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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1312/2023

ATA/1184/2023 du 31.10.2023 sur JTAPI/953/2023 ( ICC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1312/2023-ICC ATA/1184/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 octobre 2023

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimée

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 septembre 2023 (JTAPI/953/2023)


EN FAIT

A. a. Par bordereau relatif à l’impôt cantonal et communal (ICC) du 1er décembre 2022, notifié le 6 décembre 2022, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé d’office A______ pour l’année fiscale 2021.

b. La remise par la société de sa déclaration fiscale, le 14 mars 2023, a été traitée par l’AFC-GE comme une réclamation.

c. Par décision du 22 mars 2023, l’AFC-GE a déclaré la réclamation irrecevable pour cause de tardiveté.

d. La société a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision.

Elle avait procédé tardivement à la réclamation. Établissant ses premiers comptes, elle avait été confrontée à un manquement de son personnel comptable et pris la décision, tardive, de confier la préparation de sa comptabilité à une fiduciaire. Celle-ci avait dû faire face à de nombreux délais pour la récolte des diverses pièces. Elle demandait à titre exceptionnel que sa réclamation soit acceptée.

e. Par jugement du 4 septembre 2023, le TAPI a rejeté le recours.

La contribuable devait se laisser imputer les manquements de sa mandataire qui n’avait pas agi dans le délai de réclamation. Par ailleurs, aucun motif de révision ne justifiait d’entrer en matière sur la réclamation formée tardivement.

B. a. Par acte expédié le 3 octobre 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre ce jugement.

Elle s’était retrouvée dans l’impossibilité de déposer sa déclaration d’impôts dans les délais. Si elle l’avait fait, alors qu’elle ne disposait pas de comptes complets et précis, elle aurait agi fautivement. Elle n’avait aucunement été négligente, mais avait au contraire cherché à corriger des dysfonctionnements internes manifestes. La taxation d’office avait conduit à un niveau de taxation bien plus élevé que celui qui aurait résulté d’une taxation ordinaire. Cela affectait le bon fonctionnement de la société. Elle sollicitait de l’indulgence et demandait que l’AFC-GE traite le dépôt tardif de la déclaration fiscale comme une demande en révision.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours se référant au jugement.

c. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Est litigieux le refus d’entrer en matière sur la réclamation de la contribuable.

2.1 Le délai de réclamation fixé par la loi est de 30 jours (art. 39 al. 1 LPFisc), est une disposition impérative de droit public. Il n'est, en principe, pas susceptible d’être prolongé (art. 21 al. 1 LPFisc ; art. 16 al. 1 LPA), restitué ou suspendu, si ce n’est par le législateur lui-même. Celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/85/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a et les références citées). Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d'égalité de traitement et n'est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine).

2.2 Le délai commence à courir le lendemain de la notification. Selon les art. 41 al. 3 LPFisc, passé le délai de 30 jours, une réclamation tardive n’est recevable que si le contribuable établit que, par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d’absence du pays ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter sa réclamation en temps utile et qu’il l’a déposée dans les 30 jours après la fin de l’empêchement.

2.3 Aux termes de l'art. 16 LPA, un délai fixé par la loi ne peut être prolongé ; les cas de force majeure sont réservés (al. 1) ; le délai imparti par l'autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration (al. 2) ; la restitution pour inobservation d'un délai imparti par l'autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé ; la demande motivée doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l'empêchement a cessé (al. 3). Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b ; ATA/916/2015 précité consid 2c ; ATA/378/2014 du 20 mai 2014 consid. 3d).

2.4 En l’espèce, la recourante ne conteste pas qu’elle a formé réclamation plus de 30 jours après s’être vu notifier sa taxation d’office.

Elle fait cependant valoir que, dans le délai de réclamation de 30 jours, elle ne disposait pas des éléments lui permettant de la motiver, sa fiduciaire ayant dû rechercher les éléments nécessaires. Or, le fait que sa fiduciaire recherchait des documents ne constitue nullement un empêchement, que ce soit au sens de l’art. 41 al. 3 LPFisc ou de l’art. 16 al. 1 LPA, permettant d’entrer en matière sur une réclamation formée hors délai. Comme l’a relevé le TAPI, la contribuable pouvait tout à fait agir dans les 30 jours dès notification des taxations d’office, afin de préserver ses droits, le délai légal de 30 jours étant un délai impératif. Elle aurait pu expliquer ses difficultés à rassembler les pièces idoines et demander un délai à l’AFC-GE pour compléter sa réclamation.

Aucun motif d’empêchement valable pour procéder dans le délai légal n’étant réalisé, l’AFC-GE n’a pas violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en déclarant la réclamation irrecevable pour tardiveté.

3.             La recourante fait encore valoir que les conditions d’une révision seraient remplies.

3.1 À teneur de l’art. 55 al. 1 LPFisc, qui institue un cas de reconsidération obligatoire, une décision entrée en force peut être révisée (par quoi il faut entendre reconsidérée, le terme révision étant en effet destiné au réexamen des décisions judiciaires ; cf. Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd. 2018, p. 480 s.) en faveur du contribuable, à sa demande ou d'office, lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a), lorsque l'autorité qui a statué n'a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu'elle connaissait ou devait connaître, ou qu'elle a violé de quelque autre manière l'une des règles essentielles de la procédure (let. b) ou lorsqu'un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c).

Est nouveau le fait qui était inconnu, mais qui existait déjà au moment de la décision. Les faits en question sont donc des événements antérieurs au prononcé dont la révision est demandée, mais qui ont été découverts par la suite. Les faits et moyens postérieurs à la décision sont donc en principe exclus. S'ils existaient de manière latente dès le début, ils peuvent toutefois justifier une révision en ce qu'ils rétroagissent au jour où la décision a été prise et font apparaître l'appréciation des faits effectuée à cette époque comme inexacte (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.2 et les références citées).

3.2 La révision est exclue lorsque le requérant a invoqué des motifs qu’il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s’il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui (art. 55 al. 2 LPFisc).

Ainsi, même en présence d'un motif de révision, si le contribuable ou son représentant omet, de manière négligente, de faire valoir celui-ci dans la procédure ordinaire, la révision n'est pas possible. La jurisprudence souligne qu'il faut se montrer strict à cet égard. Le seul facteur décisif est donc celui de savoir si le contribuable aurait déjà pu présenter les motifs de révision dans la procédure ordinaire. Le but de la procédure extraordinaire de révision n'est pas de réparer les omissions évitables du contribuable commises au cours de la procédure ordinaire. Cette limitation importante à la révision s'explique par le caractère subsidiaire de cette voie de droit et par les exigences de la sécurité du droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.3 et les références citées).

3.3 Lorsque l’autorité n’entre pas en matière sur une demande de révision, la procédure de recours ne peut pas porter sur le fond du litige, mais seulement sur le fait de savoir si les conditions d’une révision étaient ou non remplies. L’autorité de recours doit uniquement examiner si c'est à bon droit que celle-ci a prononcé une décision d'irrecevabilité. Si tel est le cas, l'autorité de recours doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (ATF 131 II 548 consid. 2.3 ; 123 II 552 consid. 4e ; ATA/413/2021 du 13 avril 2021 consid. 3).

3.4 En l'espèce, la recourante ne se prévaut pas d’un fait nouveau justifiant la révision demandée. Elle se borne à solliciter que le dépôt de sa déclaration fiscale avec sa réclamation devait être traitée comme une demande en révision.

Or, elle aurait déjà pu contester sa taxation d'office pour l'année 2021 en faisant en particulier valoir qu’elle était manifestement inexacte, voire arbitraire, dans le cadre de la procédure ordinaire, par la voie de la réclamation, si elle avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée d’elle, à savoir d’abord en veillant à ce que sa déclaration d'impôts, puis sa réclamation soient déposées dans les délais. Partant, même à considérer que le dépôt de la déclaration fiscale 2021 équivaudrait à une demande de révision, l’AFC-GE n’était pas obligée d’entrer en matière sur celle-ci.

Au vu de ce qui précède, le recours, infondé, sera rejeté.

4.             Vu l’issue du recours, la recourante supportera un émolument de CHF 700.- et ne pourra se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 octobre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 septembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 700.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Florence KRAUSKOPF, Valérie LAUBER, juges

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :