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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3760/2023

ATA/83/2024 du 23.01.2024 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3760/2023-EXPLOI ATA/83/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 janvier 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Bogdan PRENSILEVICH, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DU NUMÉRIQUE intimé



EN FAIT

A.           Par décision du 11 octobre 2023, le département des institutions et du numérique (ci-après : DIN) a ordonné à A______, sous la menace de la peine d’amende prévue à l’art. 292 CP, de cesser immédiatement l’exploitation de tout salon de massages ou agence d’escorte dans le canton de Genève et lui a interdit une telle exploitation pendant dix ans, déclarant sur ces deux points la décision exécutoire nonobstant recours, lui infligeant une amende de CHF 1'000.- et mettant un émolument de CHF 500.- à sa charge.

Il ressortait d’un rapport de la brigade de lutte contre la traite des êtres humains et la prostitution illicite (ci-après : BTPI) que A______ mettait régulièrement les appartements suivants à disposition de personnes exerçant la prostitution : trois appartements à l’avenue B______, deux appartements à la rue de C______, deux appartements à la rue D______ et un appartement à la rue E______. Ces appartements étaient essentiellement destinés à des travailleuses et travailleurs du sexe. Ainsi, F______ exerçait la prostitution, sans autorisation de travail, au sein de l’appartement n° 5 sis avenue B______ en compagnie de G______, également dépourvu d’autorisation de travail. Interrogé à ce sujet, A______ avait expliqué qu’il louait l’appartement à H______, qui était enregistrée auprès de la BTPI comme travailleuse du sexe et que durant les absences en Espagne de celle-ci, il relouait l’appartement à des tiers. Il avait précisé que I______, femme transgenre, louait l’appartement n° 10 et qu’au vu de sa « consommation Internet », elle avait probablement « une activité en ligne ». A______ avait également déclaré que l’appartement sis au rez-de-chaussée de la rue de C______ était loué par J______, qui y exerçait la prostitution. Au sujet d’autres personnes auxquelles il louait des appartements, dont plusieurs étaient transgenres, il avait indiqué qu’il pouvait « imaginer qu’il s’agi[ssai]t de prostituées », tout en affirmant qu’il ne le savait pas, car ce n’était « pas [se]s affaires ».

Dans ses observations, A______ avait contesté exploiter des salons de massages, exposé qu’il n’intervenait d’aucune manière dans l’activité prostitutionnelle et que le fait qu’il avait deviné que certaines personnes se livraient à la prostitution ne suffisait pas à conclure à l’exploitation d’un salon de massages.

A______ n’avait pas produit les baux pourtant demandés. Le DIN a retenu l’existence de l’exploitation de salons de massages et constaté qu’aucune demande de changement d’affectation et d’annonce à la BTPI préalablement à l’exploitation desdits salons – obligation que l’intéressé devait connaître en sa qualité d’ancien exploitant d’un salon de massages – n’avait été faite.

B.            a. Par acte expédié le 13 novembre 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre cette décision, dont il a demandé l’annulation. Aucune sanction ne pouvait être prononcée à son encontre.

Rien dans ses offres de location des appartements ne faisait référence à la prostitution. Son activité s’était limitée à la mise en location d’appartements à des personnes seules. La notion de « salon de massages éclaté », développée par la chambre administrative, était dépourvue de base légale. Son activité était celle d’un sous-bailleur. Il vivait de ses revenus immobiliers ; la décision portait ainsi atteinte à sa liberté économique.

b. Le DIN a conclu au rejet du recours.

Il a rappelé que le recourant avait été sanctionné le 12 juin 2020 à une amende de CHF 2'500.- et d’un avertissement, pour avoir exploité un salon de massage « K______ » de manière illicite au ______, avenue B______, permis à quatre travailleuses du sexe de travaille dans ses établissements sans autorisation de travail, manqué à ses obligations en matière de tenue du livre de police et de conservation des quittances et manqué à ses obligations en matière de gestion personnelle et effective d’un salon.

c. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

d. Par décision du 3 janvier 2024, la requête de restitution de l’effet suspensif a été rejetée.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

f. Les éléments suivants ressortent du rapport de police du 4 juillet 2023 :

F______ avait été arrêté le 22 janvier 2023 alors qu’il exerçait sans titre de séjour une activité de travailleur du sexe, dans l’appartement n° 5 au 1er étage de l’immeuble sis avenue de B______. G______, également travailleur du sexe se trouvait aussi dans ledit logement, dépourvu d’autorisation de travail. Le premier cité avait déclaré qu’il louait l’appartement à un prénommé « L______ », dont le numéro de téléphone s’était avéré être celui du recourant

Celui-ci avait déclaré qu’il louait l’appartement à H______, qui était enregistrée comme travailleuse du sexe. Lorsqu’elle était en Espagne, elle ne payait pas de loyer et il relouait l’appartement. En janvier 2023, il avait loué l’appartement à G______. Il payait un loyer de CHF 1'860.-, charges comprises pour cet appartement. H______ le lui louait CHF 3'000.- par mois. En son absence, il le louait CHF 700.- par semaine.

Il louait également l’appartement n° 10 sis au 3e étage de cet immeuble, pour CHF 1'800.- par mois. Il le sous-louait à une personne transgenre, soit I______, pour CHF 3'000.-.

Il louait un appartement au rez-de-chaussée du ______, rue C______, pour CHF 1'320.- par mois. Il le sous-louait à M______, également transgenre, pour CHF 700.- par semaine. Cette personne louait une des chambres du salon de massage qu’il exploitait précédemment.

Les loyers encaissés figuraient dans la comptabilité de sa société N______. Il était chauffeur de taxi à 50 % et gérant de sa société à 50 %. Il se doutait que ses locataires travaillent dans le milieu de la prostitution, mais ce n’était pas son rôle de leur poser la question. Il sous-louait les appartements sans faire de distinction en fonction de l’activité professionnelle des locataires. Hormis pour H______, il concluait les contrats de sous-location oralement.

Il sous-louait aussi deux studios à la rue D______. Le premier, sis au rez‑de‑chaussée, était loué par ses soins CHF 1'600.-, charges comprises, par mois. Il le sous-louait depuis septembre 2022, à O______, également transgenre, pour un loyer hebdomadaire de CHF 700.-. Le second, sis au 4e étage, était loué mensuellement à CHF 1'600.-, charges comprises, et sous-loué par lui à P______, pour CHF 700.- par semaine. Cette dernière y logeait depuis le 12 juin 2023. Précédemment, il avait été vide pendant trois semaines après avoir été loué à Q______, pendant trois semaines.

Il sous-louait un appartement au 7e étage de l’avenue B______ pour CHF 1'345.-. Il le sous-louait depuis deux semaines, CHF 700.- par semaine, à R______. Précédemment, il avait été vide après avoir été loué à S______, personne transgenre, qui l’avait occupé deux semaines, qui aurait dû lui verser CHF 700.- par semaine, mais ne lui en avait versé que CHF 200.-. Il pouvait imaginer qu’il s’agissait de prostituées, mais ne le savait pas ; ce n’étaient pas ses affaires.

Il y avait encore l’appartement de son ex-épouse sis au 1er étage de la rue de C______, pour lequel il payait un loyer mensuel de CHF 1'450.-, charges comprises. Il le sous-louait, depuis le 12 juin 2023, à un prénommé T______, également transgenre, pour CHF 700.- par semaine. Il avait précédemment été loué pendant deux semaines à une autre personne transgenre, nommée U______. Il sous-louait cet appartement de cette manière depuis fin 2021.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant conteste exploiter un salon de massage.

2.1 La loi sur la prostitution du 17 décembre 2009 (LProst- I – 2.49) a pour principal objectif de permettre aux personnes qui se prostituent, c'est-à-dire se livrent à des actes sexuels ou d'ordre sexuel avec un nombre déterminé ou indéterminé de clients, moyennant rémunération (art. 2 al. 1 LProst), d'exercer leur activité dans des conditions aussi dignes que possible (art. 1 let. a LProst).

Selon la jurisprudence, le but poursuivi par la LProst ne se confine pas à la prévention d'infractions pénales. Elle tend aussi à favoriser l'exercice conforme au droit de l'activité de prostitution dans son ensemble, ainsi qu'une gestion correcte et transparente des établissements publics actifs dans ce domaine à risque. Elle vise également le but d’intérêt public légitime de protection des personnes exerçant la prostitution contre l’exploitation et l’usure (ATA/443/2023 du 26 avril 2023 consid. 4.3 ; ATA/1373/2017 du 10 octobre 2017 et les arrêts cités).

2.2 Selon l'art. 8 LProst, la prostitution de salon est celle qui s'exerce dans des lieux de rencontre soustraits à la vue du public (al. 1), quels que soient ces lieux (al. 2). Le local utilisé par une personne qui s'y prostitue seule, sans recourir à des tiers, n'est toutefois pas qualifié de salon au sens de la loi (al. 3).

La loi ne pose pas d'exigences quant au nombre d'utilisatrices, au nombre de pièces et au type de l'appartement. Selon le message du Conseil d'État du 10 mars 2009 à l'appui de la loi (alors projet de loi PL 10447), le terme « salon » doit être interprété de façon très large. Il fait référence à tous les endroits soustraits à la vue du public où des personnes exercent la prostitution (appartements, studios, saunas, fitness, bains turcs, caravanes, etc.) (p. 21). Selon le rapport de la commission judiciaire et de la police du Grand Conseil du 17 novembre 2009 chargée d'examiner le projet de loi, l'amendement de l'art. 8 al. 3 LProst a été adopté à l'unanimité moins une abstention, suite à une discussion sur l'opportunité de préciser le type de local, la location ou la copropriété, et des remarques sur les précisions éventuelles quant au nombre de pièces et au nombre d'utilisatrices ou encore des utilisateurs, qui s'est achevée par le constat « qu'à vouloir apporter trop de précisions, juridiques ou géographiques, cet article deviendrait problématique » (rapport de la commission, p. 36). L'art. 8 al. 3 LProst sera adopté avec le reste de la loi par le Grand Conseil à l'unanimité des votants le 17 décembre 2009.

2.3 La personne responsable au sens du projet de loi est la personne physique qui met à disposition de tiers des locaux destinés à l'exploitation d'un salon, qu'elle soit locataire, sous-locataire, usufruitière, propriétaire ou copropriétaire. La plupart du temps, c'est la personne qui exploite le salon et c'est à elle qu'incombe la responsabilité de remplir les exigences en matière d'annonce (rapport du Conseil d'État, cité, p. 22).

2.4 Dans un précédent de 2012, la chambre administrative a jugé qu'en partageant un local qu'elle louait avec au moins une autre prostituée contre versement d'une participation au loyer, la justiciable était bien responsable d'un salon au sens de l'art. 8 LProst, aucun lien de subordination n'étant par ailleurs requis (ATA/14/2012 du 10 janvier 2012 consid. 5).

2.5 Toute personne physique qui, en tant que locataire ou sous-locataire exploite un salon et met à disposition de tiers des locaux affectés à l'exercice de la prostitution doit s'annoncer, préalablement et par écrit, aux autorités compétentes en indiquant le nombre et l'identité des personnes qui y exercent la prostitution (art. 9 al. 1 LProst. La personne qui effectue l'annonce est considérée comme personne responsable au sens de la LProst (art. 9 al. 4 LProst).

2.6 Selon l'art. 10 LProst, la personne responsable d'un salon doit, au nombre des conditions personnelles à remplir, offrir, par ses antécédents et son comportement, toute garantie d'honorabilité et de solvabilité concernant la sphère d'activité envisagée (let. c), être au bénéfice d’un préavis favorable du département du territoire confirmant que les locaux utilisés peuvent être affectés à une activité commerciales (let. d), ne pas avoir été responsable au cours de dix dernières années d’un salon ou d’une agence d’escorte ayant fait l’objet d’une fermeture ou d’une interdiction d’exploiter (let. e).

2.7 L'art. 11 LProst prévoit que la personne responsable d'un salon est tenue de communiquer immédiatement aux autorités compétentes tout changement des personnes exerçant la prostitution et toute modification des conditions personnelles intervenues depuis l'annonce initiale.

2.8 Selon l’art. 12 LProst, la personne responsable d'un salon a notamment pour obligations : a) de tenir constamment à jour et en tout temps à disposition de la police, à l'intérieur du salon, un registre mentionnant l'identité, le domicile, le type d'autorisation de séjour et/ou de travail et sa validité, les dates d'arrivée et de départ des personnes exerçant la prostitution dans le salon ainsi que les prestations qui leur sont fournies et les montants demandés en contrepartie. Pour ces derniers, une quittance détaillée, datée et contresignée par les deux parties leur sera remise, dont une copie devra également être en tout temps à disposition de la police à l'intérieur du salon ; b) de s'assurer qu'elles ne contreviennent pas à la législation, notamment celle relative au séjour et au travail des étrangers, et qu'aucune personne mineure n'exerce la prostitution dans le salon ; c) d'y empêcher toute atteinte à l'ordre public, notamment à la tranquillité, à la santé, à la salubrité et à la sécurité publiques ; d) de contrôler que les conditions d'exercice de la prostitution y sont conformes à la législation, en particulier qu'il n'est pas porté atteinte à la liberté d'action des personnes qui se prostituent, que celles-ci ne sont pas victimes de la traite d'êtres humains, de menaces, de violences, de pressions ou d'usure, ou que l'on ne profite pas de leur détresse ou de leur dépendance pour les déterminer à se livrer à un acte sexuel ou d'ordre sexuel ; e) d'autoriser l'accès des collaborateurs des services chargés de la santé publique afin de leur permettre de procéder aux contrôles et activités de prévention relevant de leur compétence ; f) d'intervenir et d'alerter les autorités compétentes si elle constate des infractions dans le cadre des obligations qui lui incombent en vertu des lettres a à e ; g) d'exploiter de manière personnelle et effective son salon, de désigner en cas d'absence un remplaçant compétent et instruit de ses devoirs dont elle répond, et d'être facilement atteignable par les autorités compétentes; le prête-nom est strictement interdit.

2.9 En l’espèce, il ressort des déclarations du recourant à la BTPI qu’il sous-loue en tout cas sept appartements à un loyer similaire, fixé en général à la semaine. Ce loyer, de CHF 700.- par semaine, est nettement supérieur à celui dont il s’acquitte en faveur du bailleur de CHF1'320.-, CHF 1'345.-, CHF 1'450.-, CHF 1'600.- ou encore CHF 1'860.- par mois. Selon ses propres indications, il loue ses appartements à des personnes transgenres. Il a également déclaré qu’il se doutait que celles-ci exerçaient une activité professionnelle de travailleuse ou travailleur du sexe dans les appartements qu’il leur louait, étant précisé que l’une d’elles avait dans le passé travaillé dans le salon de massage précédemment exploité parle recourant.

Compte tenu des durés (souvent à la semaine) des locations conclues par le recourant, de l’absence de contrats écrits, des loyers pratiqués et de la connaissance que le recourant avait de la profession de prostituée de l’une de ses locataires et que les autres étaient transgenres, ses allégations selon lesquelles il se limitait à louer des appartements à des particuliers sans y favoriser l’exercice de la prostitution ne sont pas crédibles. Contrairement à ce que laisse entendre le recourant, le fait que les appartements soient tous occupés de manière prépondérante par des travailleurs ou travailleuses du sexe ne relève pas du hasard. Dès lors que, selon ses propres allégations, le « bouche à oreille » suffisait pour trouver des locataires. Or, le fait de trouver des locataires disposés à conclure des baux oraux, de courte durée et pour des loyers excessifs, démontre que son activité est associée à l’exercice de la prostitution et non à la location d’appartements destinés à l’habitation.

Au contraire, les éléments précités, en particulier la courte durée de location, le loyer élevé perçu par le recourant et le choix de ses locataires, essentiellement transgenres, établissent qu’il mettait les appartements en question à disposition de ses locataires pour l’exercice de la prostitution. Le recourant connaissait d’ailleurs l’une des locataires qui avait travaillé précédemment dans son salon de massage et a, au demeurant, expliqué qu’il se doutait de ce que ses locataires pratiquaient la prostitution dans lesdits appartements.

Le DIN a ainsi retenu à juste titre que le recourant exploitait un salon de massage au sens de l’art. 8 al. 1 LProst par la mise à disposition de plusieurs appartements qu’il savait destinés à l’exercice de la prostitution.

Cette mise à disposition se faisait de manière commerciale, le recourant en retirant, lorsque tous les appartements étaient loués aux tarifs qu’il pratiquait, des revenus allant jusqu’à CHF 20'000.- par mois, alors que les loyers des sept appartements totalisent CHF 10'975.-. En encaissant des sous-loyers aussi élevés, le recourant profitait des revenus réalisés par l’exercice de la prostitution de ses sous-locataires. Les locations – hormis celle relative à H______, qui semblait y avoir établi son domicile – ne visaient jamais des fins d’habitation, la durée limitée ainsi que la situation administrative des sous-locataires (majoritairement d’origine étrangère, voire sans titre de séjour ni autorisation de travail) s’y opposant.

Or, le recourant ne s’est pas annoncé préalablement à l’exploitation de ces sept appartements comme salon de massage à la BPTI, ne s’est pas conformé à ses obligations en matière de tenue du livre de police et de conservation des quittances et ni à celles en matière de gestion personnelle et effective d’un salon, ni encore n’a pas requis le changement d’affectation des appartements en vue d’y exercer une activité commerciale.

Le DIN a donc, à juste titre, constaté que le recourant avait violé les art. 9 al. 1, 10 let. d, 11 et 12 LProst.

3.             Reste encore à examiner si les mesures et sanctions infligées au recourant respectent le principe de la proportionnalité.

3.1 L'art. 14 LProst a trait aux mesures et sanctions administratives dont peut faire l'objet la personne responsable d'un salon (al. 1) qui n'a pas rempli son obligation d'annonce en vertu de l'art. 9 LProst (let. a), ne remplit pas ou plus les conditions personnelles de l'art. 10 LProst (let. b), n'a pas procédé aux communications qui lui incombent en vertu de l'art. 11 LProst (let. c) ou n'a pas respecté les obligations que lui impose l'art. 12 LProst (let. d). L'autorité compétente prononce, selon la gravité ou la réitération de l'infraction (al. 2) l'avertissement (let. a), la fermeture temporaire du salon, pour une durée de un à six mois et l'interdiction d'exploiter tout autre salon, pour une durée analogue (let. b) ou la fermeture définitive du salon et l'interdiction d'exploiter tout autre salon pour une durée de dix ans (let. c).

3.2 La fermeture, temporaire ou définitive, est conçue davantage comme une mesure administrative, destinée à protéger l'ordre public et la liberté d'action des personnes qui se prostituent que comme une sanction. Pour être efficace, une telle mesure doit être accompagnée d'une véritable sanction administrative consistant en une interdiction d'exploiter tout autre salon afin d'empêcher la personne concernée de poursuivre, ou reprendre, l'exploitation d'un autre établissement quelques rues plus loin (MGC 2008-2009/VII A 8669).

3.3 Indépendamment du prononcé des mesures et sanctions administratives, l'autorité compétente peut infliger une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- à toute personne ayant enfreint les prescriptions de la loi ou ses dispositions d'exécution (art. 25 al. 1 LProst).

Les amendes administratives prévues par la législation cantonale sont de nature pénale. Leur quotité doit ainsi être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/991/2016 du 22 novembre 2016 consid. 6a ; ATA/810/2016 du 27 septembre 2016 consid. 4a et la référence citée). En vertu de l'art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, ce qui vaut également en droit administratif sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 1 et 3 et 107 CP). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. L'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/991/2016 précité consid. 6a).

3.4 Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a confirmé la fermeture définitive d'un salon de massages pour défaut de préavis exigé par la loi (ATA/568/2023 du 30 mai 2023). En outre, la chambre de céans a également connu plusieurs dossiers dans lesquels le département a ordonné des fermetures définitives avec une interdiction d'exploiter durant dix ans. Les recours contre ces décisions ont tous été rejetés (ATA/934/2023 du 25 août 2023 ; ATA/791/2023 du 18 juillet 2023 ; ATA/443/2023 du 26 avril 2023 ; ATA/477/2022 du 4 mai 2022 ; ATA/1100/2020 du 3 novembre 2020 ; ATA/1373/2017 du 10 octobre 2017).

3.5 En l'espèce, les fautes commises par le recourant doivent être qualifiées de graves. Celui-ci, alors qu’il connaissait parfaitement la réglementation applicable, a tenté de cacher l’exploitation de sept appartements à des fins de prostitution. Il n’a pas communiqué cette situation spontanément au département, n’a pas signalé le nom des personnes exerçant la prostitution dans les sept appartements et n’a pas sollicité le changement d’affectation des locaux d’habitation. Il en a, régulièrement, retiré des revenus de plusieurs milliers de francs par mois.

L'ordre de fermeture, ainsi que l'interdiction d'exploiter pendant une durée de dix ans, privent uniquement le recourant de l'exercice d'une activité économique dans le domaine de la prostitution. Toute autre activité économique reste possible.

Au surplus, le recourant ne remplit plus la condition personnelle de solvabilité nécessaire à l'exploitation d’un salon de massage et d’une agence d’escorte. Son comportement, ainsi que ses affirmations hasardeuses quant à sa méconnaissance des nombreux actes de défauts de biens délivrés durant plusieurs années à son encontre comme à celle de la société permettent de douter de ses capacités et volonté à assumer la responsabilité d'un salon conformément à la LProst.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, aucune mesure moins incisive telle que l'avertissement (art. 14 al. 2 let. a LProst) ou la fermeture temporaire du salon, pour une durée de six mois, assortie d'une interdiction d'exploiter tout autre salon pour une durée analogue (art. 14 al. 2 let. b LProst), ne paraît suffisante. L'intérêt du recourant à pouvoir gérer des salons de prostitution doit ainsi céder le pas à l'intérêt public au respect des conditions gouvernant l'exploitation de ces établissements.

Il est encore relevé que le recourant ne conteste pas spécifiquement la quotité de l'amende qui lui a été infligée. Compte tenu de la gravité des infractions à la LProst le montant de CHF 1'000.-, qui se situe au bas de la « fourchette » prévue par l'art. 25 al. 1 LProst, ne prête pas le flanc à la critique et apparaît même clément.

Les mesures et sanctions infligées au recourant respectent donc le principe de la proportionnalité, de sorte que l'autorité intimée n'a pas violé la loi ni abusé de son pouvoir d'appréciation.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 novembre 2023 par A______ contre la décision du département des institutions et du numérique du 11 octobre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bogdan PRENSILEVICH, avocat du recourant, ainsi qu'au département des institutions et du numérique.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. DESCHAMPS

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :