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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1251/2023

ATA/261/2024 du 27.02.2024 sur JTAPI/1187/2023 ( ICC ) , REJETE

Recours TF déposé le 05.04.2024, 9C_196/2024
Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;IMPÔT SUR LE REVENU;IMPÔT SUR LA FORTUNE;CRÉANCE;ACTIONNAIRE;PROCÉDURE FISCALE;FARDEAU DE LA PREUVE
Normes : LHID.13.al1; LHID.14.al1; LIPP.46; LIPP.47.letb; LIPP.49.al1; LIPP.49.al2; LPA.65.al1; LPA.65.al2; CC.8
Résumé : La détermination de la valeur des titres non cotés en bourse repose sur la méthode des praticiens préconisée par la circulaire n° 28 de la Conférence suisse des impôts. Sauf exceptions prévues, celle-ci ne peut être pondérée voire remise en cause sans fondements. Ne font pas partie des cas exceptionnels le risque inhérent à la dépendance d'une activité commerciale à un contrat d'exclusivité ou un facteur d'illiquidité ne répondant pas aux conditions définies dans la circulaire. Rejet de la demande de déduction des impôts latents sur les réserves latentes des participations pour absence de preuves. Les fonctions dirigeantes exercées par le recourant excluent par ailleurs la déduction forfaitaire de 30% sur une participation minoritaire. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1251/2023-ICC ATA/261/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 février 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants
représentés par MOORE STEPHENS REFIDAR SA, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 octobre 2023 (JTAPI/1187/2023)


EN FAIT

A. a. A______ et B______ ont leur domicile dans le canton de Genève.

B______ est propriétaire et associé unique de C______ (ci‑après : C______) ayant son siège à Nyon dans le canton de Vaud.

C______ détient des participations à hauteur des deux tiers du capital de D______ (ci-après : D______) et l'entier du capital de E______ (ci-après : E______). D______ est associée à concurrence de 275/1'000 du capital social de F______ (ci-après : F______). Ces trois sociétés sont non cotées et ont leur siège à Nyon.

b. Le 22 novembre 2021, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a notifié aux contribuables des bordereaux de taxation pour l'année fiscale 2019, dans lesquels figurait une valorisation des parts sociales de C______ arrêtée à CHF 20'182'000.- conformément la circulaire n° 28 de la Conférence suisse des impôts (ci-après : CSI) intitulée « Instructions concernant l'estimation des titres non cotés en vue de l'impôt sur la fortune » (ci-après : la circulaire).

c. Par décisions du 7 mars 2023, l'AFC-GE a rejeté la réclamation élevée par les intéressés. En annexe était jointe une estimation de C______ effectuée par les autorités fiscales vaudoises.

d. Par jugement du 20 octobre 2023, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a rejeté le recours interjeté contre les décisions sur réclamation.

C______ avait été correctement évaluée. Les contribuables n'avaient pas établi que la valorisation de la participation indirecte de cette société dans F______ – par l'intermédiaire d'D______ – était excessive. L'existence d'un contrat d'exclusivité entre F______ et son unique client, G______ (ci‑après : H______), ne constituait pas une circonstance particulière susceptible, en l'absence de tout autre justificatif, d'avoir une incidence sur la valeur vénale de ladite société au sens de la circulaire.

La taxation des contribuables n'était pas confiscatoire dans la mesure où leurs impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) d'un montant de CHF 456'080.- représentaient moins de 60% de leur revenu net imposable, qui s'élevait à plus d'un million.

B.            a. Par acte expédié le 30 novembre 2023, A______ et B______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre ce jugement, expliquant que l'estimation de la participation de B______ dans C______ n'était pas justifiée en raison de la disproportion manifeste de la valorisation de F______ avec sa réalité économique. Cette société ne disposait d’aucun actif réel et avait l'interdiction de développer une autre activité commerciale que celle prévue dans un contrat exclusif de négociation des droits audiovisuels et de sponsoring conclu avec l'H______. Pour ces raisons, les résultats commerciaux de F______ n'étaient pas représentatifs de sa valeur économique actuelle.

La valeur des titres de F______ devait être déterminée selon la méthode des praticiens en adaptant, au vu de la situation particulière de F______, le taux de capitalisation de 16% applicable dans certains cantons aux entreprises représentant l'outil de travail de leur actionnaire. Cette valeur devait être le résultat de la moyenne entre une valeur substantielle et une valeur de rendement (doublement pondérée) calculée à un taux de 16%. L'application de cette méthode aboutirait à une valorisation de la participation de C______ à CHF 4'739'331.-, ce montant représentant la valeur intrinsèque de cette société. Un tel calcul tenait également compte des réserves latentes sur les participations de cette société, réduites des impôts latents ainsi que de la déduction forfaitaire de 30% pour participation minoritaire dans F______ qui n'avaient pas été prise en compte.

b. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le taux de 16% revendiqué par les recourants n'était pas applicable par le canton de Genève. Il n'était en vigueur que depuis 2022 pour les cantons où il était appliqué. Bien que C______ ait son siège social dans le canton de Vaud, B______ était domicilié dans le canton de Genève.

c. Dans leur réplique, les recourants ont indiqué qu’ils maintenaient leur argumentation.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Les recourants n'ont pas pris de conclusions formelles.

2.1 L’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (art. 65 al. 1 LPA). À défaut, la juridiction saisie impartit un bref délai au recourant pour satisfaire à ces exigences, sous peine d’irrecevabilité (art. 65 al. 2 LPA). Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu’elles ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas, en soi, un motif d’irrecevabilité, pourvu que l’autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/657/2022 du 23 juin 2022 consid. 2b ; ATA/1068/2023 du 27 septembre 2023 consid. 2.2).

2.2 En l'espèce, il ressort des écritures des recourants qu'ils contestent l'évaluation de C______. L’on comprend qu’ils demandent l'annulation de leur taxation pour l'année 2019 en ce qui concerne l’estimation de la valeur des titres de la holding qu’ils détiennent et qu’ils sollicitent la prise en compte d’un taux de capitalisation de 16%.

Le recours est ainsi recevable.

3.             Le litige porte sur l'estimation de la valeur des titres de F______ que détient indirectement C______, dont le recourant est l'unique associé, aux fins de l'imposition sur la fortune des recourants pour la période fiscale 2019.

3.1 Selon l'art. 13 al. 1 la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), l'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette. Selon l'art. 14 al. 1 LHID, la fortune est estimée à la valeur vénale. Toutefois, la valeur de rendement peut être prise en considération de façon appropriée.

La valeur vénale est la valeur marchande objective d'un actif à un moment donné. Il s'agit de la valeur qu'un acheteur paierait normalement dans des circonstances normales (arrêts du Tribunal fédéral 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 5.1 ; 2C_1057/2018 du 7 avril 2020 consid. 4.1 ; ATA/919/2022 du 13 septembre 2022 consid. 26a).

L'évaluation selon la valeur vénale est obligatoire pour les cantons. La LHID ne prescrit toutefois pas au législateur cantonal une méthode d'évaluation précise pour déterminer cette valeur (ATF 134 II 207 consid. 3.6). Les cantons disposent donc en la matière d'une marge de manœuvre importante pour élaborer et mettre en œuvre leur réglementation, aussi bien quant au choix de la méthode de calcul applicable pour estimer la valeur vénale que pour déterminer, compte tenu du caractère potestatif de l'art. 14 al. 1 2ème phr. LHID, dans quelle mesure le critère du rendement doit, le cas échéant, également être intégré dans l’estimation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_953/2019 du 14 avril 2020 consid. 4.1). Un certain schématisme est admis en la matière, pourvu que l’évaluation ne soit pas fondée sur le seul critère du rendement et qu’elle n’aboutisse pas à des résultats qui s’écartent par trop de la valeur vénale (ATF 134 II 207 consid. 3.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_874/2010 du 12 octobre 2011 consid. 3.1 ; ATA/919/2022 du 13 septembre 2022 consid. 26b ; ATA/71/2022 du 25 janvier 2022 consid. 5a).

3.2 Dans le canton de Genève, la LIPP prévoit également que l'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette après déductions sociales (art. 46 LIPP), qui comprend notamment les actions, les obligations et les valeurs mobilières de toute nature (art. 47 let. b LIPP).

Selon l'art. 49 LIPP, l’état de la fortune mobilière et immobilière est établi au 31 décembre de l’année pour laquelle l’impôt est dû (al. 1). La fortune est estimée en général à la valeur vénale (al. 2).

3.3 L'évaluation des titres non cotés a fait l'objet de la circulaire. La CSI édite en outre annuellement un commentaire de la circulaire (ci-après : le commentaire) afin de refléter la pratique et tenir compte de la jurisprudence.

La circulaire concerne un domaine où les cantons jouissent d'un large pouvoir d'appréciation. La jurisprudence a souligné que ladite circulaire poursuivait un but d'harmonisation fiscale horizontale et concrétisait ainsi l'art. 14 al. 1 LHID (arrêts du Tribunal fédéral 2C_954/2020 précité consid. 5.3 ; 2C_866/2019 du 27 août 2020 consid. 4.4 et les références citées). En tant que directive, ladite circulaire ne constitue certes pas du droit fédéral ou intercantonal, ne crée aucun droit ni aucune obligation et ne lie donc pas le juge, faisant partie des ordonnances administratives, qui s'adressent aux administrations fiscales cantonales afin d'unifier et de rationaliser la pratique, d'assurer l'égalité de traitement, le bon fonctionnement de l'administration et la sécurité juridique. Elle est toutefois reconnue, de jurisprudence constante, comme présentant une méthode adéquate et fiable pour l'estimation de la valeur vénale des titres non cotés, même s'il n'est pas exclu que d'autres méthodes d'évaluation reconnues puissent, isolément, s'avérer appropriées (arrêts du Tribunal fédéral 2C_954/2020 précité consid. 5.3 ; 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 8.1.2 ; 2C_866/2019 précité consid. 4.4). Ces autorités ne s'en écartent que dans la mesure où elles contreviennent au sens et au but de la loi (ATF 136 I 129 consid. 6.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_866/2019 précité consid. 4.4 ; ATA/919/2022 précité consid. 26a ; ATA/858/2019 du 30 avril 2019 consid. 2c).

3.4 La circulaire prévoit une méthode d'estimation générale des titres non cotés en bourse, qui s'applique aux sociétés commerciales, industrielles et aux sociétés de services.

La valeur des titres correspond à la moyenne pondérée entre la valeur de rendement, doublée, et la valeur intrinsèque déterminée selon le principe de la continuation (ch. 34 de la circulaire). La valeur de rendement s'obtient par la capitalisation du bénéfice net des exercices déterminants augmenté ou diminué des reprises ou déductions (ch. 8.1 de la circulaire). Les contrats de droit privé, comme les conventions d'actionnaires qui restreignent la transmissibilité des titres, restent sans influence sur l'estimation de ceux-ci (chap. A/2, ch. 4 de la circulaire), tout comme les engagements que les parties prennent volontairement (Commentaire de la circulaire p. 6). Si, dans des cas exceptionnels, une entreprise ne peut être aliénée, ou est difficilement aliénable à la valeur de rendement, en particulier si son rendement repose exclusivement ou presque sur la performance d’une personne unique détenant la totalité ou la majorité des droits de participation de celle-ci et que la création de valeur de l’entreprise est obtenue uniquement par le détenteur d’une participation majoritaire et si l’entreprise n’emploie pas d’autres personnes hormis quelques-unes occupées à des tâches d’administration et de logistique, l’autorité fiscale peut prendre en considération cette situation par une pondération simple de la valeur de rendement, c’est-à-dire non doublée, et de la valeur de substance (commentaire, p. 16 ss ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_866/2019 précité consid. 4.5 ; 2C_1057/2018 du 7 avril 2020 consid. 4.2.2 ; A/530/2020 du 26 mai 2020 consid. 6d). La circulaire réserve toutefois des situations où seule la valeur substantielle de la société est prise en compte, ce qui est le cas des sociétés nouvellement constituées (ch. 32 de la circulaire), des sociétés holding, de gestion de fortune et de financement, ainsi que les sociétés immobilières (ch. 38 et 42 de la circulaire).

Cette méthode est généralement appelée « méthode des praticiens » (arrêts du Tribunal fédéral 2C_953/2019 précité consid. 4.3 ; 2C_583/2013 du 23 décembre 2013 consid. 3.1.2 ; 2C_309/2013 précité consid. 3.6).

3.5 Les principes d'estimation de la circulaire doivent être choisis de telle manière que le résultat se rapproche au mieux de la réalité économique. Les instructions de ladite circulaire reposent sur la constatation empirique que la valeur vénale dépend du rendement passé et à venir sous la forme de dividendes et autres participations au bénéfice ainsi que de la rentabilité de la société, et qu'elle est influencée par d'autres facteurs comme par exemple la fortune, les liquidités, la stabilité de la marche des affaires, etc. (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1082/2013 précité consid. 5.5 ; ATA/1013/2020 précité consid. 2h).

Si l'estimation de titres non cotés en bourse est effectuée sur la base de la circulaire, il convient alors de supposer que l'estimation aboutit à une valeur vénale correcte et que, par ce calcul, le fisc a apporté une preuve suffisante. Si un contribuable est d'un avis contraire, il lui appartient dès lors d'apporter ses propres preuves (arrêt du Tribunal fédéral 2C_954/2020 précité consid. 7.2 ; ATA/530/2020 précité consid. 2b ; ATA/858/2019 précité consid. 2d).

Au demeurant, c’est l’approche « technique » ou « juridique » qui est déterminante pour la détermination de la valeur vénale et non une approche « économique » subjective. Ainsi, le contribuable concerné ne peut pas soutenir une valeur patrimoniale qui se baserait sur des circonstances individuelles (commentaire, p. 4 et la référence citée).

Le risque, inhérent à un contrat de distribution exclusive, quant à la marche ultérieure des affaires n'est pas un motif suffisant pour s'écarter de la valeur résultant de l'application de la méthode d'estimation générale (commentaire, p. 16 et la référence citée).

3.6 Les sociétés à responsabilité limitée sont estimées selon les mêmes principes que les sociétés anonymes (ch. 10 de la circulaire).

3.7 En matière fiscale, les règles générales relatives à la répartition du fardeau de la preuve ancrées à l'art. 8 Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), destinées à déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un fait, impliquent que l'autorité fiscale doit établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; 144 II 427 consid. 8.3.1 ; 140 II 248 consid. 3.5). S’agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve, ces règles s’appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; 121 II 257 consid. 4c.aa).

4.             En l'espèce, le TAPI a confirmé la taxation des recourants pour l'année 2019, laquelle évaluait C______ à CHF 20'182'000.-. Cette évaluation était le résultat de l'addition de la valeur de ses participations qui s'élevaient respectivement aux deux tiers dans sa filiale D______ et à l'entier du capital dans sa filiale E______. La valeur d'D______ intégrait l'évaluation de sa participation à concurrence des 275/1'000èmes de F______.

4.1 Les recourants contestent la méthode d'évaluation appliquée à la détermination de la valeur de F______, découlant de la circulaire et de son commentaire, au motif qu'elle n'est pas adaptée. Ils allèguent que la valorisation des titres de F______ tenait compte d'une réserve latente, ce qui était en disproportion manifeste avec sa réalité économique, dès lors que son activité dépendait d'un seul client avec lequel elle avait conclu un contrat d'exclusivité quadriennal sans garantie de reconduction, lequel lui interdisait expressément d'exercer toute autre activité pour le compte d'autres clients. La pérennité de F______ était incertaine, ce d'autant plus qu'elle ne possédait par ailleurs aucun actif réel.

Il ressort du dossier que l'AFC-GE s’est fondée, pour la taxation des recourants, sur l'estimation des titres de C______ effectuée par les autorités fiscales vaudoises en respectant la méthode d'évaluation, telle que préconisée par la circulaire et son commentaire. S'il est vrai que cette circulaire ne lie pas le juge, elle est reconnue, de jurisprudence constante, comme représentant une méthode adéquate et fiable pour l'estimation de la valeur vénale des titres non cotés, même si d'autres méthodes d'évaluation reconnues ne sont pas exclues pour autant qu'elles soient appropriées. Selon la circulaire, il peut être dérogé dans les cas exceptionnels aux principes d'évaluation en adaptant une méthode des praticiens tempérée. Le canton de Genève applique, comme le canton de Vaud, la circulaire. Par conséquent, il convient d’examiner si l'estimation effectuée sur cette base a été effectuée correctement ou si des motifs auraient dû conduire à s'en écarter.

Les recourants ne critiquent pas de manière générale l'application de la circulaire pour déterminer la valeur de C______. Ils soutiennent que l'application de la méthode des praticiens aurait dû être tempérée en adaptant le taux de capitalisation de 16% pour tenir compte des circonstances particulières de F______. Les parties s'accordent à reconnaître que ce taux n'est pas applicable dans le canton de Genève, de sorte que la chambre de céans ne s'y attardera pas. Il convient toutefois d'examiner les arguments avancés par les recourants pour justifier la pondération de la méthode des praticiens. Ils font mention d'une prime de risque inhérent à la pérennité incertaine de la société et de l'illiquidité de F______ comme facteurs de pondération de la méthode des praticiens.

Un tel raisonnement ne saurait être suivi. En effet, la détermination de la valeur vénale des titres non cotés en bourse ne repose pas sur une approche « économique » subjective, encore moins sur le risque inhérent à la dépendance d'une activité commerciale à un contrat d'exclusivité. En suivant les contribuables, cela reviendrait à permettre, de manière générale, la remise en cause de la méthode des praticiens pour toutes les sociétés dont l'activité est étroitement liée à un client unique, sans expliquer ni démontrer en quoi la méthode des praticiens serait inadéquate pour ce genre de situations.

Il n'y a pas non plus lieu de retenir le facteur d'illiquidité dans l'estimation de la valeur vénale des titres de F______. Bien qu'une telle perspective fasse partie des situations exceptionnelles prévues par la circulaire, ses conditions d'application ne sont pas réunies. Le fait que le recourant détienne une participation indirecte minoritaire dans F______ par le truchement de C______ suffit à exclure la prise en compte d'une éventuelle pondération de la valeur de rendement de F______. Les recourants n'ont apporté ni des justificatifs ni des documents nécessaires attestant que F______ aurait bénéficié d'une telle pondération.

Mal fondé, le grief soulevé sera par conséquent écarté.

5.             Les recourants affirment que l'estimation litigieuse n'intégrait pas la déduction des impôts latents sur les réserves latentes non imposées issues de sa participation directe dans D______ ainsi que de sa participation indirecte dans F______.

5.1 La valeur des sociétés holdings pures, de gérance de fortune et de financement, ainsi que des sociétés immobilières, correspond à leur valeur substantielle (ch. 38 et 42 de la circulaire). Une déduction pour impôts latents ne peut être accordée que si la société est assujettie aux impôts cantonaux sur le bénéfice (ch. 40.1 de la circulaire). Si la société ne jouit pas d’un statut privilégié, la déduction se monte à 15 %, conformément au ch. 31 (ch. 40.2 de la circulaire). Dans le cas d’une société holding non assujettie à l’impôt cantonal sur le bénéfice, la déduction forfaitaire pour impôts latents doit être accordée si, lors de changement de statut de la contribuable, l’administration fiscale a constaté un report de réserves latentes non imposées qui ne sont pas couvertes par le privilège holding et sont, en conséquence, soumises à l’impôt sur le bénéfice (commentaire p. 52).

Si une personne physique doit être taxée, bien que des documents nécessaires pour l'estimation de ses droits de participation manquent, la valeur fiscale est à fixer par appréciation. Il est alors recommandé de consulter l'autorité fiscale compétente pour la taxation de la société. La déduction forfaitaire des chiffres 61 ss doit être accordée pour autant que les conditions soient remplies (commentaire, p. 11).

5.2 En l'espèce, les allégations des recourants relatives à l'absence de déduction des impôts latents sur les réserves latentes des participations de C______ ne sont étayées par aucun justificatif. En sus de l'absence des deux estimations des 6 août 2020 et 23 décembre 2023 évoquées qui auraient pu établir que des réserves latentes non imposées ont été prises en considération, ils n'ont pas produit des bordereaux de taxation attestant que cette société était assujettie à l'impôt sur le bénéfice.

À défaut d’éléments tangibles, il est impossible d'examiner si les conditions relatives à la déduction des impôts latents sur les réserves latentes des participations de C______ sont remplies. Partant, le grief sera également écarté.

6.             Les recourants font enfin valoir que l'estimation de C______ ne prenait pas en compte la déduction forfaitaire de 30% pour participation minoritaire dans F______.

6.1 La circulaire n° 28 prévoit une déduction forfaitaire pour restrictions apportées à des droits patrimoniaux. Il est tenu compte par le biais d’une déduction forfaitaire de l'influence réduite dont jouit le porteur d'une participation minoritaire au sein de la direction de l'entreprise ou dans la prise de décisions à l'assemblée générale ainsi que de la transmissibilité restreinte de parts de la société (ch. 61.1 de la circulaire). Les contrats de droit privé, comme par exemple les conventions d'actionnaires qui entravent la transmissibilité des titres, restent sans influence sur l’estimation des titres (ch. 61.2 de la circulaire). Lorsque la valeur vénale d'un titre est calculée conformément au chiffre 2.4, son propriétaire peut - sous réserve des chiffres suivants - faire valoir une déduction forfaitaire de 30 % (ch. 61.3 de la circulaire).

La déduction forfaitaire est accordée généralement à toutes les participations inférieures ou égales à 50 % du capital social. Sont déterminants les rapports de participation à la fin de la période fiscale (ch. 62.1 de la circulaire). Si le contribuable reçoit un dividende convenable, la déduction n'est pas accordée (ch. 63.1 circulaire).

Si l'actionnaire reçoit un dividende convenable, il n'est pas moins bien placé qu'un actionnaire majoritaire, bien qu'il ne puisse influencer les décisions de l'assemblée générale (commentaire p. 79 et la référence citée).

6.2 En l'occurrence, bien que C______ détienne une participation indirecte inférieure à 50 % dans F______, à teneur des données du registre du commerce de cette dernière, le recourant dispose de la qualité de gérant avec signature individuelle. Cette position lui confère une influence certaine dans F______, de sorte qu’il ne peut pas bénéficier de la déduction forfaitaire susmentionnée, applicable aux situations dans lesquelles les droits patrimoniaux de l’actionnaire sont restreints.

Infondé, ce grief sera également écarté.

Au vu de ce qui précède, le recours, entièrement infondé, sera rejeté.

7.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, qui ne peuvent se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 novembre 2023 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 octobre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à MOORE STEPHENS REFIDAR SA, mandataire des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contribuables ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Florence KRAUSKOPF, juge, Louis PEILA, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :