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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/608/2023

ATA/1215/2023 du 07.11.2023 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/608/2023-EXPLOI ATA/1215/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 novembre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Me Zoltan SZALAI, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA COHÉSION SOCIALE intimé



EN FAIT

A. a. La A______SA (ci-après : la société), anciennement DOMAINE A______ SA, a pour but l’exploitation d’établissements médico-sociaux (ci-après : EMS). La société exerce son activité en la forme commerciale, mais sans but lucratif conformément à l’art. 620 al. 3 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220).

La société exploite l’EMS « A______ » à Presinge.

b. Par arrêté du 28 mars 2013 du département compétent ([ci-après : le département], à l’époque le département de la solidarité de l’emploi (qui a plusieurs fois changé de nom et, depuis le 1er juin 2023, le département de la cohésion sociale), la société a été autorisée à exploiter 61 lits pour l’hébergement de long séjour dans l’établissement. Par arrêté du département du 27 juin 2020, le nombre a été porté à 62 lits, soit 61 lits pour l’hébergement de long séjour et un lit pour l’accueil temporaire.

c. La société a conclu un contrat de prestations avec l’État de Genève le 23 juillet 2013. Un nouveau contrat a été signé le 17 novembre 2017 pour les années 2018 à 2021. Il prévoyait le versement d’une subvention d’un montant équivalent à celle précédemment reçue, soit de plus de 2 millions de francs par année. Par avenant du 21 février 2022, le contrat de prestations été reconduit pour les années 2022 et 2023.

B. a. La société a fait l’objet d’un audit par le service d’audit interne de l’État de Genève (ci-après : SAI) qui a commencé le 16 juillet 2018 et porté sur les comptes arrêtés au 31 décembre 2017.

b. Lors d’un entretien le 20 décembre 2018, la société a exprimé son désaccord avec certains points retenus par le SAI.

c. Par courrier du 7 janvier 2019, le conseiller d’État en charge du département a diminué le prix de pension de CHF 226.- à CHF 222.- par jour et par résident à compter du 1er janvier 2019. Le courrier précisait que « le montant sera révisé en fonction du rapport d’audit final du SAI ».

d. La société a contesté cette réduction du prix par courrier du 19 mars 2019.

e. Par courrier du 25 mars 2019, le département a informé la société qu’il n’entrerait pas en matière pour une réévaluation du prix de pension tant que toutes les recommandations du rapport d’audit du SAI ne seraient pas closes. Ledit service avait constaté, notamment, un non-respect des principes comptables et des instructions de bouclement du secteur des EMS ainsi que des charges indues supportées par l’exploitation de l’EMS.

f. Le 11 avril 2019, le SAI a rendu son rapport final n° 19-12 au Conseil d’État, à la commission de contrôle de gestion du Grand Conseil, à la commission des finances du Grand Conseil ainsi qu’à la Cour des Comptes.

Ses recommandations étaient obligatoires, en application de l’art. 17 al. 3 de la loi sur la surveillance de l’État du 13 mars 2014 (LSurv - D 1 09). En cas de désaccord, le différend devait être porté devant le Conseil d’État.

La société était, à plusieurs égards, gérée de manière négligente, notamment un prêt à deux actionnaires, salariés mais âgés, qui ne pourraient plus, en cas de besoin, le rembourser par des prélèvements sur leur salaire. La constitution d’une garantie, autre que celle reposant sur les salaires, était préconisée (recommandation 4.1.1). Par ailleurs, le directeur de la société avait été rémunéré en classe 27 en lieu et place de la classe 24, créant un différentiel de salaire de CHF 104'485.- entre janvier 2000 et le 14 mai 2018. Une police d’assurance souscrite du 1er mars 2015 au 1er mars 2025 avait généré un complément de rémunération pour le directeur de CHF 55'767.-. La recommandation 4.2.1 relative au respect de la directive de bouclement des EMS notamment en matière de rémunération des administrateurs et des membres de la direction comprend plusieurs points. Les principes comptables et les instructions de bouclement du secteur EMS n’étaient pas respectés (recommandation 4.3.1).

Il ressortait de la société qu’elle n’entendait pas suivre les recommandations du SAI sur trois points : « la garantie sur un contrat de prêt aux actionnaires qui était à consolider » ; « l’exonération fiscale que l’EMS tardait à solliciter » et la « gratification versée au directeur de manière non transparente à l’égard du département ».

Le département déplorait « l’attitude peu consensuelle de l’EMS lors de la séance de fin d’audit du 20 décembre 2018, au cours de laquelle aucun dialogue constructif n’avait été possible pour trouver des solutions ». « Compte tenu de l’importance et du nombre particulièrement élevé de négligences relevées dans cet audit, le département avait pris une première mesure provisionnelle en abaissant le prix de pension à la charge des résidents de cinq [recte : quatre] francs dès le 1er janvier 2019. En fonction des positions de l’auditée, le département aviserait de la nécessité de réduire encore le prix de pension, de recalculer le montant à restituer à l’État à l’issue du contrat de prestation 2014 – 2017 et d’appliquer les sanctions prévues ».

C. a. Par courriers des 8 janvier, 22 décembre 2020 et 24 janvier 2022, le prix de pension pour les années respectivement 2020, 2021 et 2022 a été fixé à CHF 223.- par jour, par résident. L’augmentation d’un franc était liée à « l’impact de l’année 2016, de la suppression de la classe 4 par les entités concernées et des mécanismes salariaux 2019 ».

b. Le 18 mai 2022, dans la perspective de l’analyse des états financiers 2021 de la société, celle-ci a contesté que son directeur ait fait l’objet d’une gratification de CHF 104'485.- et d’un complément de rémunération de CHF 55'767.-. Par ailleurs, la garantie du contrat de prêt était suffisante. Elle contestait la diminution du prix de CHF 4.- par jour par résident.

c. Par courrier du 18 octobre 2022, le département a fait part à la société de son analyse de ses états financiers 2021. Il a notamment relevé que les recommandations du SAI avaient été comptabilisées de façon incomplète et erronée. Trois pages d’analyse portaient sur le suivi des recommandations du SAI. Par courrier du 16 août 2021, la société avait persisté à refuser de constituer une provision pour les montants indûment versés aux actionnaires. Le département renouvelait ses demandes, formulées dans les courriers des 17 septembre 2020 et 21 juin 2021, soit la mise en nantissement de la police d’assurance-vie de l’ancien directeur et la constitution d’une provision à hauteur de la différence entre la somme de ces montants et la valeur du capital de l’assurance-vie en cas de décès, soit
CHF 100'094.-. De même, la société avait maintenu son refus de garantir la dette personnelle de l’ancien directeur (CHF 187'252.- en 2020 ; CHF 160'252.- en 2021) par le nantissement de sa police d’assurance-vie. Le département réitérait sa demande que cette police serve en priorité à couvrir les montants dont l’ancien directeur était débiteur et, dans un second temps, le montant du prêt aux actionnaires. Enfin, le département réitérait une remarque, déjà formulée durant les deux derniers exercices comptables, sur la présentation du tableau d’amortissements dont les états financiers 2021 ne permettaient pas de contrôler les taux par catégories d’actifs. La liste de 37 pages, transmise pour la deuxième année consécutive, sans effort de synthèse, était de nature à entraver le travail de surveillance. Le département attendait la mise en œuvre de cette recommandation.

d. Par courriel du 24 novembre 2022, le département a informé la société que le prix de pension 2023 serait augmenté à CHF 225.-, en tenant compte du mécanisme salarial 2022, comprenant l’annuité et l’effet « NORIA », mais également la hausse des coûts de l’électricité, ainsi qu’une indexation des charges d’alimentation. Il détaillait les éléments pris en compte pour la fixation du prix de pension, en application de l’art. 23 de la loi sur la gestion des établissements pour personnes âgées du 4 décembre 2009 (LGEPA - J 7 20).

e. Par courrier du 14 décembre 2022, faisant valoir ses observations suite au courrier du 18 octobre 2022 du département, la société a constaté que les parties avaient des positions « nettement opposées » s’agissant du suivi des recommandations du SAI. Elle « invit[ait] le département à se déterminer sur le mode de règlement des litiges selon le contrat de prestations ; à défaut d’indication d’un choix d’ici le 28 février 2023, [elle] saisirait la chambre administrative ».

f. Par courrier du 20 janvier 2023, le conseiller d’État a informé la société que le prix de pension 2023 de l’établissement serait fixé à CHF 225.- par jour et par résident. Ce prix incluait l’adaptation de l’annuité 2022. Il rappelait que la compensation de l’annuité et l’indexation du salaire du personnel hors soins étaient répercutées sur le prix de pension de l’année suivant l’octroi du mécanisme salarial (N+1). Le courrier ne portait pas d’autre mention ni n’indiquait de délai ou de voie de recours.

D. a. Par acte du 20 février 2023, la société a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le courrier du 20 janvier 2023 du conseiller d’État. Elle a conclu à l’annulation de cette « décision » et à ce que le prix de pension de l’établissement soit fixé, à partir du 1er janvier 2023, à CHF 229.-, par jour et par résident. La décision du 20 janvier 2023, en lien avec celle du 7 janvier 2019, diminuant le prix de pension de CHF 4.- par jour et par résident, constituait une mesure, respectivement une sanction, prise sur la base de l’art. 36 al. 1 LGEPA. Étant en place depuis plus de quatre ans, alors que la société s’était conformée à de nombreuses recommandations du SAI et que le département hésitait à se déterminer sur les deux, voire trois points restés en suspens ainsi que sur le mode de règlement des litiges prévus dans le contrat de prestation, la mesure ou sanction était désormais disproportionnée. Elle avait un impact qui pouvait être estimé à fin 2022 à CHF 356'484.-. Cette somme représentait 228% de la somme des montants retenus dans le rapport d’audit à l’encontre du directeur (CHF 104'485.- et 55'767.‑). Le prêt aux actionnaires était suffisamment garanti par les remboursements et le nantissement de la police de prévoyance libre 3B mis en place. La période actuelle d’augmentation des prix de l’électricité, des denrées alimentaires ainsi que les mécanismes d’adaptation salariale pour le personnel risquaient de menacer l’équilibre financier de l’EMS en cas de maintien de la réduction du prix de pension de CHF 4.- par jour par résident.

b. Le conseiller d’État a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. La société n’attaquait pas le régime mis en place par la décision du 20 janvier 2023 maintenant le prix de pension à CHF 223.-, mais remettait en cause la réduction du prix de pension fixé par décision du 7 janvier 2019. Faute d’avoir été concrètement tranchée dans la décision attaquée, la réduction du prix de pension valable à partir du 1er janvier 2019 ne faisait pas partie de l’objet de la contestation.

Les revenus des EMS étaient assurés par deux sources principales distinctes : 1) la première source finançait les soins prodigués aux résidents. Elle était composée d’une contribution des assureurs, d’une contribution personnelle des résidents au coût des soins et d’une subvention cantonale à type de financement résiduel des soins ; 2) la deuxième source finançait les prestations socio-hôtelières (ci-après : SOHO), le loyer et d’autres charges éventuelles (hébergement, repas, animation, blanchissage du linge et administration). Il s’agissait d’un prix de pension journalier fixé par le département entièrement à la charge des résidents. Si les ressources propres de ces derniers étaient insuffisantes, des prestations complémentaires pouvaient être demandées au service des prestations complémentaires. Le prix de pension journalier était notamment déterminé selon les coûts des prestations SOHO. Celles-ci comprenaient, entre autres, le salaire du personnel de l’EMS hors soins qui était fixé selon les mêmes principes que ceux appliqués aux membres du personnel de l’État. L’analyse annuelle des états financiers d’un EMS influençait la détermination du prix de pension à charge de ses résidents. La procédure ne portait que sur ce deuxième aspect du financement.

S’il était exact que les voies de recours n’avaient pas été mentionnées dans le courrier du 7 janvier 2019, la société avait fait les démarches nécessaires pour le contester et avait consulté un avocat. Aucun recours n’avait toutefois été déposé dans les délais. Hormis le courrier du 19 mars 2019, la société n’avait pas remis en cause la décision du 7 janvier 2019. Ce n’était que le 18 mai 2022 qu’elle l’avait critiquée. Le recours était ainsi tardif et abusif.

Dans la mesure où les conclusions de la société seraient recevables, celles-ci devraient être rejetées, une réduction du prix de pension de CHF 4.- se justifiant non seulement au vu de la gratification versée au directeur, mais également par rapport aux prêts concédés par l’établissement à ses actionnaires de CHF 205'913.‑. Le département s’était contenté de rendre une mesure provisionnelle visant à rétablir une situation ex ante. Il n’avait pas prononcé de sanction telle qu’un retrait, temporaire ou définitif, de l’autorisation d’exploitation de l’OMS. La réduction du prix de pension avait pour but de compenser la prise en charge par les résidents de charges indues, et de rétablir une situation conforme au droit. Il ne s’était en aucun cas agi de punir la société, mais de fixer le prix de pension au plus juste, au vu des éléments financiers admissibles. Même à supposer que le prix de pension 2019 serait contestable, il n’avait eu aucune incidence sur la recourante au vu de ses états financiers 2021.

c. Dans sa réplique, la recourante a sollicité l’audition de son réviseur. La décision du 7 janvier 2019 ne pouvait pas faire l’objet d’un recours immédiat devant la chambre de céans, s’agissant d’une décision incidente. La violation du principe de proportionnalité ne s’était concrétisée qu’avec l’écoulement du temps qui avait amplifié l’impact financier de la réduction du prix de pension. La société n’était pas habilitée à porter son différend avec le département devant le Conseil d’État, à teneur des textes applicables. De surcroît elle encourrait « un risque inutile de rendre coercitives des recommandations du SAI avec lesquelles elle n’était pas d’accord ». Si le département entendait que les recommandations soient coercitives, il lui appartenait de porter le différend devant le Conseil d’État. Le département avait prononcé une mesure provisionnelle en 2019 sans jamais rendre de décision ultérieure sur le fond. La société entendait obtenir la levée de cette mesure provisionnelle.

d. Dans sa duplique, le département a relevé avoir fixé, chaque année, par courriers des 7 janvier 2019, 8 janvier 2020, et 22 décembre 2022, le prix de pension sans que la société ne le conteste. Le recours du 20 février 2023 à l’encontre du courrier du 20 janvier 2023 remettait en cause la réduction du prix de pension fixé par pli du 7 janvier 2019. D’une part, il n’existait pas de litige entre le département et le SAI. D’autre part, la commission de contrôle de gestion du Grand Conseil pouvait demander un suivi tant que toutes les recommandations de l’audit du SAI n° 19-12 d’avril 2019 n’étaient pas closes. Or, trois étaient encore ouvertes.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ;
art. 38 LGEPA).

La chambre de céans a déjà tranché, dans un cas similaire (ATA/362/2022 du 5 avril 2022, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_414/2022 du 12 juillet 2023), que même si la décision du département du 20 janvier 2023 n’est pas désignée comme telle ni n’indique les voie et délai de recours (art. 46 al. 1 LPA), cette situation n’a entraîné aucun préjudice pour la recourante (art. 47 LPA), qui l’a contestée en temps utile devant la chambre de céans, laquelle est compétente pour statuer sur les recours formés contre les décisions des autorités administratives, à savoir les mesures individuelles et concrètes affectant les droits et obligations (art. 4 al. 1 et 57 let. a LPA). Tel est le cas en l’espèce, puisque le département a augmenté le prix de pension journalière des résidents de la recourante, le fixant à CHF 225.- par jour à compter du 1er janvier 2023.

2.             L’objet du litige concerne le prix de pension dans l’établissement de la recourante, qui a été revu à la hausse de CHF 2.- pour l’année 2023 par l’autorité intimée.

2.1 L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'elle ou il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1301/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si une recourante ou un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, elle ou il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1301/2020 précité consid. 2b).

Ainsi, l'autorité de recours n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction (ATA/1390/2021 du 21 décembre 2021 consid. 2a et les références citées).

2.2 En l’espèce, la recourante ne conteste pas l’augmentation de CHF 2.-, qu’il s’agisse des paramètres pris en compte et détaillés dans les écritures du département (mécanismes salariaux ; indexation des salaires ; comptabilité analytique ; moyenne du prix de pension ; résultats financiers ; état des fonds propres ; arrondi des années précédentes), ou la quotité du montant de CHF 2.-. Dans la mesure où les griefs de la recourante portent sur le maintien, depuis 2019, de la diminution de CHF 4.- par jour et par résident, non évoqué dans la décision querellée, ils dépassent l’objet du litige et sont irrecevables.

3.             La recourante soutient que la fixation du prix de pension à CHF 225.- comprend implicitement le maintien de la diminution de CHF 4.-, en vigueur depuis 2019.

3.1 L’État évalue périodiquement la pertinence, l’efficacité et l’efficience de son action. Il s’assure que les conséquences financières de son activité sont maîtrisées (art. 151 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00). 

Le Conseil d’État organise au sein de chaque département un contrôle interne (art. 221 al. 1 1ère phrase Cst-GE). Un organe d’audit interne couvre l’ensemble de l’administration cantonale. Rattaché administrativement au Conseil d’État, il définit librement ses sujets d’investigation. Ses rapports sont communiqués au Conseil d’État et aux commissions compétentes du Grand Conseil (art. 221 al. 2 Cst-GE).

3.2 La surveillance de l’État a pour but de s’assurer que celui-ci agit conformément aux dispositions légales et constitutionnelles qui régissent son activité. Elle comprend notamment l’audit interne (art. 2 al. 1 let. a LSurv).

L’audit interne de l’État est assuré par une entité rattachée au Conseil d’État (ci‑après : SAI), qui exerce ses tâches de contrôle de manière indépendante et autonome. Le service d’audit interne exerce ses fonctions selon les principes d’organisation et de fonctionnement fixés par les normes professionnelles reconnues en matière d’audit interne (art. 9 LSurv).

Le champ d’application de l’audit interne comprend notamment les entités de droit privé bénéficiant d’une subvention au sens des art. 44 et 45 de la loi sur la gestion administrative et financière de l’État du 4 octobre 2013 (LGAF - D 1 05), lorsque, notamment, la subvention est supérieure ou égale à CHF 200'000.- (art. 10 al. 2 let. a LSurv).

À teneur de l’art. 11 LSurv, le SAI a notamment les compétences suivantes : a) évaluer les processus de gouvernance, de management des risques et de contrôle. Cette évaluation doit porter notamment sur les aspects suivants : 1° la fiabilité et l’intégrité des informations financières et opérationnelles, 2° l’efficacité et l’efficience des opérations et des programmes, 3° la protection des actifs et des informations, 4° le respect des lois, règlements, règles, procédures et contrats ; b) contrôler les indicateurs de performance des programmes. Dans ce cadre, il vérifie notamment la fiabilité de leur calcul et leur pertinence ; c) formuler des recommandations pour améliorer l’efficacité et l’efficience des systèmes et processus mentionnés aux lettres a et b ; d) rendre compte régulièrement des actions entreprises pour corriger les dysfonctionnements décelés ; e) recevoir des signalements des lanceurs d’alerte et instruire les faits au sens de la loi sur la protection des lanceurs d’alerte au sein de l’État, du 29 janvier 2021.

Les mesures correctives contenues dans le rapport d’audit sont obligatoires (art. 17 al. 3 LSurv). En cas de désaccord au sujet des recommandations à mettre en œuvre entre le service d’audit interne et le département, le différend est porté devant le Conseil d’État pour qu’il tranche. Le comité d’audit au sens de l’art.  47 préavise la décision du Conseil d’État (art. 17 al. 4 LSurv).

Le SAI établit une fois par année un rapport de suivi comportant la liste des rapports qu’il a rendus avec leurs conclusions et recommandations éventuelles ainsi que les suites qui leur ont été données. Les rapports de suivi sont communiqués selon les modalités de l’art. 18 (art. 19 LSurv).

3.3 Selon l’art. 44 al. 1 let. a LGAF, les subventions sont des charges de transfert accordées à des tiers. Elles prennent la forme d'indemnités ou d'aides financières régies par la loi sur les indemnités et les aides financières du 15 décembre 2005 (LIAF - D 1 11).

3.4 La LGEPA vise à assurer, à toutes les personnes âgées, des conditions d'accueil, d'hébergement et de soins de qualité dans les EMS, subventionnés et reconnus d'utilité publique, ainsi que dans les résidences pour personnes âgées (art. 1 LGEPA).

La LGEPA a pour but de définir : a) les conditions de délivrance des autorisations d'exploitation et les modalités de surveillance des établissements médico-sociaux et des résidences pour personnes âgées ; b) les conditions d'octroi de la subvention et les modalités d'organisation générale des établissements médico-sociaux (art. 2 LGEPA).

3.4.1 Les revenus de l'établissement, dans le cadre de l'autorisation d'exploitation, sont notamment : a) le prix de pension facturé aux résidants ; b) le forfait versé par les assureurs maladie ; c) la subvention cantonale (art. 19 LGEPA).

Le prix de pension maximum est fixé par le département (al. 1). Il comprend : a) un forfait socio-hôtelier ; b) le loyer et/ou les charges immobilières ; c) les autres charges résultant d'une mission spécifique confiée par le département à l'établissement (al. 2). Le prix de pension peut être fixé sur une base pluriannuelle (al. 3 ; art. 20 LGEPA).

Les départements prennent toutes les sanctions et mesures propres à prévenir ou à faire cesser un état de fait contraire à la présente loi ou à ses dispositions d'exécution dans leurs domaines de compétence (art. 36 LGEPA).

3.4.2 Un prix de pension unique, déterminé selon les trois composantes figurant aux art. 25 à 27, est appliqué au sein du même établissement, et ce quel que soit le nombre de lits par chambre (art. 24 du règlement d'application de la loi sur la gestion des établissements pour personnes âgées du 16 mars 2010 - RGEPA - J 7 20.011).

Le département détermine un forfait socio-hôtelier de référence sur la base d'un outil d'analyse des prestations socio-hôtelières qui comprennent : a) l'animation ; b) l'hôtellerie (incluant la buanderie, le nettoyage, les services logistiques et techniques) ; c) la restauration ; d) l'administration (al. 1). Le département évalue avec l'établissement l'éventuel écart qui subsisterait entre le coût de ses prestations socio-hôtelières et le forfait de référence. Pour autant que les circonstances le justifient, le département peut prendre en compte tout ou partie de cet écart dans la fixation du prix de pension (al. 2). L'établissement planifie et met en œuvre les mesures qui permettront de réduire progressivement l'éventuel écart au sens de l'al.  2 (al. 3 ; art. 25 RGEPA).

3.4.3 Dans l’arrêt du 12 juillet 2023 précité, destiné à publication, le Tribunal fédéral a confirmé qu’il était possible d'admettre, en suivant un raisonnement a maiore ad minus, des réductions du prix de pension en application combinée des art. 36 al. 1 LGEPA et 25 RGEPA dans les cas où l'exploitant d'un EMS refusait de se conformer à une règle obligatoire de rationalisation des charges expressément prévue par le législateur (arrêt du Tribunal fédéral 2C_414/2022 du 12 juillet 2023 consid. 6.8).

3.5 La société « s’engage à respecter les recommandations figurant dans les rapports du SAI et à mettre en œuvre, dans le délai indiqué par le département de tutelle, les mesures correctrices qui ne sont pas contestées ou qui ont fait l’objet d’une décision au sens de l’art. 17 LSurv » (art. 11 du contrat de prestations 2018 – 2021, non modifié par l’avenant du 21 février 2022, pour les années 2022 - 2023).

Les parties s’efforcent de régler à l’amiable les différends qui peuvent surgir dans l’application et l’interprétation du contrat [de prestations] (al. 1). En cas d’échec, elles peuvent recourir d’un commun accord à la médiation (al. 2). À défaut d’un accord, le litige peut être porté dans la chambre de céans (al. 3 ; art. 19 du contrat de prestations).

3.6 Le rapport d’activité de la commission de contrôle de gestion du Grand Conseil pour l’année parlementaire 2021 – 2022, déposé le 31 janvier 2023, indique que « la commission a débuté ses travaux en 2019 au sujet de la A______ SA (voir RD 1442 Rapport d’activité de la commission de contrôle de gestion (année parlementaire 2019-2020). En 2022, les membres de la commission ont souhaité s’assurer de la mise en œuvre des recommandations associées au rapport du SAI 19-12. Le 14 mars 2022, le SAI a donné un point de situation détaillé aux membres de la commission. À l’issue de la présentation, un courrier émanant du SAI a également été transmis aux membres de la commission à leur demande. Sur cette base, la commission a écrit au Conseil d’État afin de demander une mise en œuvre rapide des dernières recommandations en suspens » (Rapport d’activité de la commission de contrôle de gestion, année parlementaire 2021 – 2022 ; RD 1503).

3.7 En l’espèce, la mesure prononcée par courrier du 7 janvier 2019 était, à teneur des termes employés ultérieurement, provisionnelle. Le courrier précisait que « le montant sera révisé en fonction du rapport d’audit final du SAI ».

Par courrier du 25 mars 2019, le département a répondu à la société qu’il n’entrerait pas en matière pour une réévaluation du prix de pension tant que toutes les recommandations du rapport d’audit du SAI ne seraient pas closes.

Le 11 avril 2019, le SAI a rendu son rapport final n° 19-12. Selon celui-ci, la société était, à plusieurs égards, gérée de manière négligente. La société ne s’est pas manifestée et le prix de pension pour 2019 n’a pas été modifié.

La société n’a pas recouru contre la fixation du prix de pension en 2020 qui a maintenu la diminution de CHF 4.- par jour et par résident. Le rapport du SAI ayant été rendu plusieurs mois auparavant, cette décision doit être qualifiée de décision au fond.

La société n’a pas non plus contesté cette diminution lors de la fixation des prix de pension pour 2021 et 2022, alors même qu’elle s’opposait déjà aux conclusions du SAI. La société n’a réagi qu’en mai 2022. Elle ne conteste pas que la position qu’elle a adoptée sur les recommandations du SAI 4.1.1, « garantie sur un contrat de prêt aux actionnaires à consolider », 4.2.1 « gratification versée au directeur de manière non transparente à l’égard du département » et 4.3.1 « non-respect des principes comptables et des instructions de bouclement du secteur EMS » sont les mêmes depuis plusieurs années, qu’elle n’a pas changé de position et persiste dans son refus de modifier sa façon de procéder. L’objet du litige est donc identique à celui décidé lors de la fixation du prix de pension en 2020. La question de l’autorité de la chose décidée souffrira toutefois de rester indécise compte tenu de ce qui suit.

En tous les cas, dès lors que la société perçoit plus de deux millions de francs annuels de subvention, elle est soumise au contrôle du SAI (art. 10 al. 2 let. a LSurv). La société persiste, comme relevé dans le paragraphe précédent, à refuser de modifier sa façon de procéder, notamment en matière de rémunération du directeur. Or, les mesures correctives contenues dans le rapport du SAI sont obligatoires (art. 17 al. 3 LSurv). Il appartient en conséquence à la recourante de les mettre en œuvre. C’est dès lors à bon droit que le département a maintenu la diminution du prix de CHF 4.- tant que les recommandations du SAI ne sont pas observées.

Il sera encore relevé que la recourante ne saurait être suivie lorsqu’elle affirme que la diminution du prix de pension serait une sanction administrative, dont
l’art. 37 LGEPA ne ferait pas mention. Comme l’a expliqué le département et malgré les termes qu’il a pu utiliser, il s’agit d’une mesure prise en application des art. 36 LGEPA et 25 RGEPA en vue de faire cesser un état de fait contraire à la LGEPA et à son règlement d’exécution, en l’occurrence aux art. 17 al. 2, 19 et
20 LGEPA et 19 RGEPA, la fixation du prix de pension étant de la compétence du département (art. 20 al. 1 LGEPA). Cette approche a été confirmée par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 12 juillet 2023 précité.

En tous points infondé, le recours sera rejeté en tant qu’il est recevable.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera accordée (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette en tant qu’il est recevable le recours interjeté le 20 février 2023 par la A______ SA contre la décision du département de la cohésion sociale du 20 janvier 2023 ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de la A______ SA ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Zoltan SZALAI, avocat de la recourante, ainsi qu'au département de la cohésion sociale.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Valérie LAUBER, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :


la greffière :

 

 

C. MARINHEIRO

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :