trois quart d'un passage sécurisé, l'a heurtée et l’a fait chuter (arrêt du Tribunal fédéral 6A.43/2000 du 22 août 2000).

Selon l’art. 16b al. 2 let. a LCR, après une infraction moyennement grave, le permis d’élève conducteur ou le permis de conduire est retiré pour un mois au minimum.

3.2.3 Commet une infraction grave, la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation, met sérieusement en danger la sécurité d'autrui ou en prend le risque (art. 16c al. 1 let. a LCR). Après une infraction grave, le permis de conduire est retiré pour trois mois au minimum (art. 16c al. 2 let. a LCR). Les circonstances doivent être prises en considération pour fixer la durée du retrait du permis de conduire, notamment l'atteinte à la sécurité routière, la gravité de la faute, les antécédents en tant que conducteur ainsi que la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile (art. 16 al. 3 1e phr. LCR). Conformément à la jurisprudence, l'infraction grave de l'art. 16c LCR correspond à la violation grave d'une règle de la circulation routière de l'art. 90 al. 2 LCR (ATF 132 II 234
consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_402/2015 du 10 février 2016 consid. 2.1).

Selon le Tribunal fédéral, commet une faute grave : le conducteur qui, circulant à 30 km/h dans une zone à important trafic piétonnier et après avoir contourné un îlot de tram, renverse mortellement une dame âgée à quelques mètres d'un passage pour piétons (arrêt du Tribunal fédéral 1C_402/2009 du 17 février 2010) ; le motocycliste qui, de nuit et sur une chaussée mouillée, n'ayant remarqué que tardivement un piéton sur un passage sécurisé, effectue un freinage d'urgence entraînant la chute de sa moto qui renverse alors le piéton (arrêt du Tribunal fédéral 1C_87/2009 du 11 août 2009) ; le conducteur qui, ébloui plusieurs fois par le soleil, continue de circuler à 55 km/h à l'intérieur d'une localité, en particulier sur un passage pour piétons, sans visibilité (arrêt du Tribunal fédéral 6S.628/2001 du 29 novembre 2001). Il a également estimé que la faute d'un conducteur qui a heurté une personne engagée sur un passage pour piétons en ne s'arrêtant pas à temps ne peut être qualifiée de légère (arrêts du Tribunal fédéral 1C_87/2009 précité ; 6A.83/2000 précité ; 6A.43/2000 précité).

En cas d'infraction grave, la durée minimale du retrait du permis de conduire prévue par la loi est de trois mois (art. 16c al. 2 let. a LCR).

3.3 Selon l’art. 16 al. 3 LCR, les circonstances doivent être prises en considération pour fixer la durée du retrait du permis d’élève conducteur ou du permis de conduire, notamment l’atteinte à la sécurité routière, la gravité de la faute, les antécédents en tant que conducteur ainsi que la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile. La durée minimale du retrait ne peut toutefois être réduite, sauf si la peine a été atténuée conformément à l’art. 100 ch. 4 3e phr. LCR.

Conformément à la jurisprudence précitée, les tribunaux sont liés par une durée minimale de retrait, qui a un caractère incompressible.

4.             En l’espèce, l’infraction commise par le recourant ne peut certes pas être qualifiée de grave, notamment au vu de l'absence de lésion ou de mise en danger concrète. Une infraction légère peut cependant elle aussi être exclue. En effet, sur la base de l'état de fait retenu par les autorités pénales – qui lie, comme déjà exposé, la chambre de céans –, le recourant ne vouait pas toute son attention à la route, ayant les yeux rivés sur son téléphone portable, et a manqué de peu de heurter un scooter en changeant de file. On ne saurait dès lors considérer comme bénignes à la fois son inattention et la mise en danger qui en a découlé, dès lors que même si l'incident a eu lieu en milieu de matinée, la voirie sur lequel il s'est déroulé est une artère importante sur laquelle les véhicules circulent à une vitesse aussi proche que possible des 50 km/h autorisés, et où un contact entre une voiture et un scooter pourrait non seulement avoir de graves conséquences pour le conducteur de ce dernier, mais aussi sur l'un ou l'autre des nombreux piétons marchant sur le trottoir.

Le raisonnement de l’OCV est sur ce point conforme à la loi et à la jurisprudence et n’appelle aucune critique. Le recourant se plaint d'une inégalité de traitement par rapport au recourant visé par un jugement du TAPI du 22 juin 2022 (JTAPI/658/2022) ; or, ce jugement a confirmé une sanction plus élevée que celle du recourant (à savoir une interdiction d'usage de permis de conduire étranger pour une durée de quatre mois), et ce notamment sur la base de la considération suivante, qui s'applique pleinement au cas du recourant à l'exception de la circulation sur une autoroute : « Regarder l'écran d'un téléphone portable, même brièvement, en se trouvant au volant d'un véhicule automobile, de surcroît sur une autoroute, où les vitesses de circulation sont élevées, constitue une mise en danger qui doit être qualifiée de moyennement grave, même si, au moment des faits, le trafic était de moyenne densité et qu'aucun usager ne semble avoir été gêné » (consid. 16). On ne discerne dès lors aucune inégalité de traitement qui aurait été commise au détriment du recourant, d'autant que dans le cas de ce dernier, la police a aussi constaté la possible mise en danger d'un scootériste.

Le recourant ayant commis une infraction de gravité moyenne, l’OCV ne pouvait prononcer un retrait de permis d’une durée inférieure à un mois, soit le minimum incompressible prévu par l’art. 16b al. 2 let. a LCR. Il ne pouvait en particulier tenir compte de circonstances propres au recourant, étant rappelé qu'il a mentionné dans sa décision la bonne réputation du conducteur. En prononçant la durée minimale du retrait, l’OCV s’est ainsi conformé à la loi.

Le recourant se plaint encore d’avoir été sanctionné pénalement et administrativement. La sanction pénale ne poursuit cependant pas les mêmes objectifs que la sanction administrative.

C’est ainsi de manière conforme au droit que l’OCV a prononcé le retrait du permis du conduire du recourant pour une durée d’un mois.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 800.-, prenant en compte le surcroît de travail occasionné par les écritures prolixes et les nombreuses correspondances du recourant, sera mis à la charge de ce dernier (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 septembre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 août 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 800.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à l'office cantonal des véhicules, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l'office fédéral des routes.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :