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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/474/2023

ATA/40/2024 du 12.01.2024 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/474/2023-EXPLOI ATA/40/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 janvier 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ Sàrl recourante
représentée par Me Dominique LÉVY, avocat

contre

DIRECTION GÉNÉRALE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, DE LA RECHERCHE ET DE L’INNOVATION intimée
représentée par Me Stephan FRATINI, avocat



EN FAIT

A. a. La société A______ Sàrl (ci-après : la société) a pour but à teneur de l’extrait du registre du commerce du canton de Genève (ci-après : le RC) l’exploitation d’une boutique de vêtements et accessoires « B______ » ainsi que d’articles de prêt-à-porter multimarques et plus généralement commercialisation, importation et exportation de tous autres objets, mobiliers et habits se rapportant à la personne.

b. Par formulaire ad hoc rempli en ligne le 26 février 2021, la société a déposé une demande d’aide financière pour cas de rigueur auprès de la direction générale du développement économique, de la recherche et de l’innovation du département du développement économique, devenu le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : le département ou DEE). Son commerce avait dû fermer en raison des décisions prises dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19.

Était jointe à sa demande la convention d’octroi de contribution à fonds perdu, signée, qui rappelait les bases légales applicables ainsi que les engagements de véracité et d’exactitude des déclarations des entreprises. La convention mentionnait la question de la restitution des aides et la possibilité pour l’État de procéder à des contrôles.

c. Dans sa demande, la société a donné les informations comptables suivantes :

-          Montant du chiffre d’affaires réalisé du 1er janvier au 31 décembre 2020 : CHF 399'366.- ;

-          Montant des coûts totaux 2020 : CHF 3'922'723.- ;

-          Chiffre d’affaires réalisé pendant la fermeture en 2020 : CHF 5'669.-

d. Par décision du 19 mars 2021, le département a décidé d’octroyer à la société une aide financière à fonds perdu de CHF 61'706.-, montant calculé sur la base des chiffres indiqués dans le formulaire du 26 février 2021. La décision rappelait qu’une aide financière perçue à tort devrait être restituée.

B. a. Par décision du 12 octobre 2022, le département a ordonné la restitution d’une partie de l’aide allouée.

Ses services avaient procédé à des vérifications complémentaires, conformément au processus validé lors du dépôt de la demande en ligne. L’information comptable relative aux coûts totaux de l’entreprise était erronée, ce qui avait faussé le calcul de l’aide octroyée.

En effet, en lieu et place d’un montant de CHF 392'723.- correspondant aux coûts totaux de l’entreprise, le montant de CHF 3'922'723.- indiqué dans le formulaire. L’aide financière qui aurait dû être octroyée s’élevait ainsi à CHF 11'598.-, et non pas à CHF 61'706.-. La rétrocession de la différence était requise en application de l’art. 17 de la loi 12’938.

b. Dans sa réclamation du 21 octobre 2022, la société a demandé l’annulation de la décision précitée. Il était possible qu’une erreur de calcul ait été faite au sein du département lors de l’octroi de l’indemnité par décision du 19 mars 2021. Cette erreur ne rendait pas la décision erronée et sa rectification ne revêtait pas, pour l’État, une importance considérable.

c. Par décision sur réclamation du 1er février 2023, le département a confirmé sa décision de restitution du 12 octobre 2022, et requis la rétrocession en faveur de l’État d’un montant de CHF 50'421.10, représentant la différence entre le montant accordé à la société, et le montant auquel elle pouvait prétendre à la suite de la réclamation, détaillant les calculs effectués.

Il restait à disposition dans l’hypothèse où la conclusion d’un arrangement en vue d’un paiement « par tranches » s’avérait nécessaire.

C. a. Par acte expédié le 10 février 2023, la société a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à l’encontre de la décision précitée, concluant à son annulation. Il devait être dit que le département n’était pas fondé à réclamer la restitution de l’indemnité versée à fonds perdus à la suite de sa décision du 19 mars 2021.

Elle avait communiqué ses coûts fixes 2020 selon le formulaire établi par le département. Elle pouvait de bonne foi considérer que le département avait fixé l’attribution financière en sa faveur de manière correcte, et pouvait donc utiliser cette indemnité pour le fonctionnement de son entreprise, sans anticiper une rétrocession. Elle devait pouvoir se fier aux décisions de l’administration prises en sa faveur.

Le département avait correctement été informé du montant de ses coûts fixes. Si ce dernier avait fait une erreur qui avait été transposée dans sa décision du 19 mars 2021, l’indemnité versée n’était pas « indubitablement erronée » et « sa rectification ne [revêtait] pas une importance considérable ».

Au contraire, la demande en restitution de CHF 50'421.10 était de nature à lui causer un préjudice très important, puisque son chiffre d’affaires moyen des trois dernières années ne s’élevait qu’à CHF 380'000.-, pour des coûts fixes annuels de CHF 210'000.-, sans compter les amortissements et les frais variables.

Le département n’expliquait pas ses calculs quant au montant attribué par décision du 19 mars 2021.

b. Le département a conclu au rejet du recours.

Le montant octroyé par décision du 19 mars 2021 se basait sur les données erronées indiquées par la recourante dans le formulaire. Contrairement aux chiffres figurant dans le recours, il avait retenu au titre de coûts fixes CHF 122'568.20 et non CHF 206'855.- car le règlement prévoyait la prise en compte des charges sociales patronales et non les salaires eux-mêmes, sur une base forfaitaires, correspondant à 10 % des charges salariales totales, soit CHF 9'365.20 (10% x CHF 93'652.-).

Le calcul du montant de l’aide octroyée avait été faussé par le chiffre erroné des coûts totaux indiqué par la société. L’erreur de la recourante, qui avait entrainé une sur-indemnisation de CHF 50'108.-, n’avait pas été identifiée immédiatement par le département mais dans le cadre des contrôles a posteriori. En effet, l’examen des premières demandes avait été fait des données déclarées dans les formulaires en ligne, et non sur la base d’une instruction complète, afin de permettre l’octroi rapide des aides financières. L’art. 5.1 de la convention rappelait la nécessité de présenter les faits de manière exacte dans le formulaire en ligne. La recourante ne pouvait donc lui faire grief de s’être fié dans un premier temps de manière erronée à son indication des coûts totaux, même s’il s’agissait d’une erreur involontaire.

Enfin, dans le cadre de la réclamation, des petites différences étaient apparues en raison des pièces complémentaires transmises, conduisant à la modification du montant à restituer (CHF 50'421.10 au lieu de CHF 50'108.-), selon le calcul corrigé. La demande de restitution poursuivait un intérêt public particulièrement important, visant à rétablir une situation conforme au droit, à garantir l’égalité de traitement entre les administrés et à contribuer à une bonne gestion des deniers publics. La recourante avait bénéficié par erreur d’une aide excédant le cadre légal et largement supérieure à ses coûts fixes.

c. Dans sa réplique du 12 mai 2023, la recourante a ajouté que son bénéfice pour les quatre premiers mois de 2023 ne s’élevait qu’à CHF 1'253.65. Le magasin avait fermé pour cause de Covid-19 du 17 mars au 11 mai, puis du 1er au 27 novembre 2020. Faute de communication par le département de la manière de calculer le montant de l’indemnité dans sa décision du 19 mars 2021, elle ne pouvait pas identifier l’erreur. Au vu de sa situation financière, la restitution de l’indemnité ne revêtait pas une importance considérable pour le département.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

 

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision sur réclamation de l’intimée confirmant l’ordre adressé à la recourante de restituer un montant de CHF 50'421.10 dévolu au titre d’aide financière extraordinaire dans le contexte de la crise du Covid-19.

2.1 Le 25 septembre 2020, l’Assemblée fédérale a adopté la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de
Covid-19 (loi Covid-19 - RS 818.102). Celle-ci prévoit que la Confédération peut, à la demande d’un ou de plusieurs cantons, soutenir les mesures de ces cantons pour les cas de rigueur destinées aux entreprises (art. 12).

L’art. 12 al. 4 de la loi Covid-19 prévoit que le Conseil fédéral règle les détails dans une ordonnance.

2.2 Le 25 novembre 2020, le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l’épidémie de Covid-19 (ordonnance Covid-19 cas de rigueur 2020 ; ci-après : ordonnance Covid-19 - RS 951.262), modifiée à plusieurs reprises, qui prévoyait que la Confédération participait aux coûts et aux pertes que les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises occasionnaient à un canton (art. 1 al. 1). L’entreprise devait remplir un certain nombre d’exigences pour bénéficier du soutien financier (art. 2 à 6 ordonnance Covid-19).

2.3 Le 29 janvier 2021, le Grand Conseil genevois a adopté la loi 12'863 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après : aLAFE‑2021).

La loi avait pour but de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l’épidémie de coronavirus (Covid-19) pour les entreprises sises dans le canton de Genève conformément à la loi et à l’ordonnance Covid-19 (art. 1 al. 1), en atténuant les pertes subies par les entreprises dont les activités avaient été interdites ou réduites en raison même de leur nature entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2021 (art. 1 al. 2), et en soutenant par des aides cantonales certaines entreprises ne remplissant pas les critères de l’ordonnance Covid-19 en raison d’une perte de chiffre d’affaires insuffisante et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes dans les limites prévues à l’art. 12 (art. 1 al. 3).

Les aides financières consistent en une participation de l’État aux coûts fixes non couverts de certaines entreprises (art. 2 al. 1).

La participation financière indûment perçue devait être restituée sur décision du département (16 al. 1 aLAFE-2021). Est indûment perçue la participation financière utilisée à d’autres fins que la couverture des coûts fixes tels que précisés à l’art. 5 aLAFE-2021.

2.4 Le 3 février 2021, le Conseil d’État a adopté le règlement d’application de la loi 12'863 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus, pour l’année 2021 (aRAFE‑2021).

Le montant de l’indemnité correspond aux coûts fixes de l’entreprise en 2020, calculé au prorata du nombre de jours, à compter du 1er janvier 2021, pendant lesquels l’activité est totalement ou partiellement interdite (art. 9 al. 1 aRAFE‑2021). Est déduite du montant de l’indemnité accordée la part des coûts fixes couverts par le chiffre d’affaires éventuel, réalisé pendant la période de fermeture (vente à l’emporter, click and collect ; art. 9 al. 2 aRAFE-2021).

Selon l’art. 17 aRAFE-2021, l’entreprise demanderesse et le département signent une convention qui permet notamment au DEE d’obtenir des données sur l’entreprise nécessaires à l’étude des dossiers et à la gestion des aides auprès d’autres services fédéraux, cantonaux ou communaux. L’entreprise demanderesse collabore à l’instruction du dossier et renseigne régulièrement le DEE, afin de lui présenter une image fidèle et transparente de la marche de ses affaires (art. 20 aRAFE-2021). Les entreprises ayant bénéficié de l’octroi d’une aide s’engagent à faire parvenir au DEE, sur sa demande, durant les trois années qui suivent le versement de l’aide, la documentation permettant de vérifier que les conditions d’octroi ont été respectées (art. 23 aRAFE-2021).

Les montants indûment perçus, conformément à l’art. 16 aLAFE-2021, doivent être restitués (art. 24 al. 1 aRAFE-2021).

2.5 Le 30 avril 2021, le Grand Conseil a adopté la loi 12'938 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après : LAFE-2021), qui a abrogé l’aLAFE-2021 (art. 23), tout en en reprenant le dispositif pour l’essentiel. Elle prévoit que la participation financière indûment perçue doit être restituée sur décision du département (art. 17 al. 1 LAFE-2021).

2.6 Le 5 mai 2021, le Conseil d’État a adopté le règlement d’application de la loi 12'938 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus, pour l’année 2021 (ci-après : RAFE-2021), qui a abrogé l’aRAFE-2021 (art. 31), tout en en reprenant le dispositif pour l’essentiel, et a été modifié le 7 juillet 2021.

Le montant de l’indemnité correspond aux coûts fixes 2020 admis au sens de l’art. 7, dont la teneur correspond à celle de l’art. 5 aRAFE-2021, calculé à compter du 1er janvier 2021 au prorata du nombre de jours pendant lesquels l’activité est totalement ou partiellement interdite (art. 9 al. 1 RAFE-2021).

L’entreprise demanderesse et le département signent une convention qui permet à ce dernier de se procurer des données sur l’entreprise concernée auprès d’autres offices de la Confédération et des cantons ou de communiquer à ces offices des données sur l’entreprise, dans la mesure où celles-ci sont nécessaires à l’examen des demandes, à la gestion des aides et à la lutte contre les abus (art. 22 RAFE‑2021).

L’entreprise demanderesse collabore à l’instruction du dossier et renseigne régulièrement le département, afin de lui présenter une image fidèle et transparente de la marche de ses affaires (art. 25 RAFE-2021). En cas d’octroi d’une aide financière et versement d’un acompte, une décision rappelant les conditions et modalités d’octroi et de versement ainsi que les obligations du bénéficiaire est adressée aux entreprises (art. 27 al. 1 RAFE-2021). Les entreprises ayant bénéficié de l’octroi d’une aide s’engagent à faire parvenir au département, à sa demande, durant l’exercice au cours duquel le versement de l’aide a été effectué et durant les trois années qui suivent, la documentation permettant de vérifier que les conditions d’octroi ont été respectées (art. 28 RAFE-2021). Les montants indûment perçus, conformément à l’art. 17 LAFE-2021 doivent être restitués (art. 29 al. 3 RAFE‑2021).

2.7 Selon un principe général de droit intertemporel, rappelé dans l’arrêt 2C_339/2021 du Tribunal fédéral du 4 mai 2022 (consid. 4.1), les dispositions légales applicables à une contestation sont celles en vigueur au moment où se sont produits les faits juridiquement déterminants pour trancher celle-ci (ATF 146 V 364 consid. 7.1 ; 140 V 41 consid. 6.3.1). L’interdiction de la rétroactivité (proprement dite) des lois fait obstacle à l’application d’une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur (ATF 147 V 156 consid. 7.2.1).

De manière générale, une révocation est possible aux conditions prévues dans la loi (ATF 134 II 1 consid. 4.1) ou, en l’absence de base légale, également lorsqu’un intérêt public particulièrement important l’impose (ATF 139 II 185 consid. 10.2.3 ; 137 I 69 consid. 2.3 ; 135 V 215 consid. 5.2 ; 127 II 306 consid. 7a). La révocation d’une décision pour inexécution d’une obligation ne requiert pas de base légale, si cette obligation est l’une des conditions objectives que la loi pose à l’octroi d’une prestation : il s’agit là de « rétablir » l’ordre légal (ATA/1042/2022 du 17 octobre 2022 consid. 2f).

2.8 Un canton est tenu, lorsqu’il octroie des subventions, de se conformer aux principes généraux régissant toute activité administrative, soit notamment le respect de la légalité, de l’égalité de traitement, de la proportionnalité et de la bonne foi ainsi que l’interdiction de l’arbitraire (ATF 138 II 91 consid. 4.2.5 ; 136 II 43 consid. 3.2 ; 131 II 306 consid. 3.1.2).

Le principe de la bonne foi entre administration et administré exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
(Cst. - RS 101) exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale (arrêts du Tribunal fédéral 6B_266/2020 du 27 mai 2020 ; 1C_173/2017 du 31 mars 2017 consid. 2.3). En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7).

2.9 En l’espèce, le principe du remboursement des montants perçus indûment est expressément prévu par l’aLAFE-2021 (art. 16), par la LAFE-2021 (art. 17), ainsi que par la décision d’octroi et la convention signée par la recourante.

L’aide a été octroyée à la recourante sur la base de coûts fixes erronés, selon ses propres indications, ce dont le département s’est rendu compte a posteriori. Le chiffre retenu par l’intimée au titre des coûts fixes 2020 pris en compte dans un premier temps ressort en effet du formulaire. Le traitement des demandes par le département s’était fait sur la base des chiffres annoncés afin de privilégier une aide financière rapidement. La convention et la décision d’octroi insistaient cependant sur la nécessité de présenter les faits de manière exacte dans le formulaire en ligne, et la recourante ne peut donc opposer sa propre erreur au département, estimant que celui-ci aurait dû le constater immédiatement.

Pour ces raisons, le principe du remboursement des montants perçus indûment est fondé. La recourante ne saurait reprocher à l’intimée d’avoir été de mauvaise foi, la raison de l’erreur résultant du formulaire, rempli par ses soins. Que celle‑ci soit involontaire et provienne visiblement d’une erreur de frappe, n’est en soi pas déterminant, puisqu’elle est imputable à la société, étant rappelé que le formulaire consiste principalement en une douzaine de cases à compléter.

Elle ne peut ainsi faire grief à l’intimée de s’être fiée dans un premier temps aux informations fournies pour lui octroyer l’aide financière avant de réexaminer le dossier et de réformer sa décision.

Elle ne peut pas non plus se prévaloir de sa bonne foi. En particulier, elle ne peut prétendre s’être fiée de bonne foi à une décision de l’administration prise sur la base d’informations erronées, qui lui sont imputables, ni soutenir en avoir inféré des assurances, étant rappelé que le réexamen des demandes était réservé dans les contrats et dans la décision d’octroi.

Le grief sera donc écarté.

2.10 La recourante semble également contester implicitement le montant des coûts fixes retenu dans la décision querellée ainsi que le mode de calcul de l’indemnité, sans qu’il ressorte de ses écritures quels sont les montants qui seraient spécifiquement critiqués.

Le 26 février 2021, elle a indiqué dans le masque en ligne des coûts totaux 2020 de CHF 3'922'723.-. L’intimée lui a, dans un premier temps, en se fondant sur ce montant, octroyé une aide de CHF 61'706.-.

Dans un second temps, après un contrôle, a posteriori, l’intimée a arrêté l’aide que la recourante aurait dû en réalité toucher à CHF 11'284.88, selon la méthode de calcul prévue expressément par le règlement (art. 9 aRAFE-2021 et art. 9 RAFE-2021), méthode qui n’est pas critiquée par la recourante, et qui consiste à diviser le montant des coûts fixes (CHF 122'568.20) par 365 et à multiplier le quotient obtenu par le nombre de jours de fermeture en 2021, soit 40. Ce calcul, non critiqué par la recourante au demeurant, est également correct.

Enfin, contrairement à ce que celle-ci soutient, les montants retenus par le département sont corrects, même s’il existe une petite différence entre le montant requis dans la décision du 12 octobre 2022 et celui figurant dans celle sur réclamation, le département ayant entre-temps obtenu les données comptables finales relatives à l’exercice 2020 et au chiffre d’affaires réalisé durant les 40 jours de fermeture en 2021. Ce dernier s’élevait finalement à CHF 6'555.30, au lieu des CHF 5'669.- considérés dans la décision du 19 mars 2021.

Dès lors, l’intimée était fondée à réclamer à la recourante un montant de CHF 50'421.10 correspondant à la différence entre le montant qu’elle a effectivement touché (CHF 61'706.31) et celui qu’elle aurait dû percevoir (CHF 11'284.88). On ne discerne pas en quoi la décision ne respecterait pas le principe de la proportionnalité, ce que la recourante ne soutient d’ailleurs pas, dès lors que l’administration n’a aucun pouvoir d’appréciation ni quant au principe de la restitution ni quant à sa quotité. Pour le surplus, la décision rappelait que les services du département demeuraient à disposition de la société dans l’hypothèse où la conclusion d’un arrangement en vue d’un paiement par tranches devait s’avérer nécessaire.

C’est ainsi de manière conforme à la loi que le département a requis, dans sa décision sur réclamation, le remboursement de l’aide à hauteur de CHF 50'421.10.

Il découle de ce qui précède que le recours est mal fondé et doit être rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 février 2023 par A______ Sàrl contre la décision du département de l’économie et de l’emploi du 1er février 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ Sàrl ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dominique LÉVY, avocat de la recourante ainsi qu’à Me Stephan FRATINI, avocat de la direction générale du développement économique, de la recherche et de l’innovation.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER, Claudio MASCOTTO, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. MARINHEIRO

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :