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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3303/2022

ATA/214/2024 du 13.02.2024 sur JTAPI/1000/2023 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;DISTRIBUTION DISSIMULÉE DE BÉNÉFICES;PRESTATION APPRÉCIABLE EN ARGENT;ACTIONNAIRE;PRESTATION COMPARABLE;PRIX DU MARCHÉ;PRINCIPE DE PLEINE CONCURRENCE;PRINCIPE EN MATIÈRE DE DROIT FISCAL;DEVOIR DE COLLABORER;GROUPE DE SOCIÉTÉS;FILIALE MÈRE;FARDEAU DE LA PREUVE
Normes : LIFD.57; LHID.24.al1; LIPM.12; CDI-HU.3.leta.chii; CDI-HU.7; CDI-HU.23; LPA.19; LPA.20; Cst.29.al1; Cst.5; Cst.9; LIFD.124
Résumé : Les éléments retenus par le TAPI pour considérer que les conditions d’une distribution dissimulée de bénéfice étaient réalisées excluaient un examen du dossier sous l’angle des principes OCDE, en dépit de leur applicabilité in casu. En outre, plusieurs pièces produites dans le cadre de l’instruction par-devant le TAPI n’avaient pas été prises en considération dans le jugement entrepris, tandis que la recourante avait satisfait à son devoir de collaboration. Elle n’avait pas non plus fait l’objet de contrôle de la part de l’autorité intimée depuis sa création en 2009. Le TAPI n’a ainsi pas satisfait à la maxime inquisitoire en faisant montre d’un formalisme excessif. Recours partiellement admis. Renvoi de la cause au TAPI afin de ne pas priver la recourante d’un double degré de juridiction.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3303/2022-ICCIFD ATA/214/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 février 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par FIDINTER TREUHAND AG, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 septembre 2023 (JTAPI/1000/2023)


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : A______) est une société de droit suisse inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) depuis le 4 novembre 2009, ayant son siège à B______, dont le but social est la conception, l’établissement de brevets, la fabrication et la commercialisation de produits médicaux, en particulier des lentilles intraoculaires, ainsi que des produits et services contribuant au développement de la société.

C______ et D______ en sont les directeurs avec signature collective à deux, ce dernier occupant le poste de « global sales director » (ci-après : GSD). E______ en est l’unique actionnaire et le président administrateur. F______ et H______ ainsi que I______ sont également les administrateurs.

b. Le groupe J______ (ci-après : le groupe) propose des lentilles intraoculaires dont le but est de remplacer le cristallin de l’œil. Les brevets inhérents à ces produits ont été créés et développés en Hongrie.

A______ est une filiale de K______ (ci‑après : K______), dont le siège est en Hongrie.

B. a. Le 30 septembre 2021, A______ a déposé sa déclaration fiscale 2020, mentionnant un bénéfice imposable de CHF 98'167.- et un capital propre imposable de CHF 430'802.-.

b. Les 31 janvier et 3 février 2022, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC‑GE) a procédé à un contrôle sur place, dûment annoncé à l’intéressée. À cette occasion, la contribuable a notamment remis à l’AFC-GE les documents suivants :

- des extraits du grand-livre ; des relevés bancaires ; des contrats conclus avec les employés de A______ ; des contrats de distribution liant A______ à K______, d’une part, et les tiers distributeurs, d’autre part, et un contrat de distribution entre K______ et un tiers distributeur ;

- un « exclusive agency agreement » (ci-après : contrat d’agence) entre A______ et K______ du 1er janvier 2010 avec les trois avenants y relatifs datés des respectivement 15 avril 2016, 31 janvier 2018 et 1er mars 2020 portant modification du montant de la rémunération fixe (« flat fee ») et de la commission (« commission »). L’annexe 4 se référant aux art. 8.1 et 8.2 du contrat d’agence prévoyait à partir du 1er mai 2016, une rémunération mensuelle fixe de CHF 45'000.- et de EUR 29'000.-, ainsi qu’une commission de 10% par mois sur les ventes à l'exportation générées par l'agent. Dite commission a été modifiée le 31 janvier 2018 pour l’année 2017, puis le 31 mars 2020, pour être réduite à 2.5% par mois à partir du 1er mars 2020 ;

- des factures adressées mensuellement par A______ à K______ pour les mois de mars à décembre 2020 concernant des frais de refacturation (« fee re-invoicing »), une participation sur le chiffres d’affaires (« royalties on turnover ») de 2.5%, des frais de gestion (« management fees ») et des frais mensuels (« monthly fees »).

c. Le 3 février 2022, les contrôleurs de l’AFC-GE se sont entretenus en téléconférence avec trois employés de K______, dont E______.

d. Par courriel du même jour faisant suite audit entretien, l’AFC-GE a prié la contribuable de lui fournir des renseignements complémentaires, notamment « tout document de prix de transfert ou autre analyse en sa possession permettant de corroborer que la diminution du taux de rémunération de commissions qui [était] passé de 10% à 2.5% en 2020 [était] justifié et [était] liée à un changement de business model de [la contribuable] durant l’année 2020 ».

e. Le 25 février 2022, la contribuable a expliqué agir comme prestataire de services à risque limité, effectuant des prestations commerciales, selon les instructions de K______. Compte tenu de la diminution de la part « marketing » du budget des dépenses en raison de la pandémie de Covid-19 (annulation de congrès et autres événements), le pourcentage de la commission avait été réduit à 2.5% à partir du 1er avril 2020 [sic]. En cas contraire, son bénéfice aurait été supérieur à celui du marché.

Elle ne percevait pas de commission sur les ventes effectuées dans certains pays, dans lesquels le groupe disposait d’un distributeur direct. Elle refacturait à K______ le salaire versé à L______, dont les activités relevaient du département qualité et scientifique de celle-ci, ainsi que le coût des responsables des ventes à l’exportation. Ils étaient tous salariés de K______, mais faisaient partie de son propre service des ventes internationales.

Elle remettait l’ensemble de l’étude sur les prix de transfert (ci-après : l’étude) concernant les diverses transactions conclues entre K______ et elle, pour l’exercice 2020, établie selon les principes de l'ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES (ci-après : OCDE) applicables en matière de prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales (ci-après : principes OCDE) et au plan d’action BEPS (« Base Erosion and Profit Shifting ») 13. Celle-ci comprenait :

- une documentation concernant les transactions de recharge des coûts de vente à l'exportation (ci-après : documentation 1), indiquant notamment que la méthode du coût majoré (« cost plus method ») était la plus adaptée sur ce point (documentation 1, p. 18 ss) ;

- une documentation sur les transactions de vente de produits (ci-après : documentation 2), précisant en particulier que l'activité principale (la production de lentilles intraoculaires) avait été fortement affectée par la crise liée au Covid-19. Sur la base des résultats de l'analyse de la vente des produits selon la méthode du prix comparable non contrôlé, il avait été confirmé que les prix unitaires moyens facturés par K______ pour les ventes à A______ se situaient généralement dans la fourchette des prix unitaires pratiquée dans des conditions de pleine concurrence pour les ventes à des parties non liées. En conséquence, les entreprises n'avaient certainement pas subi de désavantage économique du fait de la transaction contrôlée (documentation 2, p. 21) ;

- une documentation sur les transactions de service de soutien à la vente (ci‑après : document 3), mentionnant que, vu l'intention de K______ d'entrer sur les marchés étrangers et d'y vendre ses produits, A______ faisait la promotion des produits de celle-ci et avait cherché à identifier de nouvelles opportunités de marché et de nouveaux clients. A______ était une entité dite prestataire de services à risque limité et K______ était une entité dite grossiste/fabricant à part entière en termes de fonctions exercées, de ressources utilisées et de risques supportés. Sur cette base, A______ avait droit aux résultats de l'activité de l'entrepreneur (bénéfices en amont ou conséquences en aval ; document 3, p. 12 ss). La méthode de la marge nette transactionnelle était utilisée pour déterminer le prix selon le principe de pleine concurrence applicable à la transaction de service d’aide à la vente. Durant l’année 2020, A______ avait fourni à K______ des services d'aide à la vente d'une valeur totale de CHF 414'694'780.-. La rentabilité calculée pour l'activité de support à la vente pouvait être quantifiée à l'aide de la formule suivante : marge opérationnelle sur les coûts totaux (operating marging on total costs - OMTC) = bénéfice d’exploitation (operating profit) / [chiffre d’affaires net (net sales revenue) - bénéfice d’exploitation]. En l’occurrence, compte tenu des chiffres de A______ (chiffre d’affaires net : CHF 1'402'612.-, bénéfice d’exploitation : CHF 125'253.- et dépenses de fonctionnement : CHF 1'277'359.-), l’OMTC était de 9.81%. L’échantillon des données de sociétés pris en considération à titre de comparaison provenait d’une base de données européenne. Comparaison faite des bénéfices des transactions des parties et de la fourchette de bénéfices de pleine concurrence, soit entre le quartile inférieur (0.56%) et le troisième quartile (20.38%), la marge réalisée par A______ se situait dans la fourchette de pleine concurrence. Aucune des parties liées n'avait été économiquement désavantagée à la suite des transactions (documentation 3, p. 19 ss) ;

- en annexe aux trois documentations précitées, étaient joints les organigrammes des parties liées, ainsi qu’une quatrième documentation portant sur les données des sociétés utilisées au titre d’échantillon [documents peu, voire illisibles en raison de la taille des caractères et/ou écrits en hongrois] ;

- un amendement au contrat d’agence, daté du 1er janvier 2019 (ci-après : l’amendement), modifiant les obligations de l’agent, en conservant la rémunération fixe et la commission.

Étaient également joints les budgets des ventes et des dépenses au 1er janvier et 1er avril 2020 ; un contrat de consultance conclu entre H______ et A______ du 3 avril 2020, ainsi qu’une note d’honoraires de H______ du 28 juin 2020 ; et un contrat de travail conclu entre L______, employée en tant que « clinical affairs manager » et A______ du 1er octobre 2020, ainsi que son cahier des charges.

f. Par bordereaux du 23 mars 2022, l’AFC-GE a fixé l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2020 à respectivement CHF 48'689.70 et CHF 54'918.50, sur la base d’un bénéfice net imposable de CHF 646'153.- et d’un capital propre imposable de CHF 342'962.-.

La baisse de la rémunération variable (commissions) de 10% à 2.5% n’était pas justifiée pour les motifs suivants : la contribuable n’était pas une société dont l’activité se limitait à fournir des services de marketing à sa société mère, malgré le fait qu’elle supportait l’ensemble des coûts marketing au niveau du groupe. Elle avait comme objectif de développer le réseau des distributeurs de produits au niveau international et de maintenir la relation avec les clients. Elle disposait du personnel et compétences pour ce faire.

L’activité de la contribuable n’avait pas changé en 2020, hormis le fait que les activités de marketing et le suivi de la relation client s’étaient déroulés en ligne plutôt qu’en « présentiel ». Ni le groupe ni K______ ne se trouvaient en situation de pertes financières. Le montant des commissions que la contribuable avait renoncé à percevoir sans motif économique valable se montait à EUR 593'978.12, soit CHF 635'826.- (convertis au taux annuel moyen EUR/CHF 2020 de 1.0704537).

g. La contribuable a élevé réclamation. La réduction de la commission de 10% à 2.5%, opérée en 2020, était justifiée commercialement. Elle devait être reconnue comme un prestataire de service à risque limité.

En raison de la pandémie de Covid-19, qui avait engendré une baisse importante des activités de « marketing » et des coûts engendrés par une telle activité, il fallait réévaluer le bien-fondé de la commission de 10% payée par K______. L’étude avait été faite en utilisant une méthode reconnue sur la base de données connues publiquement.

h. Par décision sur réclamation du 5 septembre 2022, l’AFC-GE a maintenu les reprises contestées.

Les conditions d’une distribution dissimulée de bénéfice, sous la forme de commissions insuffisantes facturées à la société mère, étaient réalisées. La réduction de ces commissions n’était pas justifiée commercialement. La contribuable avait ainsi renoncé à 75% de ses revenus en faveur K______ sans démontrer que cette diminution était conforme au principe de pleine concurrence.

C. a. Par acte du 6 octobre 2022, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée, en concluant principalement à son annulation et à ce que les bordereaux de taxation ICC/IFD 2020 soient rectifiés conformément aux éléments mentionnés dans sa déclaration fiscale 2020, soit en prenant en considération un bénéfice imposable de CHF 98'167.- et un capital imposable de CHF 430'802.-.

Elle produisait en particulier un courrier de M______(ci‑après : M______ ; société basée en Hongrie et spécialisée dans le domaine des prix de transfert) du 28 septembre 2022, indiquant notamment que, conformément aux principes de l'OCDE, A______ n'avait pas préparé de nouvelle étude comparative pour l'exercice 2020, mais avait mis à jour les données financières des entreprises comparables identifiées lors de la préparation de la documentation sur les prix de transfert de l'exercice 2018. Il n'existait aucune règle exigeant le rejet des sociétés comparables lors d'une simple mise à jour financière dans de telles circonstances. Lors du calcul de la fourchette de bénéfices de pleine concurrence, A______ avait appliqué la méthode dite du « pooling ». Cette dernière avait pour effet d'augmenter le nombre d'observations, ce qui était particulièrement utile pour les échantillons de petite taille ou lorsque les données n’étaient pas disponibles pour toutes les années examinées. Même si les quatre sociétés rejetées par l’AFC-GE devaient être écartées de l’étude, il restait néanmoins un échantillon de dix sociétés, ce qui constituait un nombre suffisant d'éléments de comparaison. Il en résultait une fourchette de marge de 6.32% à 25.82%, qui incluait la marge de la société (9.81%) réalisée au cours de l'exercice 2020.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué.

c.a. La contribuable a notamment produit un courrier de M______ du 13 février 2023 précisant comment l’étude respectait les principes OCDE. Cette dernière était corroborée par la méthode du coût majoré calculant une marge bénéficiaire de 5% pour les sociétés de services du groupe, alors que la marge du coût majoré appliquée par l’AFC-GE dans le cas présent était trop élevée, puisqu’elle s’élevait à 47.30% des coûts totaux. L’étude avait été admise par les autorités hongroises.

c.b. Pour l’AFC-GE, la contribuable avait changé d’argumentation en exposant une tout autre version des faits, à savoir qu’elle n’avait plus qu’un rôle de « fournisseur de services limité », qu’elle « n’a[vait] jamais eu de responsabilité stratégique en matière de vente » et qu’elle « n’a[vait] aucune compétence, tâche ou responsabilité pertinente dans le marketing scientifique [du groupe] ».

d. Par jugement du 18 septembre 2023, le TAPI a rejeté le recours.

A______ n’avait pas produit d’élément de preuve permettant de constater que le chiffre d’affaires mondial du groupe aurait diminué de 20% au moment où la décision de réduire le taux de commission avait été prise, soit le 31 mars 2020. Compte tenu des circonstances, il était douteux que la pandémie de Covid-19 eût pu constituer le motif principal de la baisse du taux de commission. S’agissant d’un pourcentage basé sur les ventes réalisées par l’entremise de la contribuable, il n’était pas justifié de le réduire pour tenir compte d’une baisse du chiffre d’affaires, puisque les montants perçus des commissions seraient diminués dans les mêmes proportions. Vu le caractère illisible du tableau produit en lien avec les prix de transfert, A______ ne pouvait pas démontrer que sa rentabilité aurait été nettement supérieure à celle du marché, si le pourcentage de commission n’avait pas été réduit. L’accroissement de son activité et ses charges par rapport au contrat de 2010 semblait entrer en contradiction avec l’argument selon lequel le but des commissions était de couvrir ses dépenses, étant donné que le pourcentage de commission avait diminué dans le même temps. Le lien entre la crise sanitaire et la diminution du taux de commission n’était pas prouvé. La contribuable n’alléguait pas avoir revu ledit taux après la fin de la pandémie. Les conditions d’une distribution dissimulée de bénéfices étaient réalisées, dès lors que la comparaison des contrats de 2010 et de 2020 faisait apparaître un accroissement des prestations de A______ en faveur de sa société mère, alors que cette dernière avait réduit sa contre-prestation en diminuant le taux de commission.

Si l’intéressée estimait que la mesure prise par l’AFC-GE entraînait pour elle une double imposition non conforme aux bases légales applicables avec la Hongrie, il lui appartiendrait de soumettre son cas à l’autorité compétente en matière de procédure amiable.

D. a. Par acte du 18 octobre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant à son annulation, à ce qu’il soit dit que, pour la période fiscale 2020, le bénéfice imposable était fixé à CHF 98'167.- s’agissant de l’ICC et à CHF 430'802.- concernant l’IFD.

L’interprétation de l’AFC-GE selon laquelle ses responsabilités dépassaient celles d’un prestataire de services reposait sur un ou deux entretiens menés avec ses employés et non sur une analyse approfondie de la structure du groupe. Aucun procès-verbal n’avait été établi à la suite du contrôle effectué sur place.

Vu ses compétences et celles de K______, il fallait retenir qu’elle était une entité prestataire de services limitée pour diverses raisons, à savoir : l’absence de planification indépendante des dépenses et des ventes ; l’absence de décision indépendante concernant les investissements « marketing » sur le marché ; l’absence de décision indépendante sur la planification du personnel/des effectifs ; la commission n’était pas une commission de succès prélevée sur le chiffre d’affaires, mais un « ratio de couverture des coûts », de sorte que l’agent ne pouvait pas générer de résultats négatifs ; les performances de vente de l’agent n’étaient pas essentielles, ni un élément important du processus de « marketing » de vente et de génération de revenus ; elle n’avait pas les compétences professionnelles nécessaires pour vendre des implants sans les fonctions du siège (« marketing », département scientifique, gestion des produits, réglementation, etc).

Le fait que le groupe n’avait pas subi de pertes ne justifiait pas pour autant le maintien de la commission de 10% dans la mesure où elle n’avait pas pu déployer la même activité en raison de la pandémie de Covid-19. Contrairement aux allégations de l’AFC-GE, elle n’avait pas changé d’argumentation. Depuis le début de la procédure, elle soutenait être un prestataire de services à risque limité.

En tant que société de services du groupe, fournissant exclusivement des prestations à sa société mère et vu la forte diminution des coûts de « marketing » qu’elle avait supportés en 2020, il se justifiait de réduire le pourcentage de la commission qui lui était versée. L’étude avait été réalisée selon la méthode reconnue de l’OCDE et le plan d’action BEPS 13. Contrairement à ce qu’avait retenu le TAPI, il était prévisible, dès le 31 mars 2020 vu le confinement généralisé, que les congrès internationaux n’auraient plus lieu comme à l’accoutumée, ce qui avait motivé la réduction de la commission. Si elle n’avait pas fait partie du groupe, K______ n’aurait pas diminué les commissions mais aurait pu résilier le contrat qui la liait à elle, de sorte qu’elle-même aurait fait faillite. Les performances en matière de ventes ne réagissant pas fortement sur le court terme en raison notamment de la durée des contrats de distribution, le chiffre d’affaires n’avait pas diminué immédiatement. Ce n’était pas une diminution de celui-ci qui avait justifié la réduction de la commission (même s’il avait diminué de 10% en 2020), mais principalement, la diminution de ses prestations due à la pandémie.

La réduction de la commission était également justifiée sur le plan économique, puisqu’une commission de 10% générait une marge trop importante par rapport à celles réalisées par les autres acteurs du marché exerçant une activité similaire. L’ajout d’un nouveau pays à son territoire d’activités ne correspondait pas à une augmentation de ses compétences et de ses fonctions, mais uniquement à un élargissement du marché sur lequel elle était active. Si la prospection d’un nouveau pays aurait dû entraîner l’augmentation des frais de voyage, de représentation et de fonctionnement en 2020 pour couvrir ce nouveau marché, tel n’avait pas été le cas en raison de la pandémie, puisque les tâches de représentation et de « marketing » qui lui incombaient n’avaient pas pu être exécutées.

Le GSD rapportait au conseil d’administration et devait suivre le plan d’activités établi par K______. Sa marge de manœuvre restait donc limitée et l’art. 1.3 de l’amendement ne signifiait pas que des fonctions et des risques avaient été déplacés de K______ à elle. L’étude récapitulait la répartition des fonctions entre K______ et elle sur la base des facteurs de risque. Le seul risque supporté de manière similaire par les deux entités était le risque de change. S’il y avait effectivement eu une réduction des activités (ce qui était contesté), il n’y aurait pas matière à calculer un « goodwill », car tous les contrats de distribution étaient conclus entre K______ et les clients, et non pas avec elle-même. Seule l’annexe III de l’étude était difficilement compréhensible en raison du nombre important d’informations contenues. Ce motif seul ne pouvait justifier que celle-ci eût été complètement ignorée par le TAPI. M______ avait confirmé avoir réalisé l’étude en application des principes OCDE et de la méthode reconnue par celle-ci, ainsi que du plan d’action BEPS 13. Elle s’était fondée sur des bases de données reconnues et n’avait pas tenu compte des valeurs les plus basses et les plus élevées, tel que prévu par les directives. En sa qualité de membre de l’OCDE, la Suisse avait accepté l’application de la méthode « Transactional Net Margin Method » (ci-après : TNMM). Les calculs opérés montraient que la marge appliquée par l’AFC-GE, correspondant à 59.58%, trop élevée, n’était pas plausible. Sur la base du prix de transfert, la marge appropriée pour une activité similaire à la sienne variait de 3.51% à 20.38%. Le résultat de l’étude de prix de transfert précitée était également rendu crédible par la méthode du coût majoré selon laquelle le calcul d’une marge de bénéfice de 5% pour les sociétés de services du groupe était admis. Le bénéfice selon la méthode du coût majoré tel que calculé par l’AFC-GE s’élevait à 47.30% des coûts totaux. Cette marge apparaissait également trop élevée et pas plausible.

En ces circonstances, il fallait reconnaître qu’elle était un prestataire de services à risque limité ; qu’il se justifiait de réévaluer le bien-fondé de la commission de 10% payée par K______ en raison de la pandémie ayant engendré une baisse drastique des activités de « marketing » et des coûts liés à une telle activité ; que l’étude de prix de transfert avait été faite sur la base d’une méthode reconnue fondée sur des données connues publiquement ; qu’elle « avait violé le contrat de service » et qu’un tiers indépendant aurait résilié le contrat ou au moins baissé la commission ; que la marge OMTC appliquée en 2020 de 9.81% était admissible et la marge du coût majoré appliquée par l’AFC-GE de 47.30% était beaucoup trop élevée.

La décision de l’AFC-GE engendrerait une double imposition internationale car elle avait facturé une commission de 2.5% à son cocontractant sur la base de l’étude. Si l’AFC-GE décidait de ne pas respecter les principes OCDE en refusant d’appliquer l’étude établie selon ceux-ci, les autorités hongroises, qui l’avaient admise, n’accepteraient pas d’entrer en matière sur une procédure amiable.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le pourcentage de commission versé par K______ à la recourante était fixé dans le cadre du contrat d’agence, détaillant notamment ses prestations. Cette commission de 10%, réduite à 2.5%, rémunérait les contrats conclus. Si un contrat était conclu par l’entremise de la recourante, elle percevait la commission. Si elle ne le concluait pas, elle ne percevait pas de commission. Il n’y avait donc aucune raison justifiant la réduction de la commission.

La recourante maintenait sa nouvelle version des faits, contraire aux documents produits et aux entretiens ayant eu lieu lors du contrôle sur place. Le mode de fonctionnement n’ayant pas changé en 2020, il n’y avait pas de raison que la commission soit diminuée. En 2020, il n’y avait pas eu de transfert d’activités justifiant la diminution du pourcentage de commission.

Elle se référait à ses précédentes écritures dans lesquelles elle avait expliqué les raisons pour lesquelles l’étude de prix de transfert ne pouvait pas être retenue. En particulier, il ne s’agissait pas d’une nouvelle étude comparative mais d’une mise à jour de données financières de sociétés comparables identifiées lors d’une étude effectuée en 2018. La contribuable n’avait pas procédé à des ajustements concernant les sociétés comparables exerçant d’autres activités moins profitables.

c. Dans sa réplique, la recourante a relevé que depuis le début de la procédure, elle avait soutenu être une société de services avec un risque limité et qu’une commission de 10% sur les ventes était inappropriée par rapport aux risques limités qu’elle assumait.

Sur la base de l’étude, il avait été démontré qu’une commission de 2.5% était appropriée. Dans la mesure où le contrat de services contenait une « termination clause », un tiers indépendant aurait renégocié ou même résilié ce contrat au motif que les services n’avaient pas pu être fournis comme prévu par le contrat pendant la période de la pandémie et que, dans tous les cas, une commission de 10% s’avérait excessive au regard des services fournis. La raison de la réduction de la commission reposait sur l’étude. Le résumé partiel des entretiens menés par l’AFC‑GE ne correspondait pas ou seulement partiellement aux documents qu’elle avait fournis. Il était légitime que les données financières fussent mises à jour dans le cadre des études. Cela démontrait que la commission de 10% était trop élevée par rapport à l’indice de référence. Par définition, une étude de prix de transfert contenait une comparaison des données financières de sociétés actives dans le même secteur ou des secteurs comparables, lesquelles étaient régulièrement mises à jour. L’étude était donc à jour, utilisée dans de nombreux pays et acceptée par les autorités locales de ces différents pays, dont notamment la Hongrie, pays de siège de la société mère.

d. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi sur la procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Le litige concerne la période fiscale 2020, tant en matière d’ICC que d’IFD.

La question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme l’admet la jurisprudence (ATA1239/2021 du 16 novembre 2021 consid. 2).

3.             Est litigieuse la question de savoir si la recourante, en diminuant le taux de pourcentage de la commission perçue pour ses activités en faveur K______ à partir du 1er mars 2020, a procédé à une distribution dissimulée de bénéfice sous la forme de la renonciation à une rémunération en faveur de l’actionnaire unique du groupe.

3.1 Selon l'art. 57 LIFD, l'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Celui‑ci comprend outre le bénéfice net résultant du solde du compte de résultats, compte tenu du solde reporté de l'exercice précédent (art. 58 al. 1 let. a LIFD) tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat qui ne servent pas à couvrir les dépenses justifiées par l'usage commercial tels que notamment les frais d'acquisition, de production ou d'amélioration d'actifs immobilisés, les distributions ouvertes ou dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l'usage commercial ainsi que les produits qui n'ont pas été comptabilisés dans le compte de résultats (art. 58 al. 1 let. b et c LIFD).

3.2 Les cantons doivent imposer l'ensemble du bénéfice net dans lequel doivent notamment être inclus les charges non justifiées par l'usage commercial, portées au débit du compte de résultats ainsi que les produits et les bénéfices en capital, de liquidation et de réévaluation qui n'ont pas été portés au crédit du compte de résultats (art. 24 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14).

Pour ce qui est de l'ICC, sont notamment considérés comme bénéfice net imposable le bénéfice net, tel qu'il résulte du compte de pertes et profits, les tantièmes ainsi que les distributions ouvertes ou dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial (art. 12 let. a et h de la loi sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 - LIPM - D 3 15).

3.3 Selon la jurisprudence, il y a distribution dissimulée de bénéfice constitutive de prestation appréciable en argent lorsque les quatre conditions cumulatives suivantes sont remplies : 1) la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; 2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près ; 3) elle n'aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; 4) la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que les organes de la société auraient pu se rendre compte de l'avantage qu'ils accordaient (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_181/2020 du 10 août 2020 consid. 5.2).

Il convient ainsi d’examiner si la prestation aurait été accordée dans la même mesure à un tiers étranger à la société, soit si la transaction a respecté le principe de pleine concurrence (« dealing at arm’s length » ; ATF 140 II 88 consid. 4.1). Le droit fiscal suisse ne connaissant pas, sauf disposition légale expresse, de régime spécial pour les groupes de sociétés, les opérations entre sociétés d’un même groupe doivent également intervenir comme si elles étaient effectuées avec des tiers dans un environnement de libre concurrence. En conséquence, il n’est pas pertinent que la disproportion d’une prestation soit justifiée par l’intérêt du groupe (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_181/2020 du 10 août 2020 consid. 5.2).

Une prestation appréciable en argent peut prendre la forme d’une renonciation à un produit, qui conduit à une diminution correspondante du résultat chez la société. Tel est par exemple le cas lorsqu’une société renonce totalement ou en partie à un revenu qui lui revient en faveur d’un détenteur de part ou d’un proche, ou qu’elle n’obtient pas, pour la prestation qu’elle a effectuée, la contre-prestation qu’elle aurait exigée d’un tiers (ATF 138 II 57 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_377/2014 du 26 mai 2015 consid. 9.4.1).

3.4 L'obligation de déclarer tous les éléments de bénéfice et de capital couvre également les prix de transfert concernant les transactions effectuées entre des entreprises appartenant au même groupe, soit les prix auxquels une entreprise transfère des biens ou rend des services à une entreprise associée. Dans un tel cas, les sociétés en cause peuvent être tentées d'adopter, pour les transactions effectuées à l'intérieur du groupe, des prix de transfert qui s'écartent des prix du marché, dans le but de réduire leur charge fiscale. Ce risque est pallié par l'application du principe de pleine concurrence précité (ATA/1487/2017 du 14 novembre 2017 et les références citées).

3.4.1 La mise en œuvre du principe de pleine concurrence suppose l'identification de la valeur vénale du bien transféré ou du service rendu. Le Tribunal fédéral s'inspire à cet égard des méthodes développées par l'OCDE en matière de prix de transfert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2022 du 5 juin 2023 consid. 7.2.1).

3.4.2 Lorsqu'il existe un marché libre, les prix de celui-ci sont déterminants et permettent une comparaison effective avec les prix appliqués entre sociétés associées (ATF 140 II 88 consid. 4.2 et les références citées).

Sans marché libre permettant une comparaison effective, il convient alors de procéder selon la méthode de la comparaison avec une transaction comparable (ou méthode du prix comparable), qui consiste à procéder à une comparaison avec le prix appliqué entre tiers dans une transaction présentant les mêmes caractéristiques, soit en tenant compte de l'ensemble des circonstances déterminantes (ATF 140 II 88 consid. 4.2 ; 138 II 57 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_674/2015 du 26 octobre 2017 consid. 7.2). Cette méthode correspond à la méthode du prix comparable sur le marché libre présentée dans les principes OCDE applicables en matière de prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales (Principes OCDE, édition juillet 2010, n. 2.13 ss).

Pour que cette méthode soit applicable, la transaction intervenue avec un tiers ou entre tiers doit être similaire à la transaction examinée, c'est-à-dire avoir été conclue dans des circonstances comparables à celle-ci. La notion de « transaction comparable » n'est toutefois pas aisée à circonscrire. La pertinence de la comparaison avec des transactions conclues avec des tiers suppose que les circonstances économiques déterminantes de ces transactions soient similaires avec celles de la transaction examinée (Principes OCDE, n. 1.33 ss). Le caractère comparable des transactions se détermine selon leur nature et en fonction de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce. Si les conditions économiques pertinentes diffèrent de celles de la transaction examinée, des ajustements doivent être effectués, afin de gommer les effets de ces différences (Principes OCDE, n. 1.33 ss). On ne peut toutefois totalement exclure qu'une transaction comparable n'ait pas été conclue au prix du marché, dès lors que la formation du prix peut être influencée par plusieurs éléments, tels que les conditions du marché, les conditions contractuelles (par exemple, l'existence de prestations secondaires, la quantité de biens vendus, les conditions de paiement), la stratégie commerciale poursuivie par ce tiers acquéreur ou les fonctions économiques des parties. Il n'en demeure pas moins que le prix pratiqué dans une transaction comparable est présumé correspondre au prix du marché ; en cas de contestation, la preuve du contraire incombe à la société (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1082/2013 du 14 janvier 2015 consid. 5.2 et les références citées).

3.4.3 À défaut de transaction comparable, la détermination du prix de pleine concurrence s'effectue alors selon d'autres méthodes, telles que la méthode du coût majoré (« cost plus ») ou celle du prix de revente, qui font partie, à côté de la méthode de la transaction comparable, des méthodes traditionnelles fondées sur les transactions selon la classification opérée par l'OCDE en matière de prix de transfert (Principes OCDE, n. 2.12 ss). La méthode du coût majoré consiste en particulier à déterminer les coûts supportés par la société qui fournit la prestation, à quoi s'ajoute une marge appropriée de manière à obtenir un bénéfice approprié compte tenu des fonctions exercées et des conditions du marché (Principes OCDE, n. 2.39 ss ; ATF 140 II 88 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_686/2022 du 14 mars 2023 consid. 4.2). Cette méthode peut notamment, à titre exceptionnel, être utilisée pour déterminer la marge bénéficiaire de pleine concurrence des sociétés qui fournissent des services de nature financière ou des fonctions de management au sein du groupe (arrêt du Tribunal fédéral 2C_495/2017 du 27 mai 2019 consid. 11.4 ; Circulaire n° 4 du 19 mars 2004 de l'administration fédérale des contributions [ci‑après : AFC‑CH], "Imposition des sociétés de services"). 

Les principes OCDE ont été mis à jour dans la dernière édition du 20 janvier 2022. Le contenu des paragraphes précités demeure similaire (https://www.oecd.org/fr/ctp/prix-de-transfert/principes-de-l-ocde-applicables-en-matiere-de-prix-de-transfert-a-l-intention-des-entreprises-multinationales-et-des-administrations-20769723.htm).

3.4.4 Une distribution dissimulée de bénéfices suppose également que le caractère insolite de la prestation ait été reconnaissable par les organes de la société. Cette condition est présumée remplie si la disproportion était manifestement reconnaissable. À cet égard, il convient de se référer à la jurisprudence et la doctrine développées en droit privé concernant l'imputation de la connaissance des organes à la personne morale, qui retient que cette imputation ne s'applique pas de manière absolue, mais qu'elle doit intervenir seulement pour ce qui est connu de l'organe qui est au moins saisi de l'affaire, ou alors lorsque les informations acquises par un organe n'ont pas été transmises à un autre organe, en raison d'un défaut d'organisation de la société (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1082/2013 précité consid. 6.1 et les références citées).

3.5.1 En vertu de sa souveraineté, chaque État est libre d'établir et d'organiser son propre système fiscal. Il faut donc d'abord vérifier s'il existe une base d'imposition ou des règles fiscales pertinentes selon le droit fiscal interne. Si c'est le cas, il faut ensuite examiner si ces règles sont limitées par des dispositions de conventions internationales de double imposition qui visent à limiter ou à éliminer la double imposition (internationale). Ces conventions limitent donc le droit fiscal de l'État, mais ne peuvent pas créer de nouvelles normes fiscales ou étendre les normes fiscales existantes, et constituent donc des règles de conflit de lois (arrêt du Tribunal fédéral 2C_465/2021 du 16 mars 2022 consid. 3.5 et les références). Par conséquent, il convient d'abord de s'assurer de l'existence d'un droit (interne) d'imposition, puis, le cas échéant, de vérifier que ce droit d'imposition n'est pas limité par une disposition conventionnelle visant à restreindre ou éliminer une éventuelle double imposition internationale (ATF 143 II 257 consid. 5.1 et les références).

3.5.2 Selon la Convention du 12 septembre 2013 entre la Confédération suisse et la Hongrie en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (CDI-HU - RS 0.672.941.81), celle-ci s’applique notamment, en Hongrie, à l’impôt sur les sociétés (art. 3 let. a ch. ii CDI-HU) et, en Suisse, aux impôts fédéraux, cantonaux et communaux sur les bénéfices industriels et commerciaux, ainsi que sur la fortune industrielle et commerciale, le capital, les réserves et les autres éléments de la fortune (art. 3 let. b CDI-HU).

L’art. 7 CDI-HU relatif aux bénéfices des entreprises prévoit que les bénéfices d’une entreprise d’un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre État contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices qui sont attribuables à l’établissement stable conformément aux dispositions du § 2 sont imposables dans l’autre État (§ 1). Aux fins de cet article et de l’art. 23 CDI-HU, les bénéfices qui sont attribuables dans chaque État contractant à l’établissement stable mentionné au § 1 sont ceux qu’il aurait pu réaliser, en particulier dans ses opérations internes avec d’autres parties de l’entreprise, s’il avait constitué une entreprise distincte et indépendante exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues, compte tenu des fonctions exercées, des actifs utilisés et des risques assumés par l’entreprise par l’intermédiaire de l’établissement stable et des autres parties de l’entreprise (§ 2). Lorsque, conformément au § 2, un État contractant ajuste les bénéfices qui sont attribuables à un établissement stable d’une entreprise d’un des États contractants et impose en conséquence des bénéfices de l’entreprise qui ont été imposés dans l’autre État, cet autre État contractant procède, dans la mesure nécessaire pour éliminer la double imposition, à un ajustement approprié s’il est d’accord avec l’ajustement effectué par le premier Etat; si cet autre Etat contractant n’est pas d’accord avec cet ajustement, les Etats contractants éliminent toute double imposition qui en résulte par voie d’accord amiable (§ 3).

3.6 En application de la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public (art. 19 et 20 LPA), l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d’office l’ensemble des pièces pertinentes versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits (ATF 124 II 361 consid. 2b et les références citées) ; il leur incombe d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître, respectivement qui relèvent de leur sphère d’influence (arrêts du Tribunal fédéral 2C_284/2019 du 16 septembre 2019 consid. 4.3 ; 1C_426/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.3).

3.7 La jurisprudence a tiré de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et de l’obligation d’agir de bonne foi à l’égard des justiciables (art. 5 et 9 Cst.) le principe de l’interdiction du déni de justice formel, qui comprend la prohibition de tout formalisme excessif.

L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée au justiciable, soit dans la sanction qui lui est attachée (ATF 132 I 249 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2015 du 21 mai 2015 consid. 5.1 ; ATA/49/2017 du 24 janvier 2017). Ainsi en va-t-il lorsque la violation d’une règle de forme de peu d’importance entraîne une sanction grave et disproportionnée, telle par exemple une décision d’irrecevabilité (ATF 133 V 402 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_328/2014 du 8 mai 2014 consid. 4.1).

3.8 En matière fiscale, il appartient à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2020 du 8 juin 2020 consid. 3.5). Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'indices révélant l'existence d'éléments imposables, il appartient à nouveau au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations et de supporter le fardeau de la preuve du fait qui justifie son exonération (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_80/2021 du 29 juillet 2021 consid. 3.2).

Le devoir de collaboration du contribuable (art. 124 LIFD) est particulièrement qualifié dans les relations internationales, dès lors que les moyens d'investigation de l'autorité fiscale suisse sont nécessairement restreints (arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2022 du 5 juin 2023 consid. 7.3 et les références citées dont ATF 144 II 427 consid. 2.3.2).

3.9 En l’espèce pour considérer que les conditions d’une distribution dissimulée de bénéfice étaient réalisées, le TAPI a principalement fondé son raisonnement sur l’absence d’éléments de preuve permettant de constater une diminution de 20 % du chiffre d’affaires mondial du groupe au moment de la réduction du taux de pourcentage de la commission, soit le 31 mars 2020 ; l’absence de preuve de l’impact de la pandémie de Covid-19 sur le secteur économique en question ; le caractère illisible de l’étude ; la comparaison du contrat d’agence et de l’amendement démontrant un accroissement de l’activité et des charges de la recourante ; ainsi que l’absence de preuve du lien entre la crise du Covid-19 et la diminution du taux de commission, lequel n’aurait pas été revu après celle-ci.

Cette approche exclut cependant un examen du dossier sous l’angle des principes OCDE, en dépit de l’applicabilité de ceux-ci in casu. En effet, le fait que deux annexes à l’étude produite soient difficilement lisibles en raison de la taille des caractères ne saurait suffire à écarter de la procédure la totalité du document, ce d’autant moins que la maxime inquisitoire permet aux juridictions administratives de requérir la production d’annexes lisibles.

À cela s’ajoute que l'approche ne tient pas non plus compte des extraits du grand‑livre et des factures adressées à K______, remis par la recourante lors du contrôle sur place des 31 janvier et 3 février 2022, démontrant le paiement mensuel des montants dus au titre de la rémunération fixe et de la commission, tels que prévus par le contrat d’agence et l’amendement. Il en va de même des documents comptables joints à la déclaration d’impôts 2020 de la recourante tendant à confirmer ses dires en ce sens qu’il en ressort que le montant des dépenses de fonctionnement directes (« direct operating expenses ») est passé de CHF 1'382'841.- en 2019 à CHF 956'082.- en 2020, tandis que les frais généraux (comprenant notamment les frais de personnel administratif [« administrative personnel expenses »], les autres services externes [« other external services »] et les frais de voyage et de représentation [« travel and representation expenses »]) ont diminué de CHF 446'836.- en 2019 à CHF 321'277.- en 2020. S’il est exact que les frais de personnel administratif ont augmenté de CHF 101'520.- à CHF 144'540.-, il l’est également que les frais de voyage et de représentation ont été réduits de CHF 226'389.- à CHF 49'288.-, et les frais administratifs de CHF 18'430.- à CHF 12'396.-. De même, les budgets des ventes et dépenses au 1er janvier et au 1er avril 2020, remis le 25 février 2022, ainsi que les courriers de M______ des 28 septembre 2022 et 13 février 2023, produits dans le cadre de l’instruction par-devant le TAPI, n’ont pas été pris en considération dans le jugement entrepris.

En parallèle, il apparaît que la recourante a remis la totalité des documents requis par l’autorité intimée, de sorte qu’il n’est pas contesté qu’elle a satisfait à son devoir de collaboration, ni que ses précédentes déclarations fiscales ont été établies de manière conformes au droit. Jusqu’alors, la recourante n’avait ainsi fait l’objet d’aucun contrôle depuis sa création en 2009. Il apparaît dès lors pour le moins excessif de lui reprocher de ne pas avoir transmis les documents comptables du groupe, tandis que ceux-ci n’ont pas été demandés avant le prononcé du jugement querellé et n’avaient pas à être annexés à la déclaration fiscale. De même, une éventuelle réévaluation du taux de commission postérieurement à la crise du Covid‑19 ne relevait pas de la taxation pour l’année fiscale 2020, tandis que c’est effectivement à partir du mois de mars 2020 que les différentes mesures, en particulier celle du confinement, ont été prises à cet égard en Europe.

En écartant de la procédure l’étude au seul motif que certaines de ses annexes étaient peu lisibles sans examiner l’application des principes OCDE et en se fondant uniquement sur une interprétation du contrat d’agence et de l’amendement, le TAPI n’a pas satisfait à la maxime d’office en faisant montre d’un formalisme quelque peu excessif.

Pour ces motifs et afin de ne pas priver la recourante de la garantie du double degré de juridiction, il se justifie de lui renvoyer la cause pour nouvel examen en prenant en considération les principes juridiques et jurisprudentiels sus-rappelés.

Le recours sera ainsi partiellement admis, le jugement annulé et la cause renvoyée au TAPI pour nouvelle décision.

4.             Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu et aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la recourante, qui n’y a pas conclu (art. 87 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 octobre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 septembre 2023 ;

au fond :

l’admet partiellement,

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 septembre 2023 ;

renvoie la cause au Tribunal administratif de première instance pour nouveau jugement dans le sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d’émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à FIDINTER TREUHAND AG, mandataire de A______, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

J. BALZLI

 

 

la présidente siégeant :

 

F. KRAUSKOPF

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :