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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/30/2023

ATA/1238/2023 du 14.11.2023 sur JTAPI/797/2023 ( LCR ) , ADMIS

Descripteurs : PERMIS(CIRCULATION);RETRAIT DE PERMIS;CONDITION(FAIT FUTUR);CHARGE(OBLIGATION);EXPERTISE;ÉTAGE;PROPORTIONNALITÉ;LÉGALITÉ
Normes : Cst.5.al2; LCR.16d.al1.letb; LCR.17.al3; LCR.25.al3.letf; OAC.5a.al1; OAC.5a bis.al1; LCR.15d.al1
Résumé : Jugement du TAPI confirmant le retrait de permis mais subordonnant la levée de la mesure à la présentation d'une expertise de niveau 3 se prononçant favorablement quant à l'aptitude à la conduite de l'intéressé (et non de niveau 4 comme requis par l'OCV). Recours de l'OCV admis, le TAPI ayant violé le principe de la légalité par cette substitution de niveau, et décision de l'OCV requérant le niveau 4 rétablie.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/30/2023-LCR ATA/1238/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 novembre 2023

2ème section

 

dans la cause

 

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES recourant

contre

A______ intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 juillet 2023 (JTAPI/797/2023)


EN FAIT

A. a. Le 11 février 2021, A______, né le ______ 1979, a été trouvé par la police somnolant au volant de son véhicule, correctement stationné. Il portait sur lui plusieurs flacons contenant des médicaments, notamment de la Ritaline et du Dormicom, ainsi qu'un sachet de marijuana de 3.2 g. Le test effectué s'était révélé négatif. Il tenait tout au long de l'intervention des propos incohérents. Sa capacité à pouvoir conduire un véhicule était fortement douteuse, car il avait reconnu que ses médicaments le fatiguaient.

b. Par décision du 24 juin 2021, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a retiré le permis de conduire de A______ à titre préventif pour une durée indéterminée et lui a fait interdiction de conduire des véhicules, subordonnant la levée de la mesure à la présentation d'un certificat médical émanant du Docteur B______, médecin-conseil de niveau 3.

À la suite des événements du 11 février 2021, il ne s'était pas présenté à l'examen d'aptitude à la conduite auprès du Dr B______ dans le délai d'un mois imparti le 10 janvier 2021, de sorte que les questions relatives à son aptitude à la conduite n'avaient pas pu être élucidées.

c. Par certificat médical du 8 juillet 2021, le Dr B______ a préconisé une évaluation de niveau 4, le conducteur ne s'étant pas présenté aux rendez-vous à deux reprises.

d. Le 29 juillet 2021, l'OCV a modifié sa décision du 24 juin 2021 pour subordonner la levée de la mesure à la présentation d'une expertise favorable émanant d'un médecin de niveau 4.

e. Dans son expertise du 18 novembre 2022, la Docteure C______ a conclu que A______ était inapte, d'un point de vue médical, à la conduite des véhicules à moteur. Avant que sa réadmission puisse être examinée, il était nécessaire qu'il initie un suivi auprès d'un médecin ou d'une consultation spécialisé en addictologie, qui devrait être maintenu pendant au moins une année, à raison d'au minimum un entretien par mois, avec pour objectif de l'aider à maintenir une stricte abstinence à l'égard de tout stupéfiant illicite (en particulier l'héroïne, la cocaïne et les médications appartenant à la classe des benzodiazépines), et qu'il effectue, dans le cadre de ce suivi, quatre analyses capillaires, espacées de trois mois, pour dépister toutes les drogues psychoactives d'usage courant et les benzodiadépines. Au terme de ce suivi, qui devrait être maintenu jusqu'à une nouvelle évaluation de l'aptitude à la conduite automobile, un certificat médical du thérapeute choisi devrait être transmis à un médecin de niveau 4 confirmant que les conditions requises avaient été respectées et que les résultats des analyses de cheveux étaient compatibles avec la stricte abstinence requise à l'égard de toute drogue et benzodiazépine.

Le conducteur avait annoncé un usage modéré occasionnel d'alcool, ce que le dossier ne remettait pas en question. Il décrivait une appétence plus ou moins importante à l'égard de plusieurs stupéfiants illicites, soit notamment le cannabis depuis ses 13 ans avec dernier joint au printemps 2022, la cocaïne depuis ses 16 ou 17 ans jusqu'à sa dernière prise en juin 2022 après interruption entre 2010 et 2018, l'héroïne depuis ses 18 ans, addiction pour laquelle il était suivi en ambulatoire avec prescription de morphine, traitement alors encore poursuivi, le dernier usage d'héroïne remontant en tout cas avant le mois de juin 2022, ainsi que des médicaments psychoactifs détournés de leurs objectifs thérapeutiques depuis ses 18 ans (Rivotril, Dormicum, appartenant tous deux à la classe des benzodiazepines) jusqu'à sept ou huit mois auparavant. Les résultats d'analyse capillaire étaient indicateurs de consommations de morphine, héroïne, codéine, hydromorphone, Dormicum et Rivotril dans les deux à trois mois précédents. Il n'était toutefois pas exclu que la consommation de Dormicum et Rivotril ait eu lieu antérieurement. La présence d'héroïne en quantité suffisamment importante pour qu'elle apparaisse reflétait des prises ayant manifestement persisté jusqu'à une période plus récente qu'annoncée. La médecin traitant relevait que l'intéressé souffrait d'une dépendance aux opiacés assortie d'un trouble de personnalité borderline et émettait un pronostic réservé par rapport à son évolution future. Malgré les réels efforts fournis par l'expertisé, la problématique addictive dont il souffrait de longue date à l'égard de l'héroïne ne pouvait pas être considérée comme résolue et sa résolution à en devenir totalement abstinent apparaissait fragile et devait être consolidée. Dans la mesure où il n'apportait pas de garanties suffisantes lui conférant un pronostic fiable et sans risques de conduite en état d'incapacité, la restitution de son permis de conduire n'était en l'état pas envisageable.

f. Par décision du 20 décembre 2022 déclarée exécutoire nonobstant recours, l'OCV a retiré le permis de conduire de A______ pour une durée indéterminée, subordonnant la levée de la mesure par nouvelle décision à la présentation d'un rapport d'expertise établi par un médecin de niveau 4 se prononçant favorablement quant à son aptitude à la conduite.

Vu le rapport d'expertise du 18 novembre 2022 concluant à son inaptitude à la conduite des véhicules à moteur, il y avait lieu de l'écarter de la circulation routière pour une durée indéterminée, pour des raisons de sécurité. La nouvelle évaluation de son aptitude ne pourrait être mise en œuvre que pour autant qu'il respecte les conditions prévues dans le rapport concluant à son inaptitude à la conduite.

B. a. Par acte expédié le 4 janvier 2023, complété le 9 janvier 2023, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à la restitution de son permis de conduire et indiquant accepter se soumettre, au besoin, à une expertise de niveau 3.

b. Par jugement du 18 juillet 2023, rendu à l'issue de plusieurs échanges d'écritures, le TAPI a partiellement admis le recours, a confirmé la décision de l'OCV en tant qu'elle prononçait le retrait du permis de conduire de A______ pour une durée indéterminée et l'a annulée en tant qu'elle subordonnait la levée de la mesure à la présentation d'un rapport d'expertise établi par un médecin de niveau 4.

L'intéressé avait déjà fait l'objet d'une expertise complète de niveau 4 le 18 novembre 2022, sur laquelle l'autorité pourrait s'appuyer dans sa nouvelle décision. Le but de l'expertise ordonnée était d'évaluer la stricte abstinence au moyen d'une attestation de suivi en addictologie et des résultats des tests capillaires, sans nécessité de revenir sur tout l'historique de l'expertisé. Il s'agissait d'une expertise ordinaire sans complexité apparente. En vertu du principe de la proportionnalité, il y avait lieu de subordonner la restitution du permis de conduire à la présentation d'un rapport d'expertise établi par un médecin de niveau 3, lequel devrait se déterminer favorablement quant à l'aptitude à conduire. Cette exigence était apte à atteindre le but poursuivi.

C. a. Par acte du 14 septembre 2023, l'OCV a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à la confirmation de sa décision du 20 décembre 2022.

Il avait fondé sa décision sur les conclusions du rapport d'expertise du 18 novembre 2022. L'experte avait exposé de manière parfaitement claire et convaincante les raisons pour lesquelles elle avait requis un suivi d'au minimum une année par un médecin ou une consultation spécialisé en addictologie, la réalisation dans le cadre de ce suivi de quatre analyses capillaires espacées d'au moins trois mois et la transmission du certificat médical concernant ledit suivi à un médecin de niveau 4 pour expertise. Cette dernière exigence était conforme à la pratique établie par la SOCIÉTÉ SUISSE DE MÉDECINE LÉGALE (ci-après : SSML), la responsabilité du contrôle d'abstinence incombant à un médecin titulaire de la qualification de niveau 4 et non à un médecin de niveau 3. Le médecin responsable de niveau 4 était compétent pour procéder à l'évaluation des résultats et de l'aptitude à la conduite ainsi que pour évaluer la suite de la procédure.

Il a notamment versé à la procédure un document intitulé « Consensus concernant le contrôle d'abstinence et le suivi du comportement de consommation : Alcool, drogues (sans cannabis) et médicaments » du 2 octobre 2018 de la section de médecine du trafic de la SSML et un courriel du 28 juillet 2023, dans lequel la Dre C______ maintenait sa position selon laquelle le conducteur devait être revu par un médecin de niveau 4, la situation restant relativement complexe et un médecin de niveau 3 ne disposant pas des compétences pour se prononcer vu l'historique d'addictologie, étant relevé qu'il existait des expertises de niveau 4 simplifiées.

b. A______ a conclu à la confirmation du jugement du TAPI.

Le retrait de son permis était justifié, puisqu'il ne s'était pas soumis à l'expertise ordonnée. Il ne concevait cependant pas que l'expertise ordonnée soit différente, alors que l'infraction demeurait la même, soit une interpellation sans infraction routière, ni consommation de stupéfiants. Même si elle était intervenue dans une période sombre et que de nombreux médicaments avaient été trouvés sur lui, ceux‑ci reposaient sur des ordonnances médicales. Sous réserve de la marijuana, rien d'illégal n'avait été trouvé et aucune consommation de drogue détectée. L'expertise déjà effectuée ne constituait pas un suivi ni une expertise approfondie. Son médecin avait un avis totalement différent sur la toxicomanie, même s'il reconnaissait une pharmacodépendance à la morphine. L'experte l'avait stigmatisé pour justifier une conclusion d'inaptitude à la conduite. Alors qu'il avait déjà un médecin spécialisé, elle voulait imposer des contraintes supplémentaires lourdes et sur le long terme. Elle avait oublié les médicaments prescrits et stipulait pourtant qu'une abstinence devait être observée sur ces médicaments.

Il a notamment produit des échanges de courriels du 11 novembre 2022 avec la Dre C______, dans lesquels il indiquait avoir eu une consommation de cocaïne ponctuelle après l'expertise, et un certificat médical du 3 octobre 2023 du Docteur D______ à teneur duquel le dépistage d'urine effectué le jour même était négatif aux benzodiazépines, à la cocaïne, à la méthadone et aux amphétamines, seule la morphine, prescrite, étant positive.

c. Le lendemain, l'intéressé a encore expliqué ne pas accepter l'interprétation des tests capillaires faite par l'experte et souligné qu'aucun des autres tests n'avait été pris en compte.

Cette dernière avait conclu initialement à l'absence de tout problème et avait radicalement changé d'avis sur la base de résultats approximatifs de tests capillaires. Elle avait extrapolé sur la base du récit de son passé et ses préjugés sur les toxicomanes. Lorsqu'il n'avait pas accès à son médecin traitant, il avait été amené à faire appel à des centres qui fournissaient des substituts. Les résultats positifs à l'héroïne dans son test capillaire pouvaient provenir d'un tel substitut. Les résultats dénotaient la même proportion que la codéine, médicament qu'il n'avait jamais vu, ni acheté et qui était positif en raison d'une répercussion de prise d'un sirop pour la toux. Finalement, tous les résultats étaient négatifs. Les traces infimes d'héroïne ne pouvaient démontrer une dépendance ou toxicomanie. Le dernier test urinaire n'avait rien détecté. Il n'était pas possible de mettre fin à une addiction en quelques jours.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Est litigieux le niveau d’expertise requis du conducteur en vue d’obtenir la levée du retrait de permis prononcé à son encontre.

Ce dernier n'ayant pas formé recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI et la procédure administrative genevoise ne connaissant pas l'institution du recours joint (ATA/437/2023 du 25 avril 2023 consid. 2), le retrait de son permis de conduire pour une durée indéterminée pour inaptitude à la conduite en raison d'une dépendance est entré en force. Les griefs de l’intimé remettant en cause l'expertise du 18 novembre 2022, son inaptitude à la conduite et l'existence d'une dépendance ne peuvent par conséquent être examinés. L'intéressé a, d’ailleurs, malgré les critiques qu’il adresse à l’expertise précitée, reconnu dans sa réponse que le retrait de permis était justifié.

3.             L'autorité recourante reproche au TAPI d'avoir réduit le niveau d’expertise médicale pour obtenir la levée du retrait de permis du niveau 4 à 3.

3.1 Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2).

3.2 Aux termes de l'art. 16d al. 1 let. b de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), le permis d'élève conducteur ou le permis de conduire est retiré pour une durée indéterminée à la personne qui souffre d'une forme de dépendance la rendant inapte à la conduite.

La décision de retrait de sécurité du permis pour cause d'inaptitude à la conduite au sens de l'art. 16d al. 1 let. b LCR constitue une atteinte grave à la personnalité et à la sphère privée de la personne intéressée ; elle doit donc reposer sur une instruction précise des circonstances déterminantes (ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C 139/2023 du 11 août 2023 consid. 3.1 ; 1C_459/2022 du 9 mars 2023 consid. 3.1). L'autorité compétente doit, avant d'ordonner un tel retrait, éclaircir d'office la situation de la personne concernée. Si elle met en œuvre une expertise, l'autorité est liée par celle-ci et ne peut s'en écarter que si elle a de sérieux motifs de le faire (ATF 142 IV 49 consid. 2.1.3 ; 140 II 334 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C 139/2023 précité consid. 3.1 ; 1C_294/2018 du 21 septembre 2018 consid. 5.1). En particulier, il faut que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport d'expertise se fonde sur des examens complets, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 125 V 351 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 1C 139/2023 précité consid. 3.1 ; 1C_152/2019 du 26 juin 2019 consid. 3.1).

3.3 Le permis d’élève conducteur ou le permis de conduire retiré pour une durée indéterminée peut être restitué à certaines conditions après expiration d’un éventuel délai d’attente légal ou prescrit si la personne concernée peut prouver que son inaptitude à la conduite a disparu (art. 17 al. 3 LCR). Il découle de cet article que la restitution du droit de conduire après un retrait de sécurité prononcé en raison d'une dépendance peut être soumise à des conditions (arrêt du Tribunal fédéral 1C_139/2023 précité consid. 4.1). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'automobiliste devra apporter la preuve de son aptitude par une abstinence contrôlée pendant une période fixée habituellement entre six et douze mois (ATF 131 II 248 consid. 4.1; 129 II 82 consid. 2.2; arrêts du Tribunal fédéral 1C 139/2023 du 11 août 2023 consid. 4.1).

3.4 Le Conseil fédéral édicte des prescriptions sur les exigences minimales imposées aux personnes chargées d'effectuer les enquêtes sur l'aptitude à la conduite (art. 25 al. 3 let. f LCR).

Les examens relevant de la médecine du trafic visés dans l'ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51) peuvent être réalisés seulement sous la responsabilité de médecins reconnus (art. 5a al. 1 OAC). L’autorité cantonale procède à la reconnaissance de médecins pour des examens conformément aux niveaux suivants :

- niveau 1: contrôles relevant de la médecine du trafic de titulaires d’un permis de conduire âgés de plus de 75 ans (let. a) ;

- niveau 2 : premier examen de candidats à un permis d’élève conducteur ou à un permis de conduire des catégories C ou D ou des sous-catégories C1 ou D1, ou à une autorisation de transporter des personnes à titre professionnel (ch. 1), contrôles relevant de la médecine du trafic de titulaires de l’un des permis de conduire visés au ch. 1 ou d’une autorisation de transporter des personnes à titre professionnel (ch. 2), examens prescrits pour les experts de la circulation conformément à l’art. 65 al. 2 let. d OAC (ch. 3 ; let. b) ;

- niveau 3 : deuxième examen des personnes visées aux let. a et b si le résultat du premier examen ne permet pas d’émettre des conclusions formelles sur leur aptitude à la conduite (ch. 1), premier examen de candidats à un permis d’élève conducteur, à un permis de conduire ou à une autorisation de transporter des personnes à titre professionnel dont l’aptitude médicale à conduire un véhicule automobile soulève des doutes pour l’autorité cantonale (ch. 2), premier examen de candidats à un permis d’élève conducteur, à un permis de conduire ou à une autorisation de transporter des personnes à titre professionnel qui ont plus de 75 ans ou sont handicapés physiquement (ch. 3), contrôles relevant de la médecine du trafic de titulaires de permis qui souffrent ou ont souffert de graves troubles physiques résultant de blessures consécutives à un accident ou de maladies graves (ch. 4) et examens relevant de la médecine du trafic effectués dans les cas visés à l’art. 15d al. 1 let. d et e LCR (ch. 5 ; let c) ;

- niveau 4 : tous les examens et toutes les expertises relevant de la médecine du trafic qui concernent l’aptitude à la conduite et la capacité de conduire (let. d ; art. 5abis al. 1 OAC).

Si l’aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l’objet d’une enquête, notamment en cas de communication d’un office de l'assurance‑invalidité cantonal en vertu de l’art. 66c de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - 831.20 ; let. d) ou de communication d’un médecin selon laquelle une personne n’est pas apte, en raison d’une maladie physique ou mentale ou d’une infirmité, ou pour cause de dépendance, de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. e ; art. 15d al. 1 LCR).

3.5 En l'espèce, l'instance précédente a retenu qu'un médecin de niveau 4 devait intervenir dans le cadre des situations compliquées, y compris les évaluations délicates de problèmes de dépendance, ce qui n'était en l'occurrence pas le cas, puisque l'automobiliste s'était déjà soumis à une expertise complète de niveau 4 et que le but de la nouvelle expertise était d'évaluer la stricte abstinence de l'intéressé au moyen d'une attestation de suivi en addictologie et de résultats de tests capillaires. L'exigence d'un rapport par un médecin de niveau 4 était disproportionnée et une expertise par un médecin de niveau 3 suffisait à atteindre le but poursuivi.

Néanmoins, la condition fixée par l'OCV avait pour but de prouver l'abstinence et, donc, la disparition de l'inaptitude à conduire, conformément à l'art. 17 al. 3 LCR. Or, l'art. 5abis al. 1 OAC prévoit que les expertises concernant l'aptitude à la conduite sont effectuées par un médecin de niveau 4. En particulier, le cas du recourant ne rentre pas dans les art. 5abis al. 1 let. c OAC et 15d al. 1 let. e LCR. L'on ne se trouve en effet pas en présence d'une simple communication d'un médecin, mais dans la situation où une inaptitude à la conduite pour cause de dépendance a été établie par expertise et mené au retrait de permis de conduire pour une durée indéterminée. L’expertise à effectuer désormais vise à établir l’abstinence permettant de conclure à la disparition de l'inaptitude à conduire, condition nécessaire à la levée du retrait de permis. Un tel cas de figure rentre dans l'art. 5abis al. 1 let. d et non let. c OAC, de sorte que, conformément au principe de la légalité, il requiert l'intervention d'un médecin de niveau 4.

Par conséquent, en retenant que la condition exigeant une expertise de niveau 4 était excessive, le TAPI a violé l'art. 5abis al. 1 OAC, le niveau d'expertise ne relevant en l'occurrence pas de la marge d'appréciation de l'autorité mais découlant des dispositions de l'ordonnance.

Au surplus, il sera relevé qu'en requérant une expertise d'un médecin de niveau 4, l'OCV a suivi l'avis de la spécialiste ayant établi l'expertise du 18 novembre 2022. Celle-ci préconisait, en effet, un suivi d'au minimum une année auprès d'un médecin ou d'un centre de consultation spécialisé et quatre analyses capillaires puis une évaluation de l'aptitude à la conduite par un médecin de niveau 4, recommandation qu'elle a encore indiqué maintenir le 28 juillet 2023, expliquant qu'il existait aussi des expertises de niveau 4 dites « simplifiées ». Or, en plus d'être soumise au principe de la légalité, l'autorité était liée par l'expertise et ne pouvait s'en écarter que si elle avait de sérieux motifs de le faire, l'instance précédente n'ayant cependant pas exposé de tels motifs. Il sera à cet égard encore constaté que la recommandation de l'experte est conforme au consensus de la section de médecine du trafic de la SSML, lequel prévoit que la responsabilité du contrôle d'abstinence incombe à un médecin titulaire de la qualification de niveau 4.

Au vu de ce qui précède, le TAPI ne pouvait pas modifier le niveau d'expertise requis. Le recours sera donc admis. Le jugement du TAPI sera annulé en ce qui concerne le niveau d’expertise requis et la décision de l'OCV sera rétablie en tant qu'elle subordonne la levée du retrait de permis à la présentation d'un rapport d'expertise établi par un médecin de niveau 4.

4.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 300.- sera mis à la charge de l'intimé et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2023 par l'office cantonal des véhicules contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 juillet 2023 ;

au fond :

l'admet et annule le jugement précité en ce qui concerne le niveau d’expertise requis pour obtenir la levée de la mesure de retrait du permis de conduire de A______ ;

rétablit la décision de l'office cantonal des véhicules du 20 décembre 2022 en ce qu'elle subordonne la levée du retrait de permis de conduire de A______ à la présentation d'un rapport d'expertise établi par un médecin de niveau 4 ;

confirme le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 juillet 2023 pour le surplus ;

met un émolument de CHF 300.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l'office cantonal des véhicules, à A______, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l'office fédéral des routes.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Claudio MASCOTTO juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

la greffière :