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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/726/2024

ATA/961/2024 du 20.08.2024 ( PATIEN ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DU PATIENT;PLAINTE À L'AUTORITÉ DE SURVEILLANCE;MÉDECIN;PROFESSION SANITAIRE;CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE
Normes : LPMéd.1.al3.lete; LPMéd.40; LS.42; LComPS.3.al1.leta; LComPS.9; LComPS.10.al1; LComPS.10.al2; LComPS.14; RComPS.8
Résumé : Recours contre une décision de classement immédiat rendue par le bureau de la commission de surveillance des professions de la santé à la suite d’une plainte déposée contre deux médecins. Recours rejeté dans la mesure où le plaignant se contente de substituer sa propre analyse à celle des médecins mis en cause sans fournir un avis médical éclairé qui permettrait à la chambre administrative de douter des choix thérapeutiques effectués lesquels n’ont pas été remis en cause par la commission composée de spécialistes.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/726/2024-PATIEN ATA/961/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 août 2024

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

 

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS

 

et

 

B______

 

et

 

C______ intimés



EN FAIT

A. a. A______ est né le ______ 1968. Il exerce la profession d’électricien.

b. Le 12 août 2022, il a été victime d’un accident professionnel.

c. Le 20 janvier 2023, la SUVA a clos le cas de l’intéressé au 12 octobre 2022, mis fin aux prestations d’assurance à cette même date et au versement des prestations d’assurance perçues jusqu’alors.

Selon l’appréciation de son service médical, les troubles persistants à l’épaule droite n’avaient aucun lien avec l’accident. L’état de santé tel qu’il aurait été sans l’accident pouvait être considéré comme atteint à deux mois de l’événement accidentel, au plus tard. Le docteur D______, spécialiste en chirurgie orthopédique et médecin d’assurance, avait effectué une expertise médicale le 12 janvier 2023.

d. Selon un compte rendu opératoire du 24 février 2023 du CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL E______, l’intéressé a subi une intervention sous anesthésie générale pour une « réparation de la coiffe des rotateurs ténodèse de la longue portion du biceps pour rupture de la coiffe – débridement articulaire gleno‑huméral (synovectomie partielle) et sous acromial – acromioplastie sous arthroscopie – arthroscopie gleno‑humérale diagnostique épaule droite ».

B. a. Le 14 février 2023, l’intéressé a déposé une plainte auprès de la commission de surveillance des professions de la santé (ci-après : la commission) contre les docteurs B______, spécialiste en médecine interne, et C______, radiologue.

Il avait été victime d’un accident professionnel en tombant d’une échelle alors qu’il installait des lumières et des câbles. L’agence de placement (ci‑après : l’agence) pour laquelle il était en mission avait sollicité un certificat médical, de sorte qu’il s’était rendu en urgence auprès du docteur F______, médecin généraliste, qui lui avait conseillé de se reposer jusqu’au 26 août. Ce médecin lui avait délivré un certificat d’arrêt de travail du 20 au 26 août 2022. Il l’avait en outre invité à consulter son médecin traitant afin d’obtenir ensuite une consultation radiologique. Le 29 août 2022, l’inflammation et la douleur ayant diminué, il avait contacté l’agence. Cette dernière ayant refusé de le payer, il était en litige avec elle avec le soutien de son syndicat.

La douleur à l’épaule était revenue mais il ignorait qu’une déchirure du tendon en était la cause. N’arrivant pas à joindre son médecin traitant, le docteur G______, il avait obtenu un rendez-vous auprès du Dr B______ pour le 15 septembre 2022. À sa demande, ce dernier lui avait fait passer des examens d’imagerie médicale. Il avait en outre insisté pendant deux mois avant que ce dernier lui délivre un certificat d’arrêt de travail pour la période du 15 septembre au 31 octobre 2022. Le Dr B______ « ne savait pas quoi faire avec la déchirure à l’épaule ». Il lui avait suggéré de supprimer la calcification, qui ne lui posait pourtant aucun problème, ou de consulter un de ses amis dans le canton de Vaud car aucun médecin à Genève ne pourrait résoudre son problème. Le Dr B______ n’avait pas voulu lui délivrer un certificat d’arrêt de travail pour la SUVA. Il n’avait pas non plus répondu aux sollicitations de son syndicat.

Sa santé s’était dégradée. Il avait arrêté le sport à cause de douleurs à l’épaule de sorte que d’anciens troubles s’étaient manifestés en raison du manque de mobilité. Il avait commencé de la physiothérapie pour les cervicales et les lombaires. Laissé seul avec ses douleurs, on lui avait conseillé, dans une pharmacie, de consulter le CENTRE MÉDICAL H______. Il avait alors été pris en charge par des orthopédistes spécialisés qui avaient traité son problème avec précision. Il avait passé un examen par IRM le 28 novembre 2022 qui avait mis en évidence une déchirure à l’épaule qui était passée de 4 à 11 millimètres. À ce stade, les avis s’opposaient : d’un côté l’orthopédiste et l’IRM qui décrivaient des fissures sur deux tendons, à cause de la chute, et de l’autre les avis du Dr B______ et du Dr C______ de l’institut I______, qu’il avait rencontré le 23 septembre 2022, et faisait état de signes d’une tendinopathie sans toutefois donner d’importance à la déchirure de 4 mm ni réaliser des IRM complémentaires. Il devait contredire ces deux derniers médecins. En effet, il travaillait dans le bâtiment, avec des missions temporaires de courte durée. Depuis la pandémie, il avait connu de longues périodes au chômage, soit 27 mois presque en continu. Son travail était varié et jamais répétitif. En 2021, il avait fait 20 séances de physiothérapies pour les cervicales et les lombaires. L’arthrose était un problème ancien et jamais une tendinopathie ne lui avait été diagnostiquée avant l’accident. En 2022, il avait pris un abonnement dans un « fitness » sur les conseils du physiothérapeute. Le Dr C______ ne s’était pas prononcé sur le point de savoir si la calcification à l’épaule pouvait dériver de la tendinopathie et casser un tendon. Aucun médecin n’avait présenté de preuve scientifique à ce sujet.

Le Dr B______ lui avait fait une infiltration de cortisone alors que le Dr C______ déconseillait ce traitement. Pour sa part, l’orthopédiste lui avait proposé de faire une autre infiltration, mais à base de plasma revitalisé qui n’avait pas été pratiquée car l’IRM avait montré une déchirure en augmentation. L’opération était la seule solution pour réparer le tendon et calmer la douleur. La SUVA avait refusé de prendre en charge le traitement. Il était dans une situation très précaire, n’ayant droit ni au chômage ni à des prestations pour perte de gains depuis octobre 2022. Toutes les factures médicales étaient à sa charge et il n’arrivait plus à payer son loyer. Sa situation financière l’empêchait d’avancer dans ses démarches de regroupement familial.

b. L’intéressé a complété sa plainte le 17 février 2023. Le Dr C______ avait retenu une tendinite calcifiante et une tendinopathie chronique. Or, l’IRM réalisée en novembre 2022 n’avait pas révélé ce diagnostic mais deux tendons fissurés. Avant son accident, il n’avait pas mal à l’épaule droite. Il pouvait travailler et faire du sport.

c. Le 6 avril 2023, le Dr C______ s’est déterminé sur la plainte, à l’invitation de la commission.

Il n’avait vu le patient qu’une seule fois, le 23 septembre 2022, pour quatre radiographies standards et une échographie de l’épaule droite, ceci à la demande du Dr B______. Ses constatations avaient été : une grosse calcification dans le tendon du muscle sus-épineux et une déchirure partielle du tendon du muscle sus-épineux avec un peu de liquide dans la bourse adjacente. La première image correspondait à une tendinite calcifiante touchant 15-20% de la population et pas toujours symptomatique. Il s’agissait d’une lésion chronique. La seconde lésion était vraisemblablement en lien avec le traumatisme récent et se situait à distance de la calcification du sus-épineux. Il n’avait pas proposé d’autres examens puisqu’il avait trouvé les raisons de la douleur du patient. Il n’avait aucune raison de suggérer une IRM mais l’aurait fait s’il n’avait rien détecté sur les deux examens pratiqués.

Le patient avait subi une IRM en novembre, soit deux mois plus tard, dans un autre institut. On y retrouvait la calcification et la déchirure. Celle-ci avait augmenté dans l’intervalle « (le patient a fait des exercices au fitness si j’en crois les documents annexés par vos soins) ». L’IRM était notoirement plus précise que l’échographie dans les bilans lésionnels. La prise en charge et les échanges du patient avec la SUVA étaient ultérieurs à son examen. La SUVA n’avait jamais pris contact avec lui.

d. Le Dr B______ s’est déterminé le 29 mai 2023.

Le patient avait consulté le Dr F______ au groupe médical de Versoix le 15 août 2022, trois jours après sa chute. Il avait revu ce médecin le 19 août 2022, alors que sur conseil de ce dernier il aurait dû prendre un rendez-vous avec le Dr G______ pour des radiographies. Il avait vu le patient pour la première fois le 15 septembre 2022, pour accident. Selon les explications du patient, il était tombé d’une échelle et avait tenté de se rattraper avec son bras droit ce qui avait causé « un impact direct sur son épaule ». Le patient lui avait relaté avoir été licencié pour le 26 août 2022, ce qui coïncidait avec la fin de l’arrêt de travail posé par le Dr F______. Lors de cette première visite, le patient lui avait dit le consulter au motif que sa douleur persistait. Ni lors de cette première visite, ni lors des suivantes le patient ne lui avait mentionné l’existence du Dr G______, son médecin. Il l’avait apprise à la lecture des documents transmis par la commission. Il ignorait pourquoi le patient avait pris rendez-vous chez lui.

Il avait délivré des certificats d’arrêts de travail du 15 septembre au 31 octobre 2022. Malgré l’insistance du patient, il n’était pas allé au-delà et lui avait expliqué pourquoi. La dernière fois qu’il avait vu le patient en lien avec l’accident remontait au 10 octobre 2022, date à laquelle il avait procédé à une infiltration de l’épaule droite en raison des douleurs persistantes dont se plaignait le patient malgré le traitement par anti-inflammatoire et du repos. Le patient était revenu le voir pour d’autres motifs : le 31 octobre 2022 pour de la toux et des cervicalgies, puis le 7 novembre 2022 pour le résultat des radiographies réalisées en raison de ces cervicalgies, le patient se plaignant toutefois de lombalgies. À cette occasion, ils avaient évoqué le sujet du tendon calcifié qui préexistait à l’accident. Il lui avait recommandé le docteur K______, à Nyon, pour réaliser une trituration dès lors qu’il avait obtenu de bons résultats par le passé avec d’autres patients envoyés chez ce médecin. Le patient avait accepté et il lui avait remis un bon. Il avait vu A______ pour la dernière fois le 22 novembre 2022 pour les résultats de l’IRM demandée en raison des lombalgies. Il lui avait remis un bon de physiothérapie en lien avec les résultats de cette IRM. Tout au long de ces trois consultations pour des raisons de maladie, il avait demandé au patient des nouvelles de son épaule après l’infiltration. Il lui avait répondu qu’il allait beaucoup mieux, mais qu’il n’avait pas retrouvé de travail.

Pour ce qui relevait précisément de son épaule droite, le patient avait fait des déclarations erronées. Il avait en effet d’emblée demandé, dès la première consultation, une imagerie par radio et échographie. Celle-ci avait révélé une petite et partielle déchirure d’un seul tendon sus-épineux, ainsi qu’une macro‑calcification de 8 mm sur ce même tendon. Il n’avait jamais mentionné ou affirmé un quelconque lien entre les deux contrairement à ce qu’affirmait le plaignant. Devant la diagnostic clinique et radiologique, il avait précisé que le traitement serait conservateur avec une immobilisation et une antalgie efficace. Ce traitement étant insuffisant, il avait procédé à l’infiltration cortisonique dont le patient avait rapporté l’efficacité. Dans son expérience personnelle, une IRM et/ou l’avis d’un orthopédiste n’était pas nécessaire, voire superflu, étant donné l’évolution satisfaisante dont témoignait le patient qui ne pouvait donc pas dire qu’il n’avait pas su quoi faire avec cette déchirure.

La plainte contenait des éléments flous, confus voire erronés : l’IRM de novembre 2022 avait montré une déchirure de 11 mm sur un seul tendon du sus-épineux et non sur deux tendons. Il n’y avait pas eu d’aggravation de cette déchirure qui serait passée de 4 à 11 mm : il avait été mentionné à l’échographie la localisation de la déchirure, à savoir à « 4 cm distalement ». Il ne s’agissait pas de la taille de la déchirure.

Enfin, il ne comprenait pas pourquoi le patient était allé voir encore un autre médecin le 23 novembre 2022, ce dernier lui ayant remis un autre certificat médical. Il n’avait pour sa part pas répondu à un courriel du syndicat de l’intéressé lui demandant, le 22 décembre 2022, de prolonger son arrêt de travail.

e. A______ a persisté dans sa plainte les 15 et 16 juin 2023, puis le 14 juillet 2023.

Il avait consulté le Dr B______ car ni le Dr F______ ni le Dr G______ n’avaient voulu lui faire passer des examens ou des radiographies. Il avait vu le Dr F______ le 15 août 2022 mais ce dernier ne l’avait pas envoyé chez le Dr G______. En septembre, il n’avait réussi à joindre ni l’un ni l’autre et était « tombé par hasard » sur le Dr B______. Ce dernier avait souvent changé d’avis. Les secrétaires changeaient puisqu’il en avait connu trois en 2022. Les médecins qu’il avait vus avaient exprimé des avis divergents : le Dr B______ avait voulu faire une infiltration qui n’était pas utile selon le Dr C______. Un autre médecin, le docteur J______, chirurgien orthopédique, avait quant à lui conseillé une infiltration de plasma mais c’était trop tard.

L’IRM était plus précise que l’échographie et celle qu’il avait faite le 28 novembre 2022 avait montré qu’un deuxième tendon était déchiré. Il était étrange que le Dr B______ n’ait pas voulu le diriger vers un spécialiste. Ce médecin n’avait pris aucune note écrite de leurs échanges, tout s’était déroulé oralement.

f. Le 30 janvier 2024, le bureau de la commission a classé la plainte en application de l’art. 14 de la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 (LComPS - K 3 03).

Le plaignant avait eu un accident le 12 août 2022 dans le cadre de son activité professionnelle qui avait entraîné une incapacité de travail. Il était en désaccord avec une décision de la SUVA du 20 janvier 2023 par laquelle celle-ci avait mis fin aux prestations d’assurance au 12 octobre 2022, estimant que les troubles persistants à son épaule n’avaient plus aucun lien avec son accident.

Il reprochait au Dr B______ d’avoir refusé de lui fournir un certificat d’arrêt de travail, de ne pas avoir fourni de rapport à la SUVA et d’avoir posé un diagnostic erroné. En outre, il faisait grief au Dr C______, auquel le premier médecin avait délégué la réalisation de radiographies, de ne pas avoir donné d’importance à la déchirure de son tendon liée à l’accident et de ne pas avoir prescrit une IRM complémentaire. Son rapport du 23 septembre 2023 relevait en particulier les signes d’une tendinopathie chronique.

Les explications des médecins concernés étaient convaincantes et révélaient une prise en charge médicale conforme aux règles de l’art. La commission n’avait pour le reste pas pour mission d’effectuer des expertises médicales sur les parties à ses procédures et ne pouvait se déterminer plus avant sur l’adéquation d’un diagnostic plutôt qu’un autre. Dans tous les cas, les griefs reprochés aux médecins concernés étaient en lien avec la décision de la SUVA mettant fin à ses prestations. Or, la commission n’était pas l’instance compétente auprès de laquelle un assuré pouvait contester des faits et diagnostics médicaux retenus dans une décision d’assurance. Il lui revenait d’utiliser les voies directement en lien avec le droit des assurances. Il n’entrait dès lors pas en matière sur sa plainte à l’égard des deux médecins.

 

C. a. Par acte du 1er mars 2024, A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative).

Il reprochait au Dr C______ et au Dr B______ d’avoir agi avec négligence pour avoir refusé d’obtenir l’avis d’un spécialiste. Il avait été opéré à cause de leur mauvais diagnostic, ce qui l’avait obligé à se débrouiller seul pour trouver une solution médicale. Sans indemnité, il était à l’Hospice général depuis 2023 sans pouvoir travailler en attendant une décision de l’assurance-invalidité.

a.a. Le Dr C______ avait reconnu ne l’avoir vu qu’une seule fois, sans consulter son historique médical. Il avait posé un diagnostic de lésion chronique basé sur une calcification du tendon de l’épaule sans tenir compte de la contusion provoquée 45 jours plus tôt. Ce médecin avait refusé d’accomplir d’autres examens mais avait admis devant la commission qu’une IRM donnait des résultats plus approfondis. Il avait effectué un tel examen plus tard, qui avait révélé que la déchirure du tendon, que ce médecin avait écarté comme motif de blessure, avait triplé en largeur. L’accumulation du liquide, la déchirure et la calcification étaient arrivées après l’accident. Il n’avait pas eu de problèmes antérieurs aux épaules. À cause du temps passé et du refus de la SUVA de prendre en charge les frais médicaux, il avait été opéré en février 2023 avec trois tendons déchirés dont un était « déjà parti dans sa totalité ».

a.b. Le Dr B______ avait expliqué lui avoir prescrit un traitement conservateur et une immobilisation alors que c’était « le chirurgien » qui lui avait fait une ordonnance pour immobiliser son bras en novembre 2022. Il n’était en possession d’aucune facture de ce médecin, ce qui était bizarre, et le dossier de la SUVA qu’avait reçu son syndicat ne contenait aucun document rédigé par celui-ci. Son assurance-maladie n’avait pas recouru contre la décision de la SUVA en raison de l’absence de documents médicaux. Sans que des documents ne soient échangés, le Dr D______ avait estimé que le traitement avait été administré dans les règles de l’art. Les raisons pour lesquelles le Dr B______ avait refusé de prolonger son arrêt maladie n’avaient jamais été claires. Mais ses tendons avaient continué à se déchirer provocant plus de douleurs. Il n’avait aucun document ni aucune facture en lien avec l’infiltration effectuée en octobre 2022 et ne savait pas quel produit avait été utilisé. Il ne pouvait donc pas savoir si ce produit était adapté à sa pathologie.

b. La commission a informé la chambre administrative qu’elle n’avait pas d’observations particulières à formuler.

c. Le Dr C______ a confirmé n’avoir vu le patient qu’une seule fois. Il était faux de prétendre qu’il n’avait pas consulté son historique médical ou pas tenu compte de son accident survenu 45 jours plus tôt puisque, sur son unique rapport radiologique, il avait précisé « patient électricien ayant fait une chute le 12 août. Il s’est attrapé avec la main droite à une barre ». Il était également faux de prétendre qu’il aurait refusé de faire d’autres examens radiologiques puisqu’on ne lui en avait jamais demandé d’autres. Enfin, il était faux de prétendre qu’il aurait refusé l’avis d’un médecin spécialiste : il était radiologue et effectuait des examens à la demande du médecin traitant. Ce n’était pas son rôle d’envoyer un patient vers un autre spécialiste et il n’avait donc pas pu refuser de le faire.

d. Le Dr B______ a repris les explications qu’il avait fournies à la commission et répondu aux griefs du recourant. Il a fait part de son étonnement, le recourant ayant préféré venir le consulter en tant que nouveau patient plutôt que de voir son médecin traitant. Selon lui, le recourant avait inlassablement cherché à obtenir une prolongation de son arrêt de travail en consultant plusieurs médecins.

e. Le 28 juin 2024, A______ a persisté dans ses reproches à l’égard des deux médecins.

f. Les parties ont été informées, le 28 juin 2024, que la cause était gardée à juger.

g. Le 2 juillet 2024, le recourant a versé à la procédure une prescription de physiothérapie signée par le Dr G______ en 2021 en raison d’une cervico‑dorso-lombalgie chronique. Les parties ont été informées que la cause demeurait à juger.

h. Les arguments et écritures des parties ainsi que les pièces pertinentes seront repris dans la partie en droit en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 22 al. 1 LComPS).

2.             Le recours est dépourvu de conclusions formelles.

2.1 L’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (art. 65 al. 1 LPA). Il contient également l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve (art. 65 al. 2 1re phr. LPA).

2.2 Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant. Une requête en annulation d’une décision doit par exemple être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a de manière suffisante manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu’elle ne développe pas d’effets juridiques (ATA/642/2024 du 28 mai 2024 consid. 1.2 et l’arrêt cité).

2.3 En l’espèce, le recourant n’a pas pris de conclusions formelles. On comprend toutefois qu’il conteste le classement de sa plainte par la commission et qu’il en souhaite l’annulation au motif que, selon lui, sa situation médicale aurait été mal appréhendée par le Dr B______ et le Dr C______. Le recours répond ainsi aux exigences de l’art. 65 LPA et il est dès lors recevable.

3.             Conformément à la jurisprudence de la chambre de céans, le plaignant qui a saisi la commission en invoquant une violation de ses droits de patient peut recourir contre la décision classant sa plainte (ATA/990/2020 du 6 octobre 2020 consid. 2a ; ATA/238/2017 du 28 février 2017 consid. 1b ; ATA/558/2015 du 2 juin 2015 consid. 1b). Il ne peut en revanche pas recourir contre l'absence de sanctions prises par la commission (ATA/234/2013 du 16 avril 2013 consid. 3).

3.1 La commission a été instaurée par l'art. 10 al. 1 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03). Son organisation et sa compétence sont réglées par la LComPS, ainsi que par le règlement concernant la constitution et le fonctionnement de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 22 août 2006 (RComPS - K3 03.01). La mission qui lui est assignée est, d'une part, de veiller au respect des prescriptions légales régissant les professions de la santé et les institutions de santé visées par la LS et, d'autre part, de veiller au respect du droit des patients (art. 1 LComPS).

3.2 L'art. 9 LComPS prévoit que le patient qui saisit la commission a la qualité de partie dans les procédures. A contrario, le dénonciateur n'a pas cette qualité (ATA/662/2014 du 26 août 2014 consid. 8, confirmé par les arrêts du Tribunal fédéral 2C_313/2015 du 1er mai 2015, 2F_11/2015 du 6 octobre 2015 et 2F_21/2015 du 2 décembre 2015 ainsi que les jurisprudences citées).

La jurisprudence de la chambre administrative et, avant elle, du Tribunal administratif, a admis qu'un patient, au sens de l'art. 9 LComPS, était une personne qui entretenait ou avait entretenu une relation thérapeutique avec un professionnel de la santé dont l'activité est régie par cette loi (ATA/662/2014 précité consid. 10 et les références citées).

3.3 En l’espèce, la qualité de patient doit être reconnue au recourant.

4.             Selon le Tribunal fédéral, les droits et devoirs d'une personne exerçant une profession médicale, en tant qu'indépendant, soit sous sa propre responsabilité, sont régis par la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (loi sur les professions médicales, LPMéd - RS 811.11), conformément à l'art. 1 al. 3 let. e LPMéd, ce qui exclut l'application de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_759/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3 ; ATF 148 I 1 consid. 5).

Dans la présente cause, la question de savoir si les médecins concernés ont agi en qualité d’indépendants sous propre responsabilité professionnelle au sens de l’art. 1 al. 3 let. e LPMéd ou non peut demeurer indécise en raison de ce qui suit.

5.             Aux termes de l'art. 1 LComPS, il est institué une commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients. Cette commission est chargée de veiller : au respect des prescriptions légales régissant les professions de la santé et les institutions de santé visées par la LS (let. a) ; au respect du droit des patients (let. b).

5.1 La commission dispose de la compétence d'instruire, en vue d'un préavis ou d'une décision, les cas de violation des dispositions de la LS, concernant les professionnels de la santé et les institutions de santé, ainsi que les cas de violation des droits des patients (art. 3 al. 1 let. a LComPS).

5.2 La commission de surveillance constitue en son sein un bureau de cinq membres, chargé de l'examen préalable des plaintes, dénonciations et dossiers dont elle s'est saisie d'office (art. 10 al. 1 LComPS). Il est constitué du président de la commission de surveillance, d'un membre n'appartenant pas aux professions de la santé, d'un médecin, du pharmacien cantonal et du médecin cantonal (art. 8 RComPS).

L'art. 10 al. 2 LComPS prévoit que lorsqu'il est saisi d'une plainte, le bureau peut décider : d'un classement immédiat (let. a), de l'ouverture d'une procédure dans les cas présentant un intérêt public prépondérant justifiant une instruction par une sous‑commission (let. b), dans tous les autres cas, d'un renvoi en médiation. En cas de refus ou d'échec de la médiation, le bureau ouvre une procédure (let. c).

5.3 Le bureau peut classer, sans instruction préalable et par une décision sommairement motivée, les plaintes qui sont manifestement irrecevables ou mal fondées (art. 14 LComPS).

6.              

6.1 Au niveau du droit fédéral, l’art. 40 LPMéd prévoit que les personnes exerçant une profession médicale universitaire sous leur propre responsabilité professionnelle doivent notamment exercer leur activité avec soin et conscience professionnelle et respecter les limites des compétences qu’elles ont acquises dans le cadre de leur formation universitaire, de leur formation postgrade et de leur formation continue (let. a) ou encore garantir les droits des patients (let. c).

6.2 Au plan cantonal, les principaux droits du patient sont énumérés aux art. 42 et ss LS. Il s'agit notamment du droit aux soins (art. 42 LS), du libre choix du professionnel de la santé (art. 43 LS), du libre choix de l'institution de santé (art. 44 LS), du droit d'être informé (art. 45 LS) et du choix libre et éclairé (art. 46 LS).

Selon l'art. 42 LS, le patient a droit aux soins qu'exige son état de santé à toutes les étapes de la vie, dans le respect de sa dignité et, dans la mesure du possible, dans son cadre de vie habituel. Le droit aux soins, tel qu'il est prévu à l'art. 42 LS ne saurait être compris comme conférant un droit absolument illimité à recevoir des soins. Il faut le comprendre comme le droit pour une personne, indépendamment de sa condition économique et sociale, d'accéder équitablement aux soins qu'elle demande et de recevoir les soins qui lui sont objectivement nécessaires, pour autant que ces soins soient effectivement disponibles (MGC 2003-2004/XI A 5845 ; ATA/941/2021 du 14 septembre 2021 consid. 6 ; ATA/778/2013 du 26 novembre 2013 consid. 5).

6.3 Selon la jurisprudence de la chambre de céans, le droit de se faire soigner conformément aux règles de l'art médical est aujourd'hui un droit du patient. L'allégation d'une violation des règles de l'art équivaut à celle de la violation des droits du patient (ATA/355/2021 du 23 mars 2021 consid. 5b ; ATA/22/2014 du 14 janvier 2014 consid. 3). Les droits du patient sont en outre garantis par l'art. 40 LPMéd ; Dominique SPRUMONT/Jean-Marc GUINCHARD/Deborah SCHORNO, in Ariane AYER/Ueli KIESER/Thomas POLEDNA/Dominique SPRUMONT, LPMéd, Commentaire, 2009, ad art. 40 n. 10), applicable par renvoi de l'art. 80 LS.

7.             Compte tenu du fait que la commission – respectivement son bureau – est composée de spécialistes, mieux à même d'apprécier les questions d'ordre technique, la chambre de céans s'impose une certaine retenue (ATA/875/2023 du 22 août 2023 consid. 2.4 et les arrêts cités).

8.             En l’espèce, le recourant reproche aux deux médecins en cause d’avoir agi par négligence pour lui avoir refusé l’obtention de l’avis d’un spécialiste. Il soutient avoir dû être opéré à cause de leur mauvais diagnostic et avoir été obligé de se débrouiller seul pour trouver une solution médicale.

8.1 On peine à suivre le recourant dans la mesure où, d’une part, rien ne l’a empêché de consulter les médecins de son choix et, d’autre part, où il n’apparaît pas qu’il aurait été livré à lui-même. En effet, il ressort du dossier que le recourant a, de sa propre initiative ou non, consulté de nombreux médecins. Il indique lui-même, dans sa plainte, avoir été pris en charge au sein d’un centre médical par des orthopédistes qu’il qualifie de spécialisés. Pour sa part, le Dr B______ lui a conseillé de se rendre auprès d’un confrère à Nyon à même de réaliser l’intervention qu’il jugeait alors pertinente. On ignore toutefois quelle suite le recourant a donné à cette recommandation. Quant au Dr C______, il expose avec pertinence avoir réalisé les examens qui étaient attendus de lui et précise les motifs pour lesquels il n’a pas proposé d’autres examens.

8.2 S’agissant de la qualité des diagnostics, le bureau de la commission n’a rien trouvé à reprocher aux deux médecins mis en cause. Il ne ressort au surplus d’aucune pièce du dossier que les autres médecins consultés par le recourant auraient remis en cause les diagnostics posés par leurs confrères, étant précisé qu’on ignore si le recourant a systématiquement tenu chacun d’eux au courant des démarches qu’il effectuait auprès des autres praticiens qu’il a sollicités. Si dans un rapport médical intermédiaire à l’attention de la SUVA, rédigé le 30 novembre 2022, le Dr J______ a conseillé une intervention chirurgicale, il n’apparaît pas qu’il aurait remis en cause les diagnostics posés par ses deux confrères. Le recourant substitue au final son analyse à celles des deux médecins dont il conteste les compétences, sans toutefois fournir à la chambre de céans un avis médical éclairé qui lui permettrait de douter des choix thérapeutiques contestés et donc de la validité de la décision de la commission. Tel est en particulier le cas à propos des fissures des tendons ou de la nécessité de procéder à une IRM plus précocement.

Enfin, les reproches que le recourant semble formuler à l’égard de sa caisse d’assurance-maladie ou de la SUVA excèdent l’objet du présent litige, ce que la commission lui a déjà fait remarquer.

La commission n’a en conséquence pas violé le droit en procédant au classement immédiat de la plainte du recourant, étant rappelé que le bureau est composé de spécialistes comprenant notamment un médecin, le pharmacien cantonal et le médecin cantonal.

9.             Malgré l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu, le recourant plaidant au bénéfice de l'assistance juridique (art. 87 al. 1 LPA et art. 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er mars 2024 par A______ contre la décision de la commission de surveillance des professions de la santé du 30 janvier 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients, à B______ ainsi qu’à C______.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :