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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/866/2024

ATA/1020/2024 du 27.08.2024 ( TAXIS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/866/2024-TAXIS ATA/1020/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 août 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Guy ZWAHLEN, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé

_________



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1990, chauffeur de taxi, a formé le 8 novembre 2022 auprès du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) une première requête en délivrance d’une autorisation d’usage accru du domaine public (ci-après : AUADP), en application du régime transitoire prévu aux art. 46 al. 13 de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) et 57 al. 11 à 13 du règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31 01).

Il y indiquait avoir loué trois AUADP, des 22 juin 2018 au 1er juin 2020, 23 juillet 2020 au 27 juillet 2021 et 1er juillet au 8 novembre 2022. Il produisait notamment : un contrat de bail à ferme pour location des plaques de taxi GE 1______ passé avec B______ le 15 juin 2018 pour un fermage mensuel de CHF 500.- ; une attestation sur l’honneur de B______ du 2 novembre 2022 indiquant qu’il avait travaillé « sur l’AUADP GE 1______ » du 22 juin 2018 au 1er juin 2020 pour une « location » mensuelle de CHF 500.- ; une attestation sur l’honneur de B______ du même jour indiquant qu’il avait travaillé « sur l’AUADP GE 2______ » du 23 juillet 2020 au 27 juillet 2021 pour une « location » mensuelle de CHF 500.- ; un contrat de bail à ferme pour location des plaques de taxi GE 3______ passé avec C______ le 1er juillet 2022 pour un fermage mensuel de CHF 700.- ; une attestation bancaire du virement de CHF 1'400.- le 1er novembre 2022 en faveur de C______.

Le 24 novembre 2022, le PCTN l’a informé que les documents produits ne démontraient pas qu’il était utilisateur effectif d’une AUADP au moment du dépôt du projet de loi de la LTVTC le 26 février 2020 ainsi qu’au moment de son adoption le 28 janvier 2022, et qu’il envisageait de rejeter sa requête.

Le 22 décembre 2022, A______ a indiqué au PCTN que lors du dépôt du projet de loi de la LTVTC le 26 février 2020 il était utilisateur effectif d’une AUADP comme en attestait le contrat qu’il avait produit. Au moment de l’adoption de la LTVTC le 28 janvier 2022, il ne « possédai[t] pas de contrat de location de plaques. Suite à une augmentation excessive du prix de location des plaques, le contrat a[vait] été résilié pour le 27 juillet 2021. »

Le 13 janvier 2023, le PCTN a rejeté la demande. Comme indiqué dans son courrier du 22 décembre 2022, il n’était pas l’utilisateur effectif d’une AUADP au moment de l’adoption de la LTVTC le 28 janvier 2022. Cette décision n’a pas été attaquée.

b. Le 31 octobre 2023, A______ a formé une seconde requête auprès du PCTN.

Il y a mentionné la même location des trois AUADP, pour les mêmes périodes, qu’il avait indiquée dans sa première requête du 8 novembre 2022.

Il n’a pas complété la nouvelle rubrique « utilisateur effectif le 28 janvier 2022 », laquelle demandait d’indiquer les nom et prénom du bailleur ainsi que les plaques d’immatriculation.

Il a produit les mêmes pièces que le 8 novembre 2022.

c. Le 9 novembre 2023, le PCTN l’a informé qu’en application de la récente jurisprudence de la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : chambre administrative), il demeurait nécessaire d’avoir été utilisateur d’une AUADP lors de l’adoption de la LTVTC le 28 janvier 2022, ce qu’il n’établissait pas, et qu’il envisageait de rejeter sa requête.

d. Le 22 novembre 2023, A______ a indiqué au PCTN que le seul contrat qu’il avait à cette date-là était un contrat d’essai pour une période de deux semaines, du 15 au 31 janvier 2022.

Il a produit un « contrat d’essai de location de plaques de Taxi » passé avec C______ et dépourvu de date, par lequel ce dernier met à sa disposition gracieusement durant deux semaines, du 15 au 31 janvier 2022, les plaques de taxi GE 3______ ainsi que le véhicule Nissan Qashqai et lui-même s’engage à les utiliser exclusivement dans le cadre de ses activités de taxi.

e. Par décision du 12 février 2024, le PCTN a rejeté la requête.

Il avait indiqué dans le cadre de la première requête qu’il ne possédait pas de contrat de location de plaques au moment de l’adoption de la loi. Il n’avait produit le contrat d’essai de location de plaques de taxi qu’après avoir été averti de l’exigence d’avoir été utilisateur effectif au moment de l’adoption de la loi. Le contrat n’était pas daté et aucun élément ne prouvait qu’il avait été exécuté.

B. a. Par acte remis à la poste le 12 mars 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’une AUADP lui soit délivrée. Préalablement, C______ devait être entendu en qualité de témoin.

Il avait fait état dans l’exercice de son droit d’être entendu devant le PCTN d’une période supplémentaire d’usage effectif d’une AUADP, du 15 au 31 janvier 2022, sur la base d’un contrat de location à l’essai qu’il avait produit.

Il a produit un document manuscrit daté du 27 janvier 2024, portant la signature de C______, et attestant qu’il « a[vait] travaillé sur [s]on AUADP "GE3______" entre le 15 et le 31 janvier 2022 ».

b. Le 15 avril 2024, le PCTN a conclu au rejet du recours.

Le contrat produit intervenait à point nommé puisque le recourant n’avait pas travaillé les mois précédents ni les mois suivants. L’attestation de C______ n’apportait aucune précision sur l’exécution du contrat. Le recourant n’avait fourni aucune pièce – comme des relevés du terminal bancaire d’encaissements de courses, sa déclaration fiscale ou son bordereau de taxation –prouvant qu’il avait été l’utilisateur effectif de l’AUADP durant deux semaines, alors qu’il en avait eu l’occasion devant le PCTN et la chambre administrative.

c. Le 17 mai 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Le contrat et l’attestation produits établissaient l’utilisation effective. Il n’avait pas mentionné ce contrat dans ses deux requêtes successives car il pensait qu’il ne fallait mentionner que les contrats onéreux. Il avait compris à la réception de la lettre du PCTN du 9 novembre 2023 qu’il était désormais fait mention d’usage effectif et non de location. C’était donc en réagissant à la demande basée sur la notion d’usage effectif, donc de la possibilité d’invoquer et de produire un contrat n’impliquant pas le paiement d’un loyer, qu’il avait informé le PCTN pièces à l’appui qu’il avait bien été l’usager effectif d’une AUADP à la date décisive.

Il soulignait qu’un usage à l’essai à titre gratuit était en tout état une usage effectif au sens de la loi dès lors que celle-ci ne précisait pas quelle devait être la cause juridique même dudit usage.

d. Le 21 mai 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant conclut préalablement à l’audition de C______ en qualité de témoin.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l’issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_245/2020 du 12 juin 2020 consid. 3.2.1). Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement ni celui d’entendre des témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2).

2.2 En l’espèce, le recourant a eu l’occasion de se déterminer et de produire toute pièce utile devant le PCTN et, à deux reprises devant la chambre de céans.

Il a produit devant le PCTN un contrat portant la signature de C______ et devant la chambre de céans une attestation de ce dernier affirmant en substance qu’il avait « travaillé sur » sa plaque durant deux semaines du 15 au 31 janvier 2022.

Il n’indique pas quels éléments supplémentaires l’audition de C______ serait susceptible d’apporter, et en particulier si ce dernier serait capable de prouver qu’il a effectivement utilisé son AUADP durant cette période.

Or, il sera vu plus loin que seul le recourant est en mesure de prouver sa propre activité effective durant la période critique par l’allégation qu’il a réellement travaillé en qualité de taxi et la production de preuves établissant qu’il a effectué et facturé des courses. L’audition de C______ n’apparaît ainsi pas nécessaire. Le dossier est complet et en état d’être jugé.

Il ne sera pas donné suite à la demande d’acte d’instruction.

3.             Le recourant se plaint d’une constatation inexacte des faits. L’intimé aurait nié à tort qu’il était l’utilisateur effectif d’une AUADP lors de l’adoption de la LTVTC.

3.1 La LTVTC, actuellement en vigueur depuis le 1er novembre 2022, résulte du projet de loi (ci-après : PL) n° 12'649 sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur, déposé par le Conseil d’État devant le Grand Conseil le 26 février 2020.

Dans sa présentation du projet de loi, le département a exposé qu’en raison du numerus clausus des AUADP, le délai d’attente pour leur obtention pouvait atteindre plusieurs années, ce qui augmentait leur valeur économique et permettait à leurs titulaires de gagner de l’argent en vivant de la rente résultant de la location de leurs plaques pour un loyer dépassant parfois plus de dix fois le montant de la taxe annuelle. De nombreux chauffeurs voulant exercer la profession de chauffeur taxis étaient ainsi contraints de louer une AUADP, ce qui les rendait dépendants et économiquement vulnérables. Il était apparu que 53 personnes détenaient 150 AUADP, dont une personne qui en avait dix. En l’absence d’outils permettant de contrôler les prix, le PL prévoyait de supprimer la cession des plaques, en recourant à leur location ou au bail à ferme. Ainsi, selon le PL, le détenteur d’une AUADP pouvait soit l’utiliser lui-même, soit engager un chauffeur pour l’utiliser, qui devenait contractuellement son employé, soit céder définitivement l’AUADP.

La commission parlementaire a voulu supprimer la location des plaques, qui conférait une rente de situation aux titulaires d’une AUADP, lesquels les louaient à un prix abusif. Le bail à ferme permettait la réalisation de marges excessives par rapport à l’outil de travail proposé, en tirant profit d’un avantage octroyé par l’État pour le monnayer. Il convenait de supprimer cette possibilité, une indemnisation étant introduite dans les dispositions transitoires en faveur des personnes rendant leur AUADP.

L’art. 46 al. 13 LTVTC dispose, sous l’intitulé « attribution des autorisations restituées ou caduques », que le département peut attribuer l’AUADP à la personne physique ou morale qui en était l’utilisateur effectif au moment du dépôt de la LTVTC, s’il en est toujours l’utilisateur au moment de l’adoption de la LTVTC, en fait la requête et réalise les conditions de délivrance visées à l’art. 13 al. 5 LTVTC.

Se penchant sur la condition d’être utilisateur effectif de l’AUADP au moment du dépôt de la LTVTC, la chambre de céans a jugé que celle-ci n’était pas décisive, mais qu’était en revanche déterminant le fait d’être utilisateur effectif au moment de l’adoption de la loi le 28 janvier 2022 (ATA/779/2023 du 18 juillet 2023 consid. 5.6.2 ; ATA/886/2023 du 22 août 2023 consid. 6.6).

3.2 À propos de la nature effective de l’utilisation de plaques, la chambre de céans a jugé que le chauffeur de taxis qui avait été absent de Suisse de janvier à mars 2022 n’était pas, durant cette période, l’utilisateur effectif des plaques louées, peu importait les motifs pour lesquels il s’était rendu à l’étranger (ATA/687/2023 du 27 juin 2023 consid. 3.9).

Elle a de même considéré qu’en l’absence de location d’une AUADP au 28 janvier 2022, un chauffeur ne pouvait pas être considéré comme ayant été « utilisateur effectif » d’une AUADP au sens de l’art. 46 al. 13 LTVTC, au motif qu’il était en incapacité de travail provisoire durant cette période (ATA/814/2024 du 9 juillet 2024, non encore définitif).

Il ressort par ailleurs des travaux parlementaires que les utilisateurs effectifs des AUADP étaient les personnes qui les exploitaient effectivement, soit les locataires, dont l’AUADP était l’outil de travail, étant précisé qu’aucune exigence de durée minimale d’utilisation effective de l’AUADP par son locataire n’apparaît à aucun moment dans les travaux préparatoires (ATA/779/2023 précité consid. 5.5.3 et les références citées).

3.3 Selon l'art. 19 LPA, l'autorité établit les faits d'office. Elle n'est pas limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. À teneur de l'art. 20 al. 1 LPA, l'autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties. Elle recourt s'il y a lieu aux moyens de preuve énumérés à l'art. 20 al. 2 LPA, notamment les documents (let. a) et les renseignements des parties (let. b). L'autorité peut inviter les parties à la renseigner, notamment en produisant les pièces en leur possession ou à se prononcer sur les faits constatés ou allégués et leur fixer un délai à cet effet (art. 24 al. 1 LPA). En vertu de l'art. 24 al. 2 LPA, l'autorité apprécie librement l'attitude d'une partie qui refuse de produire une pièce ou d'indiquer où celle-ci se trouve. Elle peut ainsi le cas échéant déclarer irrecevables les conclusions de parties qui refusent de produire les pièces et autres renseignements indispensables pour que l'autorité puisse prendre sa décision.

Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits. Il leur incombe d'étayer leurs propres thèses, de renseigner l'autorité sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître. En l'absence de collaboration de la partie concernée par de tels faits et d'éléments probants au dossier, l'autorité qui met fin à l'instruction du dossier en considérant qu'un fait ne peut être considéré comme établi, ne tombe ni dans l'arbitraire ni ne viole les règles régissant le fardeau de la preuve (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_80/2018 du 23 mai 2019 consid. 4.1 ; ATA/1192/2015 du 3 novembre 2015 consid. 2b).

La portée de la maxime inquisitoire est ainsi restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Ce devoir comprend en particulier l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2. ; ATA/874/2020 du 8 septembre 2020 consid. 5a ; ATA/871/2015 du 25 août 2015 consid. 3c et les références citées). La jurisprudence considère que le devoir de collaboration des parties à l'établissement des faits est spécialement élevé s'agissant de faits que la partie connaît mieux que quiconque (arrêts du Tribunal fédéral 2C_284/2019 du 16 septembre 2019 consid. 4.3 ; 1C_426/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.3 et les références citées).

Lorsque les preuves font défaut, ou si l’on ne peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, la règle de l’art. 8 du code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) est applicable par analogie. Ainsi, pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (art. 8 CC ; ATF 112 Ib 65 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2 ; ATA/597/2024 du 14 mai 2024 consid. 4.9).

3.4 De jurisprudence constante, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_728/2013 du 16 janvier 2014 consid. 4.1.2 ; ATA/791/2023 du 18 juillet 2023 consid. 7.7).

3.5 En l’espèce, le recourant n’a indiqué dans sa première comme dans sa seconde requête aucune utilisation d’AUADP en janvier 2022.

Le 22 décembre 2022, il avait indiqué au PCTN qu’au moment de l’adoption de la LTVTC le 28 janvier 2022, il ne possédait pas de « contrat de location de plaques » et précisait que suite à une augmentation excessive du prix de location des plaques, le contrat avait été résilié pour le 27 juillet 2021.

Dans sa seconde requête, il a laissé vide la rubrique, pourtant nouvelle, « utilisateur effectif le 28 janvier 2022 », n’indiquant ni l’identité du bailleur ni plaques d’immatriculation utilisées à cette date.

Conformément à la jurisprudence suscitée, ces trois indications initiales concordantes permettaient au PCTN de conclure que le recourant ne remplissait pas la condition à la délivrance d’une AUADP.

Le recourant explique dans sa réplique que le remplacement de l’expression « location » par « usage effectif » l’avait convaincu qu’il pouvait également produire un contrat n’impliquant pas le paiement d’un loyer, si bien qu’il avait alors produit le contrat portant sur la période du 15 au 31 janvier 2022.

Cette explication n’est pas convaincante. Le contrat produit en dernier lieu par le recourant porte dans son titre et ses dispositions le terme de « location ».

Cela étant, le contrat lui-même n’est guère probant. Il est dépourvu de date. Il a pour objet un « essai de location de plaques de taxi » mais ne prévoit rien pour la suite. Le recourant n’indique nulle part sur quoi porterait un essai de deux semaines ni sur quoi un tel essai pourrait déboucher. Il n’explique pas pour quels motifs l’essai aurait eu lieu à titre gratuit, alors que C______ lui avait auparavant loué la même AUADP pour CHF 700.- par mois plus la taxe annuelle, et qu’il avait lui-même indiqué au PCTN avoir mis fin au contrat en 2021 en raison des coûts croissants. L’intérêt économique immédiat ou à terme de C______ n’est évoqué nulle part et ne ressort d’aucune pièce. Or, un essai a par définition pour objet de tester les conditions réelles qui pourraient ensuite faire l’objet d’un contrat durable, mais force est de constater que le recourant n’indique rien à ce propos. Enfin, le recourant ne donne aucune indication sur ce qui s’est passé effectivement au terme de l’essai et pour quels motifs celui-ci n’a apparemment débouché sur rien.

Dans ces circonstances, la mise à disposition gratuite, à titre d’essai, sans plus de précisions, d’une AUADP pour une période de deux semaines coïncidant avec l’adoption de la loi, soit la date à laquelle le recourant devait précisément être l’utilisateur effectif d’une AUADP, pouvait être considéré à bon droit par le PCTN comme particulièrement insolite en soi, et a fortiori après les déclarations initiales du recourant. Le PCTN pouvait donc, sans excès ni abus de son pouvoir d’appréciation, considérer la production du « contrat d’essai de location de plaques de Taxi » comme inapte à infirmer les premières déclarations du recourant et à établir un usage effectif d’une AUADP à la période déterminante.

À ce stade, il ne pouvait être attendu du PCTN, et le recourant ne le lui reproche d’ailleurs pas, d’instruire plus avant la requête. En vertu de l’obligation des parties de collaborer et de prouver les faits dont elles entendent déduire des droits, c’était en effet au recourant qu’il appartenait d’établir qu’il était bien l’utilisateur effectif d’une AUADP le 28 janvier 2022.

À ce propos, ni l’attestation ni le témoignage de C______ ne sont propres à établir l’usage concret que le recourant aurait lui-même fait de l’AUADP et du véhicule qui lui auraient été confiés. Seul le recourant, qui exerce l’activité de chauffeur de taxi à titre indépendant et ne soutient pas avoir été salarié, est en effet à même d’établir qu’il a effectivement utilisé l’AUADP à titre de taxi – ainsi qu’il s’y était d’ailleurs engagé dans le contrat – durant les deux dernières semaines du mois de janvier 2022 pour renverser la forte présomption de véracité s’attachant à ses premières déclarations. C’est ainsi sur ses épaules que pèse le fardeau de la preuve, ce que la PCTN n’a pas manqué de rappeler dans sa réponse.

Or, alors même que l’occasion lui en était donnée et que l’incombance lui en avait été rappelée, le recourant n’a non seulement produit aucune pièce indiquant qu’il aurait accompli des courses durant les deux semaines en question – comme par exemple des quittances, des relevés de compte, des relevés de centrale d’appels et de téléphone, sa comptabilité, sa déclaration de revenu ou son bordereau de taxation – mais il n’a pas même allégué avoir accompli des courses, et encore moins précisé si c’était de jour ou de nuit ou encore quels jours de la semaine, et pour quels revenus, alors même que la période critique constituait selon lui un essai, au déroulement duquel on pouvait s’attendre qu’il fût particulièrement attentif.

Le recourant échoue ainsi à rendre vraisemblable qu’il était l’utilisateur effectif d’une AUADP lorsque la LTVTC a été adoptée le 28 janvier 2022, et qu’il remplissait la condition posée par l’art. 46 al. 13 LTVTC et la jurisprudence à l’octroi d’une AUADP.

Entièrement mal fondé, son recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 mars 2024 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 12 février 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guy ZWAHLEN, avocat du recourant ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

Le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :