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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3561/2022

ATA/1169/2023 du 31.10.2023 sur JTAPI/492/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3561/2022-PE ATA/1169/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 octobre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Andrea VON FLÜE, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 mai 2023 (JTAPI/492/2023)


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : le requérant), né le ______ 1993, est ressortissant de Cuba.

b. Le 25 octobre 2017, il s'est marié à Cuba avec B______, ressortissante suisse.

c. Le requérant est arrivé en Suisse le 26 janvier 2018 afin de vivre auprès de son épouse et a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour pour regroupement familial par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

d. Le 16 février 2020, le couple s'est séparé.

e. Le 21 février 2020, leur fille C______, ressortissante suisse, est née.

f. Le 18 mai 2020, le Tribunal de première instance (ci-après: TPI) a prononcé des mesures protectrices de l'union conjugale (JTPI/______/2020).

g. Le 6 août 2021, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE) a pris acte de l’instauration d’une mesure de curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles sur C______.

B. a. Le 6 juillet 2022, l’OCPM a informé le requérant de son intention de refuser la poursuite de son séjour en Suisse suite à sa séparation et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai lui était imparti pour faire valoir ses observations, ce qu’il n’a pas fait.

b. Par décision du 29 septembre 2022, l'OCPM a refusé de prolonger son autorisation de séjour et a prononcé son renvoi de Suisse.

Le couple s'était séparé un peu plus de deux ans après la venue du requérant en Suisse. Par conséquent, il ne pouvait pas se prévaloir d'avoir vécu en communauté conjugale pendant au moins trois ans. Par ailleurs, il n'exerçait pas son droit de visite de manière régulière. Il ne payait pas de pension alimentaire et ne participait pas à l'entretien économique de sa fille. Il ne pouvait ainsi pas invoquer sa relation avec sa fille pour pouvoir rester vivre en Suisse. En outre, le droit de visite pourrait s'exercer depuis l'étranger étant donné que la mère de sa fille avait indiqué être prête à se déplacer chaque année à Cuba afin que l'enfant garde des liens avec son père. Enfin, le requérant était jeune et en bonne santé, ce qui lui permettrait de se réintégrer sans problème à Cuba.

Le dossier ne faisait pas apparaître que l'exécution du renvoi n'était pas possible, pas licite ou ne pouvait pas être raisonnablement exigée.

c. Par acte du 28 octobre 2022, sous la plume de son conseil, le requérant a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI) contre la décision précitée.

Il se trouvait dans une période difficile de sa vie. Suite à sa séparation d'avec son épouse, il ne possédait aucune ressource financière. Cette situation l'avait obligé à émarger provisoirement à l'aide sociale, mais il recherchait activement un emploi.

Il prenait son rôle de père au sérieux et désirait être plus présent dans le quotidien de sa fille. Un travail de création de liens père-fille avait été entamé et ne pouvait être brutalement arrêté. S'il retournait vivre à Cuba, il ne serait pas possible de conserver ce lien. En outre, vu les dissensions avec son épouse, il n'était pas certain que celle-ci serait disposée à amener leur fille à Cuba au moins une fois par an.

La situation économique du pays étant très précaire et le salaire moyen extrêmement bas, il ne pourrait pas rendre visite à sa fille en Suisse.

d. Le 21 mars 2023, le TAPI a procédé à l'audition des parties ainsi que de différents témoins.

e. Par jugement du 3 mai 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Les relations du requérant avec sa fille étaient relativement récentes, soit depuis l'instauration du droit de visite en août 2021, et n’avaient débuté de manière effective qu'en octobre 2021. L'exercice de ce droit de visite avait cessé le 14 décembre 2021, le requérant ne l'ayant pas honoré à trois reprises, soit le 14 novembre, le 5 décembre et le 12 décembre 2021. Suite à cela, un nouveau droit de visite avait été mis en place auprès de la Clinique de la Famille à partir du 25 février 2022. Celui-ci avait été une fois de plus supprimé à partir du 26 août 2022, à nouveau en raison des retards et des absences du requérant. Enfin, sur proposition de la mère d'C______, un nouveau droit de visite avait été organisé par le biais du TPAE dès le 15 octobre 2022 et était toujours d'actualité. Par ailleurs, le requérant n'avait jamais donné aucune explication ou justification au sujet de ses absences ou retards.

Il ressortait en outre du rapport du service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci‑après : SEASP) du 30 janvier 2023 que la relation entre le requérant et sa fille n’était pas aussi étroite et affective que ce que ce dernier prétendait. Au contraire, ce document relevait que son comportement et l'absence de régularité dans l'exercice du droit de visite créaient un environnement non sécurisant pour C______.

Sur le plan économique, bien que l'Hospice général lui versait un montant de CHF 100.- afin de lui permettre de contribuer à l'entretien de sa fille, celui-ci n'avait qu'à de rares occasions transféré cette somme à la mère d'C______, raison pour laquelle le service cantonal d’avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après : SCARPA) avait engagé des poursuites à son encontre. Il ne pouvait ainsi à l'évidence pas être admis qu’il pourvoyait à l'entretien économique de sa fille.

Dans ces circonstances, la relation qu’il entretenait avec sa fille ne pouvait pas être qualifiée d'étroite ou effective, de sorte qu'il ne pouvait se fonder sur l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) pour prétendre au renouvellement de son autorisation de séjour, étant précisé qu’il pourrait entretenir une relation grâce aux différents moyens de communication à sa disposition, moyennant certes quelques ajustements logistiques.

C. a. Par acte du 5 juin 2023, le requérant a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et au renouvellement de son autorisation de séjour.

Le TAPI avait établi les faits de manière arbitraire. Il était dans une situation extrêmement précaire. À la suite de sa séparation, il s’était retrouvé seul sans soutien, dans un pays dont le système lui était complètement inconnu. Il avait toujours été demandeur de voir sa fille. Toutefois, en raison des dissensions avec la mère de sa fille, il avait souvent été privé de la voir. Il était conscient de ses manquements et souhaitait réellement s’investir dans son rôle de père. Il avait sollicité un élargissement de ses droits de visite. S’il devait retourner à Cuba, il n’aurait plus l’occasion d’entretenir une relation avec sa fille. Le jugement violait également l’art. 8 CEDH, sous l’angle du droit à sa vie familiale.

b. Par réponse du 6 juillet 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Il a notamment produit le jugement du TPI du 20 juin 2023 prononçant le divorce des époux, maintenant l’autorité parentale conjointe sur C______, mais limitant celle du requérant en tant que la mère d’C______ était autorisée à entreprendre seule les démarches administratives à effectuer pour l’enfant et attribuant la garde à la mère. Le droit de visite du père devait s’exercer jusqu’en juin 2023 un samedi ou dimanche chaque quinzaine, sur le temps de son activité extrascolaire, puis, charge au curateur de faire des propositions d’organisation ou d’élargissement aux autorités compétentes en fonction de la situation. Le juge a en particulier relevé l’inconstance du père qui se traduisait par des absences ou retards lors des rencontres avec l’enfant, qui n’avait pas favorablement évolué depuis l’institution de la curatelle. À l’issue de la procédure, le père ne disposait plus d’un téléphone, avait déménagé à Neuchâtel sans communiquer son adresse, pas même à la curatrice, de sorte qu’il était injoignable. Cette situation ne pouvait qu’entraver la prise en charge administrative d’C______ par sa mère et dès lors avait un impact négatif sur l’enfant.

Était également joint un courrier de B______ du 29 juin 2023.

c. Par réplique du 26 juillet 2023, le recourant a relevé avoir pris conscience de l’importance d’être ponctuel et présent lors des visites avec sa fille afin d’apporter de la stabilité à leur relation. Il avait honoré pratiquement toutes les visites prévues avec sa fille dans le cadre de ses activités extrascolaires. Il n’avait pas pu se rendre aux visites des 13 et 28 mai 2023 pour des raisons personnelles. Il en avait toutefois immédiatement informé l’intervenante en protection de l’enfant.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur le refus de l’autorité intimée de renouveler l’autorisation de séjour du recourant et son renvoi de Suisse.

2.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), qui a alors été renommée LEI, et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

Conformément à la règle générale posée à l'art. 126 al. 1 LEI, c'est le nouveau droit matériel qui est applicable, dès lors que l’OCPM a informé le recourant de son intention de ne pas prolonger son autorisation de séjour le 6 juillet 2022 (arrêts du Tribunal fédéral 2C_145/2022 du 6 avril 2022 consid. 5 ; 2C_586/2020 du 26 novembre 2020 consid. 3.1 et les arrêts cités).

2.2 La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des personnes étrangères dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants de Cuba.

2.3 Selon l'art. 50 al. 1 LEI, après dissolution de la famille, le droit du conjoint et des enfants à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu des art. 42 (membres étrangers de la famille d’un ressortissant suisse) et 43 (conjoint et enfants étrangers du titulaire d’une autorisation d’établissement) subsiste lorsque l’union conjugale a duré au moins trois ans et les critères d’intégration définis à l’art. 58a LEI sont remplis (let. a), ou lorsque la poursuite du séjour en Suisse s’impose pour des raisons personnelles majeures (let. b). De telles raisons peuvent en particulier découler d'une relation digne de protection avec un enfant qui a le droit de séjourner en Suisse (ATF 143 I 21 consid. 4.1 ; 139 I 315 consid. 2.1 p. 318 s.). Il convient alors d'apprécier la situation dans son ensemble et d'appliquer la loi de manière conforme au droit constitutionnel (art. 13 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101)) et conventionnel (ATF 143 I 21 consid. 4.1 p. 24 s.; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1050/2016 du 10 mars 2017 consid. 5.1; 2C_1125/2014 du 9 septembre 2015 consid. 4.1 et les références). Les prétentions découlant de l'art. 50 al. 1 let. b LEI ne sont, dans les limites de son champ d'application, en principe pas moins étendues que celles découlant des art. 13 al. 1 Cst. et 8 CEDH et se recoupent partiellement avec ces dernières (ATF 143 I 21 consid. 4.1 p. 25 et les arrêts cités; arrêt 2C_1050/2016 du 10 mars 2017 consid. 5.1).

2.4 Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 par. 1 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, il doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1). Les relations familiales qui peuvent fonder un droit à une autorisation sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 135 I 143 consid. 1.3.2).

Le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH n'est toutefois pas absolu. Une ingérence dans l'exercice de ce droit est possible selon l'art. 8 par. 2 CEDH, pour autant qu'elle soit prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. La mise en oeuvre d'une politique restrictive en matière de séjour des étrangers constitue un but légitime au regard de cette disposition conventionnelle (ATF 137 I 284 consid. 2.1 p. 288; 135 I 153 consid. 2.2.1 p. 156). 

Le refus d'octroyer une autorisation de séjour (ou d'établissement) fondé sur l'art. 8 par. 2 CEDH ne se justifie que si la pesée des intérêts à effectuer dans le cas d'espèce fait apparaître la mesure comme proportionnée aux circonstances (ATF 139 I 145 consid. 2.2 p. 147 s.; 135 II 377 consid. 4.3 p. 381). Cette condition correspond aux exigences de l'art. 96 LEI (ATF 137 I 284 consid. 2.1 p. 287 s.). Lors de l'examen de la proportionnalité, il y a lieu de prendre en considération la gravité de l'éventuelle faute commise par l'étranger, la durée de son séjour en Suisse, son degré d'intégration, ainsi que le préjudice qu'il aurait à subir avec sa famille du fait de l'expulsion, respectivement du refus d'accorder ou de prolonger une autorisation de séjour (ATF 139 I 145 consid. 2.3 p. 148 s.; 135 II 377 consid. 4.3 et 4.4 p. 381 s.; 130 II 176 consid. 4.1 p. 185).

Le parent qui n'a pas l'autorité parentale ni la garde de l'enfant ne peut d'emblée entretenir une relation familiale avec celui-ci que de manière limitée, en exerçant le droit de visite dont il bénéficie. Or, il n'est en principe pas nécessaire que, dans l'optique de pouvoir exercer son droit de visite, le parent étranger soit habilité à résider durablement dans le même pays que son enfant. Sous l'angle du droit à une vie familiale (art. 8 par. 1 CEDH et art. 13 al. 1 Cst.), il suffit en règle générale que le parent vivant à l'étranger exerce son droit de visite dans le cadre de séjours de courte durée, au besoin en aménageant ses modalités quant à la fréquence et à la durée, ou en recourant aux moyens de communication traditionnels et modernes transfrontaliers (ATF 143 I 21 consid. 5.3 ; 139 I 315 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1050/2016 du 10 mars 2017 consid. 6.2). Le droit de visite d'un parent sur son enfant ne doit en effet pas nécessairement s'exercer à un rythme bimensuel et peut également être organisé de manière à être compatible avec des séjours dans des pays différents (ATF 140 I 145 consid. 3.2). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un droit plus étendu ne peut le cas échéant exister qu'en présence de liens familiaux particulièrement forts d'un point de vue affectif et économique, lorsque cette relation ne pourrait pratiquement pas être maintenue en raison de la distance qui sépare le pays de résidence de l'enfant du pays d'origine de son parent, et que l'étranger a fait preuve en Suisse d'un comportement irréprochable (ATF 143 I 21 consid. 5.2 ; 142 II 35 consid. 6.2 ; 140 I 145 consid. 3.2 ; 139 I 315 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1050/2016 du 10 mars 2017 consid. 6.1). Ces exigences doivent être appréciées ensemble et faire l'objet d'une pesée des intérêts globale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1066/2016 du 31 mars 2017 consid. 4.2 ; 2C_520/2016 du 13 janvier 2017 consid. 4.2 et les arrêts cités). Dans le cadre de l'examen de la proportionnalité de la mesure (art. 8 par. 2 CEDH, art. 96 LEI et art. 13 cum art. 36 Cst.), il faut aussi tenir compte de l'intérêt fondamental de l'enfant (art. 3 CDE) à pouvoir grandir en jouissant d'un contact étroit avec ses deux parents (ATF 143 I 21 consid. 5.5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1050/2016 du 10 mars 2017 consid. 5.1 ; 2C_520/2016 du 13 janvier 2017 consid. 4.2 et les arrêts cités; aussi arrêt de la CourEDH  El Ghatet c. Suisse du 8 novembre 2016 [requête n° 56971/10], par. 27 s. et 46 s.), étant précisé que, sous l'angle du droit des étrangers, cet élément n'est pas prépondérant par rapport aux autres (ATF 143 I 21 consid. 5.5.1 ; 139 I 315 consid. 2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1050/2016 du 10 mars 2017 consid. 1 ; 2C_997/2015 du 30 juin 2016 consid. 4.3 ; 2C_497/2014 du 26 octobre 2015 consid. 5.1) et que l'art. 3 CDE qui le protège ne saurait fonder une prétention directe à l'octroi ou au maintien d'une autorisation (ATF 140 I 145 consid. 3.2 ; 139 I 315 consid. 2.4 s. ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1050/2016 du 10 mars 2017 consid. 5.1 ; 2C_165/2016 du 8 septembre 2016 consid. 5.3).  

L'exigence du lien affectif particulièrement fort doit être considérée comme remplie lorsque les contacts personnels sont effectivement exercés dans le cadre d'un droit de visite usuel selon les standards d'aujourd'hui (en Suisse romande, il s'agit d'un droit de visite d'un week-end toutes les deux semaines et durant la moitié des vacances ; ATF 139 I 315 consid. 2.5 ; aussi ATF 140 I 145 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_520/2016 du 13 janvier 2017 consid. 4.3 ; 2C_420/2015 du 1er octobre 2015 consid. 2.3 ; 2C_794/2014 du 23 janvier 2015 consid. 3.2).

2.5 L'admission d'un cas de rigueur personnel survenant après la dissolution de la communauté conjugale suppose que, sur la base des circonstances d'espèce, les conséquences pour la vie privée et familiale de la personne étrangère liées à ses conditions de vie après la perte du droit de séjour découlant de la communauté conjugale soient d'une intensité considérable (ATF 137 I 1 consid. 4.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 à 3.2.3). Lors de l'examen des raisons personnelles majeures, les critères énumérés à l'art. 31 al. 1 OASA peuvent entrer en ligne de compte, même si, considérés individuellement, ils ne sauraient fonder un cas individuel d'une extrême gravité (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_822/2013 du 25 janvier 2014 consid. 5.2).

À teneur de l'art. 31 al. 1 OASA, lors de l'appréciation de l'existence d'un cas d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration de l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

L'intégration professionnelle doit être exceptionnelle ; le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ; ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/678/2020 du 21 juillet 2020 consid. 5a ; ATA/1694/2019 précité consid. 4b).

La réintégration sociale dans le pays d'origine doit sembler fortement compromise. La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1). Le simple fait que l'étranger doive retrouver des conditions de vie qui sont usuelles dans son pays de provenance ne constitue pas une raison personnelle majeure au sens de l'art. 50 LEI, même si ces conditions de vie sont moins avantageuses que celles dont cette personne bénéficie en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1188/2012 du 17 avril 2013 consid. 4.1).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 précité consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (ATA/353/2019 du 2 avril 2019 consid. 5d ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 précité consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 précité consid. 4.1).

2.6 En l’espèce, il n’est pas contesté que la condition de la durée minimale de trois ans de vie conjugale effective prévue par l’art. 50 al. 1 let. a LEI n’est pas réalisée. Le couple s’est en effet séparé le 16 février 2020 après deux ans de vie commune.

Il convient donc d’examiner si le recourant peut se prévaloir de raisons personnelles majeures au sens de l’art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI.

Devant la chambre de céans, le recourant se prévaut uniquement du lien avec sa fille. Il ressort du dossier que le recourant jouit de l’autorité parentale conjointe, bien que limitée, sur sa fille, ressortissante suisse, qui a le droit de résider durablement en Suisse. Force est toutefois de constater que, selon le jugement de divorce du 20 juin 2023, son droit de visite est fixé à un samedi ou un dimanche toutes les deux semaines, sur le temps de l’activité extrascolaire de sa fille, ce qui est relativement retreint. Le jugement sur mesures protectrices de l’union conjugale du 29 juillet 2021 lui avait attribué un droit de visite d’une heure trente par semaine au Point Rencontre, durant trois mois, puis une demi-journée par semaine avec passage au Point Rencontre, ce qui est également en-deçà du droit de visite usuel selon les standards d’aujourd’hui. L’instance précédente a par ailleurs relevé, sans que cela n’ait été contesté par le recourant, que les relations avec sa fille n’avaient débuté de manière effective qu’en octobre 2021. L’exercice du droit de visite avait dû cesser le 14 décembre 2021, en raison de l’absence du recourant. Un nouveau droit de visite avait été mis en place à partir du 25 février 2022, mais, à nouveau, il avait été supprimé à partir du 26 août 2022, en raison des retards et absences du recourant. Sur proposition de la mère de l’enfant, un nouveau droit de visite avait débuté le 15 octobre 2022. Toutefois, à s’en tenir au dossier, en particulier le rapport SEASP du 30 janvier 2023, le courrier adressé par la curatrice au TPAE le 28 avril 2023, le jugement de divorce du 20 juin 2023 et le courrier de son ex-épouse du 29 juin 2023, les absences et retards ont perduré. Le recourant l’admet du reste
lui-même dans sa réplique, puisqu’il reconnait avoir été absent les 13 et 28 mai 2023 pour des « raisons personnelles ». Il ressort par ailleurs du jugement de divorce du 20 juin 2023 que la curatrice a reçu des courriels du recourant desquels il ressortait sa difficulté à être à l’heure et le malaise qui en découlait dans le déroulement des activités. Ainsi, sur la base de l’ensemble de ces éléments, on ne saurait retenir que les contacts personnels sont effectivement exercés dans le cadre d’un droit de visite usuel au sens de la jurisprudence susmentionnée. Le recourant, qui ne conteste pas ces faits, se limite à affirmer sa volonté de continuer à construire le lien avec sa fille et à s’investir dans son rôle de père. Or, au vu des absences et retards répétés dans l’exercice de son droit de visite, les intentions du recourant, certes louables, ne suffisent pas pour démontrer une relation personnelle d'une intensité suffisante au sens de la jurisprudence. C’est partant à juste titre que l’autorité précédente a nié l’existence de relations personnelles étroites et effectives avec l’enfant d’un point de vue affectif.

Sous l’angle économique, le recourant est astreint au versement d’une contribution d’entretien de CHF 150.- par mois dès le 1er octobre 2023 (jugement de divorce du 20 juin 2023). Cette contribution a été fixée en équité en tenant compte d’un revenu hypothétique de CHF 3'500.- par mois. Il ressort toutefois du dossier que le recourant n’exerce aucune activité lucrative et émarge à l’aide sociale depuis janvier 2022. S’ajoute à cela que le jugement sur mesures provisionnelles du TPI du 29 juillet 2021 avait pris acte de son engagement à verser à B______ à titre de contribution à l’entretien d’C______ CHF 100.- par mois dès le 1er mai 2021. Les pièces produites par le recourant n’attestent toutefois d’un tel versement que pour les mois de juin, juillet et août 2021, ainsi que novembre et décembre 2021. Le dossier ne contient aucune pièce justifiant d’un versement à ce titre dès janvier 2022. Dans son courrier du 29 juin 2023, B______ a d’ailleurs confirmé qu’elle ne percevait plus de pension alimentaire, raison pour laquelle le SCARPA avait dû intervenir, ce que le recourant ne conteste pas. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que le recourant a la volonté de contribuer aux besoins de sa fille.

Ainsi, en l’absence de relations affectives et économiques particulièrement fortes, il convient de retenir que son lien avec sa fille ne justifie pas à lui seul la prolongation de son séjour en Suisse. Le grief de violation de l’art. 8 CEDH apparaît ainsi mal fondé.

La chambre de céans relèvera pour le reste que le recourant n’invoque aucun élément qui pourrait justifier la poursuite de son séjour sous l’angle des critères d’appréciation du cas de rigueur. Il ne se trouve en Suisse que depuis cinq ans. Il ne saurait être considéré comme étant intégré professionnellement, étant précisé que, selon le jugement de divorce, il n’a pas travaillé durant la vie commune. Son curriculum vitae ne mentionne d’ailleurs que quelques activités professionnelles de courte durée et les preuves de recherches d’emploi produites au dossier ne permettent pas de retenir qu’il ait véritablement cherché à s'insérer dans le monde du travail et à gagner un revenu qui lui permettrait de subvenir aux besoins de sa fille. S’ajoute à cela, comme déjà mentionné, qu’il dépend de l’aide sociale depuis, à tout le moins janvier 2022. Par ailleurs, hormis ses relations avec sa fille, dont il n’est pas démontré qu’elles sont spécialement intenses, il n'allègue pas avoir tissé des liens particuliers avec la Suisse. Quant à ses possibilités de réintégration dans son pays d'origine, il ressort de l'arrêt attaqué que l'intéressé a passé à Cuba son enfance, son adolescence et les premières années de sa vie d'adulte, soit jusqu'à 25 ans. On peut donc présumer qu'il y conserve des attaches culturelles, sociales et familiales. Son éloignement ne l'empêchera de surcroît pas d'entretenir des contacts réguliers avec sa fille et de contribuer financièrement à son entretien.

C’est partant à juste titre que tant l'autorité intimée, qui n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation, que le TAPI ont retenu que les conditions pour renouveler l’autorisation de séjour du recourant n’étaient pas réalisées.

3.             Il convient encore d’examiner si la décision de renvoi est fondée.

3.1 Aux termes de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, tout étranger dont l’autorisation est refusée, révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyé. La décision de renvoi est assortie d’un délai de départ raisonnable (art. 64d al. 1 LEI). Le renvoi d’un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l’exécution de cette mesure est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution du renvoi d’un étranger n’est pas possible lorsque celui-ci ne peut quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n’est pas licite lorsqu’elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l’étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

3.2 En l’espèce, le recourant n’allègue pas que l'exécution de son retour dans son pays d’origine serait impossible, illicite ou inexigible au regard de l’art. 83 LEI et le dossier ne laisse pas apparaître d’éléments qui tendraient à démontrer le contraire. Les difficultés alléguées de réintégration ont été examinées ci-avant. Elles ne tombent pas sous le coup de l’art. 83 LEI.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 juin 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 mai 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Andrea VON FLÜE, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Valérie LAUBER et Catherine GAVIN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.