Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1227/2022

ATA/183/2024 du 06.02.2024 sur JTAPI/1435/2022 ( ICCIFD ) , ADMIS

Recours TF déposé le 14.03.2024, 9C_176/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1227/2022-ICCIFD ATA/183/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 février 2024

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE recourante

contre

 

A______
représentée par ECHO SA, mandataire

 

et

 

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 décembre 2022 (JTAPI/143f5/2022)


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : la contribuable), née le ______ 1990, était la petite-nièce de feu B______ (ci-après également : de cujus), décédée le ______ 2012.

b. Consécutivement à ce décès, l’exécuteur testamentaire de la succession de feu B______ a fourni à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC‑GE) un certificat d’héritier attestant de tous les héritiers légaux dans la succession, qui étaient au nombre de cinq. La contribuable n’était pas mentionnée dans ce certificat.

c. Par courrier du 16 octobre 2013, dans le cadre d’une dénonciation spontanée, l’exécuteur testamentaire a annoncé à l’AFC-GE un compte bancaire détenu par cette dernière par l’intermédiaire de la fondation panaméenne C______ (ci-après : la fondation) qu’elle n’avait pas déclarée.

Cette fondation avait été constituée par B______ en 2004 ; elle en était la première bénéficiaire.

d. À la suite de cette dénonciation, l’AFC-GE a rectifié les taxations antérieures de feu B______ pour les périodes fiscales couvertes par la dénonciation spontanée, en intégrant le solde du compte bancaire de la fondation dans les éléments imposables de sa fondatrice.

e. En date du 22 mai 2015, suite au dépôt de la déclaration de succession, l’AFC‑GE a rendu un bordereau de droits de succession, notifié à l’hoirie de feu B______. Il en ressortait que les avoirs de la fondation avaient été intégrés à la masse successorale et taxés en mains des héritiers, dont ne faisait pas partie la contribuable.

f. Le 25 juin 2015, l’exécuteur testamentaire a formé réclamation contre ce bordereau, s’opposant à la taxation de ces avoirs en mains des héritiers, au motif qu’il s’agissait d’un patrimoine distinct de la masse successorale. Il a notamment produit un jugement du Tribunal de première instance (ci-après : TPI) du 15 décembre 2014 rejetant l’action en pétition d’hérédité intentée par l’exécuteur testamentaire contre la banque, au motif que la fondation panaméenne jouissait de la personnalité morale et que les patrimoines de feu B______ et de la fondation étaient distincts et séparés. Le patrimoine de la fondation n’entrait pas dans la masse successorale.

Était annexé à la réclamation le document intitulé « Statuts annexes aux Statuts de la Fondation », daté du 14 mars 2012, édicté par le Conseil de fondation le 14 mars 2012 (ci-après : le règlement), qui prévoyait notamment ce qui suit :

-          Feu B______ est la première bénéficiaire de la fondation de son vivant ;

Elle jouit de l’ensemble de la fortune de la fondation, des revenus et des produits d’une liquidation partielle (art. 1) ;

-          Au décès de la première bénéficiaire, le Conseil de fondation se chargera d’effectuer des distributions de montants de CHF 10'000.- à CHF 100'000.- à des tiers, le solde des avoirs devant ensuite être réparti à parts égales entre les petits-neveux et les petites-nièces nés ou à naître (ci-après : les deuxièmes bénéficiaires) de la première bénéficiaire, qui étaient au nombre de neuf.

Les deuxièmes bénéficiaires auront libre accès à leur part dès l’âge de 30 ans.

-          Durant la vie de la première bénéficiaire, le règlement ne pouvait être modifié, complété et/ou révoqué qu’avec le consentement de cette dernière.

-          Après son décès, le règlement deviendra irrévocable (art. 3).

g. Le 24 août 2016, l’AFC-GE a notifié un avis de taxation rectificatif à l’hoirie de feue B______.

Sous la rubrique « Créances/Titres » de l’avis de taxation, le compte bancaire de la fondation apparaissait dans les actifs de la masse successorale, pour une valeur de CHF 3'197'864.-.

Dans le bordereau de droits de succession rectificatif, sous la rubrique « Liste des héritiers », les cinq héritiers figuraient ainsi que tous les bénéficiaires de la fondation. Parmi ces derniers figurait la contribuable avec la précision « legs/assurances ».

Pour le calcul des droits, l’avoir de la fondation de CHF 3'197'864.- a été réparti conformément à l’art. 2 de son règlement. Ainsi des montants de CHF 10'000.- à CHF 100'000.- ont été attribués aux tiers désignés dans le règlement pour un montant total de CHF 340'000.-, le solde de CHF 2'857'864.- étant ensuite réparti à parts égales entre les deuxièmes bénéficiaires (1/9e), à savoir CHF 317'540.- chacun, au taux relatif à leur lien de parenté avec la défunte, soit petite-nièce (4catégorie) s’agissant de la contribuable, en application de l’art. 20 de la loi sur les droits de succession du 26 novembre 1960 (LDS - D 3 25). À ce taux, le montant de l’impôt sur les successions prélevé, y compris les centimes additionnels, s’élevait à CHF 79'087.30.

Ce bordereau est entré en force.

B. a. Le 11 décembre 2019, la fondation a interpellé l’AFC-GE au sujet du traitement fiscal des distributions qu’elle était chargée d’effectuer en vertu du règlement édicté par le Conseil de fondation le 14 mars 2012 (ci-après : le règlement).

Afin que les deuxièmes bénéficiaires puissent connaître les conséquences fiscales de leur statut et des distributions qu’ils percevraient dans le futur, la fondation a demandé à l’AFC-GE que les modes de taxation suivants soient validés :

1. Tant que les deuxièmes bénéficiaires n’avaient pas 30 ans et n’avaient pas reçu leur part : aucune imposition dans leur chef des avoirs de la fondation.

2. En cas de distribution :

- IFD : Imposition au titre de revenu de la différence entre le capital soumis aux droits de succession et le capital reçu ;

- ICC : Imposition au titre de revenu de la différence entre le capital soumis aux droits de succession et le capital reçu, déduit des éventuels gains en capital attribuables à la part reçue de la fortune de la fondation.

b. Le 11 décembre 2020, l’AFC-GE a validé le premier mode de taxation présenté par la fondation, mais non le deuxième, considérant que les distributions devraient être soumises dans leur intégralité à l’impôt sur le revenu en vertu de la règle générale des art. 16 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 17 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08).

c. Le 19 février 2021, la fondation a réitéré sa demande et l’AFC-GE a, le 17 août 2021, maintenu sa position.

d. Dans sa déclaration fiscale 2020 du 3 août 2021, la contribuable a indiqué, sous la rubrique « Observations », être bénéficiaire de la fondation et avoir accès depuis le 30 décembre 2020 au montant de CHF 363’600.-, précisant que le traitement fiscal de celui-ci était en cours de discussion avec l’AFC-GE.

En annexe, elle a produit un courrier de la fondation lui confirmant qu’elle avait accès, le 30 décembre 2020, jour de son trentième anniversaire, à l’équivalent du 1/8e de la valeur du portefeuille de la fondation, soit un montant, à cette date, de CHF 363’600.-. Cette somme était tenue à sa disposition pour une distribution à la date souhaitée. Elle a aussi produit un courrier de la fondation du 12 février 2021 (au contenu similaire du courrier adressé par la fondation à l’AFC-GE le 19 février 2021).

e. Par bordereaux ICC/IFD 2020 du 4 février 2022, l’AFC-GE a imposé au titre de revenu la distribution de la fondation de CHF 363’600.-. Dans les avis de taxation, elle a indiqué, sous les « remarques sur titres », que « la distribution 2020 du trust est de CHF 363’600.- ».

Les ICC s’élevaient à CHF 104'106.55 et l’IFD à CHF 36'833.10.

f. Les 3 et 10 mars 2022, la contribuable a formé réclamation.

Sa grand-tante n’avait pas déclaré l’existence de la fondation. Au moment de son décès, l’exécuteur testamentaire de la succession avait déposé une dénonciation spontanée relative aux avoirs de ladite fondation. L’AFC-GE avait rectifié les taxations antérieures de la de cujus, en intégrant le compte bancaire sur lequel figuraient ces avoirs dans ses éléments imposables. La fondation avait, dès lors, été traitée en transparence, l’AFC-GE ayant appliqué par analogie le traitement fiscal d’un trust irrévocable discrétionnaire. Suite au dépôt de la déclaration de succession, l’AFC-GE avait rendu un bordereau de droits de succession en date du 22 mai 2015, notifié à l’hoirie de feu la de cujus : les avoirs de la fondation avaient été taxés en mains des héritiers. Suite à la réclamation élevée à l’encontre dudit bordereau au motif que ces avoirs devaient être taxés non pas en mains des héritiers mais en celles de ses bénéficiaires, l’AFC-GE avait émis, le 24 août 2016, un bordereau de droits de succession rectificatif : y figuraient les cinq héritiers et tous les bénéficiaires sous la rubrique « legs/assurances ». Les deuxièmes bénéficiaires - dont elle faisait partie - avaient été chacun imposés à l’impôt sur les successions sur le 1/9e des avoirs de la fondation, à savoir CHF 317’540.-, au taux relatif à leur lien de parenté avec la de cujus, soit petits-neveux et petites-nièces (art. 20 LDS). Dès lors, la distribution de CHF 363’600.- effectuée par la fondation n’était imposable en tant que revenu qu’à raison de CHF 46’060.- (soit la différence entre la distribution précitée et l’imposition au moment de la succession).

g. Par décisions sur réclamation du 17 mars 2022, l’AFC-GE a maintenu les taxations litigieuses.

Les versements effectués par la fondation devaient être soumis, dans leur intégralité, à l’impôt sur le revenu en vertu de la clause générale fixée aux art. 16 LIFD et 17 LIPP, conformément à l’arrêt du Tribunal fédéral 2A.668/2004 du 22 avril 2005.

C. a. Par acte du 13 avril 2022, la contribuable a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre ces décisions concluant, « avec suite de frais et dépens », à leur annulation et à la modification de ses taxations ICC/IFD 2020.

Ayant pour but de permettre à sa fondatrice de faire des libéralités à titre gratuit aux membres de sa famille, la fondation était un outil successoral. L’AFC-GE avait considéré la fondation en transparence et avait imposé ses avoirs dans le chef de la de cujus jusqu’à son décès, puis prélevé des droits de succession, considérant qu’elle était devenue opaque au décès de sa fondatrice qui avait fait des libéralités pour cause de mort en lui transférant les fonds. La fondation ayant été considérée comme opaque, ses bénéficiaires n’avaient pas été imposés à titre de revenu et de fortune relativement à leur part. Ainsi, l’AFC-GE avait traité la fondation de manière analogue à un trust révocable, puis irrévocable au décès de la de cujus, et non comme un sujet fiscal autonome. La contribuable ayant payé des droits de donation de CHF 79'087.30 suite aux donations pour cause de mort résultant de l’apport du capital initial de CHF 317’540.- à la fondation, le capital de cette dernière avait été taxé et il ne pouvait, en vertu des art. 24 let. a LIFD et 27 let. d LIPP, plus l’être lors de son remboursement. La jurisprudence citée par l’AFC-GE n’était pas pertinente puisqu’elle ne traitait pas de la déductibilité de l’apport (si ce dernier avait subi une imposition) au montant imposable à titre de revenus distribués ensuite aux bénéficiaires.

La contribuable a produit diverses pièces à l’appui de ses allégations, dont le bordereau rectificatif des droits de succession du 24 août 2016 concernant l’hoirie de la de cujus.

b. Dans sa réponse du 4 juillet 2022, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le jour de son trentième anniversaire, la contribuable avait acquis, conformément au règlement, un droit ferme à percevoir une prestation de CHF 363’300.- de la fondation. En vertu de la jurisprudence, cette prestation constituait un revenu imposable au sens des art. 16 al. 1 LIFD et 17 LIPP, et non pas une donation exonérée au sens des art. 24 let. a LIFD et 27 let. d LIPP, en l’absence d’animus donandi de la fondation. C’était ainsi à juste titre qu’elle avait été imposée en tant que revenu.

La contribuable faisait fausse route en revendiquant, au titre de déduction du revenu imposable, l’imposition initiale de l’apport à la fondation. Aucune disposition de la LIFD ou de la LIPP ne permettait une telle déduction. Au contraire, l’énumération exhaustive des déductions générales prévues aux art. 33 LIFD et 31 à 33 LIPP ne prévoyait pas une telle déduction, ce qui était expressément confirmé dans la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14). En outre, la contribuable n’avait pas démontré avoir supporté un quelconque montant en lien avec l’apport à la fondation, contrairement aux exigences jurisprudentielles. Cet apport, soumis aux droits d’enregistrement, ne la concernait en rien.

Le traitement fiscal d’un trust irrévocable discrétionnaire n’avait pas été appliqué par analogie, dès lors qu’il visait des situations non comparables au cas d’espèce. À cet égard, la qualification de « trust » ressortant des remarques sur titres des avis de taxation querellés était incorrecte. La distribution devait être imposée en tant que revenu.

La constitution d’une fondation représentait une donation qui, en Suisse, était en principe assujettie, à l’échelon cantonal, à l’impôt sur les donations et, dans le cadre d’une constitution testamentaire, à l’impôt sur les successions. Si une fondation d’utilité publique était constituée par l’affectation d’actifs, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, l’impôt sur les donations et l’impôt sur les successions n’étaient pas dus. Certes, le nom de la contribuable apparaissait sur le bordereau de droits de succession du 24 août 2016, entré en force. Cela n’était néanmoins pas l’objet du présent litige qui concernait l’imposition, en tant que revenu, de la distribution effectuée par la fondation.

c. Par réplique du 27 juillet 2022, la contribuable a persisté dans ses conclusions.

L’AFC-GE contestait le parallèle fait entre un trust et la fondation alors qu’elle avait elle-même utilisé cette terminologie, dans le bordereau du 4 février 2022. En retenant la terminologie de l’AFC-GE et en faisant le parallèle avec un trust, on se retrouvait dans la position décrite dans la réclamation et le recours.

En outre, la distribution effectuée par la fondation ne devait pas être vue sous l’angle de la donation. En réalité, dans la mesure où, au décès de sa grand-tante, les droits de succession avaient été calculés – puis acquittés – sur le lien de parenté entre cette dernière et la contribuable, cela signifiait que les bénéficiaires étaient bien propriétaires de la part apportée à la fondation de manière irrévocable. Il ne pouvait donc y avoir une nouvelle imposition sur la part apportée et déjà imposée au moment du versement au bénéficiaire par la fondation. Seul le surplus éventuel devait être imposé (principe de l’accroissement de fortune). La fondation, considérée comme irrévocable au décès de la de cujus, n’existait auparavant pas, fiscalement parlant, car révocable, raison pour laquelle la de cujus avait été imposée au titre de revenu et de fortune sur les biens détenus par la fondation. Ensuite, les droits de succession avaient été acquittés au taux du lien de parenté. Ainsi, le bénéficiaire était titulaire de sa part de la fortune de la fondation, de manière similaire à une fondation testamentaire. Les bénéficiaires n’avaient certes pas été imposés en fortune sur leur part dans la fondation, mais cela résultait du fait qu’ils n’avaient pas un droit ferme sur cette dernière avant leurs 30 ans et qu’il n’y avait aucune certitude qu’ils atteignent cet âge, sachant que s’ils étaient décédés avant cet âge, leur propre succession n’aurait pas eu droit à cette part de fortune. Pour l’imposition de la distribution, les bénéficiaires étaient les quasi-nu-propriétaires de leur part, de sorte que lors de sa distribution, cette dernière ne devait pas être intégralement imposée, mais seulement pour la part d’accroissement.

d. Par jugement du 19 décembre 2022, le TAPI a admis le recours et renvoyé le dossier à l’AFC-GE pour nouvelle décision de taxation au sens des considérants.

L’AFC-GE avait toujours traité la fondation comme s’il s’agissait d’un trust, et plus spécialement un trust révocable lorsque la de cujus était en vie et un trust irrévocable suite à son décès ; elle avait d’ailleurs elle-même qualifié la fondation de trust dans les avis de taxation du 4 février 2022. En vertu du principe de la bonne foi entre administration et administré, l’AFC-GE devait rester cohérente dans son analyse au fil du temps. En outre, la fondation ne pouvait être assimilée à une fondation de famille au sens du droit suisse, leurs caractéristiques étant différentes vu qu’une fondation de famille était destinée à durer dans le temps, tandis que la fondation n’avait que pour but de distribuer son capital lorsque ses bénéficiaires atteignaient l’âge de 30 ans et ainsi de disparaître.

Au décès de la de cujus, l’AFC-GE avait soumis au droit de succession le transfert des avoirs à la fondation et avait imposé la part attribuée aux bénéficiaires, par l’acte de fondation ou le règlement de celle-ci, en fonction des liens de parenté entre la défunte et les bénéficiaires. Partant, la fondation avait été constituée, fiscalement parlant, par acte pour cause de mort et le capital apporté imposé à l’impôt sur les successions, en tant que donation pour cause de mort. Ce transfert avait dès lors été appréhendé, d’un point de vue fiscal par l’AFC-GE, comme un apport, de la même manière que pour les trusts révocables qui devenaient irrévocables au décès du settlor.

Dans ces circonstances, force était de constater que la contribuable avait versé un impôt sur les successions pour sa part des avoirs provenant de sa grand-tante et que l’AFC-GE, qui l’avait requis, ne pouvait dès lors lui réclamer, sur ce même montant de CHF 317’540.-, un impôt sur le revenu, ceux-ci étant exclusifs l’un de l’autre, à moins qu’elle n’alléguait que cet impôt n’était en fait pas dû et adoptait ainsi un comportement contraire à la bonne foi.

S’agissant en revanche du montant de CHF 46’060.-, à savoir la différence entre la distribution de CHF 363’600.- et le montant de CHF 317’540.- imposé lors de la succession, c’était à juste titre que l’AFC-GE l’avait qualifié de revenu puisqu’il s’agissait d’un revenu de la fortune de la contribuable.

D. a. Par acte du 3 février 2023, l’AFC-GE a formé recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation.

Dans son jugement, le TAPI avait omis de procéder à l’analyse juridique de la dotation en faveur de la fondation au moment du décès de la fondatrice. Cette analyse lui aurait permis de constater que c’était par erreur que l’AFC-GE avait procédé à l’imposition, au niveau des droits des successions, des avoirs de la fondation en les traitant comme des legs. Le bordereau du 24 août 2016 aurait dû tenir compte de la personnalité juridique dont jouissait la fondation, en la mentionnant expressément, en lieu et place de ses bénéficiaires, qui ne devaient être pris en compte que pour la détermination du taux. Lors du décès de la fondatrice, les avoirs de la fondation auraient dû être soumis aux droits d’enregistrement conformément à l’art. 29 de la loi sur les droits d’enregistrement du 9 octobre 1969 (LDE – D 3 30). Dès lors que des tiers, non exonérés, faisaient partie des bénéficiaires de la fondation, les droits concernés auraient dû être prélevés au taux de la 5e catégorie, pour l’intégralité des fonds cédés à la fondation. Or, en tenant compte des liens de parenté avec la fondatrice, l’AFC-GE avait appliqué, de manière erronée, un taux plus avantageux à ceux-ci, sur une assiette imposable plus restreinte (compte tenu de l’exonération des montants destinés aux institutions exonérées d’impôt listée sous ch. 9 et 10 du bordereau du 24 août 2016). Sans cette erreur de taxation, la fondation se serait ainsi acquittée d’une charge fiscale supérieure à celle qui a effectivement été perçue par l’AFC-GE. Force était donc de constater que la taxation intervenue au décès de la fondatrice n’avait pas péjoré la situation des bénéficiaires de la fondation dont les noms apparaissaient sur le bordereau rectificatif de droits de succession du 24 août 2016 ; en réalité, en atténuant de manière erronée la charge fiscale de la fondation, cette taxation avait amélioré sa capacité à effectuer des versements plus élevés à ses bénéficiaires, y compris à la contribuable, de sorte que cette dernière avait pu percevoir un revenu plus important de la fondation.

C’était à tort que le TAPI avait retenu que l’AFC-GE avait toujours traité la fondation comme s’il s’agissait d’un trust. Exception faite d’une erreur de plume contenue dans les avis de taxation, l’ensemble des pièces au dossier révélaient que l’AFC-GE avait toujours exprimé la volonté d’appliquer le traitement fiscal relatif aux fondations.

L’intégralité du versement de la fondation devait être soumis à l’impôt sur le revenu. Dans la mesure où le versement reçu par la contribuable en 2020 intervenait en exécution des obligations statutaires de la fondation, aucun animus donandi ne pouvait être reconnu. Force était dès lors de constater qu’il ne s’agissait pas d’une donation.

b. Par réponse du 3 avril 2023, la contribuable a conclu au rejet du recours.

c. Par réplique du 2 mai 2023, l’AFC-GE a relevé qu’en vertu de la théorie de l’évasion fiscale, le dessaisissement de la fondatrice en faveur de la fondation n’intervenait en l’espèce, sur le plan fiscal, qu’au jour du décès. Que la fondation soit reconnue fiscalement ne remettait pas en cause le moment du dessaisissement qui, lui, correspondait à la fin de la mainmise qu’avait la fondatrice sur le patrimoine affecté civilement à la fondation.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur l’ICC et l’IFD 2020 de la contribuable intimée, singulièrement sur la détermination des modalités d’imposition d’un versement en faveur de la contribuable effectué par une fondation.

2.1 La Confédération ne dispose pas de la compétence de percevoir un impôt sur les successions ou donations. Ces impôts sont donc purement cantonaux (art. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101; arrêts du Tribunal fédéral 2C_164/2015 du 5 avril 2016 consid. 2 ; 2C_242/2014 du 10 juillet 2014 consid. 2.3.1). Les droits de succession sont un impôt qui frappe, notamment, toute transmission de biens résultant d'un décès ou d'une déclaration d'absence, à quelque titre que cette transmission ait lieu (art. 1 al. 1 et 2 LDS). Ils sont dus par ceux qui, à la suite d'un décès ou d'une déclaration d'absence, acquièrent des biens ou en sont bénéficiaires (art. 2 al. 1 LDS).

Selon l’art. 16 LDS, les droits de succession sont calculés sur les parts héréditaires nettes (let), sur les legs (let. b), sur les assurances et rentes dévolues aux bénéficiaires et attributaires (let. c), sur les avances d’hoirie et donations (let. d) et sur la part attribuée au conjoint ou au partenaire enregistré, conformément à l’art. 1 al. 2 let. b et c (let. e).

Le tarif d’imposition applicable aux droits de succession est fixé par l’art. 20 LDS pour les oncles ou tantes, les grands-oncles ou grand-tantes, les neveux ou nièces, les petits-neveux ou petites-nièces (quatrième catégorie).

2.2 L'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 LIFD). L'art. 17 LIPP prévoit quant à lui que l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature et quelle qu'en soit l'origine, avant déductions.

Tout revenu que la loi n'exclut pas expressément du champ d'application de la LIFD et de la LIPP est considéré comme faisant partie du revenu imposable. Celui-ci comprend l'ensemble des revenus du contribuable, quelle qu'en soit leur nature ou leur forme. L'impôt frappe le revenu global (ATA/1727/2019 du 26 novembre 2019 ; ATA/1089/2016 du 20 décembre 2016 ; ATA/905/2015 du 1er septembre 2015).

Si la notion de revenu n'est pas définie précisément par la loi, la jurisprudence et la doctrine suisses retiennent en principe comme déterminante la théorie de l'accroissement net du patrimoine (ATF 125 II 113 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_766/2010 du 29 juillet 2011 consid. 2.1 ; ATA/1727/2019 précité), c'est-à-dire une conception extensive de la notion de revenu (ATA/167/2012 du 27 mars 2012). Selon celle-ci, le revenu acquis par un contribuable se compose de tout accroissement de son patrimoine constaté au cours de la période fiscale considérée, ce qui peut provenir tant d'une augmentation des actifs que d'une diminution des passifs (ATA/1727/2019 précité).

Selon les art. 24 let. a LIFD, 7 al. 4 let. c LHID et 27 let. d LIPP, sont exonérés de l'impôt les dévolutions de fortune ensuite d'une succession, d'un legs, d'une donation ou de la liquidation du régime matrimonial. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les exceptions au principe de l'accroissement net du patrimoine consacré aux art. 16 al. 1 LIFD et 7 al. 1 LHID qui concrétise le principe constitutionnel de l'imposition selon la capacité économique doivent être interprétés restrictivement (ATF 139 II 363 consid. 2).

L’art. 24 let. a LIFD et 7 al. 4 let. c LHID empêchent la double imposition des dévolutions successorales ou des donations, une fois par l’impôt cantonal sur les successions et donations et une seconde fois par l’impôt sur le revenu, l’un étant exclusif de l’autre (Yves Noël, Commentaire LIFD, 2e éd. 2017, n. 8 ad art. 24 LIFD ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_148/2020 du 19 janvier 2021 consid. 7 ; ATF 146 II 6 consid. 6.1). Dans un arrêt portant sur une donation, le Tribunal fédéral a précisé qu’il importait peu que la donation ait été effectivement soumise à un impôt sur les donations ou qu'elle en ait été exonérée (par exemple, parce que son montant n'atteint pas le seuil imposable). Le prélèvement effectif d'un impôt sur les donations ne constituait en d'autres termes pas une condition à l'exonération d'une donation en vertu de l'art. 24 let. a LIFD (arrêt du Tribunal fédéral 2C_148/2020 du 19 janvier 2021 consid. 7.1). 

2.3 Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que les prestations d'une fondation de famille à ses bénéficiaires constituaient du revenu imposable au sens de l'art. 16 al. 1 LIFD et non pas une donation exonérée au sens de l'art. 24 LIFD, les prestations n'étant pas effectuées librement, mais en vertu d'une obligation juridique (ATF 146 II 6 consid. 7.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_74/2021 du 26 juillet 2021 consid. 7.1 ; 2C_703/2017 du 15 mars 2019 consid. 3.3.2 ; 2P.296/2005 du 29 août 2006, traduit in RDAF 2006 II 501; 2A.668/2004 du 22 avril 2005 consid. 3.4.3). Il a notamment relevé que la notion fiscale de donation ne se recoupait pas forcément entièrement avec celle du droit civil ; elle pouvait en effet comporter des particularités en raison du but de la loi ou pour des motifs pratiques. Les critères de l'acte d'attribution entre vifs, de la gratuité et de l'animus donandi étaient toutefois communs. Le critère, objectif, de la gratuité de l'attribution était réalisé lorsque le donataire ne fournissait pas pour le don de contre-prestation en faveur du donateur. Le critère, subjectif, de l'animus donandi signifiait que le donateur devait avoir la conscience et la volonté d'effectuer une attribution à titre gratuit en faveur du donataire. Il n'y avait notamment pas de volonté de donner lorsqu'était attendue une contre-prestation ou lorsque la prestation n'était pas effectuée librement, mais en vertu d'une obligation juridique. Ainsi, la jurisprudence retenait que les fondations n'effectuaient en principe pas de donation, dans la mesure où elles ne faisaient qu'agir en exécution d'une obligation juridique qui leur incombait (ATF 146 II 6 consid. 7.1 et les références citées). Bien que les bénéficiaires d’une fondation ne disposaient pas d'un droit direct de disposer du capital de la fondation, ils bénéficiaient de prestations apparentées à des avantages en argent provenant de participations (arrêt du Tribunal fédéral 2A.668/2004 du 22 avril 2005 consid. 4.1, in RDAF 2008 II 240). La fortune de la fondation représentait juridiquement une entité indépendante, de sorte que les distributions auxquelles elle procédait, qui avaient sans aucun doute augmenté le revenu global des recourants, devaient être considérées comme des revenus au sens de la clause générale de l'art. 16 al. 1 LIFD (consid. 4.2).

2.4 En matière d'imposition directe, le Tribunal fédéral a fréquemment condamné ce qu'il a appelé dualisme des méthodes. Dans certains cas, la loi fiscale s'attache à des situations ou des faits de nature économique, l'interprétation se dirigeant alors vers la recherche de la réalité économique ; dans d'autres, la loi utilise plutôt des critères relatifs à la forme juridique. Il y a alors dualisme des méthodes prohibé à invoquer, selon l'intérêt du fisc, tantôt la réalité économique, tantôt l'apparence juridique de l'opération considérée (Archives 57, 269; 47, 274 et 347 ; ATF 109 Ib 113 et les références citées par ces arrêts ; 103 Ia 20). Cette solution est rattachée au principe de la prohibition de l'arbitraire, ainsi qu'au principe de la bonne foi
(v. p. ex. RNRF 75, 198; Archives 54, 391; v. également plus généralement Max IMBODEN/René RHINOW, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, puis en collaboration avec Krähenmann, Ergänzungsband, n° 26V et jurisprudence précitée) ; en conséquence, s'agissant des mêmes contribuables, le fisc apparaît comme tenu, lorsqu'il a adopté dans une première étape une méthode déterminée, d'y obéir également dans la seconde (ATF 93 I 689).

Le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, dont le Tribunal fédéral contrôle librement le respect (ATF 147 IV 274 consid. 1.10.1), découle directement de l'art. 9 Cst. et vaut pour l'ensemble de l'activité étatique. Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ;141 V 530 consid. 6.2).  

Le principe de la bonne foi régit aussi les rapports entre les autorités fiscales et les contribuables ; le droit fiscal est toutefois dominé par le principe de la légalité, de telle sorte que le principe de la bonne foi ne saurait avoir qu'une influence limitée, surtout s'il vient à entrer en conflit avec le principe de la légalité (ATF 131 II 627 consid. 6.1 ; 118 Ib 312 consid. 3b). Le contribuable ne peut bénéficier d'un traitement dérogeant à la loi que si les conditions mentionnées ci-dessus - qui doivent être interprétées de manière stricte - sont remplies de manière claire et sans équivoque (arrêt du Tribunal fédéral 2C_461/2021 du 19 janvier 2022 consid. 5.1 et les références citées). 

2.5 En matière fiscale, les règles générales du fardeau de la preuve ancrées à l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), destinées à déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un fait, ont pour effet que l'autorité fiscale doit établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment (ATF 144 II 427 consid. 8.3.1 ; 140 II 248 consid. 3.5 ; 133 II 153 consid. 4.3). Ainsi, si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'indices révélant l'existence d'éléments imposables, il appartient au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations et de supporter le fardeau de la preuve du fait qui justifie son exonération (arrêts du Tribunal fédéral 2C_722/2017 du 13 décembre 2017 consid. 5.2 ; 2C_1201/2012 du 16 mai 2013 consid. 4.6 ; 2C_514/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.2 ; 2C_47/2009 du 26 mai 2009 consid. 5.4, in RDAF 2009 II 489).

2.6 En l’espèce, il n’est pas contesté que le jour de son trentième anniversaire, soit le 30 décembre 2020, la contribuable a perçu une prestation de CHF 363'600.- de la part de la fondation. Cette somme est venue accroître son patrimoine et représente de ce fait a priori un revenu imposable (art. 16 al. 1 LIFD). La juridiction précédente a toutefois retenu que la recourante ne pouvait pas soumettre ce montant à l’impôt sur le revenu puisqu’elle avait déjà prélevé un impôt sur les successions sur le montant de CHF 317'540.-. Or, ces deux impôts étaient exclusifs l’un de l’autre.

À titre liminaire, il convient de préciser, comme l’a rappelé la jurisprudence, que le point de savoir si un impôt sur les successions a été prélevé ou non n'est pas une condition d'application de l'art. 24 let. a LIFD. Il convient donc de déterminer s’il existe un motif d’exonération, en particulier si le versement litigieux constitue une donation ou un subside (art. 24 let. a et d LIFD et 27 let. d et e LIPP).

L’administration recourante a exclu l'existence d'un animus donandi, considérant que les versements litigieux procédaient de l’exécution des obligations statutaires de la fondation. Sur ce point, et conformément à la jurisprudence rappelée ci-avant, le raisonnement de l’administration recourante ne prête pas le flanc à la critique. Il ressort en effet du règlement de fondation que les deuxièmes bénéficiaires – dont fait partie la contribuable intimée – auront libre accès à leur part dès l’âge de 30 ans. Leur part est du reste clairement déterminée et correspond, selon ledit règlement, au solde des avoirs de la fondation après la distribution de montants de CHF 10'000.- à CHF 100'000.- à des tiers, lequel est réparti à parts égales entre les petits-neveux et petites-nièces nés ou à naître. Dans ces circonstances, l’administration fiscale pouvait retenir que le versement reposait sur une obligation juridique et nier ainsi la réalisation de l'animus donandi.

Aucun autre motif d’exonération n’entre en ligne de compte. La contribuable, à qui incombe le fardeau de la preuve de l’existence d’une exception, ne le soutient du reste pas. On relèvera en particulier que le montant litigieux ne peut pas être exonéré en tant que subsides provenant de fonds privés, en vertu de l'art. 24 let. d LIFD. Cette disposition vise à exonérer l'aide aux personnes défavorisées ou nécessiteuses, qui est accordée en général par des fondations, des associations caritatives ou d'autres entités poursuivant des buts désintéressés de pure utilité publique (ATF 146 II 6 consid. 6.2 ; 137 II 328 consid. 4.1). Or, aucun élément ne permet de retenir que la contribuable serait une personne défavorisée ou nécessiteuse. Il n'y a donc pas lieu d'examiner plus avant les conditions de cette disposition.

C’est encore le lieu de préciser que la contribuable n’a pas démontré avoir supporté une charge déductible en lien avec ce versement. Elle fait certes valoir que le montant reçu de la part de la fondation a déjà été soumis au droit des successions. Or, aucune disposition de la LIFD ou de la LIPP ne permet une telle déduction, étant précisé que l’énumération des déductions générales des art. 33 LIFD et 31 à 33 LIPP est exhaustive (art. 9 al. 4 LHID). S’ajoute à cela que l’imposition en 2016 des actifs de la fondation ne concernait pas la contribuable. Il ressort en effet des pièces au dossier, en particulier de l’avis de taxation rectificatif du 24 août 2016 et de l’ordre de transfert bancaire du 31 octobre 2016 (annexe à la pièce 6 du bordereau produit par la contribuable devant le TAPI) que cette imposition a été effectuée dans le chef de l’hoirie de la défunte, dont la contribuable ne faisait pas partie.

Reste à voir si, comme le soutient la contribuable, une telle solution contrevient à la protection de la bonne foi et à l’interdiction du dualisme des méthodes.

La chambre administrative rappellera, à titre liminaire, que le droit fiscal est dominé par le principe de la légalité et que le principe de la bonne foi n’a qu’une influence limitée, surtout s’il entre en conflit avec celui de la légalité. Ainsi, la contribuable ne peut bénéficier d’un traitement dérogeant à la loi que si les conditions de la bonne foi – qui doivent être interprétées de manière stricte – sont remplies de manière claire et sans équivoque. En l’occurrence, s’agissant de l’exigence selon laquelle l’autorité doit s’être prononcée dans un cas concret à l’égard d’une personne déterminée, il ne ressort pas du dossier que l’AFC-GE aurait assuré à la contribuable intimée qu’elle ne serait pas imposée sur le montant distribué par la fondation. Invitée à se déterminer sur les conséquences fiscales de cette distribution, l’AFC-GE a refusé la proposition de la fondation de n’imposer que la différence entre le capital soumis aux droits des successions et le capital reçu, considérant au contraire que le montant distribué devait être soumis, dans son intégralité, à l’impôt sur le revenu. Le fait qu’une grande partie de ce montant ait déjà été soumis aux droits de succession ne peut remplacer une prise de position expresse de l'administration fiscale pour la période fiscale en cause. On ne saurait, au demeurant, considérer que l’imposition au droit des successions à laquelle a procédé l’administration fiscale en 2016 ait constitué une sorte d’assurance quant à la manière d’imposer la distribution de la part de la fondation. Comme il a été mentionné supra, cette imposition a été effectuée dans le chef de l’hoirie de la défunte, dont la contribuable ne faisait pas partie. La contribuable ne prétend pas le contraire. À cet égard, il importe peu de savoir si la méthode adoptée par l’AFC-GE en 2016 pour imposer les avoirs attribués à la fondation était fondée sur la théorie de l’évasion fiscale, comme le soutient la recourante, ou sur la pratique en matière de trusts, comme l’a retenu la juridiction précédente, suivie en cela par la contribuable. Est seul déterminant le fait qu’en sa qualité de petite-nièce ne faisant pas partie de l’hoirie, la contribuable n’était pas concernée par l’imposition des avoirs de la fondation en 2016. On ne voit d'ailleurs pas, sous l'angle de la protection de la bonne foi et de l'interdiction du comportement contradictoire, quelles dispositions – sur lesquelles elle ne saurait revenir sans subir de préjudice – la contribuable aurait prises sur la foi de la décision en question. C’est par conséquent en vain que la contribuable invoque le principe de la bonne foi.

Quant à l'interdiction jurisprudentielle du dualisme de méthodes dans l'interprétation d'une même notion juridique, qui relève de l'interdiction du comportement contradictoire, elle n'est pas directement pertinente dans la présente situation. Cette jurisprudence s’applique en effet à l’égard des mêmes contribuables. Or, comme il a été relevé ci-avant, les droits de successions ont été prélevés dans le chapitre fiscal de l’hoirie. Ainsi, le fisc ne saurait être lié par une méthode adoptée initialement à l’égard d’une autre contribuable, et cela quand bien même il admet que c’était par erreur qu’il a procédé à l’imposition, au niveau des droits des successions, des avoirs de la fondation en les traitant comme des legs. La chambre de céans relèvera, à titre superfétatoire, qu’à suivre le raisonnement de l’administration fiscale, les avoirs de la fondation auraient dû être soumis aux droits d’enregistrement, soit un impôt indirect. Or, selon la jurisprudence, il n’y a pas de dualisme d’interprétation interdit en présence d’impôts qui ne sont pas comparables (arrêt du Tribunal fédéral 2C_392/2008 du 1er septembre 2009 consid. 4.4).

Il s’ensuit que la contribuable ne peut rien tirer du principe de la bonne foi et de l’interdiction du dualisme des méthodes.

Les considérants qui précèdent conduisent à l’admission du recours. Le jugement querellé sera ainsi annulé et les décisions sur réclamation du 17 mars 2022 relatives aux taxations ICC et IFD 2020 de l’AFC-GE seront rétablies.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de procédure de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la contribuable intimée, laquelle a conclu au rejet du recours (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, l'autorité recourante ayant recouru dans son propre intérêt et disposant de son service juridique (art. 87 al. 2 LPA).

 

******

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 février 2023 par l’administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 décembre 2022 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 décembre 2022 ;

rétablit les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 17 mars 2022 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, à ECHO SA, mandataire de l’intimée, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’à l'administration fédérale des contributions.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :