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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1612/2022

ATA/1242/2023 du 14.11.2023 sur JTAPI/324/2023 ( LCI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1612/2022-LCI ATA/1242/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 novembre 2023

3ème section

 

dans la cause

A______ et B______, C______, D______, E______ et F______
représentés par Me Bénédict FONTANET, avocat recourants

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

et

G______

et

H______ SA

représentée par Me Julien PACOT, avocat intimés

_________

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 mars 2023 (JTAPI/324/2023)


EN FAIT

A. a. G______ (ci-après : le propriétaire) est propriétaire de la parcelle no 3'886 de la commune de Thônex (ci-après : la commune), d’une surface de 938 m2, à l'adresse ______, chemin I______ comprenant principalement une habitation d'un logement et un garage privé.

Il est aussi propriétaire de la parcelle n° 3'873, de 97 m2, consistant en une « bande de terrain » d’environ 3 m de large et d’une longueur de 30 m, qui borde sa parcelle sur toute sa longueur, au nord.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


b. Au nord des deux parcelles précitées, E______ est propriétaire de la parcelles no 3'622, d’une surface de 1'203 m2, sur laquelle est sise son habitation.

Il est par ailleurs propriétaire de la parcelle n° 1’758, de 88 m2, consistant en une « bande de terrain » d’environ 3 m de large et d’une longueur de 27 m, qui borde sa parcelle sur toute sa longueur, au sud.

c. Les deux « bandes de terrain » ont été aménagées en chemin carrossable, en bitume, et sont utilisées par les deux précités pour accéder à leur propriété.

d. À l’est des deux parcelles de E______, se trouvent les propriétés de F______, soit la parcelle n° 6'243, sur laquelle est sise une habitation et la n° 6'290, « bande de terrain » qui prolonge celle de E______.

e. À l’est des deux parcelles de G______, se trouve la parcelle n° 5'517, de 1'383 m2, propriété de B______. Elle vit avec son époux, A______, dans la villa qui y est érigée.

f. La « bande de terrain » de E______ et l’extrême nord de la parcelle de B______ sont la continuité du chemin carrossable précité.

g. Le chemin (ci-après : l’impasse), sis sur les quatre parcelles précitées rejoint, à l’est, perpendiculairement, le chemin I______. À l’ouest, il se termine en impasse.

h. J______ est propriétaire de la parcelle n° 5'955 et vit avec son époux K______ dans la villa qui y est construite.

L______ est propriétaire de la parcelle n° 5'954, sur laquelle est édifiée une maison habitée par sa mère, D______.

Ces deux parcelles longent le chemin I______ et sont sises en zone 5.

i. L'accès aux parcelles de G______ se fait par le chemin de M______ (qui longe notamment les parcelles nos 3'887 et 5'517 au sud) puis, perpendiculairement dans le chemin I______, puis à nouveau perpendiculairement à gauche dans l’impasse.

Le chemin I______ appartient au réseau communal secondaire. Sa chaussée, revêtue de béton bitumeux, est d’une largeur maximale de 6,2 m selon le système d’information du territoire genevois (ci‑après : SITG).

L’impasse est longue d’environ 54 m et large d’au minimum 4,6 m à teneur du SITG, indépendamment de la largeur effectivement praticable, compte tenu de bandes herbeuses, de poteaux, de boîtes aux lettres notamment. Elle est décrite par le SITG comme une « chaussée » revêtue de béton bitumeux. Elle se compose des parcelles nos 5'517, 6'290, 1'758 et 3'873, toutes des propriétés privées.

j. Aucune servitude de passage n'est inscrite au registre foncier au bénéfice des parcelles desservies par l’impasse.

Une servitude de passage, d’environ 2 m de large, grève le bord ouest de la parcelle n° 3'887 au bénéfice de la parcelle n° 3'886 permettant de rejoindre directement le chemin de M______. Elle est issue de la division parcellaire intervenue en 1957.

k. Le 2 septembre 2019, le propriétaire et la société H______ SA (ci‑après : H______ ou la requérante) ont conclu une promesse de vente et d'achat portant sur les parcelles nos 3'886 et 3'873, laquelle consacrait également un droit d'emption en faveur de H______.

B. a. Le 22 novembre 2019, H______ a déposé auprès du département du territoire (ci‑après : le département) une demande d'autorisation de construire portant sur l'édification d'un habitat groupé (48% HPE) « R+1+attique » sur les parcelles nos 3'886 et 3'873. La future construction, d'une surface habitable de 496.77 m2, prévoyait la réalisation de cinq logements – ramenée à quatre en cours d'instruction – de places de stationnement, un couvert à vélos, une pompe à chaleur (ci-après : PAC) et implique l'abattage d'arbres. L'accès en voiture est prévu depuis la parcelle n° 3'873 et neuf places de stationnement prendraient place sur la parcelle n° 3'886, le long de l’impasse. Cette requête a été enregistrée sous la référence DD 1______.

b. Tous les préavis récoltés ont été favorables, soit de la commission d'architecture, de la commune, de l'office cantonal de l'agriculture et de la nature ainsi que :

- le 20 mai 2020, après avoir sollicité des modifications du projet et la production de documents complémentaires, de la police du feu. Ce préavis portait le tampon de l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC) indiquant sa réception le 1er octobre 2021 et, sous « Remarques », la mention « Réf. Plans : B 1______/RG//3/17/08/21 » ;

- le 24 janvier 2022 de la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC), après s'être prononcée défavorablement au motif que les conditions de l'art. 59 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) n'étaient pas remplies, la DAC a émis un préavis favorable, avec dérogations aux art. 59 LCI et 3 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) au sujet des constructions de peu d’importance (ci-après : CDPI), relevant notamment que les distances aux limites de propriété, ainsi que le gabarit théorique du bâtiment étaient respectés ;

- le 2 mars 2022, de l'office cantonal des transports (ci-après : OCT), favorable sans observations.

c. Par décision du 31 mars 2022, le département a délivré la DD 1______.

C. a. Par acte du 16 mai 2022, B______, A______, C______, D______, E______ et F______ (ci-après : les voisins) ont interjeté recours contre l’autorisation. Ils ont conclu à son annulation. Préalablement un transport sur place devait être ordonné. Les mesures du chemin indiquées par les intimés ne coïncidaient pas avec celles obtenues en utilisant le SITG.

b. Après plusieurs échanges d’écritures, le TAPI a donné acte aux parties de ce que, suite à des erreurs de plume dans les préavis, le chiffre 5 de l'autorisation de construire était réformé, en ce sens que les conditions figurant dans le préavis de la police du feu daté du 20 mai 2020, reçu par le département le 1er octobre 2021, faisaient partie de l'autorisation globale et devaient être strictement respectées, en lieu et place du préavis de cette autorité émis le 24 mars 2021. Il a rejeté le recours pour le surplus.

Le département n’avait commis ni excès ni abus de son pouvoir d'appréciation en retenant que l'équipement du terrain était suffisant, tant techniquement que juridiquement. Les griefs de violation des art. 19 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) et 14 LCI étaient rejetés.

D. a. Par acte du 8 mai 2023, les voisins ont interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Ils ont conclu à ce que le jugement soit réformé en ce sens que l’autorisation de construire était annulée.

aa. L’accès n’était pas garanti sur le plan juridique. Référence était faite à un arrêt récent du Tribunal fédéral. Le raisonnement du TAPI était superficiel et succinct. Premièrement, il ne s’agissait pas d’une question de droit civil. Il n’était pas question de révoquer l’autorisation de passage qu’ils avaient accordée à bien plaire à leurs voisins mais du fait qu’aucune servitude de passage ne permettait d’accéder à la parcelle de la requérante. Aucun accès au terrain concerné n’était en conséquence garanti sur le plan juridique. Les exigences fixées par l’art. 19 al. 1 et 22 al. 2 let. b LAT n’étaient pas remplies. Ainsi, soit l’autorité compétente suspendait l’instruction de la requête d’autorisation de construire le temps que cette question soit clarifiée par le juge civil, voire subordonne la validité de l’autorisation de construire à la décision dudit juge, soit elle devait expliquer précisément les raisons pour lesquelles elle considérait qu’à défaut d’accès relevant du droit public, la requérante de l’autorisation pouvait, sans ambiguïté, prétendre à un tel accès sur la base des normes de droit civil.

Le TAPI s’était limité à constater que les habitants du futur projet d’habitat groupé « pourraient disposer d’un droit de passage nécessaire » sur le chemin I______ faute de débouchés sur la voie publique, puisque le chemin I______ représentait « selon toute vraisemblance » la seule voie leur permettant de rejoindre le projet querellé. Selon le TAPI, les parcelles semblaient a priori disposer d’un accès suffisant. Ce raisonnement ne permettait pas de considérer que le droit d’accès était garanti. Par ailleurs les parcelles objet de l’autorisation de construire étaient au bénéfice d’une servitude de passage leur permettant d’accéder au projet de construction directement depuis le domaine public soit depuis le chemin de M______. Le fait que, hypothétiquement, cette servitude n’ait pas été utilisée à cette fin jusqu’à présent et qu’elle ait été recouverte d’aménagements divers au fil du temps ne changeait rien. La parcelle en cause devait prioritairement l’utiliser avant de pouvoir, éventuellement, prétendre à bénéficier d’un droit de passage « nécessaire » sur le chemin I______. Selon la jurisprudence en application de l’art. 694 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), le propriétaire qui prétendait pouvoir bénéficier d’un droit de passage nécessaire ne devait pas avoir été à l’origine de l’état de nécessité dans lequel il alléguait se trouver. Or, en l’espèce, les propriétaires successifs des parcelles objets de la construction auraient dû faire en sorte que la servitude de passage dont la parcelle n° 3’886 bénéficiait reste praticable. Il était dès lors douteux qu’un juge civil parvienne à la conclusion que les conditions, restrictives, d’un droit de passage « nécessaire » en application du CC étaient remplies.

Un autre accès, plus aisé, était envisageable via la parcelle n° 6’459, propriété de la commune, qui jouxtait, à l’ouest, les parcelles de la requérante. La prétention dérivant de l’art. 694 CCS devait d’abord être exercée à l’endroit du propriétaire pour lequel l’octroi de ce droit serait le moins lourd. Un tel accès ne toucherait qu’un seul propriétaire, en l’occurrence une collectivité publique.

ab. L’accès n’était pas garanti sur le plan technique. Le chemin I______ était particulièrement exigu. Il mesurait à peine 3.5 m de largeur par endroits, le virage à gauche ayant un rayon inférieur à 4 m qui ne permettait pas au camion pompier d’accéder aux parcelles. Il découlait de l’art. 7. 4 let. b de la directive n° 7 du règlement d’application de la loi sur la prévention des sinistres, l’organisation et l’intervention des sapeurs-pompiers du 25 juillet 1990 (RPSSP - F 4 05.01) qu’un rayon minimum de 7 m devait être prévu, ce qui n’était pas le cas. Le problème serait identique avec les camions de chantier et autres véhicules nécessaires dans ce cadre. Ils décrivaient différents inconvénients liés au chantier, notamment que pendant la durée des travaux la parcelle n° 3’873, appartenant à l’un des recourants, serait totalement occupée par du matériel de chantier et des véhicules de construction, ce qui empêcherait son propriétaire d’utiliser le chemin d’accès à son habitation. Selon les plans, la zone d’intervention pour les pompiers, de 5 m de large, était en effet prévue sur la parcelle d’un des recourants alors que son accord n’avait jamais été ni sollicité ni a fortiori obtenu. Par ailleurs, le projet prévoyait neuf places de parking, représentant une augmentation importante du trafic dans le chemin, sans issue, où les manœuvres en cas de croisement étaient complexes voire parfois impossibles. Le virage induisait un risque concret d’accident pour des raisons de visibilité.

b. Le département a conclu au rejet du recours. L’accès sud, sur le plan juridique, était garanti, que cela soit grâce à la servitude existante sur la parcelle n° 3’887 ou par l’obtention d’un droit de passage « nécessaire ». Les recourants ne parvenaient pas à démontrer que ledit droit serait refusé par le juge civil. Le TAPI, à l’instar du département, ne nourrissait aucun doute quant à l’existence d’un accès garanti sur le plan juridique. Le fait que l’une ou l’autre de ces solutions ne soit pas déjà mise en œuvre ne constituait pas un motif d’annulation dès lors que, selon la jurisprudence, c’était au plus tard au moment de sa réalisation que le projet devait disposer de l’équipement routier. Il était enfin suffisant, si la chambre administrative l’estimait nécessaire, d’assortir l’autorisation de construire de la condition que l’accès routier soit garanti.

L’accès était garanti sur le plan technique. Le projet prévoyait la réalisation d’un escalier en façade, ouvert sur toute la hauteur, conformément à l’art. 96 al. 3 RCI, qui s’appliquait précisément lorsque les dispositions de la directive n° 7 ne pouvaient, comme en l’espèce, être réalisées. L’accès à la façade par les services d’intervention n’était plus requis. Il suffisait que les engins de sauvetage du service du feu s’arrêtent à l’entrée du chemin de traverse donnant accès à la parcelle, ce qui avait été validé par la police du feu dans son préavis favorable.

c. La requérante a conclu au rejet du recours. L’accès au bâtiment projeté par le chemin I______ disposait d’un fondement juridique quand bien même un titre n’existait pas. La parcelle bénéficiait d’un droit de passage conventionnel, et ainsi d’une voie d’accès juridiquement suffisante. Un titre juridique n’était pas un critère imposé par la loi. Ab initio, l’impasse constituait la seule et unique voie d’accès au domaine public pour les habitants. Il s’agissait d’une voie privée dont l’autorisation d’utilisation était étendue à tous les habitants du chemin. À suivre la théorie des recourants, personne ne pourrait emprunter l’impasse. La servitude de passage sur la parcelle n° 3'887 n’avait été prévue que pour des raisons administratives, lors de la division parcellaire en 1957. La position des recourants était constitutive d’un abus de droit, et était en tous les cas contraire au respect du principe de la proportionnalité. Les droits des tiers étant réservés par la DD querellée, il leur serait par hypothèse loisible de les faire valoir dans le cadre d’une procédure civile.

d. Dans leur réplique, les voisins ont contesté le fait qu’ils auraient volontairement laissé prospérer des « bandes herbeuses » dans l’impasse, réduisant d’autant la surface carrossable et qu’ils auraient à dessein installé des « dispositifs prohibitifs » afin d’y rendre plus ardue la circulation et les manœuvres. La requérante n’était au bénéfice d’aucune servitude de passage lui permettant d’emprunter l’impasse, que les voisins n’avaient dès lors aucune obligation d’entretenir. Les bandes herbeuses sur les côtés de l’impasse permettaient à l’eau de pluie de s’infiltrer dans le sol et étaient présentes depuis de nombreuses années. Les dispositifs installés par les voisins dans le chemin avaient pour vocation de protéger lesdites bandes d’une circulation invasive. Ils produisaient des photographies témoignant des dommages faits aux bordures lors du passage d’un véhicule de marque Land Rover. De surcroît lesdites installations étaient situées sur leurs parcelles privées. En conséquence, un accord à bien plaire n’était pas suffisant au sens de la LAT. Les voisins étaient par ailleurs libres de le retirer sans avoir à le justifier. Les exigences issues de la directive n° 7 n’étaient pas remplies.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Les recourants sollicitent un transport sur place.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l'espèce, le dossier contient des plans et des photos de la parcelle concernée. Les outils numériques, parmi lesquels figure le SITG (découlant de la loi relative au système d’information du territoire à Genève du 17 mars 2000 - LSITG - B 4 36), permettent d'apprécier avec précision l'environnement où le projet litigieux est censé prendre place, l'emplacement, les dimensions et le périmètre dans lequel il s'insérerait. Devant le TAPI, les recourants ont soutenu que les données du SITG n’étaient pas exactes. Ils ont produit devant la chambre de céans un état des lieux du chemin établi par un ingénieur géomètre officiel le 8 mai 2023. Les bandes herbeuses, et, différentes installations le long du chemin (boîtes aux lettres, portails d’entrée, barrières en bordure) ainsi que les métrés y sont détaillés. Ils n’ont pas été contestés dans les écritures devant la chambre de céans. Dans ces conditions, le dossier apparaît complet et en état d’être jugé. Il ne sera pas donné suite à la demande d’actes d’instruction.

3.             Les recourants contestent que les parcelles concernées par la DD 1______ soient équipées sur le plan juridique.

3.1 Conformément à l'art. 22 al. 2 let. b LAT, l'autorisation de construire n'est délivrée que si le terrain est équipé. Tel est le cas selon l'art. 19 al. 1 LAT lorsqu'il est desservi d'une manière adaptée à l'utilisation prévue par des voies d'accès.

3.2 Une voie d'accès est adaptée à l'utilisation prévue lorsqu'elle est suffisante d'un point de vue technique et juridique pour accueillir tout le trafic de la zone qu'elle dessert (ATF 121 I 65 consid. 3a). La loi n'impose ainsi pas des voies d'accès idéales ; il faut et il suffit que, par sa construction et son aménagement, une voie de desserte soit praticable pour le trafic lié à l'utilisation du bien-fonds et n'expose pas ses usagers ni ceux des voies publiques auxquelles elle se raccorderait à des dangers excessifs (ATF 121 I 65 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_368/2021 du 29 août 2022 consid. 3.1 ; 1C_88/2019 du 23 septembre 2019 consid. 3.1). Par ailleurs, la sécurité des usagers doit être garantie sur toute sa longueur, la visibilité et les possibilités de croisement doivent être suffisantes et l'accès des services de secours (ambulance, service du feu) et de voirie doit être assuré (ATF 121 I 65 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_368/2021 du 29 août 2022 consid. 3.1 ; 1C_56/2019 du 14 octobre 2019 consid. 3.1).

Les accès doivent être garantis tant sur le plan juridique que factuel au moment de la délivrance du permis de construire (arrêts du Tribunal fédéral 1C_216/2021 du 21 avril 2022 consid.  5.1 ; 1C_341/2020 du 18 février 2022 consid. 3.3.1). Le projet doit disposer de l'équipement routier au plus tard au moment de sa réalisation (ATF 127 I 103 consid. 7d ; arrêt 1C_471/2020 du 19 mai 2021 consid. 3.1.4). Il est à cet égard suffisant que, pour entrer en force, l'autorisation de construire soit assortie de la condition que l'accès routier est garanti (arrêts du Tribunal fédéral 1C_341/2020 du 18 février 2022 consid. 3.3.1 ; 1C_589/2020 du 25 mars 2021 consid. 3.1).

S’agissant de l’accessibilité au réseau routier, le droit fédéral n’exige aucunement qu’une route carrossable mène directement jusqu’au terrain ou au bâtiment projeté pour que celui-ci soit considéré comme équipé. Il suffit qu’il existe une route à proximité, à partir de laquelle il est possible d’accéder à la construction par un chemin piéton. C’est ainsi que l’on peut considérer qu’un terrain est suffisamment équipé, même si les véhicules des services publics ne peuvent l’approcher à moins de 80 m, pour autant bien sûr qu’une intervention efficace reste possible en cas de problème, compte tenu de la dimension du bâtiment projeté, de son affectation et de son accessibilité générale (Eloi JEANNERAT in : Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN, Commentaire pratique LAT : Planifier l'affectation, 2016, n° 24 ad art. 19 LAT et les références citées ; ATA/1060/2023 du 26 septembre 2023 consid. 5.3).

Les autorités communales et cantonales disposent en ce domaine d'un important pouvoir d'appréciation (ATF 121 I 65 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 1C_209/2022 du 25 août 2022 consid. 6.1).

3.3 Selon la jurisprudence, l'autorité compétente peut autoriser une construction sur un bien-fonds qui, sans être directement accessible depuis la voie publique l'est par le biais d'une servitude foncière au sens des art. 730 ss CC, dans la mesure où cet accès est suffisant au regard de l'utilisation prévue. En cas de doute sur la capacité de l'accès prévu à répondre aux besoins de la future construction, l'autorisation de construire doit en principe être refusée, la condition de l'art. 22 al. 2 let. b LAT n'étant alors pas réalisée. S'il apparaît toutefois vraisemblable que la parcelle en cause dispose d'un accès suffisant en vertu du droit privé, il appartient aux recourants s'opposant au projet de démontrer que tel ne serait pas le cas (arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2020 précité consid. 3.2.1 et les références citées).

3.4 L’autorisation de construire peut être subordonnée à l’équipement préalable des terrains, notamment à la construction de chemins (art. 16 al. 1 let. b LCI).

3.5 Le Tribunal fédéral a confirmé qu’un tribunal cantonal pouvait compléter un permis de construire en imposant au requérant ou aux propriétaires fonciers des parcelles concernées l’obligation de fournir à l’autorité administrative, après l'entrée en vigueur du permis de construire et avant le début des travaux, la preuve que les deux terrains à bâtir avaient été réunis ou que les droits réciproques correspondants avaient été inscrits au registre foncier pour la réalisation du projet de construction (arrêt du Tribunal fédéral 1C_271/2011 du 27 septembre 2011 consid. 2.5).

3.6 En l’espèce, l’impasse actuellement utilisée par le propriétaire est exclusivement sise sur des parcelles privées (nos 3'873, la sienne, mais surtout, 1'758, 6'290 et 5'517). Ces parcelles ne sont pas en copropriété et ne sont pas grevées d’une servitude de droit de passage garantissant l’accès aux parcelles objet du projet de construction.

Le chemin actuel ne résulte que d’un passage « à bien plaire » accordé par les voisins concernés, aujourd’hui recourants.

La parcelle n° 3'886 du propriétaire est toutefois au bénéfice d’une servitude de passage RS 2______, au sud de sa parcelle, sur le bien-fonds n° 3'887, sur une largeur d’environ 2 m, qui lui permet d’accéder directement au domaine public, en l’espèce au chemin de M______. Selon la requérante, ce passage n’existe pas, n’ayant été prévu que pour des questions administratives à la division de la parcelle.

Il en découle, que, conformément à l’arrêt du Tribunal fédéral précité, l’accès à la parcelle n° 3'886 n’est juridiquement pas garanti, puisqu’à teneur de la jurisprudence, si une servitude n’est pas suffisante, l’accès n’est pas garanti (arrêt du Tribunal fédéral précité 1C_341/2020 consid. 3.2). In casu, a fortiori, en l’absence de toute servitude, l’accès tel que prévu par l’impasse, exclusivement sur des parcelles privées appartenant aux opposants, n’est pas garanti.

Il n’appartient à la chambre de céans d’évaluer ni l’éventuel rôle de la servitude de passage existante (« pour des raisons purement administratives » et sans réelle intention de la créer selon la requérante à propos d’un « chemin qui n’a jamais existé ») au sud de la parcelle ni la portée de la pratique actuelle autorisant le passage dans l’impasse à bien plaire (« droit de passage conventionnel » selon les termes de la requérante), tous deux devant être abordés dans le cadre du litige de droit privé, portant, selon les dires de la requérante, sur un droit de passage « nécessaire » au sens de l’art. 694 CC. Il est enfin rappelé qu’à teneur de la jurisprudence susmentionnée il suffit qu’il existe une route à proximité, à partir de laquelle il est possible d’accéder à la construction par un chemin piéton pour que l’accès soit garanti.

La comparaison faite par la requérante et le TAPI avec le projet de construction sis au ______, chemin I______ n’est pas pertinente, la parcelle concernée ne se trouvant pas dans l’impasse.

En tous les cas, la DD 1______ prévoit un accès par l’impasse, conformément aux plans versés au dossier, lequel n’est juridiquement pas garanti.

Conformément à la jurisprudence précitée, la chambre de céans complètera l’autorisation de construire, en ajoutant comme condition que l’accès soit garanti au plus tard au moment de la réalisation du projet.

Ceci implique que la question de l’accès au chemin I______ n’a en conséquence pas besoin d’être analysée en l’état, mais devra être garanti en même temps que l’accès à l’impasse.

4.             Les recourants allèguent une violation de l’art. 14 LCI.

4.1 Le département peut refuser les autorisations prévues à l’art. 1 lorsqu’une construction ou une installation : a) peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public ; b) ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exige son exploitation ou son utilisation ; c) ne remplit pas des conditions de sécurité et de salubrité suffisantes à l’égard des voisins ou du public ; d) offre des dangers particuliers (notamment incendie, émanations nocives ou explosions), si la surface de la parcelle sur laquelle elle est établie est insuffisante pour constituer une zone de protection ; e) peut créer, par sa nature, sa situation ou le trafic que provoque sa destination ou son exploitation, un danger ou une gêne durable pour la circulation (art. 14 LCI).

4.2 Le Tribunal fédéral a déjà estimé qu'une situation insatisfaisante préexistante à un projet de construction ne saurait justifier le refus d'un permis de construire lorsque l'augmentation du trafic était modeste (arrêt du Tribunal fédéral 1C_225/2017 du 16 janvier 2018 consid. 5.3.3). La jurisprudence admet que si les conflits entre véhicules sont gérables, le cas échéant au moyen d'une manœuvre en marche arrière, la voie d'accès demeure adaptée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_481/2018 du 20 mai 2020 consid. 7.2.2).

Le Tribunal fédéral a confirmé une autorisation de construire un immeuble de 23 appartements avec une voie d'accès d'une centaine de mètres et d'une largeur de 3 à 3,5 m avec des murets de part et d'autre. L'étroitesse du chemin n'était pas rédhibitoire compte tenu de surlargeurs prévues tous les 30 m environ permettant le croisement de voitures de tourisme (arrêt du Tribunal fédéral 1C_597/2019 du 9 octobre 2020). Dans un arrêt du 24 août 2022, le Tribunal fédéral a évoqué une possibilité de reculer sur 60 m sur de tronçons rectiligne (arrêt du Tribunal fédéral 1C_322/2021).

La chambre de céans a confirmé que le département n'avait ni excédé, ni abusé de son pouvoir d'appréciation en suivant le préavis positif de l'OCT (anciennement DGT) pour un projet de réalisation de 18 appartements en zone 5, lorsque le projet se situait proche de l'extrémité du chemin concerné qui présentait une largeur variable inférieure à 4,8 m sur la majorité, voire même de 3,4 m par endroit et qu'aucun accident n'avait été répertorié sur le tronçon (ATA/155/2021 du 9 février 2021).

L'accroissement du trafic routier, s'il est raisonnable, ne crée pas une gêne durable au sens de l'art. 14 LCI ; de fait, l'accroissement du trafic engendré par de nouvelles constructions conformes à la destination de la zone, ne constitue pas un inconvénient grave au sens de l'art. 14 LCI (ATA/259/2020 du 3 mars 2020 consid. 7b et les arrêts cités).

4.3 En l’espèce et en l’état des plans, indépendamment de la question de l’accès juridique aux parcelles concernées, si certes l’impasse mesure, selon les recourants « à peine 3,5 m de large par endroit », elle est rectiligne, inférieure à 60 m de longueur, avec une bonne visibilité. Elle est sans issue et ne dessert que quatre parcelles au maximum. L’augmentation envisagée n’est pas très importante, s’agissant de quelques véhicules supplémentaires, quatre logements étant prévus et neuf places de parc.

En conséquence, l’art. 14 LCI est respecté.

5.             Les recourants allèguent que l’accès ne serait pas garanti sur le plan technique. Ils se fondent sur l’art. 7.4 let. b de la directive n° 7 du règlement d’application de la RPSSP imposant un rayon minimum de 7 m et une largeur de chaussée de 5 m, deux conditions qui ne seraient pas remplies. L’intervention des pompiers impliquerait le passage sur la parcelle n° 1'758 appartenant à l’un des recourants.

5.1 Hormis les villas, toute construction au sens de l’art. 1 let. a et c, doit être facilement accessible aux engins du service du feu (al. 1). Des emplacements résistants doivent être aménagés de façon à permettre aux engins de sauvetage du service du feu d’atteindre, par les façades, les zones définies, selon le type d'affectation des bâtiments. Ces éléments sont précisés dans la directive n° 7 du RPSSP (al. 2). Si ces conditions ne peuvent être réalisées, un escalier en façade, ouvert sur l’extérieur, sur toute la hauteur de l’immeuble doit être exigé ; cette exigence ne concerne pas les bâtiments élevés (al. 3).

5.2 En l’espèce et en l’état des plans, indépendamment de la question de l’accès juridique aux parcelles concernées, la police du feu a préavisé favorablement le projet, dès lors qu’il lui suffit que ses engins s’arrêtent à l’entrée du chemin de traverse donnant accès à la parcelle. Le projet prévoit un escalier en façade, ouvert sur toute la hauteur, conformément à l’art. 96 al. 3 RCI qui s’applique précisément lorsque les dispositions de la directive n° 7 ne peuvent, comme en l’espèce, être réalisées.

La question du rayon du virage n’est en conséquence pas pertinente, à l’instar de celle du passage des véhicules de secours sur la parcelle d’un des recourants.

Il est pour le surplus rappelé qu’il a été donné acte aux parties dans le jugement du TAPI que l'autorisation de construire du 31 mars 2022 était réformée, en ce sens que les conditions figurant dans le préavis de la police du feu daté du 20 mai 2020, reçu par le département le 1er octobre 2021, faisaient partie de l'autorisation globale et devaient être strictement respectées, en lieu et place du préavis de cette autorité émis le 24 mars 2021. La police du feu avait ainsi obtenu tous les documents qu’elle avait exigé pour pouvoir préaviser et manifestement examiné le projet avec soin.

Cette question devra toutefois être à nouveau analysée en fonction de l’accès obtenu par la requérante.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 500.- sera mis à la charge des recourants, pris solidairement. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de H______ SA. Il ne sera pas mis d’émolument à la charge du département, ni à celle de G______ qui n’a pas pris de conclusions devant la chambre de céans (art. 87 al. 1 LPA).

Une indemnité de procédure, réduite, de CHF 500.- sera allouée aux recourants, pris solidairement, à la charge de H______ SA. Une indemnité de procédure, réduite, de CHF 500.- sera allouée à H______ SA à la charge des recourants, pris solidairement. Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure à G______ qui n’a pas pris de conclusions devant la chambre de céans (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 mai 2023 par A______ et B______, C______, D______, E______ et F______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 mars 2023 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

conditionne l’autorisation de construire DD 1______ à la preuve que l’accès est garanti au sens des considérants au plus tard au moment de la réalisation du projet ;

confirme le jugement du Tribunal administratif de première instance pour le surplus ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ et B______, C______, D______, E______ et F______, pris solidairement ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de H______ SA ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à A______ et B______, C______, D______, E______ et F______, pris solidairement, à la charge de H______ SA ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à H______ SA à la charge de A______ et B______, C______, D______, E______ et F______, pris solidairement ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bénédict FONTANET, avocat des recourants, à Me Julien PACOT, avocat de H______ SA, au département du territoire - OAC, à G______ ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :