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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/760/2023

ATA/511/2024 du 23.04.2024 sur JTAPI/396/2023 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.06.2024, 2D_15/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/760/2023-PE ATA/511/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 avril 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______et B______, agissant en leur nom et en celui de leurs enfants mineurs C______ et D______ recourants
représentés par FIRST-CONSULTING.CH Sàrl, mandataire

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 avril 2023 (JTAPI/396/2023)


EN FAIT

A. a. A______et B______, nés respectivement le ______ 1992 et le ______ 1987, sont les parents de C______ et D______, nés respectivement en 2019 et 2017. Tous les membres de la famille sont ressortissants du Kosovo.

b. Entre 2007 et 2015, B______ a été condamné pénalement à quatre reprises pour séjour illégal.

B. a. Le 19 septembre 2012, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a refusé d’accorder à B______ l’autorisation de travail qu’avait sollicité en sa faveur l’entreprise E______Sàrl, au motif que l’ordre de priorité n’avait pas été respecté.

b. Le 14 décembre 2012, B______ a quitté la Suisse pour la France.

c. Le 14 mars 2014, B______ a été appréhendé par la police. Lors de son audition, il a déclaré qu’il était arrivé en Suisse en 2006. Il y était resté six mois, puis était retourné au Kosovo pendant trois ans. En 2010, il était revenu à Genève et y était demeuré jusqu’au 14 décembre 2012. Il avait regagné Genève en 2014. Sur question, il a indiqué qu’il était effectivement retourné en Suisse après son départ de 2012, mais qu’il ne se souvenait pas avoir été arrêté le 4 avril 2013.

d. Par décision du 4 septembre 2014, l’OCPM a ordonné le renvoi de Suisse de B______, au motif qu’il était dépourvu de titre de séjour valable et qu’il « représentait une menace pour l’ordre public » vu sa condamnation du 23 mai 2014 (pour séjour illégal et exercice d'une activité lucrative sans autorisation).

e. Le 26 novembre 2014, l’office fédéral des migrations, devenu entre-temps le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé à l’encontre de B______ une interdiction d’entrée en Suisse valable jusqu’au 25 novembre 2017.

f. Le 5 mars 2015, B______ a été arrêté par le corps des gardes-frontière à Genève. Il a déclaré que son adresse se trouvait à F______, en France, État dans lequel il avait déposé une demande d’asile.

C. a. Le 2 juillet 2018, B______ a sollicité de l’OCPM une autorisation de séjour et de travail dans le cadre de l’« opération Papyrus » pour lui et sa famille.

Il était arrivé en Suisse en 2006, tandis que son épouse avait immigré en 2014. Il était indépendant financièrement. Il occupait un emploi, n’avait jamais fait l’objet de poursuites pour dettes, pas plus qu’il n’avait émargé à l’Hospice général (ci‑après : l’hospice). Il maîtrisait la langue française et ni lui, ni sa femme, ne figuraient au casier judiciaire. Il travaillait en qualité de carreleur pour l’entreprise G______ SA, à Genève, pour un salaire mensuel brut de CHF 4'200.-.

b. Le 27 février 2020, l’OCPM a indiqué à B______ qu’il envisageait de refuser de soumettre son dossier et celui de sa famille au SEM avec un préavis positif, et de prononcer son renvoi de Suisse. Ni lui ni sa famille ne remplissaient les conditions pour bénéficier de l’« opération Papyrus », ni celles relatives aux cas individuels d’extrême gravité. Un délai lui était accordé pour faire valoir son droit d’être entendu.

c. Par décision du 26 juin 2020, l’OCPM a refusé de transmettre au SEM le dossier de B______ avec un préavis positif, et a prononcé son renvoi de Suisse.

Il n’avait pas établi une présence continue en Suisse d’une durée de dix ans. Il avait fait l’objet de plusieurs renvois entre 2012 et 2014 et il disposait d’une adresse en France : il ne pouvait par conséquent pas bénéficier de l’« opération Papyrus ». Il ne remplissait pas non plus les conditions pour l’obtention d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur puisqu’il n’avait fait état ni d’une très longue durée de séjour en Suisse, ni d’aucun autre élément lui permettant de déroger à cette exigence. Il n’avait pas plus démontré qu’une réintégration dans son pays d’origine entraînerait de graves conséquences pour sa situation personnelle, indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population. Enfin, il n’était pas établi que son renvoi au Kosovo se révélerait impossible, illicite ou inexigible.

D. a. Le 27 août 2020, B______ et son épouse, agissant en leur nom propre et en celui de leurs enfants, ont recouru devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à la délivrance d’une autorisation de séjour en faveur de toute la famille. Préalablement, l’effet suspensif devait être restitué au recours et B______ devait être entendu.

Seule la condition du séjour ininterrompu de dix ans était remise en cause par l’OCPM, en particulier la période allant de décembre 2012 à août 2015. Or, la notion de séjour continu n’avait jamais été interprétée de manière stricte par les autorités, de sorte que les absences de quelques semaines à deux, voire trois mois, ne faisaient pas obstacle à l’obtention d’une autorisation de séjour dans le cadre de l’« opération Papyrus ».

Faisaient office de preuves formelles de séjour l’attestation établie par la société de transfert de fonds H______GmbH (ci-après : H______) mentionnant des dates de versement, l’extrait du compte AVS individuel de B______ faisant état des mois et années de cotisation, ainsi qu’une attestation du syndicat I______ indiquant la période d’adhésion.

Les déclarations qu’il avait faites aux autorités policières ou douanières devaient être relativisées et comprises comme émanant d’une personne qui cherchait à minimiser les infractions qu’elle avait commises dans l’espoir d’atténuer la sanction.

b. Par jugement du 29 janvier 2021, le TAPI a rejeté le recours.

Les enfants n’étaient pas scolarisés. Leur mère était arrivée en Suisse en 2014 et ne remplissait pas la condition du séjour de dix ans. B______ établissait ses connaissances de la langue française, mais ne pouvait se prévaloir d’un séjour ininterrompu de dix ans, puisqu’il était retourné à plusieurs reprises au Kosovo. Selon ses déclarations à la police en mars 2014, il était arrivé en Suisse en 2006 et, après un séjour de six mois, était reparti au Kosovo pour ne revenir à Genève qu’en 2010. Il avait ensuite dû quitter la Suisse en 2012, à la suite de son renvoi le 14 novembre 2012. Enfin, il avait indiqué le 5 mars 2015 aux gardes-frontière qu’il était domicilié à F______, en France. Les attestations de transfert de fonds ne remontaient qu’à 2014. Le compte AVS ne montrait des années complètes de cotisations qu’en 2012 et en 2017. L’affiliation au syndicat n’était établie que du 1er décembre 2012 au 31 janvier 2013. Le bénéfice de l’« opération Papyrus » ne pouvait ainsi leur être accordé.

Ils ne remplissaient pas non plus les conditions d’un cas individuel d’extrême gravité. Ils étaient certes indépendants financièrement, n’avaient jamais émargé à l’aide sociale ni faisaient l’objet de poursuites pour dettes. La durée de leur séjour ne pouvait toutefois être considérée comme longue, et une partie du séjour de B______ en Suisse était illégale, dès lors qu’il avait fait l’objet d’une interdiction d’entrée qu’il n’avait pas respectée. Une autre partie du séjour était l’objet d’une tolérance de l’autorité. B______ n’établissait pas une ascension sociale ou professionnelle poussée, ni qu’il avait acquis en Suisse des connaissances à ce point spécifiques qu’il ne pourrait les mettre à profit au Kosovo. Il avait conservé des liens avec son pays, puisqu’il y était retourné à plusieurs reprises depuis 2007. Son épouse, entrée en Suisse à l’âge de 22 ans, avait passé toute son enfance et son adolescence au Kosovo, dont elle maîtrisait la langue et avait conservé la culture. Leurs deux enfants, âgés d’un et trois ans, restaient totalement attachés au pays d’origine de leurs parents par le biais de ceux-ci.

C’était enfin à bon droit que le renvoi avait été prononcé de Suisse, aucun élément ne laissant supposer que l’exécution de cette mesure était impossible, illicite ou ne pouvait être raisonnablement exigée.

c. Ce jugement a été confirmé par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par arrêt du 25 mai 2021 (ATA/555/2021).

E. a. Par courrier du 23 août 2021, l’OCPM a octroyé à A______et B______ un délai au 23 octobre 2021 pour quitter la Suisse.

b. Le 20 octobre 2021, A______et B______ ont sollicité de l’OCPM une prolongation de leur délai pour quitter la Suisse au 5 juillet 2022, eu égard à la situation professionnelle de B______, lequel devait achever des chantiers et avait acheté une nouvelle camionnette, à la scolarisation de D______ et à leur situation personnelle.

c. L’OCPM a refusé leur demande de prolongation du délai de départ par courrier du 5 novembre 2021. Il était toutefois prêt à tolérer leur présence jusqu’au 5 janvier 2022 pour peu qu’ils se présentassent à l’OCPM le 7 décembre 2021 munis de divers documents.

d. Le 8 février 2022, A______et B______ ont déposé une demande de permis de séjour de courte durée pour eux-mêmes et leurs enfants pour une durée de neuf mois, afin que B______ puisse terminer ses contrats professionnels et éviter de retirer D______ de l’école en pleine année scolaire.

e. L’OCPM a informé A______et B______, le 16 février 2022, avoir transmis leur demande au service de la main d’œuvre étrangère pour raison de compétence. Toutefois, ils étaient tenus de quitter la Suisse sans délai vu que la dernière prolongation de leur délai de départ avait été fixé au 5 janvier 2022 ; B______ devait attendre la décision du service de la main d’œuvre à l’étranger.

f. Par courrier du 29 juillet 2022, l’OCPM a relevé que A______et B______ n’avaient pas respecté leur obligation de quitter la Suisse. Ils devaient dès lors se présenter à l’OCPM le 3 août 2022, munis d’un certain nombre de documents.

g. Le 23 août 2022, l’OCPM a indiqué à A______et B______ qu’il avait l’intention de prononcer à leur encontre une mesure d’éloignement (interdiction d’entrée). Un délai de dix jours ouvrables leur était accordé pour communiquer leurs éventuelles remarques et objections.

h. A______et B______ se sont déterminés le 2 septembre 2022. Leur renvoi à bref délai ne répondait à aucun intérêt public et ne paraissait pas opportun vu la situation personnelle de la famille. Compte tenu de l’intégration poussée de leur famille, l’engagement d’une procédure de renvoi serait contreproductive et particulièrement traumatisante pour leurs deux enfants. B______ pouvait faire valoir une intégration professionnelle pleinement réussie. Une demande de régularisation de leurs conditions de séjour serait prochainement déposée : il n’y avait dès lors aucun sens à les renvoyer au Kosovo. Ils demandaient que l’OCPM renonce à la poursuite de la procédure de renvoi et s’abstienne exceptionnellement de prononcer une interdiction à leur encontre, à tout le moins jusqu’à droit connu sur la procédure de régularisation pour cas de rigueur qui sera déposée.

F. a. Le 14 octobre 2022, A______et B______, en leur nom et en celui de leurs enfants D______ et C______ ont déposé auprès de l’OCPM une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur.

En considérant la durée du séjour de B______ depuis 2006, elle était bien supérieure à la valeur indicative de 5 ans retenue par le SEM. Quant à A______, elle comptabilisait environ huit ans de séjour, dépassant également la valeur indicative retenue par le SEM. Leur intégration avancée tant sur le plan professionnel que personnel tendait à confirmer l’existence d’un long séjour en terres genevoises : B______ avait notamment créé sa propre entreprise qui était florissante et il faisait preuve d’une grande motivation et de professionnalisme malgré son absence de statut en Suisse.

A______collaborait activement dans l’entreprise de son mari. Ils étaient financièrement autonomes et attachaient une importance toute particulière au respect de l’ordre et de la sécurité publics ; ils étaient inconnus de l’office des poursuites, ne bénéficiant d’aucune prestation de l’hospice et étaient des personnes foncièrement honnêtes. Ils maitrisaient la langue française.

Leurs enfants étaient nés en Suisse et n’avaient jamais connu leur pays d’origine dans lequel il n’avaient pas vécu. Leur intégration en Suisse était réussie et compte tenu du temps écoulé, ils remplissaient les critères d’un cas de rigueur. Un retour au Kosovo n’était pas envisageable.

Par décision du 3 février 2023 déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCPM, estimant que la demande de A______et B______ était une demande de reconsidération, a refusé d’entrer en matière sur ladite demande. Rappelant qu’ils faisaient l’objet d’une décision de refus et de renvoi de Suisse entrée en force, rendue le 26 juin 2020, ils étaient tenus de s’y conformer sans délai.

b. Par courrier du 7 février 2023, l’OCPM a convoqué B______ pour le 15 février 2023 afin de régler les modalités de son départ.

Le SEM serait informé de la situation afin qu’il juge de l’opportunité de prononcer à son encontre une interdiction d’entrée en Suisse. Un délai de dix jours lui était imparti pour communiquer ses éventuelle remarques et objections.

c. Le 16 février 2023, A______et B______ ont indiqué à l’OCPM que leur renvoi à brève échéance ne répondait objectivement à aucun intérêt public prépondérant et n’apparaissait pas opportun. Ils ne constituaient absolument aucune menace pour l’ordre et la sécurité publics ; en tout état, leur intérêt privé de famille « sans histoire » et bien intégrée devait l’emporter sur les éventuels intérêts publics.

Ils demandaient ainsi que l’OCPM renonce à la poursuite de la procédure de renvoi jusqu’à l’entrée en force de la décision du 3 février 2023 et s’abstienne de demander au SEM de prononcer une interdiction d’entrée à leur encontre.

d. L’OCPM leur a répondu le 22 février 2023, retenant qu’aucun recours n’avait été déposé contre sa décision du 3 févier 2023 et leur impartissant un ultime délai au 22 février 2023 pour se présenter à leurs guichets.

G. a. Par acte du 2 mars 2023, A______et B______ ont recouru auprès du TAPI contre la décision du 3 février 2023, concluant à titre préalable à l’octroi de l’effet suspensif pendant la procédure de recours et, principalement, à l’annulation de la décision et à la délivrance d’une autorisation de séjour en leur faveur.

B______ était arrivé en Suisse dans le courant de l’année 2006 ; bien que son séjour en Suisse eût connu des interruptions entre 2011 et 2014, ce dernier était quasi continu. Il vivait en Suisse avec sa femme depuis 2014.

Il était autonome financièrement et avait créé sa propre entreprise dans le domaine du carrelage. Sa femme collaborait à son entreprise et s’occupait de leurs deux enfants, dont l’aîné était désormais scolarisé. Ils formaient une famille unie qui pouvait se prévaloir d’une très bonne intégration, d’une bonne réputation et d’une très belle réussite professionnelle.

Forts de cette évolution très favorable, ils avaient déposé une nouvelle demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur, laquelle avait été refusée au motif que l’écoulement du temps entre les décisions des autorités ne constituait pas un motif justifiant une reconsidération et que les nouveaux éléments contenus dans leur requête n’étaient pas des faits nouveaux et importants.

L’autorité n’avait dès lors pas réexaminé leurs situations personnelles. Or, vu le temps écoulé et les enjeux pour eux et leurs enfants, en particulier leur avenir, l’analyse succincte de l’autorité était manifestement insuffisante et ne permettait pas d’apprécier leur situation dans sa globalité. Par ailleurs, ils avaient, à l’époque, déposé une demande de régularisation de leurs conditions de séjour dans le cadre de l’opération Papyrus et seule la condition liée au séjour à ce moment-là n’était pas remplie : ils pouvaient aujourd’hui se prévaloir d’une durée de séjour suffisamment longue pour bénéficier d’une autorisation pour cas de rigueur.

Ils avaient par ailleurs poursuivi leur intégration, n’avaient jamais disparu dans la clandestinité et avaient fait usage, depuis la décision du 26 juin 2020, des voies et moyens de droit à disposition tout en respectant les procédures. Ils n’avaient dès lors pas mis l’autorité devant le fait accompli.

b. Le 9 mars 2023, l’OCPM a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif et au rejet du recours.

L’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit devait l’emporter sur l’intérêt privé de A______et B______ à demeurer en Suisse jusqu’à l’issue de la procédure, raison pour laquelle l’OCPM s’opposait à la restitution de l’effet suspensif.

Sur le fond, les précités invoquaient pour l’essentiel une évolution remarquable de leur intégration et de leur situation professionnelle respective. L’OCPM estimait que ces éléments étaient le fruit de l’écoulement du temps depuis le prononcé de la décision du 26 juin 2020 ; ces faits ne pouvaient constituer une base suffisante pour reconsidérer la décision.

c. Par jugement du 6 avril 2023, le TAPI a rejeté le recours.

A______et B______ se prévalaient du fait qu’ils séjournaient désormais en Suisse depuis une plus longue durée que lors de leur demande de titre de séjour dans le cadre de l’« opération Papyrus », que leur intégration s’était encore renforcée au fil du temps et qu’ils pouvaient se prévaloir désormais d’une belle réussite professionnelle – B______ ayant créé sa propre entreprise qui était florissante – et sociale, et, enfin que leur fils aîné avait entamé sa scolarité. Or, ces éléments, qui étaient uniquement dus à l’écoulement du temps depuis le prononcé de la décision de refus et de renvoi, à laquelle ils n’avaient pas obtempéré, ne pouvaient être considérés comme des faits nouveaux modifiant la situation de manière notable.

Les autres arguments invoqués – impossibilité d'honorer des chantiers en cours, déscolarisation de leur fils en cours d'année – découlaient du fait qu'ils ne s'étaient pas conformés à la décision de renvoi et n’avaient pas respecté les délais de départ qui leurs avaient été impartis.

H. a. Par acte posté le 15 mai 2023, A______et B______, agissant en leur nom propre et en celui de leurs deux fils mineurs, ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant principalement à son annulation et à la délivrance d’une autorisation de séjour en leur faveur. À titre préalable, l'effet suspensif devait être octroyé au recours.

La raison individuelle – et non la société – du recourant était inscrite au registre du commerce depuis 2019. Il était pour le moins paradoxal que ce service ait accepté une telle inscription sans vérifier la légalité de son séjour. Il était faux de dire qu'ils avaient mis l'autorité devant le fait accompli, dès lors que leur séjour était connu de l'autorité et qu'ils avaient depuis 2020 usé des voies de droit à leur disposition et respecté les procédures.

Le jugement attaqué ne prenait pas en compte qu'ils avaient déposé une demande de régularisation dans le cadre de l'« opération Papyrus », et que la seule condition qui faisait alors défaut, soit les dix ans de séjour, était désormais remplie. Ils avaient en outre poursuivi leurs efforts d'intégration. L'OCPM aurait dû procéder à une nouvelle pesée complète des intérêts en présence.

b. Le 21 juin 2023, l'OCPM a conclu au rejet de la demande d'octroi de l'effet suspensif et du recours. Les arguments soulevés dans le recours, en substance semblables à ceux présentés en première instance, n'étaient pas de nature à modifier sa position.

c. Le 2 août 2023, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 8 septembre 2023 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 6 septembre 2023, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires à faire valoir.

e. Le 7 septembre 2023, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recours a pour objet le refus de l’autorité intimée d'entrer en matière sur la demande de reconsidération des recourants.

2.1 L’autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n’est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l’art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l’influence d’un crime ou d’un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/98/2024 du 30 janvier 2024 consid. 3.1 ; ATA/1301/2023 du 5 décembre 2023 consid. 5.2).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s’est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux », c’est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l’état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l’autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause. Pour qu’une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l’état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l’autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, la remise en question de cette dernière (ATA/1115/2023 du 10 octobre 2023 consid. 2.1 et les références citées).

Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d’éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1). C’est pourquoi, en principe, l’administré n’a aucun droit à ce que l’autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l’autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées (ATF 120 Ib 42 consid. 2b). La procédure de reconsidération ne constitue pas un moyen de réparer une erreur de droit ou une omission dans une précédente procédure (ATF 111 Ib 211).

2.2 En droit des étrangers, le résultat est identique que l’on parle de demande de réexamen ou de nouvelle demande d’autorisation : l’autorité administrative, laquelle se base sur l’état de fait actuel, qui traiterait une requête comme une nouvelle demande, n’octroiera pas une autorisation de séjour dans un cas où elle l’a refusée auparavant si la situation n’a pas changé. Si toutefois la situation a changé, les conditions posées au réexamen seront en principe remplies (arrêts du Tribunal fédéral 2C_203/2020 du 8 mai 2020 consid. 4.3 ; 2C_715/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.2 ; ATA/1115/2023 précité consid. 2.3).

L’écoulement du temps et la poursuite d’une intégration socioprofessionnelle ne peuvent être qualifiés d’éléments notables au sens de l’art. 48 al. 1 let. b LPA lorsqu’ils résultent uniquement du fait que l’étranger ne s’est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/98/2024 précité consid. 3.2 ; ATA/1114/2023 du 10 octobre 2023 consid. 2.7 et les références citées).

2.3 Saisie d’une demande de reconsidération, l’autorité examine préalablement si les conditions de l’art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n’est pas le cas, elle rend une décision de refus d’entrer en matière qui peut faire l’objet d’un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2). Si lesdites conditions sont réalisées, ou si l’autorité entre en matière volontairement sans y être tenue, et rend une nouvelle décision identique à la première sans avoir réexaminé le fond de l’affaire, le recours ne pourra en principe pas porter sur ce dernier aspect. Si la décision rejette la demande de reconsidération après instruction, il s’agira alors d’une nouvelle décision sur le fond, susceptible de recours. Dans cette hypothèse, le litige a pour objet la décision sur réexamen et non la décision initiale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_319/2015 du 10 septembre 2015 consid. 3 ; 2C_406/2013 du 23 septembre 2013 consid. 4.1).

2.4 En l’espèce, l’autorité intimée n’est pas entrée en matière sur la demande de reconsidération de sa décision du 26 juin 2020, ce qu’a confirmé le TAPI, de sorte que seule sera examinée la violation alléguée de l’art. 48 LPA, à l’exclusion de l’application des art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

Les recourants n’invoquent aucun « fait nouveau ancien » (ou nova improprement dits), si bien que seule l’application de l’art. 48 al. 1 let. b LPA est envisageable.

Comme relevé par le TAPI, les éléments mis en avant par les recourants, à savoir une plus longue durée de séjour, une intégration renforcée au fil du temps, en particulier sur le plan professionnel, et la scolarisation de leur fils aîné sont liés au simple écoulement du temps et à l’évolution normale de leur intégration en Suisse, si bien que, conformément à la jurisprudence précitée, ils ne peuvent être qualifiés d’éléments notables au sens de l’art. 48 al. 1 let. b LPA. L'autorité intimée n'était dès lors pas tenue de procéder à une nouvelle pesée d'intérêts complète.

Il sied de relever que, contrairement à ce que prétendent les recourants, ils ont bien mis les autorités de migration devant le fait accompli, dès lors qu'ils sont restés en Suisse en violation de la décision de renvoi entrée en force. Ils auraient pu utiliser les moyens de droit à leur disposition depuis leur pays d'origine, comme le prévoit du reste l'art. 17 LEI.

Entièrement mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté, le prononcé du présent arrêt rendant sans objet la demande d'octroi de l'effet suspensif.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 mai 2023 par A______et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 avril 2023 ;

 

au fond :

le rejette ;

met à la charge solidaire de A______et B______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______et B______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Valérie MONTANI, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.