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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2371/2023

ATA/1388/2023 du 19.12.2023 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2371/2023-EXPLOI ATA/1388/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 décembre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

DIRECTION GÉNÉRALE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, DE LA RECHERCHE ET DE L'INNOVATION intimée
représentée par Me Stephan FRATINI, avocat



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : la société) est une société à responsabilité limitée inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) depuis le 1er décembre 2017. Elle a pour but l’exploitation d’agences, en particulier de location de véhicules, ainsi que toutes activités liées de près ou de loin à ce domaine. B______ en est l’associé gérant avec signature individuelle.

B. a. Le 3 février 2021, la société a déposé, au moyen d’un formulaire en ligne, une demande pour cas de rigueur auprès du département devenu depuis lors celui de l’économie et de l’emploi (ci-après : département). L’associé gérant y était mentionné comme la personne responsable.

L’agence de location de véhicules, basée face à C______, avait subi de plein fouet la pandémie de COVID-19 en raison de la baisse de fréquentation touristique. Elle a annoncé un chiffre d’affaires (ci-après : CA) de CHF 112'040.- pour l’année 2018 et de CHF 210'912.- pour l’année 2019. Pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2020, elle a annoncé un CA de CHF 86'726.-. Elle avait réalisé un CA de CHF 4'800.- pendant la période de fermeture en 2021.

b. Le 1er mars 2021, le département a octroyé à la société une aide financière de CHF 536.- pour la période de fermeture du 18 janvier au 3 février 2021. Il a retenu des coûts fixes de CHF 114'539.60 pour l’année 2020 et un CA de CHF 4'800.- réalisé pendant la période de fermeture 2021.

Le 10 mars 2021, le département lui a accordé un complément d’aide financière de CHF 27'294.-, déduction faite des CHF 536.- précédemment perçus. Il a retenu, pour l’année 2020, un CA de CHF 86'726.-, des coûts totaux de CHF 114'556.- et des coûts fixes de 114'539.60. Cette décision se fondait sur la loi relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus, pour l’année 2021 (12’863) du 29 janvier 2021 (ROLG 2021, p. 8 ; ci-après : aLAFE-2021).

c. Le 15 juin 2021, le département, se référant à la demande déposée le 3 février 2021, a informé la société de la possibilité de solliciter une aide financière extraordinaire sous forme d’acompte pour le 1er semestre 2021 en application de la loi relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus, pour l’année 2021 (12'938) du 30 avril 2021 (ROLG 2021, p. 264 ; ci-après : LAFE-2021) et son règlement d’application du 5 mai 2021 (ROLG 2021, p. 283 ; ci-après : RAFE-2021). Toute entreprise qui souhaitait bénéficier de la procédure par voie d’acompte devait en faire la demande formelle en retournant l’avenant annexé à ce courrier. Un tel avenant, qui ne contient aucune information comptable, a été retourné par la société le 18 juin 2021.

d. Le 9 juillet 2021, le département a accordé à la société un acompte de CHF 4'465.20 pour le 1er semestre 2021, sa demande satisfaisant aux conditions requises pour bénéficier de l’aide financière à la suite de l’analyse des documents transmis. Le montant définitif de l’aide devait être déterminé a posteriori sur la base de l’examen des états financiers de l’entreprise au 30 juin 2021. Elle devait d’abord déposer une nouvelle demande d’aide pour l’année 2020 sur la base des états financiers 2020 définitifs. Une fois cette demande traitée, elle recevrait une communication lui donnant les instructions pour déposer une demande d’aide complémentaire pour le 1er semestre 2021.

L’attention de la société était attirée sur le fait que la décision définitive d’indemnisation pourrait potentiellement être moins élevée que le montant versé à titre d’acompte et impliquer, cas échéant, un remboursement partiel de celui-ci.

e. Le département a relancé la société le 3 août 2021, l’invitant à déposer une nouvelle demande d’aide pour l’année 2020, accompagnée des états financiers 2020 définitifs via le formulaire en ligne prévu à cet effet, ce que la société a fait le 31 août 2021. Elle avait annoncé pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2020 un CA définitif de CHF 106'641.- pour l’activité concernée, sans le montant de l’aide déjà reçue, et un CA définitif global de CHF 133'641.-. Le montant du CA des douze derniers mois s’élevait à CHF 98'594.-.

f. Le 28 septembre 2021, le département a invité la société, afin de lui permettre d’évaluer son droit à une aide complémentaire pour la période de 1er janvier au 30 juin 2021, à lui retourner un formulaire dûment rempli ainsi que diverses pièces.

g. La société a, en réponse, déposé une déclaration complémentaire le 31 octobre 2021, annonçant un CA définitif réalisé du 1er janvier au 30 juin 2021 pour l’activité concernée de CHF 23'760.- et un CA global de CHF 40'936.-.

h. Le 23 décembre 2021, le département a confirmé à la société son droit à une aide financière de CHF 4'465.20 pour la période du 1er janvier au 30 juin 2021, comme cela lui avait été signifié le 9 juillet 2021. Il s’était fondé sur un CA – défini comme le total des produits duquel étaient déduites les éventuelles aides « cas de rigueur » comptabilisées – de CHF 72'616.98, des coûts totaux de CHF 148'502.67 et des coûts fixes de CHF 92'407.50.

i. Le 25 février 2022, le Conseil d’État a informé la société que les plafonds maximum d’aide admis par entreprise avaient été relevés et qu’une aide financière complémentaire de CHF 16'147.60 pour la période du 1er janvier 2020 au 31 juin 2021 lui était octroyée.

j. Le 1er mai 2022, la société a déposé une déclaration complémentaire pour le 2ème semestre 2021. Elle a annoncé un CA définitif de CHF 72'570.-. pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2021.

k. Le 13 juin 2022, le département, soit pour lui la direction générale du développement économique, de la recherche et de l’innovation (ci-après : DERI) a refusé d’octroyer une aide financière à la société pour le second semestre 2021. Elle avait atteint les plafonds prévus par la loi.

l. Sur les formulaires en ligne pour cas de rigueur remplis en ligne les 3 février et 31 août 2021, la société a répondu « oui » aux questions : « Votre activité ou établissement faisant l’objet de cette demande a-t-il été fermé au mois de novembre 2020 par décision administrative cantonale ou fédérale en lien avec la crise COVID‑19 ? » et « Votre établissement ouvert au public a-t-il dû fermer par décision administrative cantonale ou fédérale à compter du 18 janvier 2021 (ex. Commerce) ? ». Ces demandes, ainsi que les déclarations complémentaires des 31 octobre 2021 et 1er mai 2022, contenaient une déclaration sur l’honneur à teneur de laquelle les organes de la société avaient conscience qu’en fournissant intentionnellement des renseignements inexacts, faux ou incomplets, ils étaient susceptibles de s’exposer à des poursuites pénales pour escroquerie ou faux dans les titres. Ils certifiaient que les indications fournies étaient exactes et que l’aide était bien versée au titre de l’entreprise. La déclaration indiquait que le département pouvait en tout temps effectuer des contrôles. La société a validé cette déclaration sur chaque formulaire.

L’associé gérant de la société a par ailleurs signé une convention d’octroi de contribution à fonds perdu (ci-après : convention) le 3 février 2021. Les bases légales applicables ainsi que les engagements relatifs au respect de la véracité des déclarations y étaient mentionnés. Il en va de même notamment de l’avenant du 18 juin 2021.

Les décisions d’octroi d’aide financière précitées comportaient la mention selon laquelle des contrôles a posteriori visant à vérifier l’exactitude des informations transmises pouvaient être effectués. L’aide versée à tort devrait être restituée.

m. Le 6 octobre 2022, la DERI a interpellé la société par courriel. Conformément au processus que celle-ci avait validé lors du dépôt de ses demandes pour l’année 2021, des contrôles pouvaient être effectués en tout temps. Aussi, il l’invitait à répondre à plusieurs questions, ce qu’elle a fait le 13 octobre 2022.

C. a. Par décision du 6 décembre 2022, la DERI a demandé à la société la restitution de CHF 48'442.80.

Les vérifications complémentaires effectuées démontraient, sur la base des états financiers 2020 définitifs remis à l’administration fiscale cantonale, que son CA pour l’année en question s’élevait à CHF 148'161.42, alors que celui retenu dans la décision du 10 mars 2021 sur la base des informations transmises le 3 février 2021 s’élevait à CHF 86'726.-. Le taux de perte était donc de 7.12% inférieur à celui initialement calculé sur la base exclusive de sa déclaration (46.29%).

Le calcul était le suivant :

CA 2018 : CHF 104'430.43

CA 2019 : CHF 214'598.70

CA 2020 : CHF 148'161.42

Calcul du taux de perte : (CA 2020 / ((CA 2018 + CA 2019) / 2)) - 1, soit (148'161.42 / ((104'430.43 + 214'598.70) / 2)) - 1 = - 7.12%.

Par conséquent, la société n’accusant plus un recul de son CA d’au moins 25% entre la moyenne pluriannuelle 2018-2019 et l’exercice 2020, elle ne pouvait bénéficier d’une aide à ce titre. En outre, la société ayant pour but l’exploitation d’agences, en particulier de location de véhicules, ainsi que toutes activités liées de près ou de loin à ce domaine, elle n’avait pas été soumise à une obligation de fermeture d’au moins 40 jours à compter du 1er novembre 2020 et ne pouvait donc prétendre à une aide à ce titre.

Ainsi, sur la base de l’ensemble des informations en possession du département relativement aux aides octroyées du 1er janvier 2020 au 30 juin 2021, les vérifications complémentaires aboutissaient au constat qu’elle n’était pas éligible au dispositif cas de rigueur. Dès lors, la totalité de l’aide perçue l’avait été à tort.

b. Le 5 janvier 2023, la société a formé réclamation contre cette décision.

Dans sa réponse du 13 octobre 2022, elle avait confirmé que sa demande d’aide couvrait la période du 1er mars 2020 au 28 février 2021. La pandémie et les restrictions qui lui étaient liées avaient commencé le 16 mars 2020. Son CA avait été directement touché, puisque son activité était dépendante de la saisonnalité des vacances et de la fréquentation de l’aéroport. Lors du dépôt de sa demande elle ne possédait pas encore la globalité des données et avait communiqué au département un CA de CHF 86'726.- alors que son CA effectif pour la période en cause avait été de CHF 102'578.-, soit une baisse de 37,19% par rapport à la moyenne pluriannuelle de référence des années 2018-2019 de CHF 163'309.-. Le recul du CA était donc supérieur à 25%, de sorte qu’elle était éligible à l’aide financière. Sur cette période, ses charges s’étaient élevées à CHF 172'900.-, sachant que ni les sociétés de leasing, les assurances et autres prestataires n’avaient suspendu leurs prélèvements pendant la pandémie. L’aide reçue avait permis de régler en partie ces charges conséquentes.

La décision contestée faisait état d’un CA de CHF 148'161.42 pour l’exercice 2020, alors qu’il avait été de CHF 133'641.-.

Elle joignait à son envoi le détail du CA mensuel 2020 et du 1er trimestre 2021 ainsi qu’une attestation concernant l’exactitude de ses comptes.

c. Le 16 juin 2023, la DERI a refusé de reconsidérer sa décision du 6 décembre 2022. La loi exigeait que le département fonde son examen sur les documents comptables transmis à l’appui du dossier, « seuls habilités à faire foi ».

Pour établir le CA de la société, tous les produits avaient été pris en compte, à savoir ceux issus des ventes, mais également les produits hors exploitation ainsi que les allocations pour perte de gain (ci‑après :  APG). Selon la législation applicable, l’indemnisation pour les cas de rigueur visait à couvrir les coûts fixes que les revenus de l’entreprise n’avaient pas pu couvrir. Vu ce but, la législation genevoise ne faisait aucune différence entre les divers postes des recettes/produits. Le CA correspondait au total des recettes ou produits. Cette définition se fondait notamment sur le Manuel suisse d’audit qui prévoyait que, sur la base de la structure minimale légale du compte de résultat, le CA était défini comme les produits nets des ventes de biens et de prestations de service + les produits hors exploitation + les produits financiers + le cas échéant, les produits exceptionnels, uniques ou hors période.

Dans sa décision du 6 décembre 2022, elle avait retenu l’année 2020 pour calculer le recul du CA par rapport à la moyenne des années 2018 – 2019. Cela étant, la société avait à juste titre avancé dans sa réclamation qu’elle avait fait valoir, dans sa demande d’indemnisation du 31 août 2021, une période ultérieure de 12 mois (1er mars 2020 – 28 février 2021) pour l’évaluation de la condition du recul du CA comme le permettait l’ordonnance. Son taux de perte avait donc été réévalué sur cette base. Cela étant, la société ne présentait toujours pas un recul du CA d’au moins 25% entre la période du 1er mars 2020 au 28 février 2021 et la moyenne pluriannuelle 2018-2019. Les éléments comptables retenus étaient les suivants :

CA 2018 : CHF 104'430.43

CA 2019 : CHF 214'598.70

CA du 1er mars 2020 au 28 février 2021 (CA20) : CHF 131'834.45

Calcul du taux de perte : (CA20 / ((CA 2018 + CA 2019) / 2)) - 1, soit (131'834.45 / ((104'430.43 + 214'598.70) / 2 )) - 1 = - 17.35%.

Quand bien même le recul du CA passait de 7.12% à 17.35%, celui-ci demeurait insuffisant.

Pour établir le montant du CA20, la DERI s’était fait remettre par la société son compte de résultat pour la période en question. Il en ressortait un produit net des ventes de CHF 102'578.69, des produits hors exploitation de CHF 211.76 et des APG Covid-19 de CHF 29'044.-.

D. a. Par acte mis à la poste le 17 juillet 2023, la société a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative). Elle lui a demandé de reconsidérer la décision de restitution de la contribution à fonds perdu et de la considérer comme nulle et non avenue.

Elle était éligible à l’octroi de la contribution litigieuse qui était à fonds perdus, ce que semblait avoir oublié l’autorité. Son CA pour la période du 1er mars 2020 au 28 février 2021 ne représentait que CHF 102'578.-, soit une baisse de 37.19% en rapport à la moyenne pluriannuelle de référence des années 2018-2019, de CHF 163'309.-. Le montant des charges sur cette même période représentait CHF 172'900.-. L’aide qu’elle avait reçue avait servi à payer une partie de ses charges. À teneur de la convention, elle avait dû confirmer que le recul de son CA pour 2020 avait entraîné d’importants coûts fixes que l’entreprise n’était plus à même de couvrir avec ses revenus, ce qui était son cas. Elle n’avait réalisé aucun bénéfice, mais une perte.

La liquidation avait été évitée de justesse. Il était très difficile de retrouver une santé financière acceptable et pérenne. Si par extraordinaire la chambre administrative devait confirmer la décision litigieuse, elle serait certainement mise en liquidation après 5 ans d’existence. Elle était la seule société de location de véhicules 100% helvétique, délivrant une qualité de service sans autre pareil, ce qu’attestait une « e‑réputation affichant 650 avis 5 étoiles sur Google ». Cette qualité de service contribuait à la renommée de la « Genève internationale ».

b. Le 4 septembre 2023, la DERI a conclu au rejet du recours.

S’agissant de l’aide pour fermeture (soit CHF 536.-), la recourante ne contestait pas que l’activité qu’elle exerçait n’avait pas été interdite. L’indication qu’elle avait donnée à cet égard dans sa demande était donc erronée.

S’agissant de l’aide réservée aux entreprises ayant enregistré une baisse du CA entre 25 et 40%, la recourante ne contestait pas le CA retenu pour les années 2018-2019, mais uniquement la prise en compte des APG pour la période du 1er mars 2020 au 28 février 2021. Or, la notion de CA devait être interprétée comme incluant tout produit, y compris les produits hors exploitation, uniques ou exceptionnels. Du 1er mars 2020 au 28 février 2021, la société avait perçu des aides APG de CHF 29'044.- ; ses produits hors exploitation s’étaient élevés à CHF 211.76. Ces postes avaient été ajoutés au produit net des ventes de CHF 102'578.69, d’où un CA de CHF 131'834.45 et en conséquence une baisse du CA de 17.35%.

c. Le 3 novembre 2023, la société a conclu à l’annulation de la décision litigieuse et à ce qu’il soit dit et constaté qu’elle n’était pas tenue à la restitution des sommes qui lui avaient été versées dans le cadre des aides financières dites cas de rigueur.

L’argumentation développée par l’autorité intimée se référait au Manuel suisse d’audit, à un arrêt de la chambre administrative ainsi qu’à diverses lois, ordonnances ou règlements. Ces références étaient inaccessibles et incompréhensibles pour un profane comme l’associé gérant qui rédigeait les diverses écritures. L’absence de toute explication et de transparence de la part de l’autorité dans le cadre des conventions lui paraissait choquante pour ne pas dire arbitraire. En effet, à lire lesdites conventions, la contribution était octroyée à fonds perdus.

À aucun endroit les conventions ou leurs avenants indiquaient, « avec toute la clarté requise », que les APG devaient être prises en considération dans le calcul du CA, alors même que le département savait que la plupart des entreprises qui avaient fait appel aux aides financières avaient également fait appel aux APG. De son côté, l’administré n’avait aucunement conscience quand et même s’il allait avoir droit aux APG.

Les conventions étaient muettes, à tout le moins très évasives et lacunaires, sur la question d’une éventuelle restitution des prestations versées. On ne trouvait qu’une seule mention à cet égard dans un règlement d’application. À aucun moment elle n’avait été clairement informée sur son obligation de restitution des prestations versées ni des conditions de cette restitution. Elle avait nullement fourni des renseignements et/ou pièces erronés, s’agissant en particulier du CA. L’administration n’avait jamais fait mention de la prise en compte des APG dans la détermination du CA, pas plus que « la prise en charge desdites APG pouvait avoir pour conséquence, a posteriori, que les conditions légales d’octroi ne seraient en définitive pas remplies ab initio ».

Le caractère absurde et arbitraire des règles appliquées par l’administration était flagrant : elle avait bénéficié des APG à hauteur de CHF 29'044.- et du fait de la prise en compte de ce montant dans le CA elle devait rembourser la somme de CHF 48'442.80 à laquelle elle aurait eu droit si elle n’avait pas bénéficié des APG. En d’autres termes, s’il lui avait été possible de comprendre la portée des conventions, elle n’aurait pas sollicité les APG et aurait réalisé un gain de CHF 19'398.80.

Sous l’angle du principe de la confiance, lorsqu’un administré comprenait une décision, ici une convention, peu claire dont il était le destinataire d’une manière qui n’était pas déraisonnable, il ne pouvait faire l’objet d’aucune sanction ou mesure d’exécution. Il convenait de retenir le principe général d’interprétation applicable tant en droit privé que public selon lequel une convention devait être interprétée en défaveur de son rédacteur. Les conditions cumulatives relatives au principe de la bonne foi étaient remplies et l’administration devait honorer les engagements pris à son égard. L’intérêt public ne justifiait pas que l’on déroge à la protection de son intérêt privé.

La restitution du montant réclamé aurait pour conséquence sa faillite comme cela ressortait des comptes et bilans versés tout au long de la procédure.

d. Les parties ont été informées, le 6 novembre 2023, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 19 al. 2 LAFE-2021).

2.             L’objet du litige porte sur la conformité au droit de la décision sur réclamation de l’intimée confirmant la demande de restitution du montant de CHF 48'442.80 versé au titre de l’aide financière extraordinaire dans le contexte de la crise liée au Covid‑19.

3.             La recourante conteste la prise en compte des APG dans le calcul de son CA 2020 et la restitution de CHF 48'442.80.

4.             4.1 Le 25 septembre 2020, l’Assemblée fédérale a adopté la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de Covid‑19 (loi Covid-19 - RS 818.102). Cette loi est applicable au cas d’espèce dans ses versions des 1er janvier, 1er juillet et 19 octobre 2021.

À son art. 12 al. 1, celle-ci prévoit les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises et les modalités de l’intervention de la Confédération à la demande des cantons. L’art. 12 al. 1bis, introduit le 18 décembre 2020, prévoit qu’il y a cas de rigueur au sens de l’al. 1 si le CA annuel de l’entreprise est inférieur à 60% de la moyenne pluriannuelle. La situation patrimoniale et la dotation en capital globales doivent être prises en considération, ainsi que la part des coûts fixes non couverts. Le Conseil fédéral règle les détails dans une ordonnance ; il prend en considération les entreprises qui ont réalisé en moyenne un CA de CHF 50'000.- au moins au cours des années 2018 et 2019 (al. 4).

4.2 Le 25 novembre 2020, le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l’épidémie de Covid-19 (Ordonnance Covid-19 cas de rigueur ; ci-après : l’ordonnance Covid‑19 ; RS 951.262). Cette ordonnance est ici applicable dans ses versions des 14 janvier, 19 juin et 1er octobre 2021.

4.3 Selon l’art.1 al. 1, en vertu de l’art. 12 de la loi Covid-19 et dans les limites du crédit d’engagement approuvé par l’Assemblée fédérale, la Confédération participe aux coûts et aux pertes que les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises occasionnent à un canton si les conditions énoncées sont réunies.

4.4 L’entreprise a la forme juridique d’une entreprise individuelle, d’une société de personnes ou d’une personne morale ayant son siège en Suisse (art. 2 al. 1). Au nombre des exigences pour bénéficier du soutien financier, l’entreprise doit établir notamment qu’elle s’est inscrite au RC avant le 1er mars 2020 selon la version du 14 janvier 2021 puis avant le 1er octobre 2020 à la suite d’une modification introduite le 31 mars 2021 (art. 3 al. 1 let. a), cette condition étant quoi qu’il en soit réalisée en l’espèce, et a réalisé en 2018 et en 2019 un CA moyen d’au moins CHF 50'000.- (art. 3 al. 1 let. b). Toujours à la suite d’une modification introduite le 31 mars 2021, l’art. 3 al. 3 prévoit que le CA au sens de cette ordonnance se réfère au compte individuel de l’entreprise requérante. Cette disposition vise toutefois à préciser les modalités de la prise en compte du CA des sociétés mères d’un groupe (voir ATA/474/2023 du 24 avril 2023 consid. 9a).

4.5 La Confédération participe uniquement aux coûts et aux pertes que les mesures pour les cas de rigueur qu’il a prises occasionnent au canton si celui-ci lutte contre les abus par des moyens appropriés (art. 11 al. 1 let. c). Selon l’art. 12, la procédure d’octroi de mesures pour les cas de rigueur pour lesquelles le canton sollicite la participation de la Confédération est régie par le droit cantonal (al. 1). Le canton examine les demandes (al. 2, 1e phrase). La procédure relève du canton dans lequel une entreprise avait son siège le 1er octobre 2020 (art. 13 al. 1).

4.6 Le 29 janvier 2021, le Grand Conseil a adopté la aLAFE-2021.

À teneur de l’art. 1 aLAFE-2021, la loi a pour but de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l'épidémie de coronavirus (Covid-19) pour les entreprises sises dans le canton de Genève conformément à la loi et à l’ordonnance Covid-19 (al. 1), en atténuant les pertes subies par les entreprises dont les activités avaient été interdites ou réduites en raison même de leur nature entre le 1er janvier et le 31 décembre 2021 (al. 2), et en soutenant par des aides cantonales certaines entreprises ne remplissant pas les critères de l’ordonnance Covid-19 en raison d’une perte de CA insuffisante et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes dans les limites prévues à l’art. 12 (al. 3).

Les aides financières consistent en une participation de l’État aux coûts fixes non couverts de certaines entreprises (art. 2 al. 1). L'aide financière n'est accordée que si les entreprises satisfont les critères d'éligibilité définis par la loi (art. 2 al. 7).

Selon l’art. 3 al. 1 aLAFE-2021, peuvent prétendre à une aide les entreprises qui, en raison des mesures prises par la Confédération ou le canton pour endiguer l'épidémie de Covid-19, doivent cesser totalement ou partiellement leur activité selon les modalités précisées dans le règlement d'application (let. a), ou dont le CA a subi une baisse substantielle selon les dispositions de l’ordonnance Covid-19 (let. b) ou dont la baisse de CA enregistrée se situe entre 25% et 40% et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes (let. c).

L'aide financière extraordinaire consiste en une participation à fonds perdu de l'État de Genève destinée à couvrir les coûts fixes de l'entreprise (art. 5 al. 1 aLAFE‑2021).

L’indemnité est versée aux entreprises dont l’activité est interdite par décision des autorités fédérales ou cantonales (art. 7 et 8 aLAFE-2021), dont le CA est inférieur à 60% du CA antérieur (art. 9 à 11 aLAFE-2021), des aides pouvant être octroyées aux entreprises dont la baisse du CA enregistrée se situe entre 25% et 40% et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes (art. 12a LAFE-2021).

L’indemnité – versée aux établissements dont l'activité est interdite par décision des autorités fédérales ou cantonales – n’est accordée que durant la période pendant laquelle l'activité est totalement ou partiellement interdite suite à une décision des autorités fédérales ou cantonales (art. 8 al. 1 aLAFE-202).

Aux termes de l'art. 14 aLAFE-2021, l’aide financière est accordée sur demande du bénéficiaire potentiel ou de son mandataire. La demande est adressée au département sur la base d’un formulaire spécifique, accompagné notamment de toutes les pièces utiles attestant des coûts fixes du bénéficiaire (al. 1). Sur la base des pièces justificatives fournies, le département constate si le bénéficiaire remplit les conditions d’octroi de l’aide financière, calcule le montant de celle-ci et procède au versement (art. 14 al. 3).

Selon l'art. 15 aLAFE-2021, intitulé « obligation de renseigner », le bénéficiaire de l’aide et/ou son mandataire collaborent à l’instruction du dossier et renseignent régulièrement le département afin de lui présenter une image fidèle et transparente de l'évolution des charges du bénéficiaire (al. 1) ; le demandeur autorise en tout temps le contrôle du respect des conventions collectives ou usages applicables ainsi que le paiement effectif des charges sociales (al. 2) ; le département peut en tout temps effectuer des contrôles dans les locaux du bénéficiaire et y consulter les livres, ou tout document utile, et être renseigné sur l'état de comptes bancaires ou postaux (al. 3).

La participation financière indûment perçue doit être restituée sur décision du département (16 al. 1 aLAFE-2021).

4.7 Le 3 février 2021, le Conseil d’État a adopté le règlement d’application de l’aLAFE-2021 (ROLG 2021, p. 31 ; ci-après : aRAFE-2021).

Selon l’art. 3 aRAFE-2021, sont bénéficiaires de l’aide les entreprises qui répondent aux exigences de l’ordonnance Covid-19 définies dans ses sections 1 et 2 (al. 1). Les entreprises qui ne répondent pas aux exigences relatives au recul du CA définies à l’art. 5 de cette ordonnance, et dont la baisse de CA enregistrée se situe entre 25% et 40%, peuvent bénéficier de l’indemnisation cantonale, conformément à l’art. 14 de la loi, pour autant qu’elles répondent aux autres exigences définies dans les sections 1 et 2 de l’ordonnance (al. 2).

L'aide financière est à fonds perdu (art. 4 al. 1 aRAFE-2021). Elle consiste en une participation de l'État de Genève destinée à endosser les coûts fixes non couverts de l'entreprise.

Peuvent prétendre à une aide financière les entreprises qui, en raison des mesures prises par la Confédération ou le canton de Genève pour endiguer l’épidémie de covid-19, ont dû cesser totalement ou partiellement leur activité suite à la fermeture de leur établissement pour au moins 40 jours en le 1er novembre 2020 et le 30 juin 2021 (art. 8 al. 1 aRAFE-2021). Peuvent prétendre à une aide financière les entreprises qui peuvent démontrer que la baisse de leur CA 2020 enregistrée se situe entre 25% et 40% du CA moyen des exercices 2018 et 2019 en raison des mesures ordonnées par les autorités aux fins de lutter contre l’épidémie de covid-19 (art. 14 al. 1 aRAFE-2021).

Selon l'art. 17 aRAFE-2021, l'entreprise demanderesse et le département signent une convention qui permet notamment au département d'obtenir des données sur l'entreprise nécessaires à l'étude des dossiers et à la gestion des aides auprès d'autres services fédéraux, cantonaux ou communaux. L'entreprise demanderesse collabore à l’instruction du dossier et renseigne régulièrement le département, afin de lui présenter une image fidèle et transparente de la marche de ses affaires (art. 20 aRAFE-2021). Les entreprises ayant bénéficié de l'octroi d'une aide s'engagent à faire parvenir au département, sur sa demande, durant les trois années qui suivent le versement de l'aide, la documentation permettant de vérifier que les conditions d'octroi ont été respectées (art. 23 aRAFE-2021).

Les montants indûment perçus, conformément à l'art. 16 aLAFE-2021, doivent être restitués (art. 24 al. 1 aRAFE-2021). Les entreprises doivent porter sans délai à la connaissance du département tout évènement qui rendrait exigible le remboursement de l'aide (art. 24 al. 2 aRAFE-2021).

4.8 Le 30 avril 2021, le Grand Conseil a adopté la LAFE-2021, qui a abrogé l’aLAFE-2021 (art. 23), tout en en reprenant le dispositif pour l’essentiel.

L’aide financière extraordinaire consiste en une participation à fonds perdu de l’État de Genève destinée à couvrir les coûts fixes non couverts de l’entreprise, en application des dispositions de l’ordonnance Covid-19 (art. 3 al. 1 LAFE-2021).

Peuvent comme précédemment prétendre à une aide les entreprises qui doivent cesser totalement ou partiellement leur activité en raison des mesures prises par les autorités, l’aide n’étant octroyée que pour la période durant laquelle l’activité a été totalement ou partiellement interdire (art. 4 al. 1 let. a et 7 al. 1 LAFE-2021), ainsi que celles dont la baisse du CA enregistrée se situe entre 25% et 40% et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes (art. 4 al. 1 let. c et 9 al. 1 let. a LAFE-2021).

Les dispositions relatives aux modalités du dépôt des demandes, à l’obligation générale de renseigner et à la participation financière indûment perçue sont reprises aux art. 15, 16 et 17 LAFE-2021.

4.9 Le 5 mai 2021, le Conseil d’État a adopté le RAFE-2021, qui a abrogé l’aRAFE‑2021 (art. 31), tout en en reprenant le dispositif pour l’essentiel.

4.10 La LAFE-2021 a ensuite été modifiée le 2 juillet (ROLG 2021, p. 454) puis le 7 octobre 2021 (ROLG 2021, p. 536). Le RAFE-2021 a en conséquence été modifié le 7 juillet 2021 (ROLG 2021, p. 466). Ces modifications sont toutefois sans effet sur la résolution du présent litige.

4.11 Selon un principe général de droit intertemporel, rappelé dans l’arrêt 2C_339/2021 du Tribunal fédéral du 4 mai 2022 (consid. 4.1), les dispositions légales applicables à une contestation sont celles en vigueur au moment où se sont produits les faits juridiquement déterminants pour trancher celle-ci (ATF 146 V 364 consid. 7.1 ; 140 V 41 consid. 6.3.1). L'interdiction de la rétroactivité (proprement dite) des lois fait obstacle à l'application d'une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur (ATF 147 V 156 consid. 7.2.1).

4.12 De manière générale, une révocation est possible aux conditions prévues dans la loi (ATF 134 II 1 consid. 4.1) ou, en l’absence de base légale, également lorsqu'un intérêt public particulièrement important l'impose (ATF 139 II 185 consid. 10.2.3 ; 137 I 69 consid. 2.3 ; 135 V 215 consid. 5.2 ; 127 II 306 consid. 7a). La révocation d’une décision pour inexécution d’une obligation ne requiert pas de base légale, si cette obligation est l’une des conditions objectives que la loi pose à l’octroi d’une prestation : il s’agit là de « rétablir » l’ordre légal (ATA/1042/2022 du 17 octobre 2022 consid. 2f).

4.13 Un canton est tenu, lorsqu'il octroie des subventions, de se conformer aux principes généraux régissant toute activité administrative, soit notamment le respect de la légalité, de l'égalité de traitement, de la proportionnalité et de la bonne foi ainsi que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 138 II 91 consid. 4.2.5 ; 136 II 43 consid. 3.2 ; 131 II 306 consid. 3.1.2).

4.14 Le principe fondamental qui gouverne les rapports entre les administrés et l'administration est celui selon lequel « nul n'est censé ignorer la loi ». Le citoyen devant avoir la possibilité de connaître le droit pour s'y soumettre, la publication des lois, règlements et arrêtés est en principe une condition nécessaire pour qu'ils soient applicables et juridiquement contraignants. La forme de la publication qui est exigée dépend de la législation de l'entité publique concernée. Lorsqu'aucun mode de publication officielle n'est prévu, il faut tout de même, pour que les obligations figurant dans un texte ayant force obligatoire puissent être opposables aux intéressés, que ceux-ci aient pu en avoir connaissance (arrêt du Tribunal fédéral 2C_951/2014 du 16 avril 2015 consid. 3.1.1 et les arrêts cités).

4.15 Découlant directement de l’art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101). et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; 137 II 182 consid. 3.6.2). En outre, le principe de la bonne foi commande aux autorités comme aux particuliers de s’abstenir, dans les relations de droit public, de tout comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_934/2022 du 22 mars 2023 consid. 6.3.1).

Il découle de ce principe que l’administration et les administrés doivent se comporter réciproquement de manière loyale (ATF 131 II 627 consid. 6.1 ; 129 I 161 consid. 4). En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré. Elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161  consid. 4 ; 129 II 361 consid. 7.1).

Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l’administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que l’autorité soit intervenue dans une situation concrète à l’égard de personnes déterminées, qu’elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et que l’administré n’ait pas pu se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu’il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et que la réglementation n’ait pas changé depuis le moment où l’assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; 131 II 627 consid. 6.1). Une violation du principe de la bonne foi n’est réalisée que lorsque la modification du droit porte atteinte aux droits acquis en contredisant, sans raisons valables, des assurances précédemment données par le législateur, ou lorsqu’une modification est décidée de façon imprévisible dans le dessein d’empêcher l’exécution d’un projet qui serait réalisable (ATF 108 Ib 352 consid. 4b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_956/2016 du 7 avril 2017 consid. 5.1)

4.16 En outre, les décisions de l’administration ainsi que les déclarations et comportements des parties à un rapport de droit public, sont soumises au principe de la confiance. Leur sens doit rester conforme à ce que le destinataire a été en mesure de comprendre - ce qu’il pouvait et devait raisonnablement comprendre - selon le texte, sa motivation et, plus largement, l’ensemble des circonstances qui ont entouré leur élaboration, dont par exemple la correspondance échangée ; cependant le principe de confiance crée une obligation réciproque. Ainsi, une attention adéquate peut être exigée de l’administré (ATF 115 II 415 consid. 3a ; 107 Ia 193 consid. 3c et les réf. citées).

5.             5.1 En l’espèce, il ressort de la procédure, en particulier de la décision du 6 décembre 2022 et de la décision litigieuse, que l’intimée a obtenu les états financiers 2020 définitifs de la société tels que remis à l’administration fiscale cantonale, et le compte de résultat que la recourante lui a remis dans le cadre du traitement de la réclamation. Si les états financiers 2020, dont la teneur n’est au demeurant pas contestée, ne figurent pas au dossier de la cause, le compte de résultat pour la période du 1er mars 2020 au 28 février 2021 a été versé à la procédure. Sous la rubrique « produits uniques » figurent les produits APG Covid-19 pour un montant de CHF 29'044.-. Dès lors qu’il n’apparaît pas, à teneur de la législation précitée, que les APG ne devraient pas être intégrés au CA, rien ne s’oppose à ce que l’intimée, qui indique de manière convaincante se fonder sur le Manuel suisse d’audit, procède de la sorte. Du reste, la chambre de céans a déjà jugé que les APG s’additionnent au CA (ATA/146/2022 du 8 février 2022 ; ATA/711/2023 du 29 juin 2023 consid. 3.9). Il convient donc de confirmer le CA20 de CHF 131'834.45 tel que retenu par l’intimée.

Certes, il ne ressort pas explicitement des formulaires de demandes, des décisions d’octroi ou de la législation précitée que les APG seraient intégrées au CA. Mais la recourante, en particulier son gérant, est inscrite au RC depuis 2017. Elle est donc habituée à tenir une comptabilité. Il ressort de plus des échanges de courriels des 6 et 13 octobre 2022 entre l’intimée et la recourante que cette dernière fait appel à un cabinet comptable. Dès lors qu’il n’apparaît pas qu’elle aurait omis d’intégrer les autres produits, en particulier les produits nets des ventes de biens et des prestations, à son CA, on ne voit pas pourquoi elle ne l’a pas fait avec les produits uniques que sont les APG. Il lui appartenait quoi qu’il en soit de se renseigner, d’autant que, comme cela sera examiné au considérant suivant, de nombreuses mises en garde sur l’obligation de renseigner le département ou de rembourser les aides touchées à tort ont été portées à sa connaissance.

Il s’ensuit que la société ne présente pas un recul du CA d’au moins 25% entre la période du 1er mars 2020 au 28 février 2021 et la moyenne pluriannuelle 2018-2019. Elle ne remplissait donc pas la condition fixée à l’art. 12 aLAFE 2021 pour obtenir une aide. C’est partant à juste titre que l’intimée a considéré que le montant de CHF 48'442.80 était indûment perçu.

5.2 Le montant de la restitution, de CHF 48'442.80, se décompose ainsi : CHF  536.- (décision du 1er mars 2021) + CHF  27'294.- (décision du 10 mars 2021) + CHF 4'465.20 (décision du 9 juillet 2021) + CHF 16'147.60 (décision du 25 février 2022).

Le principe du remboursement des montants perçus indûment est expressément prévu par l’aLAFE-2021 (art. 16) et par l’aRAFE-2021 (art. 24 al. 1), en vigueur au moment de la demande du 3 février 2021, ainsi que par la LAFE (art 17) et le RAFE (art. 29 al. 3) en vigueur au moment de la demande du 31 août 2021 et de la déclaration complémentaire du 31 octobre 2021. Ces textes légaux et réglementaires mentionnent par ailleurs tous l’obligation de renseigner et le fait que le département peut en tout temps effectuer des contrôles. Au surplus, sur le premier formulaire de demande pour cas de rigueur daté du 3 février 2021 figure déjà une déclaration sur l’honneur par laquelle la recourante a certifié l’exactitude des indications fournies, tout comme la possibilité pour le département d’effectuer des contrôles. Le 3 février 2021 encore, la recourante a signé la convention dont il ressort qu’elle renvoie à la législation applicable. Enfin, la décision du 1er mars 2021, puis toutes celles qui suivront, font expressément référence à l’obligation de restituer. La recourante ne peut dès lors être suivie lorsqu’elle soutient ne pas avoir été informée sur son obligation de rembourser l’aide reçue à tort.

Il est vrai que les textes légaux et réglementaires précités, ou encore la convention, font état d’une aide financière « à fonds perdus ». La chambre de céans a déjà jugé un litige dans lequel une société contestait devoir rembourser une aide reçue au motif de cette indication (ATA/868/2023 du 21 août 2023). Il a été retenu à cette occasion que « à fonds perdu » ne vaut que dans l’hypothèse où l’aide n’a pas été touchée indûment. La législation applicable prévoit en effet explicitement, cela vient d’être dit, le remboursement des aides versées à tort. Outre l’intérêt public au versement des aides financières dans le respect des conditions posées par la loi, c’est bien dans le contexte du respect des conditions d’octroi et de l’obligation de rembourser les montants qui n’auraient pas dû être versés qu’il faut comprendre les termes « à fonds perdu » dont la recourante ne peut en conséquence se prévaloir.

Pour le reste, il n’apparaît pas que la recourante aurait d’une quelconque manière reçu l’engagement des autorités qu’elle pouvait recevoir ou conserver les aides financières sans devoir, d’une part, intégrer les APG dans son CA et d’autre part restituer les montants reçus indûment.

5.3 Il est possible que l’obligation de restitution place la recourante dans une situation difficile. Il n’apparaît toutefois pas qu’elle aurait, à ce stade, examiné avec l’autorité l’éventualité d’un plan de remboursement tenant compte de sa réalité financière.

Il découle de ce qui précède que la décision litigieuse est conforme au droit. Le recours sera en conséquence rejeté.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 juillet 2023 par A______ contre la décision de la direction générale du développement économique, de la recherche et de l’innovation du 16 juin 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à Me Stephan FRATINI, avocat de direction générale du développement économique, de la recherche et de l'innovation.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER, Eleanor McGREGOR, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. MEYER

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :