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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/283/2023

ATA/1297/2023 du 05.12.2023 ( ANIM ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL);PROPORTIONNALITÉ;EXPERTISE;EXPERT;FRAIS D'EXPERTISE;LOI FÉDÉRALE SUR LA PROTECTION DES ANIMAUX;PROTECTION DES ANIMAUX;EXPÉRIENCE SUR LES ANIMAUX
Normes : Cst.5.al2; Cst.80.al1; Cst.80.al2.letb; LPA-CH.1; LPA-CH.3.leta; LPA-CH.3.letc; LPA-CH.17; LPA-CH.18; LPA-CH.19; LPA-CH.20.al1; LPA-CH.32.al2; LPA-CH.33; LPA-CH.34; OPan.1; OPan.135.al5; OPan.136.al1; OPan.136.al2; OPan.137; OPan.138; OPan.140.al1.leta; OPan.140.al1.letb; OPan.140.al1.letc; OPan.141.al4; RaLPA.1; RaLPA.2.leta; RaLPA.2.letb; RaLPA.3.al2; RaLPA.3.al3; RaLPA.6.al1; RaLPA.6.al4; LPA.20.al2.lete
Résumé : recours de l'OSAV contre une décision du SCAV autorisant, dans le cadre d'une expérimentation animale, l'université à anesthésier des souriceaux au premier jour de leur vie au moyen de l'hypothermie. L'experte ne s'étant montrée favorable ni à l'hypothermie ni à la méthode préconisée par l'OSAV et ayant suggéré une autre solution qui n'a toutefois pas été examinée par la CCEA, la cause est renvoyée au SCAV, qui devra soumettra à la CCEA les recommandations de l'experte. Recours admis partiellement.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/283/2023-ANIM ATA/1297/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 décembre 2023

 

dans la cause

 

OFFICE FÉDÉRAL DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES recourant

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES

et

UNIVERSITÉ DE GENÈVE intimés

 



EN FAIT

A. a. L’Université de Genève (ci-après : l’université) est un établissement de droit public cantonal doté de la personnalité morale. Elle est notamment dédiée à la recherche scientifique fondamentale et appliquée.

b. L'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (ci‑après : OSAV) a pour principale mission de promouvoir activement la santé et le bien‑être de l’homme et de l’animal. Son action repose essentiellement sur la sécurité des aliments et une alimentation saine, pour l’homme, et sur la protection et la santé des animaux.

B. a. Le 28 septembre 2022, l'université, soit pour elle A______, professeur assistant au département de neurosciences fondamentales de la faculté de médecine de l'université, a déposé une demande d'autorisation de pratiquer des expériences sur les animaux.

Selon le formulaire « A » joint à la demande, l'expérience portait sur la cartographie de la complexité moléculaire et cellulaire des malformations corticales, et ce sur 1’934 animaux ou fœtus. Elle avait pour objectif de caractériser la manière dont les cascades moléculaires et la formation des circuits neuronaux étaient affectés dans différents modèles de malformations cérébrales.

L'expérience était divisée en plusieurs phases. Celle référencée sous ch. 2.B, concernant la chirurgie stéréotaxique, impliquait, pour l'anesthésie des souriceaux âgés de moins de sept jours (« P7 »), une induction par hypothermie (ou cryoanesthésie), puis, si nécessaire, le recours à l'isoflurane au masque avec 4‑5% d'isoflurane pour la durée de l'intervention (environ cinq à dix minutes).

Les dix premiers souriceaux anesthésiés par cryoanesthésie seraient observés très attentivement. Si des signes de douleurs devaient être constatés, les deux techniques précitées, soit l'induction par hypothermie suivie d'une anesthésie par isoflurane, seraient utilisées en synergie.

Depuis que le recours à l'hypothermie n'était plus permis, les chercheurs rencontraient, dans le cadre de l'anesthésie de l'animal âgé de moins de sept jours, des problèmes avec l'utilisation de l'isoflurane, aux âges précoces. Un nombre important d'animaux décédaient (presque 40% de mort avec l'utilisation de l'isoflurane à des âges précoces, contre moins de 6% avec l'hypothermie). Ainsi, en l'absence d'alternatives concrètes, les chercheurs souhaitaient utiliser l'hypothermie comme technique pour l'anesthésie des souriceaux.

Le degré de contrainte prévisible de l'expérience était de trois.

b. La commission cantonale pour les expériences sur les animaux (ci‑après : la CCEA) a sollicité des informations complémentaires sur l'expérience, y compris sur le recours à l'hypothermie comme anesthésiant.

c. À la suite des réponses apportées par l'université, la CCEA a délivré un préavis favorable à l'expérience.

d. Une nouvelle version de la demande a été déposée le 9 décembre 2022.

e. Le 11 décembre 2022, le service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV) a délivré à l'université l'autorisation de pratiquer des expériences sur animaux, sur la base de la demande du 9 décembre 2022.

L'autorisation, qui était valable du 12 décembre 2022 au 12 janvier 2026, mentionnait comme charges et conditions : « Analgésie : Utilisation de buprénorphine 0.1 mg/kg SC à la place d'une analgésie dans l'eau de boisson. Merci de nous fournir un rapport après la chirurgie sous hypothermie des dix premiers souriceaux pour validation de la poursuite de ces chirurgies ».

C. a. Par acte remis à la poste le 27 janvier 2023, l'OSAV a interjeté recours auprès de la chambre administrative (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

L'utilisation de l'hypothermie comme méthode d'anesthésie dans l'expérience en cause était contraire au droit, puisque les animaux n'étaient pas soumis à la contrainte la plus faible possible et qu'il existait une méthode moins contraignante, celle de l'isoflurane.

L'expérimentation en cause nécessitait une anesthésie générale. Or, il n'existait aucune preuve scientifique que l'hypothermie entraînât une perte de conscience et supprimât la sensation de douleur, éléments caractéristiques d'une anesthésie. Il fallait donc s'attendre avec une grande probabilité à ce que les souriceaux nouveau‑nés fussent conscients lors de l'intervention et que des stimuli douloureux fussent transmis à leur cerveau.

b. L'université a adressé à la chambre administrative une requête de retrait partiel de l'effet suspensif, concluant au retrait dudit effet s'agissant des expériences sur animaux couvertes par l'autorisation et n'impliquant pas l'utilisation de l'hypothermie en tant que méthode d'anesthésie.

Une seule expérience était concernée par le recours à l'hypothermie, et ce uniquement pour des souriceaux âgés d'un à six jours. Les expériences référencées dans la demande sous ch. 1.1, 1.2, 1.3, 2.A, 2.C et 3.A, ainsi qu'une expérience non référencée d'analyse électrophysiologique, et l'expérience 2.B en tant qu'elle concernait les souriceaux âgés de sept jours et plus, n'impliquaient pas l'usage de l'hypothermie et devaient pouvoir commencer rapidement.

c. Le SCAV a déclaré ne pas s'opposer à la demande de retrait partiel de l'effet suspensif au recours et a conclu au rejet de celui-ci.

L'OSAV perdait de vue l'élément essentiel de l'expérience, à savoir l'âge des souriceaux au moment de l'utilisation de l'anesthésie par hypothermie (jour de leur naissance [« P0 »] et sixième jour de vie). L'université avait exposé de manière convaincante les difficultés rencontrées avec l'anesthésie gazeuse par isoflurane sur des animaux aussi jeunes. Cette méthode d'anesthésie n'apparaissait pas adaptée à ceux-ci.

La mise en application des suggestions de l'OSAV entraînerait une augmentation du nombre d'animaux utilisés et impliquerait de soumettre certains d'entre eux au stress d'une anesthésie.

d. L'OSAV a conclu au rejet de la demande de retrait partiel de l'effet suspensif au recours.

e. L'université a conclu au rejet du recours ainsi qu'à la mise en œuvre d'une expertise. Elle a transmis un argumentaire relatif au choix de l'hypothermie en tant que méthode d'anesthésie pour les souriceaux âgés de moins de sept jours.

En principe, le recours à l'hypothermie était prévu pour les chirurgies stéréotaxiques effectuées sur des souriceaux âgés de moins de sept jours. Une seule expérience était en l'occurrence concernée et seuls des souriceaux au stade « P0 » seraient anesthésiés au moyen de l'hypothermie. Les études scientifiques démontraient qu'à cet âge, les souriceaux étaient neurologiquement immatures, à savoir que leurs voies afférentes de la douleur n'étaient pas encore correctement développées.

En l'état de la science, l'anesthésie par isoflurane était inadaptée pour l'anesthésie des souriceaux âgés de moins de sept jours. À l'inverse, l'hypothermie en tant que méthode d'anesthésie avait été couramment pratiquée, avec succès, en Suisse et à l'étranger, durant de nombreuses années. En l'état des connaissances scientifiques, il était hautement probable qu'elle s'accompagnât d'une analgésie et d'une perte de conscience.

Afin de cadrer l'expérience, le SCAV avait assorti l'autorisation de charges et conditions, qui offraient des garanties suffisantes permettant de s'assurer de l'absence effective de contraintes inadmissibles pour les animaux utilisés.

f. Par décision du 13 mars 2023, la présidence de la chambre administrative a retiré partiellement l’effet suspensif au recours. Le retrait partiel concernait les expériences référencées dans la demande sous ch. 1.1, 1.2, 1.3, 2.A, 2.C et 3.A, ainsi que celle, non référencée, d'analyse électrophysiologique.

g. Le 3 mai 2023, la chambre administrative a ordonné une expertise qu'elle a confiée à B______, médecin vétérinaire, privat-docent.

h. Dans sa réplique, l'OSAV a relevé que l'expérience envisagée était illicite.

L'hypothermie était une méthode non admise. Elle n'était pas non plus adéquate, dès lors qu'il existait une alternative moins contraignante et éprouvée, l'anesthésie à l'isoflurane. Un protocole portant sur l'anesthésie à l'isoflurane des souriceaux nouveau-nés était déjà appliqué avec succès en Suisse. Des rapports intermédiaires d'un groupe de recherche le confirmaient, et il n'en ressortait pas que la mortalité était plus élevée chez les nouveau-nés anesthésiés avec de l'isoflurane.

Dans la mesure où il fallait s'attendre à des douleurs pendant l'expérience, une perte de conscience et une suppression de la douleur étaient indispensables. Une méthode garantissant uniquement une immobilisation, telle que l'hypothermie, était dès lors exclue.

i. L'experte a transmis son rapport à la chambre administrative, dont il ressort notamment ce qui suit.

Les scientifiques ignoraient si l'hypothermie provoquait simplement une immobilisation ou si elle entraînait également une perte de conscience et une analgésie.

L'anesthésie par inhalation associée à l'anesthésie locorégionale était l'anesthésie la plus sûre et la plus qualitative pour les nouveau-nés de toutes les espèces. L'isoflurane et le sévoflurane pouvaient être utilisés, mais le sévoflurane possédait de meilleures propriétés pharmacocinétiques et dynamiques.

L'experte a notamment recommandé d'effectuer l'anesthésie à « P1 » ainsi que d'organiser et réaliser une expérience pilote utilisant l'anesthésie inhalatoire avec du sévoflurane en collaboration avec un vétérinaire anesthésiste.

j. Le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle et d'enquêtes.

j.a. Le représentant de l'université a précisé que les souriceaux soumis à l'anesthésie par hypothermie seraient uniquement des nouveau-nés « P0 ».

j.b. Selon l'experte, en l'état actuel de la science, on ignorait a priori toujours si l'hypothermie provoquait simplement une immobilisation ou si elle entraînait également une perte de conscience et une analgésie. Vu la taille des souriceaux, il était possible que cette question demeurât indécise.

Il n'existait à ce jour aucune expérience « protocole » d'anesthésie des souriceaux nouveau-nés par inhalation de sévoflurane, en tout cas pas pour des souris transgéniques comme celles qui seraient utilisées dans l'expérience en cause. Il était nécessaire d'avoir une étude sérieuse permettant la mise en place d'un protocole.

L'isoflurane ne donnait pas satisfaction en raison de son odeur nauséabonde. Il pouvait provoquer des vomissements et constituait un irritant respiratoire. Les souriceaux anesthésiés à l'isoflurane avaient ainsi tendance à faire de l'apnée. Le sévoflurane avait en revanche une odeur de banane et était mieux accepté. Il était soluble dans le sang et permettait une induction plus rapide.

Que ce fût pour l'inhalation gazeuse ou la cryoanesthésie, il n'existait aucune preuve irréfutable que les trois éléments fondamentaux de l'anesthésie générale seraient réalisés. La technique de la cryoanesthésie relevait « du tout ou rien », alors que l'anesthésie par inhalation fonctionnait pour toutes les espèces et pour tous les âges et permettait le titrage de l'anesthésique, contrairement à la cryoanesthésie. Cette méthode semblait donc préférable.

Il était possible d'affiner le protocole en cause par la méthode d'inhalation afin de réduire le taux de mortalité. Il était souhaitable de mener une étude préalable sur la méthode d'anesthésie des souriceaux à « P0 », même si une telle étude nécessiterait l'utilisation d'un peu plus d'animaux.

j.c. Les représentants de l'OSAV ont indiqué avoir trouvé en Suisse des chercheurs qui avaient suivi des protocoles d'anesthésie des souriceaux transgéniques à « P0 » par inhalation d'isoflurane. Cela avait bien fonctionné. Il ne s'agissait toutefois pas de la même lignée transgénique que celle de l'expérience concernée.

k. Dans ses observations après enquêtes, le SCAV a relevé que la CCEA, qui était composée d'experts, avait délivré un préavis favorable. L'autorisation avait été donnée après que des questions sur la méthodologie avaient été posées et des réponses apportées. Les investigations utiles avaient donc été menées.

L'audition de l'experte avait permis de confirmer que les contraintes subies en raison de l'anesthésie par isoflurane ne pouvaient être clairement établies. Les connaissances à « P0 » ne permettaient pas de déterminer quelle méthode était la moins contraignante.

l. Dans ses observations après enquêtes, l'université a relevé que les difficultés rencontrées avec l'utilisation de l'isoflurane à « P0 » ne lui étaient pas propres et étaient partagées par de nombreuses autres équipes de recherche en Suisse. Ces difficultés ressortaient de la littérature scientifique.

L'anesthésie par inhalation n'était probablement pas sans effet sur les résultats de l'expérience. Elle avait des effets négatifs – et à long terme – sur le cerveau lorsqu'elle était utilisée chez les souriceaux, ce qui pouvait affecter les résultats de l'expérience. À l'inverse, l'anesthésie par hypothermie n'affectait pas le développement général des souris.

m. Dans ses observations après enquête, l'OSAV a relevé que les déclarations de l'experte confirmaient que l'hypothermie ne remplissait pas les conditions d'une anesthésie générale.

Dans les récents ouvrages de référence, l'anesthésie par inhalation des souriceaux nouveau-nés était présentée comme une méthode sûre et efficace. L'efficacité de l'isoflurane et du sévoflurane sur les rats nouveau-nés était explicitement mentionnée.

n. Dans une écriture spontanée, l'université a réaffirmé que seuls des souriceaux au stade « P0 » seraient anesthésiés au moyen de l'hypothermie.

o. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 16 du règlement d'application de la loi fédérale sur la protection des animaux du 15 juin 2011 - RaLPA - M 3 50.02 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) par une autorité, à savoir l'OSAV, disposant de la qualité pour recourir (art. 25 al. 1 de la loi fédérale sur la protection des animaux du 16 décembre 2005 - LPA-CH - RS 455). Il est donc recevable.

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de l'autorisation délivrée par l'intimé, soit le SCAV, en tant qu'elle porte sur l'expérience référencée sous ch. 2.B de la demande.

2.1 En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l'espèce.

La juridiction administrative chargée de statuer est liée par les conclusions des parties. Elle n’est en revanche pas liée par les motifs que les parties invoquent (art. 69 al. 1 LPA). Si la juridiction administrative admet le recours, elle réforme la décision attaquée ou l’annule. Si elle le juge nécessaire, elle peut renvoyer l’affaire à l’autorité qui a statué pour nouvelle décision (art. 69 al. 3 LPA).

2.2 L'autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties (art. 20 al. 1 LPA).

Elle peut notamment recourir, s'il y a lieu, à une expertise (art. 20 al. 2 let. e LPA), dont le juge apprécie librement la force probante. Dans le domaine des connaissances professionnelles particulières de l'expert, il ne peut toutefois s'écarter de son opinion que pour des motifs importants qu'il lui incombe d'indiquer, par exemple lorsque le rapport d'expertise présente des contradictions ou attribue un sens ou une portée inexacts aux documents et déclarations auxquels il se réfère (ATF 138 III 193 consid. 4.3.1 = JdT 2012 II p. 489, 494 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_275/2023 du 7 août 2023 consid. 4.1 et les arrêts cités).

3.             La Confédération légifère sur la protection des animaux (art. 80 al. 1 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) ; elle règle notamment l'expérimentation animale (art. 80 al. 2 let. b Cst.).

3.1 Selon son art. 1, la LPA-CH vise à protéger la dignité et le bien-être de l’animal. Si elle n'en dispose pas autrement, son exécution incombe aux cantons (art. 32 al. 2 LPA-CH).

La dignité est constituée par la valeur propre de l’animal. Il y a atteinte à cette dignité notamment lorsque la contrainte qui lui est imposée ne peut être justifiée par des intérêts prépondérants. Il y a contrainte notamment lorsque des douleurs, des maux ou des dommages sont causés à l’animal, lorsqu’il est mis dans un état d’anxiété ou avili, lorsqu’on lui fait subir des interventions modifiant profondément son phénotype ou ses capacités, ou encore lorsqu’il est instrumentalisé de manière excessive (art. 3 let. a LPA-CH).

3.2 L'expérimentation animale, définie par l'art. 3 let. c LPA-CH comme toute intervention au cours de laquelle des animaux vivants sont utilisés notamment pour vérifier une hypothèse scientifique (ch.1) ou l’enseignement, la formation ou la formation continue (ch. 6), est réglée aux art. 17 à 20a LPA-CH.

Les expériences qui peuvent causer aux animaux des douleurs, des maux ou des dommages, les mettre dans un état d'anxiété, perturber notablement leur état général ou porter atteinte à leur dignité d'une autre manière doivent être limitées à l'indispensable (art. 17 LPA-CH).

Selon l'art. 18 LPA-CH, toute personne qui entend effectuer des expériences sur les animaux doit être titulaire d'une autorisation de l'autorité cantonale compétente (al. 1) ; l'autorité cantonale compétente soumet les demandes d'autorisation pour les expériences sur animaux visées à l'art. 17 LPA-CH à la commission cantonale pour les expériences sur les animaux (al. 3) ; la durée de validité des autorisations doit être limitée; les autorisations peuvent être subordonnées à des conditions et liées à des charges (al. 4).

Aux termes de l'art. 19 LPA-CH, le Conseil fédéral fixe les critères permettant de déterminer quelles expériences sont indispensables au sens de l'art. 17 LPA‑CH (al. 2). Il peut déclarer certains buts d'expérience illicites (al. 3), ce qu'il a fait à l'art. 138 de l'ordonnance sur la protection des animaux du 23 avril 2008 (OPAn - RS 455.1), en définissant les expériences qui ne sont pas admises, non pertinentes en l'espèce. Les expériences sur les animaux sont notamment illicites lorsque les douleurs, les maux, les dommages ou l'état d'anxiété causés à l'animal sont disproportionnés par rapport au bénéfice escompté en termes de connaissances (al. 4).

L'art. 20 al. 1 LPA-CH prévoit que des douleurs, des maux, des dommages ou un état d'anxiété ne peuvent être imposés à un animal que si le but de l'expérience ne peut être atteint d'une autre manière. Cette disposition contient le principe de l’indispensable pesée des intérêts entre les souffrances de l’animal et le but de l’expérience poursuivi (FF 2003 595, 618).

3.3 Selon son art. 1, l'OPAn règle la manière de traiter, de détenir, d’utiliser les animaux vertébrés, les céphalopodes (Cephalopoda) et les décapodes marcheurs (Reptantia) et de pratiquer des interventions sur eux.

L'OPAn précise à son chapitre 6 les règles applicables en matière d'expérimentation animale (art. 112 à 149).

Lorsque des interventions ou d’autres mesures provoquent plus que des douleurs insignifiantes, elles ne peuvent être pratiquées, si tant est que l’objectif de l’expérience le permette, que sous anesthésie locale ou générale et avec administration consécutive d’un analgésique adéquat (art. 135 al. 5 OPAn).

Selon l'art. 136 al. 1 OPAn, les expériences causant des contraintes aux animaux au sens de l’art. 17 LPA-CH sont notamment celles qui portent atteinte à leur bien-être (let. a), comportent des interventions chirurgicales sur les animaux (let. b) ou dans lesquelles des animaux sont soumis à une anesthésie générale (let. g).

Pour évaluer le caractère proportionné d’une expérience, l’OSAV définit des catégories de contrainte en fonction de l’importance de la contrainte (art. 136 al. 2 OPAn). Faisant usage de cette compétence, l'OSAV a précisé la détermination du degré de gravité de la contrainte aux art. 24 à 26 de son ordonnance du 12 avril 2010 sur l'expérimentation animale (Ordonnance sur l'expérimentation animale - RS 455.163). L'art. 24 de cette ordonnance classe les contraintes causées par des interventions ou des mesures effectuées dans le cadre d'une expérience sur animaux en quatre catégories allant des degrés de gravité zéro (absence de contrainte) à trois (contrainte sévère). Ce dernier degré caractérise les interventions et manipulations sur des animaux dans un but expérimental qui occasionnent aux animaux soit de grandes douleurs, soit des douleurs d'intensité moyenne et de durée moyenne à longue, soit des maux d'intensité moyenne à grande et de longue durée, soit des dommages importants, soit des dommages de gravité moyenne et de durée moyenne à longue, soit une grande anxiété de longue durée, soit une perturbation notable de leur bien-être général.

Selon l'art. 137 OPAn, le requérant doit établir que le but de l’expérience a un rapport avec la sauvegarde et la protection de la vie ou de la santé humaines ou animales (al. 1 let. a), est présumé apporter des connaissances nouvelles sur des phénomènes vitaux essentiels (al. 1 let. b) ou est utile à la protection de l’environnement naturel (al. 1 let. c). Il doit en outre prouver que le but de l’expérience ne peut pas être atteint par des méthodes qui ne nécessitent pas d’expériences sur animaux et qui sont fiables en l’état actuel des connaissances (al. 2). La méthode doit permettre, compte tenu des connaissances les plus récentes, d'atteindre le but de l'expérience (al. 3). Une expérience sur animaux et chacune des parties de l’expérience doivent être planifiées de manière à ce que le plus petit nombre d’animaux nécessaires soit utilisé et la contrainte la plus faible possible infligée aux animaux (al. 4 let. a), à ce que les méthodes d’évaluation des résultats les plus adéquates et les méthodes statistiques correspondant à l’état actuel des connaissances soient appliquées (al. 4 let. b), et à ce que les différentes parties de l’expérience soient échelonnées dans le temps (al. 4 let. c).

Une expérience sur animaux qui cause des contraintes à l’animal est autorisée notamment si elle n’outrepasse pas le cadre de son caractère indispensable (art. 140 al. 1 let. a OPAn), si la pesée des intérêts prescrite à l’art. 19 al. 4 LPA-CH a établi son admissibilité (art. 140 al. 1 let. b OPAn) et si aucun but d’expérience illicite n’est poursuivi (art. 140 al. 1 let. c OPAn).

Selon l'art. 141 al. 4 OPAn, l’autorisation peut être assortie de conditions et de charges concernant notamment les méthodes à employer pour limiter notamment les douleurs et les maux, les dommages, l’anxiété ou tout autre effet défavorable au bien-être de l’animal (let. d) et l’exécution d’une expérience préalable (let. e).

3.4 L'information technique « expérimentation animale » du 8 septembre 2020 émise par l'OSAV intitulée « Anesthésie et analgésie correctes et conformes à la protection des animaux chez les animaux de laboratoire 3.03 » (ci‑après : l'information technique 3.03) prévoit en son chiffre 3 que l’anesthésie et l’analgésie font partie intégrante de l’expérimentation animale (ch. 3.1). Seules les méthodes d’anesthésie en accord avec les bonnes pratiques et conformes à la protection des animaux peuvent être utilisées. Pour les méthodes non admises, aucune exception n’est autorisée (ch. 3.2).

Une anesthésie générale conforme à la protection des animaux se définit comme un état réversible et contrôlable, dans lequel la perception de stimuli douloureux ou autres est complètement supprimée. Elle entraîne une perte de conscience et une insensibilité le plus souvent accompagnée d’un relâchement de la musculature (ch. 4.1).

Sont autorisées les méthodes d’anesthésie pour lesquelles on dispose de connaissances fiables en termes de protection des animaux, quant à leur adéquation et leur efficacité pour les espèces et catégories d’âge correspondantes, dont les souris font partie. Pour le choix de la meilleure méthode d’anesthésie possible pour l’intervention prévue, il convient de consulter la littérature spécialisée ou des experts (ch. 5).

Des anesthésiques, des substances et méthodes sont considérées non conformes à la protection des animaux et donc non admises pour des raisons diverses. La classification se base sur des effets nuisibles ou secondaires pour les animaux, comme une phase d’induction ou de réveil contraignante, une forte irritation à l’endroit de l’application, un manque de preuve de l’efficacité, un effet carcinogène, ou parce qu’ils existent de nouvelles méthodes meilleures pour les animaux. Pour les souris notamment, y compris les nouveau-nés, l'hypothermie est considérée comme une méthode d'anesthésie non admise (ch. 7). L'information technique 3.03 expose à cet égard que l'on ne sait toujours pas si un refroidissement entraîne seulement une immobilisation ou une rigidité due au froid, ou une perte de conscience avec insensibilisation (anesthésie), et que l'on ne peut en outre pas exclure que des douleurs apparaissent lors du réchauffement des animaux, de la reperfusion du tissu et du recouvrement des fonctions du système nerveux périphérique et de la musculature.

3.5 Chaque canton institue un service spécialisé placé sous la responsabilité du vétérinaire cantonal et à même d’assurer l’exécution de la LPA-CH et celle des dispositions édictées sur la base de celle-ci (art. 33 LPA-CH). Selon l'art. 34 LPA‑CH, chaque canton institue une commission pour l’expérimentation animale composée de spécialistes, indépendante de l’autorité chargée de délivrer les autorisations et dans laquelle les organisations de protection des animaux sont adéquatement représentées (al. 1). La commission examine les demandes et fait une proposition à l’autorité chargée de délivrer les autorisations (al. 2).

3.6 À Genève, le SCAV, à l'instar de la direction générale de la santé, est l'une des autorités chargées de l’exécution de la législation sur la protection des animaux (art. 1, 2 let. a et b et 3 al. 2 et 3 RaLPA).

La commission visée par l'art. 34 LPA-CH est la CCEA (art. 6 al. 1 RaLPA). Elle est notamment compétente pour donner un préavis à la direction générale de la santé sur les demandes pour expériences sur les animaux leur causant des contraintes (art. 6 al. 4 let. a RaLPA).

3.7 Dans l’exercice de ses compétences, l’autorité administrative doit respecter le principe de la proportionnalité. Exprimé à l’art. 5 al. 2 Cst., il commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et raisonnablement exigible de la part de la personne concernée (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1013/2015 du 28 avril 2016 consid. 4.1). Traditionnellement, le principe de proportionnalité se compose des règles d’aptitude, qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé, de nécessité, qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés celui portant l’atteinte la moins grave aux intérêts privés soit privilégié, et de la proportionnalité au sens étroit, selon lequel les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public soient mis en balance (ATA/1173/2023 du 31 octobre 2023 consid. 2.8 et l'arrêt cité).

3.8 Les directives sont des ordonnances administratives dont les destinataires sont ceux qui sont chargés de l'exécution d'une tâche publique, et non les administrés (ATA/665/2023 du 20 juin 2023 consid. 9.3). Elles ne constituent pas des règles de droit et ne lient pas le juge. Toutefois, du moment qu'elles sont l'expression des connaissances et expériences de spécialistes avertis et qu'elles tendent à une application uniforme et égale du droit, les tribunaux ne s'en écartent que dans la mesure où elles ne restitueraient pas le sens exact de la loi ou ne seraient pas conformes à des principes généraux (ATF 138 V 50 consid. 4.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_190/2017 du 15 septembre 2017 consid. 3.3.3 ; ATA/486/2023 du 9 mai 2023 consid. 6.2.3 et les références citées).

3.9 Lorsque l'appréciation requise d'une autorité porte sur des questions techniques, celle-ci peut se fonder sur l'appréciation de spécialistes disposant des connaissances techniques nécessaires et éviter d'examiner matériellement elle-même ces preuves. Elle peut donc sans violer son obligation de motiver sa décision se limiter à examiner la validité formelle de l'avis spécialisé, soit vérifier que ses auteurs disposent bien des connaissances techniques requises et qu'aucun motif pertinent n'indique qu'il conviendrait de s'écarter de l'avis en question. De la même manière, lorsque l'appréciation juridique de la situation repose sur des éléments techniques que l'instance inférieure est plus à même de connaître, l'autorité supérieure peut s'imposer une certaine retenue (arrêt du Tribunal fédéral 1C_273/2021 du 28 avril 2022 consid. 2.2.2).

Dans ce cadre, il est également permis de laisser à l'autorité qui a rendu la décision une certaine marge d'appréciation lors de l'évaluation de questions techniques, pour autant qu'elle ait examiné les points de vue déterminants pour la décision et qu'elle ait réuni les éléments nécessaires de manière consciencieuse et complète (ATF 131 II 681 consid. 2.3.2 et les références citées = RDAF 2006 I p. 829, 830 ; ATF 125 II 591 = JdT I p. 761, 773).

Selon le Tribunal fédéral, dans le domaine de l'expérimentation animale, l'implication de la commission pour l'expérimentation animale permet de garantir qu'un organe spécialisé indépendant, composé de manière équilibrée, veille tout particulièrement aux intérêts de la protection des animaux lors de l'évaluation du projet et que les autorités chargées de délivrer les autorisations disposent de documents fiables. L'examen de la demande par la commission pour les expériences sur animaux revêt donc une importance considérable. Dès lors, lorsqu'une autorité d'application – le cas échéant cantonale – ayant des compétences scientifiques particulières s'exprime, l'autorité de recours ne doit s'écarter de l'avis émis par cette autorité que pour des motifs sérieux (ATF 135 II 384 consid. 3.4.1 et les références citées = RDAF 2010 I p. 452, 454).

4.             En l'espèce, l'expérience litigieuse consiste à injecter un marqueur dans le cerveau de souriceaux, afin de caractériser la manière dont les cascades moléculaires et la formation des circuits neuronaux sont affectés dans différents modèles de malformation cérébrales. À teneur du formulaire « A » annexé à la demande relative à l'autorisation querellée, les souriceaux avant « P7 » utilisés pour cette expérience seront anesthésiés au moyen de l'hypothermie. L'université a précisé à cet égard, au cours de la procédure contentieuse, que seuls des souriceaux au stade « P0 » seraient anesthésiés avec cette méthode. Le litige est donc circonscrit à l'examen de la conformité au droit de la pratique de l'hypothermie sur des souriceaux au stade « P0 ».

Il n'est pas contesté que l'expérience cause aux animaux qui y sont soumis une contrainte – correspondant, selon l'autorisation de pratiquer querellée, au degré de gravité le plus élevé prévu par la législation, soit le degré 3 (« contrainte sévère ») – puisqu'elle comporte des interventions chirurgicales.

Il n'est pas non plus contesté que l'expérience nécessite une anesthésie générale des souriceaux. À cet égard, il ressort des écritures des parties et des déclarations de l'experte que celles-ci s'accordent sur le fait qu'il n'est pas démontré scientifiquement que l'hypothermie provoque une perte de conscience et une analgésie chez les souris nouveau-nées. Elles s'accordent également sur le fait que l'hypothermie provoque en revanche une immobilisation.

4.1 Le recourant soutient que l'utilisation de l'hypothermie comme méthode d'anesthésie serait contraire au droit, puisque cette méthode ne serait pas admise par l'information technique 3.03 et ne constituerait pas une anesthésie générale. De plus, il existerait une méthode moins contraignante, celle de l'anesthésie par isoflurane, qui était appliquée avec succès en Suisse.

De son côté, l'intimée, soit l'université, expose que l'hypothermie, en tant que méthode d'anesthésie, a été couramment pratiquée, avec succès, en Suisse et à l'étranger. Lors des expériences qu'elle avait elle-même menées en anesthésiant des souriceaux au moyen de cette technique, moins de 6% de décès aux âges précoces avaient été recensés. En l'état des connaissances scientifiques, il serait hautement probable que l'anesthésie s'accompagne d'une analgésie et d'une perte de conscience.

L'intimée a renoncé à l'anesthésie par isoflurane, telle que suggérée par le recourant, car cette technique serait inadaptée pour l'anesthésie des souriceaux âgés de moins de sept jours. Les expériences qu'elle avait menées ainsi que celles réalisées en Suisse et à l'étranger avaient montré que cette méthode entraînait un taux de mortalité de près de 40% chez les souriceaux âgés de moins de sept jours et provoquait une prolongation de la phase de réveil qui suggérait une souffrance cérébrale majeure. De plus, l'utilisation des anesthétiques par inhalation, tels que l'isoflurane, avait des effets négatifs, et à long terme, sur le cerveau des souriceaux.

L'intimé appuie l'argumentation de l'intimée. Il ajoute que la mise en œuvre des suggestions du recourant entraînerait une augmentation du nombre d'animaux utilisés et impliquerait de soumettre certains d'entre eux au stress d'une anesthésie.

4.2 Dans la mesure où la décision attaquée fait appel à des connaissances techniques dont la chambre de céans ne dispose pas, celle-ci doit faire preuve de retenue dans l'exercice de son pouvoir d'examen et ne doit s'écarter de l'avis émis par l'intimé, et à plus forte raison de l'experte dont la compétence n'a été contestée par aucune des parties, que pour des motifs sérieux. Elle doit à ce titre vérifier notamment que l'autorité a examiné les points de vue déterminants pour la décision et qu'elle a réuni les éléments nécessaires de manière consciencieuse et complète.

4.3 Les questions de savoir si l'information technique 3.03 aurait dû être strictement suivie en tant qu'elle fait de l'hypothermie une méthode d'anesthésie non admise, et ce sans exceptions, et si une hypothermie sur des souriceaux à « P0 » peut être considérée comme une anesthésie générale pourront souffrir de rester indécises, compte tenu de ce qui suit.

4.4 Le recourant a longuement exposé que l'anesthésie par isoflurane constituerait une méthode moins contraignante que l'hypothermie. Cette méthode aurait déjà été appliquée avec succès en Suisse. Le recourant cite à cet égard une publication de 2020 du « Journal of Neuroscience Methods » ainsi qu'un rapport intermédiaire d'un groupe de recherche ayant obtenu l'autorisation de recourir à l'anesthésie à l'isoflurane pour l'injection stéréotaxique de substances dans le cerveau de souriceaux nouveau-nés. Or, outre le fait que l'on ne connaît pas l'âge exact des souriceaux sur lesquels les expériences ayant fait l'objet dudit rapport ont été menées, ce qui constitue en l'occurrence un élément important, la thèse du recourant est contredite par l'experte puisque que celle-ci estime que l'isoflurane ne donne pas satisfaction en raison de son odeur nauséabonde et au motif qu'il peut provoquer des vomissements et constitue un irritant respiratoire. À ces raisons s'ajoute le fait que les souriceaux anesthésiés à l'isoflurane ont tendance à faire de l'apnée. La littérature fournie par l'intimée va également dans ce sens puisqu'elle suggère que l'utilisation des anesthétiques par inhalation a des effets négatifs et à long terme sur le cerveau lorsqu'il est utilisé chez les souriceaux, contrairement à l'hypothermie, qui ne semble pas affecter le développement général des souris. Il y a donc lieu de constater que l'intimée a démontré que la solution proposée par le recourant ne représente pas une alternative à l'hypothermie envisageable.

 

4.5 Cela étant, si l'experte ne s'est pas montrée favorable à l'isoflurane, elle n'a pas non plus recommandé le recours à l'hypothermie, privilégiant au contraire l'anesthésie par sévoflurane.

À cet égard, l'experte a exposé, documents à l'appui, que l'anesthésie par inhalation, associée à l'anesthésie locorégionale, était l'anesthésie la plus sûre et la plus qualitative pour les nouveau-nés de toutes les espèces. L'isoflurane et le sévoflurane pouvaient être utilisés. Le sévoflurane avait néanmoins des meilleures propriétés pharmacocinétiques et dynamiques. Il était soluble dans le sang et permettait ainsi une induction plus rapide, de même que le titrage de l'anesthésique, contrairement à la cryoanesthésie.

L'experte a ajouté qu'à son sens, il n'existait aucune preuve scientifique que l'hypothermie provoquerait une perte de conscience et une analgésie, ce que la documentation fournie par les parties tend à confirmer. De plus, au vu de la taille des souriceaux concernés, il se pourrait qu'aucune réponse ne puisse être apportée à cette question.

Elle a ainsi délivré une série de recommandations consistant notamment à effectuer l'anesthésie à « P1 » ainsi que d'organiser et réaliser une expérience pilote utilisant l'anesthésie inhalatoire avec du sévoflurane en collaboration avec un vétérinaire anesthésiste.

Le rapport de l'experte fait donc apparaître l'existence d'une nouvelle solution alternative a priori moins contraignante que l'hypothermie, ce qui devrait en principe rendre impossible le recours à cette dernière méthode, eu égard au respect du principe de la proportionnalité sous l'angle du critère de la nécessité.

Dans la mesure où l'experte possède des connaissances professionnelles particulières, son avis est important, et rien dans le dossier ne permet de s'en écarter. Toutefois, il apparaît que la CCEA, qui possède également des connaissances spécifiques en la matière, qui a le droit ainsi que le devoir d'examiner les demandes d'expérimentation animale et dont l'avis est important, n'a pas pu s'exprimer sur les recommandations de l'experte, celle-ci ayant été consultée en phase contentieuse. Dès lors, l'intimé, qui fonde sa décision sur le préavis de la CCEA notamment, n'a pas non plus été en mesure de prendre en compte la position de l'experte avant de rendre la décision litigieuse, si bien qu'il n'a pas examiné tous les points de vue déterminants. Par conséquent, la chambre de céans ne dispose elle‑même pas de tous les éléments lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause. Il se justifie ainsi de soumettre à la CCEA les recommandations de l'experte afin que celle-là délivre un nouveau préavis tenant compte desdites recommandations.

Le recours sera dès lors partiellement admis et la décision annulée en tant qu'elle porte sur l'expérience référencée sous ch. 2.B de la demande. Le dossier sera renvoyé pour nouvelle décision à l'intimé, qui devra préalablement soumettre pour examen à la CCEA les propositions et recommandations de l'experte, l'intimée étant invitée dans ce cadre à faire valoir ses observations. Dans le cas où l'intimé délivrerait une nouvelle autorisation, il conviendra notamment d'indiquer avec précision l'âge des souriceaux utilisés.

5.             Vu l'issue du litige, un émolument – réduit – de CHF 1'000.-, comprenant la décision sur effet suspensif du 3 mars 2023 ainsi que l'ordonnance du 3 mai 2023, sera mis à la charge de l'université, qui succombe partiellement (art. 87 al. 1 LPA). Bien qu'il ait pris des conclusions en ce sens, il ne sera pas octroyé d'indemnité à l'OSAV, qui a procédé par son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA).

Les frais d'expertise, arrêtés à CHF 3'683.35, seront mis pour moitié à la charge de l'université et pour moitié à la charge de l'OSAV (art. 87 al. 1 LPA cum art. 1 let. b et 3 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 janvier 2023 par l'office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires contre la décision du service de la consommation et des affaires vétérinaires du 11 décembre 2022 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision du service de la consommation et des affaires vétérinaires du 11 décembre 2022 en tant qu'elle porte sur l'expérience référencée sous ch. 2.B ;

la confirme pour le surplus ;

renvoie la cause au service de la consommation et des affaires vétérinaires pour nouvelle décision au sens des considérants ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de l'Université de Genève ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

met les frais d'expertise, arrêtés à CHF 3'683.35, pour moitié à la charge de l'Université de Genève et pour moitié à la charge de l'office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l'Université de Genève, au service de la consommation et des affaires vétérinaires ainsi qu'à l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV).

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Verena PEDRAZZINI RIZZI, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :