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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1647/2022

ATA/1195/2023 du 07.11.2023 sur JTAPI/1424/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1647/2022-PE ATA/1195/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 novembre 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Gandy DESPINASSE, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 décembre 2022 (JTAPI/1424/2022)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1987, est ressortissant du Brésil.

b. Il a fait l'objet de deux condamnations par ordonnances pénales du Ministère public du canton de Genève : le 1er juin 2019, il a été condamné à une peine pécuniaire de trente jours-amende d'un montant de CHF 30.- pour infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), avec sursis et délai d'épreuve de trois ans ; et le 30 juin 2020, à une peine pécuniaire de 90 jours‑amende à CHF 30.- le jour, pour infractions à la LEI et conduite sans permis de conduire.

B. a. Le 31 mai 2019, A______ a été appréhendé à la frontière genevoise par le Corps des gardes-frontière. Lors de son audition, il a notamment déclaré être arrivé à Genève le 12 octobre 2018. Ses parents ainsi que ses trois frères vivaient au Brésil. Seule sa sœur résidait à Genève depuis plusieurs années, dans l'attente d'une autorisation de séjour.

b. Par décision du 4 juin 2019, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après: SEM) a prononcé une interdiction d'entrée à son encontre, valable jusqu'au 3 juin 2022.

c. Par décision du 6 juin 2019, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé son renvoi de Suisse et de l'ensemble du territoire des États Schengen.

d. Le 29 juin 2020, A______ a été à nouveau appréhendé par les gardes-frontière. Lors de son audition du même jour, il a notamment déclaré être sur le territoire suisse depuis mars 2020 afin de résider auprès de sa future épouse, tandis que ses parents, ses trois frères et ses deux sœurs vivaient au Brésil.

e. Le 24 mars 2021, A______ a informé l'OCPM de son entrée en sous-location dans le logement également occupé par B______, ressortissante portugaise titulaire d'un permis C, et a sollicité la délivrance d'une autorisation de séjour avec activité lucrative auprès du restaurant C______.

f. Le 27 avril 2021, l'OCPM l'a informé de son intention de refuser sa demande d'autorisation de séjour, lui impartissant un délai de trente jours pour faire valoir ses observations, ce qu'il a fait par pli du 21 mai 2021, dans lequel il informait l'OCPM du dépôt d'une demande d'autorisation de séjour en vue de mariage avec B______ auprès du service d'état civil de la Ville de Genève (ci-après: SEC).

g. Le 21 mai 2021, A______ a sollicité de l'OCPM une autorisation de séjour en vue de mariage.

h. Le 14 juin 2021, l'OCPM a indiqué à A______ qu'il était disposé à lui accorder une attestation de séjour lui permettant de célébrer son mariage avec B______, précisant qu'une fois celui-ci célébré, il pourrait se voir délivrer une autorisation de séjour dans le cadre du regroupement familial.

i. Le 25 juin 2021, le SEM a levé l'interdiction d'entrée en Suisse dont A______ faisait l'objet.

j. Le 12 juillet 2021, l'OCPM a délivré à A______ une attestation l'autorisant à demeurer en Suisse le temps de la procédure préparatoire du mariage avec B______, celle-ci étant valable durant six mois.

k. Par courriel du 21 février 2022, le SEC a informé l'OCPM que B______ avait annulé la procédure préparatoire de mariage avec A______.

l. j Le 22 février 2022, l'OCPM a informé A______ de son intention de refuser de lui délivrer une autorisation de séjour, lui impartissant un délai de vingt jours pour formuler ses observations.

m. Par courriel du 16 mars 2022, B______ a informé l'OCPM que A______ ne vivait plus chez elle depuis le 13 décembre 2021, mais qu'il habitait toujours le quartier et travaillait au même endroit.

n. Par décision du 4 avril 2022, l'OCPM a refusé de délivrer une autorisation de séjour à A______.

Le mariage n'étant plus d'actualité, les conditions ultérieures du regroupement familiale n'étaient pas remplies.

Compte tenu de sa très courte durée de séjour comparée aux nombreuses années passées dans son pays d'origine, il ne disposait pas d'attaches en Suisse aussi profondes qu'un départ pour le Brésil le mettrait dans une situation de rigueur, étant précisé qu'il était arrivé en Suisse en 2017, à l'âge de trente ans.

Il ne pouvait se prévaloir d'une intégration socio-professionnelle particulièrement marquée au point de devoir admettre qu'il ne pouvait quitter le territoire sans être confronté à des obstacles insurmontables, ce d'autant qu'il avait fait l'objet de deux condamnations. Il n'avait pas non plus acquis de connaissances ou des qualifications spécifiques telles qu'il ne pourrait plus les mettre en pratique au Brésil, et sa situation personnelle ne se distinguait pas de celle de bon nombre de ses concitoyens connaissant les mêmes réalités dans son pays d'origine.

Enfin, le dossier ne faisait pas apparaitre que l'exécution du renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

C. a. Par acte du 20 mai 2022, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI) contre la décision précitée, concluant, à titre préalable, à ce que l'audition des parties soit ordonnée, à titre principal à l'annulation de la décision, et subsidiairement à ce qu'il soit mis au bénéfice d'une admission provisoire.

Il donnait acte de l'abandon de son projet de mariage avec B______, sa demande d'autorisation de séjour au titre du regroupement familial étant dès lors « caduque ». Sous l'angle du cas de rigueur, il était arrivé en Suisse le 22 février 2017 et pouvait se prévaloir de connaissances de la langue française de niveau B1. Il était financièrement autonome et continuait à améliorer ses perspectives professionnelles en suivant une formation visant l'obtention d'un certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC) de cuisinier. Enfin, il n'avait pas été condamné pour des infractions autres que celles liées à son statut de sans-papier. En outre, il était bien intégré en Suisse.

b. Le 19 juillet 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

Sous l'angle du cas de rigueur, A______ résidait en Suisse depuis seulement cinq ans et avait vécu au préalable au Brésil, où il avait effectué toutes ses études et où il bénéficiait, selon ses déclarations, d'une très bonne situation professionnelle. Il ne devrait ainsi pas rencontrer de difficultés insurmontables pour se réintégrer au Brésil, d'autant plus qu'il était jeune, en bonne santé et pourrait compter sur le soutien de sa famille ainsi que de ses amis sur place.

c. Par jugement du 20 décembre 2022, le TAPI a rejeté le recours.

Dès lors que A______ et son ex-fiancée avaient mis fin à la procédure préparatoire de mariage et ne vivaient plus ensemble, le premier ne pouvait plus solliciter une autorisation de séjour en vue de la préparation du mariage, les conditions du regroupement familial ultérieur n'étant manifestement plus remplies, ce qu'il ne contestait au demeurant pas.

Les déclarations de A______ avaient varié plus d'une fois à propos de la date de son arrivée en Suisse. Quoi qu'il en fût, la durée de son séjour n'était pas très longue au sens des critères légaux et jurisprudentiels, et devait de plus être relativisée puisque s'étant majoritairement déroulée dans l'illégalité ou au bénéfice d'une tolérance.

Son intégration socio-professionnelle en Suisse ne pouvait en outre être qualifiée de remarquable, quand bien même il parvenait à subvenir à ses besoins, n’avait jamais émargé à l’aide sociale et n'avait pas de dettes. Actif dans le domaine de la restauration, il n'avait pas acquis en Suisse des connaissances ou des qualifications si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans sa patrie, et n'avait ainsi pas fait preuve d'une ascension professionnelle remarquable au point de justifier la poursuite de son séjour en Suisse.

Arrivé en Suisse en février 2017, soit à l'âge de 30 ans, il avait passé toute son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d'adulte dans son pays d'origine et en maîtrisait manifestement la langue ainsi que les us et coutumes. Il pourrait par ailleurs faire valoir les compétences linguistiques et professionnelles acquises à Genève à son retour au Brésil, ce d'autant plus qu'il était encore jeune et en bonne santé. Il avait aussi manifestement conservé des liens avec son pays d'origine.

Enfin, l’exécution de son renvoi apparaissait raisonnablement exigible, de sorte qu'il n’y avait pas lieu que l’OCPM propose son admission provisoire au SEM.

D. a. Par acte posté le 31 janvier 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant préalablement à l'audition des parties, principalement à l'annulation du jugement attaqué, à ce que l'OCPM se voie enjoint de transmettre au SEM sa demande d'autorisation de séjour avec un préavis favorable et à l'octroi d'une indemnité de procédure, et subsidiairement au renvoi de la cause à l'OCPM pour nouvelle décision.

Il s'était marié au Brésil en juillet 2015. Sa femme avait décidé, après une visite à sa sœur qui vivait à Genève, de s'y installer. Il l'avait suivie « par amour mais la mort dans l'âme » car il devait ainsi abandonner la stabilité sociale et économique qu'il avait réussi à obtenir au Brésil et revendre à vil prix son entreprise. Ils étaient arrivés à Lisbonne le 22 février 2017. Arrivé peu après à Genève, son épouse lui avait alors signifié son souhait de se séparer et de divorcer. Il avait toutefois réussi à surmonter ses difficultés, à acquérir son indépendance financière et à s'intégrer. Il s'investissait notamment dans l'église D______. Il était en deuxième année d'apprentissage en vue d'obtenir son CFC de cuisinier.

Le TAPI avait violé son droit d'être entendu en n'ordonnant pas la comparution des parties, ignorant les spécificités du type de litige concerné, dans lequel les mérites de la requête reposaient grandement sur la situation personnelle du requérant, notamment son intégration en Suisse.

Un cas d'extrême gravité devait être reconnu. Il était bien entré en Suisse en février 2017, comme en témoignait le tampon d'entrée dans l'espace Schengen daté du 22 février 2017. Son séjour en Suisse atteindrait donc bientôt six ans. Son intégration était remarquable car il était au bénéfice d'une formation comptabilité et gestion, et il entendait, dès qu'il aurait obtenu son CFC, ouvrir son propre restaurant.

b. Le 15 mars 2023, l'intimé a conclu au rejet du recours. Les arguments soulevés dans celui-ci, en substance semblables à ceux développés en première instance, n'étaient pas de nature à modifier sa position.

c. Le 20 mars 2023, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 28 avril 2023 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 21 avril 2023, l'intimé a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires.

e. Le 28 avril 2023, le recourant a indiqué ne pas avoir d'observations complémentaires, mais maintenir sa demande d'audition des parties.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant sollicite l'audition des parties.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3).

2.2 En l'espèce, le recourant a eu l’occasion de s’exprimer devant l’OCPM, le TAPI et la chambre de céans, et de produire toute pièce utile. Il n’expose pas quels éléments supplémentaires l'audition de l'office intimé apporterait à l’instruction de la cause. Il justifie la demande tendant à sa propre audition par le besoin de faire valoir de vive voix l'étendue de son intégration en Suisse. Il n'indique toutefois pas pourquoi cette intégration ne pourrait être prouvée par pièces, ou en quoi sa propre déposition irait plus loin que les documents présents au dossier, étant précisé que sa maîtrise du français est attestée par pièce et n'est pas contestée.

La chambre de céans dispose ainsi d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause. Il ne sera donc pas donné suite aux demandes d'audition, et le grief relatif à une violation du droit d'être entendu par le TAPI sera écarté.

3.             Le litige porte sur la décision de l'intimé refusant de soumettre le dossier du recourant avec un préavis positif au SEM et prononçant son renvoi de Suisse.

3.1 Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario ; ATA/431/2022 du 26 avril 2022 consid. 2a).

3.2 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), qui a alors été renommée LEI, et de l’OASA. Conformément à l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

3.3 La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Brésil.

3.4 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

3.5 L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er septembre 2023, ch. 5.6.10).

3.6 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

3.7 L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/887/2023 du 22 août 2023 consid. 4.3).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATF 139 II 393 consid. 6 ; 138 II 229 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_250/2022 du 11 juillet 2023 consid. 6.2).

3.8 Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATAF 2020 VII/2 consid. 8.5).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

En l'espèce, la date d'arrivée en Suisse du recourant n'est pas établie. Le recourant a en effet varié dans ses déclarations et soutient désormais qu'il serait arrivé en Genève quelques jours après avoir atterri au Portugal le 22 février 2017. Outre que le tampon sur son passeport, dont il a fourni une copie, est illisible, il n'a pas établi par pièce être venu à Genève seulement quelques jours plus tard. Quoi qu'il en soit, même en retenant une date d'arrivée à fin février 2017, la durée du séjour du recourant en Suisse aurait été d'un peu plus de quatre ans au moment du dépôt de sa demande d'autorisation de séjour, et serait de six ans et demi environ aujourd'hui, ce qui ne constitue pas encore une longue durée au sens de la jurisprudence et saurait dès lors constituer per se un cas d'extrême gravité.

Son intégration socio-professionnelle apparaît correcte, comme l'a du reste retenu l'autorité intimée. Sur le plan professionnel et financier, le recourant travaille depuis son arrivée en Suisse, n’a pas recouru à l’aide sociale et n’a pas de dettes. Cela étant, l'indépendance économique est un aspect qui est en principe attendu de tout étranger désireux de s'établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire en faveur du recourant. Ainsi, si cet élément est à mettre au crédit de l’intéressé, il relève du comportement que l’on est en droit d’attendre de toute personne séjournant dans le pays (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 et 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2).

Le recourant a démontré connaître le français et posséder un niveau B1. Néanmoins, contrairement à ce qu'il prétend, il a déjà fait l'objet d'une condamnation pénale pour une infraction non directement liée à son statut administratif en Suisse, à savoir pour conduite sans permis le 30 juin 2020. De plus, son activité dans le secteur de la restauration n’est pas constitutive d'une ascension professionnelle remarquable et ne l’a pas conduit à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu'il ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d'origine. L'activité professionnelle exercée par le recourant en Suisse ne lui permet donc pas de se prévaloir d'une intégration professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence précitée. De plus, s'il s'investit dans son église, cet engagement reste, par sa nature, lié à sa communauté d'origine. Il ne peut dès lors être retenu qu'il fait preuve d'une intégration sociale exceptionnelle au sens de la jurisprudence.

Sa réintégration au Brésil n’apparaît pas gravement compromise. En effet, il est arrivé en Suisse à l'âge de 30 ans, et y a passé toute son enfance, son adolescence et les premières années de sa vie d’adulte. Il maîtrise la langue de son pays d'origine et en connaît les us et coutumes. Ainsi, malgré son séjour en Suisse, son pays ne peut lui être devenu complètement étranger. Âgé de 36 ans et en bonne santé, il ne devrait pas rencontrer de problèmes de réintégration professionnelle beaucoup plus importants que ceux de ses compatriotes revenant volontairement au pays, étant rappelé qu'il pourra se prévaloir de son expérience professionnelle acquise en Suisse.

Le recourant ne présente donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, ce quand bien même un retour dans son pays d'origine est susceptible d’engendrer pour lui certaines difficultés de réadaptation. Il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en sa faveur, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Enfin, il sera rappelé que l’autorité intimée bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre de céans ne revoit qu’en cas d’abus ou d’excès, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Au vu de ce qui précède, l’autorité intimée n’a pas violé la loi, ni commis un abus de son pouvoir d’appréciation, en refusant de préaviser favorablement auprès du SEM la demande d’autorisation de séjour présentée par le recourant.

4.             Reste à examiner la conformité au droit du renvoi qui a été prononcé, étant précisé que le recourant ne conclut plus, devant la chambre de céans, à l'octroi d'une admission provisoire.

4.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, toute personne étrangère dont l'autorisation est refusée, révoquée ou qui n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyée. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64 let. d al. 1 LEI).

4.2 Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

4.3 En l'espèce, le recourant ne soutient plus que son renvoi serait impossible, illicite ou inexigible, et les éléments figurant au dossier ne laissent pas apparaître que tel serait le cas, si bien que le prononcé du renvoi ne prête pas le flanc à la critique.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

5.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 janvier 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 décembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gandy DESPINASSE, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Sylvie DROIN, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.