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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3079/2023

ATA/217/2024 du 14.02.2024 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit

république et

canton O______

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3079/2023-EXPLOI ATA/217/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 février 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Me Joël CHEVALLAZ, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé

 



EN FAIT

A. a. La société A______ SA (ci-après : A______), inscrite le ______ 20215 au registre du commerce du canton O______ et dotée d’un capital-actions de CHF 285'661.-, a pour but le développement, l’exploitation et la gestion de sites internet de publication d’annonces de services et d’offres d’emploi.

b. Le 24 janvier 2023, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a annoncé à A______ qu’il entreprenait un contrôle du respect du salaire minimum fixé par le droit cantonal. Il lui a réclamé la liste du personnel actif depuis le 1er novembre 2020, les contrats de travail et les fiches de salaire de l’ensemble du personnel, les attestations de cotisations aux assurances sociales, le mode de calcul des salaires et le mode d’enregistrement du temps de travail.

c. Le 17 mars 2023, A______ a remis à l’OCIRT les documents requis et indiqué élaborer un système d’enregistrement du temps de travail.

d. Le 30 mars 2023, l’OCIRT a informé A______ que le salaire minimum n’avait pas été respecté pour 18 employés ou anciens employés. Il avait calculé et récapitulé dans un tableau les rattrapages salariaux auxquels ceux-ci pouvaient prétendre, et qui totalisaient plus de CHF 274'000.- brut. A______ était invitée à produire la preuve du calcul et du paiement des rattrapages. Elle était passible d’une sanction administrative.

e. Le 2 mai 2023, A______ a indiqué avoir rectifié le salaire de B______, femme de ménage. Les 17 autres employés ou anciens employés avaient accompli des stages ayant pour objectif leur orientation en vue d’une deuxième formation ou leur réorientation. Elle détaillait leurs parcours et produisait leurs curriculum vitae ou des liens vers leurs profils Linkedin. Lors de leur engagement, elle s’était assurée soit qu’ils étaient en formation, soit qu’ils souhaitaient élargir leurs connaissances pour réorienter leur parcours. Elle était une start-up et ses moyens financiers étaient limités, de sorte que le rattrapage de salaire mettrait en péril son existence, et partant l’emploi de ses quinze collaborateurs.

f. Le 4 mai 2023, l’OCIRT a réclamé à A______ les justificatifs démontrant qu’il s’agissait de formations certifiantes reconnues, dont les cursus exigeaient des stages et que les stages avaient été validés par les institutions de formation.

g. Le 15 mai 2023, A______ a indiqué être désormais consciente qu’il fallait faire valider les stages par les instituts dispensant les formations y relatives et ne pas disposer de justificatifs autres que les curriculum vitae et les liens vers les profils Linkedin de ses employés. Elle avait revu son processus d’engagement de stagiaires pour tenir compte de ce qui précédait et de cette nouvelle exigence du droit genevois. Il s’agissait d’une première occurrence et elle avait collaboré dans le mesure de ses moyens avec l’OCIRT et revu ses processus internes pour l’avenir.

h. Le 8 juin 2023, l’OCIRT a adressé à A______ un ultime avertissement pour régulariser sa situation et justifier qu’elle avait procédé à la mise en conformité demandée.

i. Par décision du 17 août 2023, l’OCIRT a infligé à A______ une amende administrative de CHF 28'700.- en application de l’art. 39N al. 1 de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05), a mis à sa charge un émolument de CHF 100.- et réservé les procédures de contrôle et de mise en conformité.

j. Les faits s’étaient déroulés entre novembre 2020 et mars 2023. Les infractions concernaient 18 travailleurs sur 36 occupés au sein de l’entreprise pendant cette période. La gravité des infractions commises était prise en compte. Malgré les demandes répétées, elle n’avait procédé qu’à une mise en conformité partielle concernant la femme de ménage et n’avait pas payé les rattrapages pour les 17 autres employés, pour un total de CHF 274'327.-.

B. a. Par acte remis à la poste le 20 septembre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation. Subsidiairement, l’amende devait être réduite à CHF 5'000.-. Plus subsidiairement, la procédure devait être retournée à l’OCIRT pour nouvelle décision.

Elle avait subi une perte de CHF 3'656'339.76 en 2022 et dû postposer deux créances pour CHF 200'000.-.

Compte tenu de ses moyens financiers limités et de son statut de start-up, elle employait notamment des stagiaires pour compléter ses effectifs. Elle leur offrait l’occasion de réaliser un stage dans le cadre de leur formation scolaire ou professionnelle, par exemple lorsque le cursus de formation exigeait qu’un stage soit effectué. Elle offrait également des stages permettant aux stagiaires de se réorienter entre deux formations.

Les faits pertinents avaient été constatés de manière inexacte. L’OCIRT avait qualifié les stages de non reconnus, mais A______ avait démontré que ses employés étaient effectivement en stage entre deux formations. Elle détaillait le contexte dans lequel chacun de ses employés avait effectué un stage.

La décision violait les art. 39J LIRT et 56E du règlement d'application de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 23 février 2005 (RIRT - J 1 05.01). Les stagiaires remplissaient les conditions posées par la loi.

Son droit d’être entendue avait été violé. L’OCIRT n’avait pas établi sa situation financière. Et n’avait pas tenu compte de la faillite qui la menaçait. Elle produisait ses comptes pour 2021 et 2022.

Le principe de proportionnalité avait été violé. Le montant de l’amende était excessivement élevé et ne devait pas dépasser CHF 10'000.-.

b. Le 20 octobre 2023, l’OCIRT a conclu au rejet du recours.

c. La recourante n’a pas répliqué dans le délai imparti au 23 novembre 2023.

d. Le 29 novembre 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Il sera revenu en tant que de besoin dans la partie en droit sur les allégations et les pièces produites par les parties.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Sans y conclure expressément, la recourante propose son audition ainsi que des témoignages – sans autre précision – pour établir ses allégués.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, la recourante s’est vu offrir l’occasion de déployer son argumentation et de faire valoir toute pièce utile devant l’OCIRT puis la chambre de céans. Elle n’indique pas quels éléments supplémentaires utiles à la solution du litige qu’elle n’aurait pu produire par écrit son audition serait susceptible d’apporter. Elle ne désigne par ailleurs aucun témoin. La chambre de céans dispose d’un dossier complet et la procédure est en état d’être jugée.

Il ne sera pas donné suite à la demande d’actes d’instruction.

3.             Le litige a pour objet le bien-fondé de la sanction infligée à la recourante par l’OCIRT.

3.1 Depuis le 31 octobre 2020, à la suite de l’adoption le 27 septembre 2020 de l’initiative populaire législative cantonale n° 173 « 23 frs, c'est un minimum! », la LIRT – outre son but originel de définir le rôle et les compétences en matière de prévention des risques professionnels et de promotion de la santé et de la sécurité au travail, de relations du travail et de paix sociale, de conditions de travail et de prestations sociales en usage à Genève, de collecte de données relativement aux entreprises et de main-d’œuvre étrangère (art. 1 al. 1 LIRT), de travailleurs détachés (art. 1 al. 2 LIRT) et de travail au noir (art. 1 al. 3 LIRT) – institue un salaire minimum afin de combattre la pauvreté, de favoriser l’intégration sociale et de contribuer ainsi au respect de la dignité humaine et définit les rôles et les compétences pour la mise en œuvre de ce salaire minimal (art. 1 al. 4 LIRT).

3.2 Le salaire minimum est réglé au chapitre IVB de la LIRT. Les relations de travail des travailleurs accomplissant habituellement leur travail dans le canton y sont soumises (art. 39I LIRT), mais non les contrats d’apprentissage, les contrats de stage et les contrats conclus avec des jeunes gens de moins de 18 ans (art. 39J LIRT).

3.3 Selon l’art. 39J let. b LIRT, les contrats de stage sont ceux s'inscrivant dans une formation scolaire ou professionnelle prévue par la législation cantonale ou fédérale. Le conseil de surveillance du marché de l'emploi statue en cas de litige relatif à l'admission d'une exception.

Selon l’art. 56E RIRT, dans sa version en vigueur dès le 18 octobre 2023, les critères que doivent remplir les contrats de stage au sens de l'art. 39J let. b LIRT sont déterminés par le conseil de surveillance du marché de l’emploi (ci-après : CSME), statuant à l'unanimité (al. 1). Le CSME peut également, à l'unanimité, admettre à titre d'exception au sens de l'art. 39J let. b LIRT d'autres dispositifs assimilables, notamment dans le domaine de l'insertion professionnelle, respectivement sociale (al. 2). L'OCIRT publie, sous forme de directives, les critères propres aux stages et aux dispositifs assimilés sur le site Internet de l'État O______.

Dans sa version antérieure, l’art. 56E RIRT prévoyait que les contrats de stage au sens de l’art. 39J let. b LIRT étaient les stages : (a) d'orientation entre deux formations ; (b) de réinsertion professionnelle, respectivement sociale, régis par le droit fédéral ou cantonal ; (c) de réinsertion professionnelle, respectivement sociale, organisés par les communes, sous réserve de l'approbation unanime du CSME ; (d) prévus dans un cursus de formation ou (e) validés par un institut de formation.

3.4 Le site de l’OCIRT (https://www.ge.ch/engager-personne-stage/stages-formation-insertion-reconnus et https://www.ge.ch/ appliquer-salaire-minimum-genevois/qui-n-est-pas-soumis-au-salaire-minimum – état au 31 octobre 2023) indique que le salaire minimum genevois ne s'applique pas : (a) aux salariés âgés de moins de 18 ans révolus ; (b) aux apprentis ; (c) aux bénévoles ; (d) aux mesures et stages d'insertion sociale ou professionnelle prévus par la législation cantonale ou fédérale (par exemple : assurance invalidité, assurance chômage, aide sociale) ; (e) aux stages s'inscrivant dans une formation scolaire ou professionnelle prévue par la législation cantonale ou fédérale (par exemple : maturité professionnelle, ES, HES, Université). Il énumère les conditions fixées par le CSME pour chacune des catégories de stage, et précise qu’elles s'appliquent également aux entreprises non signataires des usages de l'OCIRT.

3.5 Par arrêtés annuels successifs (ArSML – J 1 05.03), le Conseil d’État a arrêté le salaire horaire minimum brut à :

CHF 23.- dès le 1er novembre 2020 ;

CHF 23.14 dès le 1er janvier 2021 ;

CHF 23.27 dès le 1er janvier 2022

CHF 24.- dès le 1er janvier 2023 ;

CHF 24.32 dès le 1er janvier 2024.

3.6 Selon l’art. 39M LIRT, l’OCIRT et l'inspection paritaire des entreprises sont compétents pour contrôler le respect par les employeurs des dispositions sur le salaire minimum (al. 1). Tout employeur doit pouvoir fournir en tout temps à l'office ou à l'inspection paritaire un état détaillé des salaires versés à chaque travailleur et du nombre correspondant d'heures de travail effectuées (al. 2).

3.7 L’art. 39N al. 1 LIRT prévoit que lorsqu'un employeur ne respecte pas le salaire minimum, l’OCIRT peut prononcer une amende administrative de CHF 30'000.- au plus. Ce montant maximal de l'amende administrative peut être doublé en cas de récidive. Selon l’al. 2 de la même disposition, l’OCIRT peut également mettre les frais de contrôle à la charge de l'employeur.

Les amendes administratives prévues par la législation cantonale sont de nature pénale. Leur quotité doit ainsi être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/991/2016 du 22 novembre 2016 consid. 6a ; ATA/810/2016 du 27 septembre 2016 consid. 4a et la référence citée). En vertu de l'art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, ce qui vaut également en droit administratif sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 1 et 3 et 107 CP). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût‑ce sous la forme d'une simple négligence. L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP ; principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP ; ATA/651/2022 du 23 juin 2022 consid. 14d et les arrêts cités).

La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/651/2022 précité consid. 14d et les arrêts cités).

Il doit être également tenu compte, en application de l'art. 106 al. 3 CP, de la capacité financière de la personne sanctionnée (ATA/651/2022 précité consid. 14f et la référence citée ; Michel DUPUIS/Laurent MOREILLON/Christophe PIGUET/Séverine BERGER/Miriam MAZOU/Virginie RODIGARI [éd.], Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., 2017, n. 6 ad. art. 106 CP). Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst. ; ATA/651/2022 précité consid. 14e et les arrêts cités).

L'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/991/2016 précité consid. 6a).

3.8 En l’espèce, la recourante soutient qu’elle a offert des stages et s’est conformée aux dispositions légales, de sorte que les rémunérations étaient soustraites au salaire minimum. Elle ne peut être suivie.

Elle n’a pas établi que les stages qu’elle affirme avoir offerts s’inscrivaient dans une formation scolaire ou professionnelle prévue par la législation cantonale ou fédérale, comme l’exige l’art. 39J let. b LIRT.

C______ avait obtenu une licence professionnelle française sans que la recourante ne démontre que le stage se serait inscrit dans cette formation. D______ avait obtenu un certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC) en 2020 et commencé à travailler pour la recourante postérieurement. E______ avait obtenu un bachelor en marketing en 2020, et la recourante ne démontre pas que le stage « en vue de se réorienter » dans le marketing (sic) se serait inscrit dans une formation. F______ se trouvait selon la recourante en formation en G______ et elle ne démontre pas que son stage se serait inscrit dans cette dernière. La recourante ne précise pas quelles études ni quelles formations H______ suivait ni le lien que son stage aurait eu avec elles. La recourante ne démontre pas que le stage effectué par I______ se serait inscrit dans les études que ce dernier suivrait auprès d’une école de commerce française. J______ était étudiant au lycée K______ et la recourante ne soutient pas que son stage se serait inscrit dans cette formation.

La recourante n’a évoqué que la « formation » de L______ et la volonté d’« explorer d’autres voies pour la suite de sa carrière professionnelle » sans établir de lien entre formation et stage. M______ disposait déjà d’un diplôme et la recourante indique qu’il a « profité du stage […] pour explorer une nouvelle voie dans sa carrière ». N______ étudiait à l’Université O______, mais la recourante ne précise pas dans quelle branche ni si son stage était compris dans ses études. La recourante ne soutient pas que le stage suivi par P______ aurait été nécessaire pour obtenir son diplôme de marketing et communication d’entreprise. Q______ avait déjà obtenu son CFC et aurait accompli un « stage découverte ». R______ avait également un diplôme mais souhaitait se réorienter. S______ disposait d’un CFC d’employé de commerce mais se trouvait selon la recourante « toujours en formation ou à tout le moins en cours de réorientation ». T______ avait interrompu une précédente formation avant d’en reprendre une autre. U______ était en cours auprès de « l’institution V______ », mais la recourante ne soutient pas que son stage aurait été compris dans cette formation. Enfin, W______ avait obtenu un diplôme d’employée de commerce avant d’entreprendre son stage.

La recourante a même échoué à établir qu’elle aurait véritablement offert des stages. Elle n’a produit aucun contrat de stage. Elle ne soutient pas avoir conclu de convention avec des institutions de formation. Elle ne démontre pas quel lien les stages auraient entretenu avec les formations que suivaient certains de ses employés ni quelles finalités formatrices ils auraient poursuivi dans ce cadre. Elle n’allègue pas qu’elle aurait fixé avec ses stagiaires des objectifs de formation. Elle n’affirme pas qu’elle les aurait encadrés, qu’elle aurait évalué leurs acquisitions et leur aurait délivré des certifications à la fin de leurs stages. Elle n’indique même pas en quoi consistaient exactement les stages et ce que ses stagiaires devaient y apprendre, se contentant d’évoquer de manière toute générale la découverte, la réorientation ou l’exploration de nouvelles voies.

La recourante admet dans ses écritures que compte tenu de ses moyens financiers limités et de son statut de start-up, elle employait notamment des stagiaires « pour compléter ses effectifs ». Cette affirmation suggère qu’elle employait ses stagiaires, dont bon nombre étaient déjà diplômés, à des tâches productives et pour un coût salarial particulièrement bas.

La recourante ne peut être suivie lorsqu’elle soutient qu’un simple profil Linkedin ou un curriculum vitae seraient de nature à établir que l’emploi de stagiaires était conforme aux exigences de la loi ou même tout simplement à avérer la réalité des stages qu’elle prétend avoir offerts. Elle a d’ailleurs admis elle-même qu’elle avait dû revoir son processus d’engagement de stagiaires pour le conformer au droit genevois.

C’est donc de manière conforme au droit que l’OCIRT a conclu que les « stages » que prétendait offrir la recourante n’entraient pas dans les exceptions prévues par la LIRT et que le salaire des « stagiaires » devait être conforme aux dispositions sur le salaire minimum.

3.9 La recourante se plaint de la violation de son droit d’être entendue. L’OCIRT n’aurait pas établi sa situation financière pour fixer l’amende.

À ce propos, l’OCIRT observe à juste titre qu’il était loisible à la recourante de faire valoir et documenter sa situation économique lorsqu’elle a été invitée à se déterminer sur les infractions reprochées et l’éventuel prononcé d’une sanction.

En outre, la recourante a pu faire valoir sa situation et produire sa comptabilité devant la chambre de céans, qui dispose d’un plein pouvoir d’examen, de sorte qu’une éventuelle violation de son droit d’être entendue serait réparée.

Le grief sera écarté.

3.10 La recourante se plaint enfin d’une violation du principe de proportionnalité.

Il ressort de la procédure que la recourante a rémunéré douze stagiaires CHF 500.- par mois. Trois d’entre eux ont également perçu des bonus allant de CHF 150.- à CHF 250.- par mois. Un stagiaire a perçu CHF 600.- et cinq stagiaires ont perçu à une ou plusieurs reprises CHF 1'000.- par mois. Les semaines de travail comptaient entre 40 et 42 heures, de sorte que les salaires minimaux dus selon la loi allaient de CHF 4'010.93 à CHF 4’235.14 brut par mois. La sous-enchère salariale qui en résulte est particulièrement importante pour chaque travailleur pris individuellement (CHF 500.- représentent 1/8e du salaire dû). Elle porte sur environ la moitié des effectifs de la recourante. Elle totalise CHF 274'327.‑, ce qui constitue un montant significatif. L’activité reprochée à la recourante a en outre duré de novembre 2020 à janvier 2023, soit plus de deux ans. Elle a été dictée par le dessein de réduire ses charges salariales et d’accroître son profit au détriment de ses travailleurs et de leur protection. Avertie par l’OCIRT de la sous-enchère salariale et invitée à la corriger, la recourante n’a ajusté que le salaire de sa femme de ménage. Elle a refusé de compléter les salaires de ses stagiaires et n’a pas produit la documentation réclamée par l’OCIRT. Sa collaboration ne peut être qualifiée de bonne.

La faute commise par la recourante apparait dans ces circonstances comme particulièrement grave. L’amende, dont le montant, arrêté à CHF 28'700.-, est proche du maximum prévu par la loi, apparaît proportionnée à la gravité de la faute de la recourante et apte à dissuader celle-ci de réitérer les agissements qui lui sont reprochés.

La recourante fait valoir que l’amende la menacerait de faillite. S’il ressort certes de son bilan pour l’année 2022 une perte de CHF 4'136'444.57 résultant du bilan, ce dernier affiche également un bénéfice de CHF 102'139.29 ainsi qu’une réserve légale issue du capital de CHF 3'722'399.- équivalant à plus de treize fois le capital‑actions, de CHF 285'661.- et ne comportant apparemment pas de contrepartie à l’actif. Le compte d’exploitation affiche pour sa part un résultat net d’exploitation pour l’année 2022 de CHF 623'384.25 pour un chiffre d’affaires de CHF 3'252'827.89. Il suit de là que l’amende ne saurait représenter elle-même une menace pour la viabilité de la recourante, laquelle semble plutôt fragilisée par la structure de son financement.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 septembre 2023 par A______ SA contre la décision de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 17 août 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ SA un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Joël CHEVALLAZ, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. SPECKER

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :