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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3632/2023

ATA/1/2024 du 02.01.2024 ( MARPU ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3632/2023-MARPU ATA/1/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 2 janvier 2024

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Guy BRAUN, avocat

contre

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES intimée

et

B______ intimée
représentée par Me François MEMBREZ, avocat



Vu, EN FAIT, le recours interjeté le 6 novembre 2023 par A______ (ci‑après : A______) auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre la décision du 23 octobre 2023 de la direction générale des finances, des ressources humaines et des affaires extérieures (ci-après : DGFE), agissant par la Centrale commune d’achats (ci‑après : CCA), attribuant le marché public relatif à la gestion de l’affichage politique à Genève à B______ (ci-après : B______) ;

que la décision d’adjudication, adressée à C______, retient que A______ avait été classée en 1ère position pour le critère 1 « qualité et fiabilité de l’exécution des prestations (tests de répartitions, personnel et moyen dédié à la prestation, etc.) pondération à 54% » et en 2ème position pour les critères 2 (prix), pondéré à 40%, et 3 (qualité de l’entreprise développement durable, pondéré à 6%) ; B______ avait proposé un prix, hors taxes, de CHF 22.- pour les rubriques K1 et K3 du cahier des charges et de CHF 28.- pour la rubrique K2 ;

que A______ expose qu’il y avait trois types d’affichage différents, à savoir l’un visant un affichage sur des emplacements temporaires de 14 jours, l’autre de 28 jours et un troisième sur des emplacements fixes de 14 jours ; qu’elle avait structuré son offre en la rendant particulièrement avantageuse économiquement par rapport au format « 14 jours » ; qu’elle ne pouvait se douter que le pouvoir adjudicateur allait favoriser le format « 28 jours », alors que celui-ci représentait un volume bien inférieur et, donc, une dépense moindre pour l’État ; que la simulation « B », concernant des seules élections au Grand Conseil, était incongrue et purement théorique, alors que l’exercice « A » était représentatif de l’affichage politique ;

que lors de l’entretien après adjudication, le tableau des notes lui avait été communiqué ; qu’elle avait alors vu que l’affichage de « 28 jours » était pondéré à 30.77% sur la pondération totale du prix de 40%, alors que la durée de l’affichage représentait un critère diminuant la dépense ; que cette pondération, surprenante, allait à l’encontre du bon sens ; que, d’ailleurs, lors du précédent appel d’offres, sa concurrente avait présenté une offre particulièrement avantageuse pour le format « 14 jours » ; que la pondération des critères I1 à I3, dix fois supérieure aux critères D1 à D11, était également inexplicable ; que la note de 13 attribuée à l’adjudicataire était incompréhensible, l’échelle des notes étant fondée sur un multiple de 3 ; qu’enfin, la formule de notation au cube avait pour effet de surévaluer le critère du prix au détriment de celui de la qualité dont la pondération globale était toutefois privilégiée dans l’appel d’offres ; qu’elle se plaignait ainsi d’une violation du principe de la transparence et de l’interdiction de l’arbitraire ; que la méthode de notation asymptotique n’aurait pas dû être choisie car elle désavantageait les offres proposant une excellente qualité pour un prix proche de celui de l’offre la plus basse ;

qu’elle a conclu, à titre préalable, à l’octroi de l’effet suspensif, au prononcé de l’interdiction de conclure le contrat d’exécution de l’offre jusqu’à droit jugé sur effet suspensif et à l’apport de l’offre soumise par B______ ; que, principalement, elle a conclu à l’annulation de la décision d’adjudication et à l’attribution du marché public ;

que, se déterminant sur effet suspensif, la CCA a relevé qu’elle venait d’apprendre que A______, à la suite de la fusion avec C______, avait repris un excédent de passif de CHF 15'261'000.- ; que cette dernière avait soumissionné, mais avait été radiée le 29 septembre 2023 ; que l’ensemble de la documentation soumise, y compris les attestations nécessaires, avait été établi au nom de C______ ; que les simulations à réaliser concernaient une votation fédérale et une élection au Grand Conseil et visaient à s’assurer que le soumissionnaire ait compris le marché ; que C______ n’avait pas retiré le pli recommandé contenant la décision querellée, qui avait été retourné à la CCA ; que celle-ci le lui avait adressé, pour information, par courrier simple ; que les griefs invoqués étaient tardifs, car ils auraient dû être soulevés contre l’appel d’offres ; que A______ n’avait pas la qualité pour recourir ; qu’en outre, elle n’avait pas informé de la fusion ni produit les attestations nécessaires, ne remplissant pas les conditions de participation ; qu’enfin, l’adjudicataire avait proposé un prix total de CHF 72.- (CHF 22.- + CHF 28.- + CHF 22.-), alors que celui de la recourante se montait à CHF 77.- (CHF 19.- + CHF 38.- + CHF 20.-) ; que les chances de succès du recours étaient faibles et l’intérêt public à pouvoir assurer la prestation en jeu s’opposait à l’octroi de l’effet suspensif ;

que B______ a également conclu au rejet de la requête d’effet suspensif ; qu’elle a produit, notamment, l’évaluation de son offre ; qu’il existait un intérêt public prépondérant à l’exécution du contrat ; que le pouvoir adjudicateur n’avait pas à communiquer les sous‑critères de pondération du prix ; que l’exercice de simulation n’avait pas pour but de « construire » un dossier d’offres, mais de s’assurer que la prestation attendue était bien comprise ;

que, répliquant sur effet suspensif, la recourante a relevé qu’elle n’aurait pas pu recourir contre l’appel d’offres, les critères litigieux de pondération n’y figurant pas ; que C______ avait été absorbée le 29 septembre 2023 par elle, ce qui n’avait toutefois été publié que le 4 octobre 2022 ; qu’ainsi, au moment de sa soumission, le 29 septembre 2023, la société existait encore ; que A______ avait repris l’ensemble des actifs et passifs de C______, de sorte qu’elle remplissait les critères d’aptitude ; que cette société avait clairement annoncé la fusion par absorption à venir, de sorte que si cela posait problème, l’autorité intimée aurait pu demander des clarifications ; que vu les chances de succès du recours et l’intérêt public à éviter que l’exécution d’un marché public vicié commence, l’effet suspensif devait être prononcé ;

que, sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger ;

Considérant, EN DROIT, qu’interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, le recours est, a priori, recevable (art. 15 al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 – RMP - L 6 05.01) ;

que les mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou la vice-présidente de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par une autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA – E 5 10 ; art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020) ;

qu'aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n'a pas d'effet suspensif ; toutefois, en vertu des art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, l'autorité de recours peut, d'office ou sur demande, octroyer cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose ;

que l'examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; l'effet suspensif doit être refusé au recours manifestement dépourvu de chances de succès et dont le résultat ne fait aucun doute ; inversement, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d'emblée à justifier l'octroi d'une mesure provisoire, mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/987/2021 du 24 septembre 2021 ; ATA/217/2021 du 1er mars 2021 consid. 2 ; ATA/1349/2019 du 9 septembre 2019) ;

que lorsqu'une autorité judiciaire se prononce sur des mesures provisoires, elle peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2 ; 131 III 473 consid. 2.3) ;

que la restitution de l'effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu'avec restriction (ATA/1349/2019 précité ; ATA/446/2017 précité consid. 2 ; ATA/62/2017 du 23 janvier 2017 consid. 2 ; ATA/793/2015 du 5 août 2015 consid. 2) ;

que l'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP) ; qu’il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP) et assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) ;

que le principe de la transparence n'exige pas, en principe, la communication préalable de sous-critères ou de catégories qui tendent uniquement à concrétiser le critère publié (ATF 143 II 553 consid. 7.7) ; qu’une publication n'est nécessaire que lorsque les sous‑critères sortent de ce qui est communément observé pour définir le critère principal auquel ils se rapportent ou que l'adjudicateur ne leur accorde une importance prépondérante et leur confère un rôle équivalent à celui d'un critère publié (ATF 130 I 240 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 2D_1/2021 du 8 mars 2021 consid. 5.3) ;

que selon l’art. 43 RMP, l'évaluation des offres est faite selon les critères prédéfinis conformément à l'art. 24 RMP et énumérés dans l'avis d'appel d’offres et/ou les documents d'appel d’offres (al. 1) ; que le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (al. 2) ; que le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix ; qu’outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement (al. 3) ;

qu’en matière d'évaluation des offres, la jurisprudence reconnaît une grande liberté d'appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 du 5 avril 2018 consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées), y compris s'agissant de la méthode de notation (ATA/676/2020 du 21 juillet 2020 consid. 4b et les références citées) ;

qu’en l’espèce, la recourante, qui a absorbé par fusion C______, entité qui avait soumissionné, a repris les droits et obligations de celle-ci dès l’inscription au registre du commerce le 4 octobre 2023 (art. 22 de la loi fédérale sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine du 3 octobre 2003 - LFus) ; qu’il apparaît ainsi, prima facie, qu’elle a la qualité pour recourir ;

que compte tenu de la publication sur le site simap.ch le 27 octobre 2023 de l’adjudication, le recours, expédié le 6 novembre 2023, a été formé dans le délai légal de dix jours (art. 15 al. 2 AIMP) ;

qu’en tant que la recourante se plaint de la pondération des différents critères, notamment ceux relatifs au prix, il convient de relever, comme exposé ci-avant, que l’autorité adjudicatrice dispose à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation ;

que, s’il est exact que la recourante ne pouvait contester les sous-critères lors de l’appel d’offres puisqu’ils n’étaient pas publiés, il n’en demeure pas moins qu’il n’apparaît pas, avec une vraisemblance suffisante pour justifier l’octroi de l’effet suspensif, que la méthode d’évaluation du prix choisie ainsi que la pondération retenue relèveraient de l’arbitraire ;

que la CCA a exposé les motifs l’ayant conduite à demander deux simulations, à savoir s’assurer que le mandat confié par le marché public soit bien compris, et qu’il ne peut, au stade de l’examen prima facie, être conclu qu’elle entendait au travers de ces deux simulations exprimer l’importance qu’elle accorderait au différent type d’affichage politique, y compris leur durée ;

qu’il en va, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, de même des critères I1 à I3, dont la recourante critique le coefficient de 10 attribué par la CCA ;

que, par ailleurs, les 13 points retenus pour le critère « qualité de l’entreprise » s’expliquent, prima facie, par l’addition des points obtenus pour les critères ressortant des annexes 4 (4 points) et 5 (9 points), de sorte que le caractère arbitraire de cette note n’est, de prime abord, pas rendu vraisemblable ;

que vu de ce qui précède, les chances de succès du recours n’apparaissent pas à ce point vraisemblables qu’elles justifieraient l’octroi de l’effet suspensif ;

que la requête sera ainsi rejetée :

qu’il sera statué ultérieurement sur les frais de la présente décision.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête d’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la présente décision avec la décision au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s'il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Guy BRAUN, avocat de la recourante, à Me François MEMBREZ, avocat de l'intimée, à la direction générale des finances ainsi qu’à la Commission de la concurrence.

 

La vice-présidente :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :