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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2267/2024

ATA/939/2024 du 14.08.2024 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2267/2024-FPUBL ATA/939/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 14 août 2024

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Marina VALERO ANDRADE, avocate

contre

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE intimés
représentés par Me Marc HOCHMANN FAVRE, avocat

_________



Attendu, en fait, que :

1. A______, né le ______ 1970, a travaillé pour les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) depuis 1999. Il a exercé la fonction de B______à partir du 1er novembre 2018. Son épouse, C______, travaille également pour les HUG, dans le même D______ ; bien que considéré dans un premier temps, les HUG ont renoncé à la mutation de C______ par décision du 28 novembre 2018, tout en précisant que ses plannings devaient être validés par un supérieur d'A______.

2. A______ a fait l'objet de quatre entretiens de service les 20 octobre 2023, 4 janvier 2024, 18 mars 2024 et 13 mai 2024.

Le premier portait sur un comportement inapproprié d'A______ à l'égard d'un de ses subordonnés. Lors du deuxième entretien de service, il a été reproché à A______ l'envoi de deux courriels à sa hiérarchie critiquant des décisions prises par son supérieur direct et d'être à l'origine d'une pétition de membres de l'équipe du D______ allant dans le même sens que ses courriels. Le troisième avait le même objet, la hiérarchie ayant entretemps entendu divers membres de l'équipe qui avaient confirmé le rôle central d'A______ dans la rédaction et le dépôt de cette pétition. Le quatrième portait sur des soupçons d'être entré dans le système informatique – alors qu'il était en incapacité de travail à 100% et avait reçu la consigne de se tenir « en retrait de ses équipes » – et d'avoir modifié les plannings de deux collaborateurs (en particulier son épouse), causant ainsi un dommage financier à son employeur.

A______ a exprimé des regrets s'agissant du comportement adopté à l'égard de son subordonné, mais a rejeté les autres reproches formulés à son encontre. Il s'est exprimé par écrit au sujet des entretiens de service par courriers des 3 novembre 2023, 18 janvier, 4 avril et 29 mai 2024.

3. Par décision du 3 juin 2024 déclarée exécutoire nonobstant recours, les HUG ont résilié les rapports de service d'A______ pour le 30 septembre 2024, au motif de violations de ses devoirs de fonction. En raison de la gravité des faits reprochés et de la rupture du lien de confiance, aucun poste ne pouvait lui être proposé à titre de reclassement. Il était renvoyé, s'agissant des faits reprochés, aux quatre entretiens de service précités.

4. Par acte déposé le 4 juillet 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours ainsi qu'à ce que soient entrepris divers actes d'instruction, et principalement à l'annulation de la décision attaquée, à ce que sa réintégration soit ordonnée et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Une procédure pénale avait été ouverte contre lui en mai 2024 pour un cambriolage ayant eu lieu dans le D______ qu'il gérait dans la nuit du 1er au 2 avril 2024. La procureure en charge avait toutefois annoncé vouloir rendre une ordonnance de classement. Il avait été – injustement – accusé sur la base de déclarations de l'un de ses collègues.

Par ailleurs, son licenciement coïncidait avec l'ouverture d'un audit du service de contrôle interne qui portait précisément sur la gestion des recrutements et des pratiques managériales dans son secteur, soit les problèmes qu'il avait dénoncés depuis 2023.

S'agissant de sa demande de restitution de l'effet suspensif, il ne percevrait plus aucun revenu à partir du 1er octobre 2024, ce qui le mettrait dans une situation très difficile. Les indemnités de chômage françaises s'élèveraient à EUR 3'997.80 nets par mois, alors qu'il percevait jusqu'à présent CHF 6'149.20 nets par mois, treize fois l'an, ceci alors qu'il devait rembourser le prêt hypothécaire du logement familial. Ses perspectives d'emploi, à 54 ans et après avoir travaillé 25 ans pour les HUG, apparaissaient difficiles.

La décision attaquée n'était fondée sur aucun motif et violait ses droits à la protection de la personnalité. Elle ne contenait aucune motivation s'agissant du retrait de l'effet suspensif au recours.

5. Le 18 juillet 2024, les HUG ont conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif au recours.

Vu le fondement du licenciement et compte tenu de leur large pouvoir d'appréciation, les chances de succès du recours étaient minimes.

6. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l'effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1. Le recours apparaît prima facie recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de celles‑ci, par un ou une juge (art. 21 al. 2 LPA ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

3. Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

4. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) - ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/885/2024 du 25 juillet 2024 ; ATA/25/2024 du 9 janvier 2024 consid. 4).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 
253-420, p. 265).

L’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405ATA/941/2018 du 18 septembre 2018).

5. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

6. Selon l’art 21 al. 3 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC – B 5 05), applicable aux HUG selon l'art. 1 al. 1 let. e LPAC, l'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé ; elle motive sa décision ; elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé. Les modalités sont fixées à l’art. 46A du règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC – B 5 05.01).

Selon l’art. 22 LPAC, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de : l'insuffisance des prestations (let. a), l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) et la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c).

7. Aux termes de l'art. 31 al. 3 LPAC, dans sa teneur issue de la loi 12868 entrée en vigueur le 11 mai 2024, si la chambre administrative retient que la résiliation des rapports de service ne repose pas sur un motif fondé ou est contraire au droit, elle peut proposer à l’autorité compétente la réintégration.

8. En l'espèce, vu la modification récente – mais néanmoins entrée en vigueur avant le prononcé de la décision attaquée – de l'art. 31 al. 3 LPAC, même en cas d'admission du recours, la chambre de céans ne pourrait ordonner la réintégration du recourant, mais uniquement la proposer ; partant, la restitution de l'effet suspensif, qui aurait pour effet de réintégrer le recourant pendant la durée de la procédure, irait au-delà des compétences de la chambre administrative sur le fond, de sorte qu'elle ne peut l'ordonner (ATA/1135/2022 du 8 novembre 2022 consid. 9 ; ATA/981/2021 du 21 septembre 2021).

De plus, de jurisprudence constante en matière de résiliation des rapports de service, l'intérêt public à la préservation des finances de l’État est important et prime l’intérêt financier du recourant à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/1377/2023 du 21 décembre 2023 ; ATA/227/2023 du 7 mars 2023 ; ATA/466/2021 du 28 avril 2021 et les références citées). Ce qui précède vaut d'autant plus en l'espèce que le recourant ne démontre pas que ses indemnités de chômage françaises, cumulées au traitement de son épouse, le mettrait véritablement dans une situation financière très difficile.

Enfin, et sans préjudice de l’examen au fond, les chances de succès du recours ne paraissent pas à ce point manifestes qu’elles justifieraient à elles seules la restitution de l’effet suspensif.

Au vu de ce qui précède, la requête de restitution dudit effet sera rejetée.

9. Il sera statué sur les frais de la présente décision avec la décision sur le fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110),  la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Marina VALERO ANDRADE, avocate du recourant ainsi qu'à Me Marc HOCHMANN FAVRE, avocat des Hôpitaux universitaires de Genève.

 

 

La vice-présidente :

 

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :