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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4130/2022

ATA/1083/2023 du 03.10.2023 sur JTAPI/653/2023 ( LCR ) , ADMIS

Descripteurs : PERMIS DE CONDUIRE;RECONNAISSANCE DU PERMIS;ÉCHANGE DE PERMIS;NIGÉRIA;IMITATION(PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE);PRINCIPE DE LA BONNE FOI;ORDRE PUBLIC(EN GÉNÉRAL);SÉCURITÉ DU DROIT;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
Normes : LCR.10.al2; OAC.42.al1; OAC.42.al3bis.leta; OAC.44.al1 ab initio; OAC.45.al1; OAC.45.al2
Résumé : Selon l’ordonnance de non-entrée en matière du Ministère public, le permis de conduire nigérian présenté par le recourant est une contrefaçon. L'intéressé ne pouvait toutefois se voir reprocher d’avoir agi intentionnellement en produisant le titre contrefait dans la mesure où il s'était adressé à une autorité gouvernementale pour faire renouveler son permis de conduire et pouvait ainsi se fier de bonne foi au document transmis par celle-ci. Néanmoins, le document dont la reconnaissance est requise n’est pas valable ; le Ministère public a d’ailleurs ordonné sa confiscation et destruction. La reconnaissance d'un document falsifié heurterait l’ordre public ainsi que la sécurité du droit. Pas de violation du principe de l'égalité de traitement. L'autorité intimée était donc fondée à refuser de reconnaître le permis de conduire nigérian présenté par le recourant ainsi que l’interdiction de son usage. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4130/2022-LCR ATA/1083/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 octobre 2023

2ème section

 

dans la cause

 

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES recourant

contre

A______ intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 juin 2023 (JTAPI/653/2023)


EN FAIT

A. a. Le 17 août 2022, A______, née le ______ 1978, a déposé auprès de l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) une demande tendant à échanger son permis de conduire délivré au Nigéria le 25 juin 2013, contre un permis de conduire suisse.

b. Le 5 octobre 2022, l’OCV a transmis le permis précité à la brigade de police technique et scientifique (ci-après : BPTS) afin qu’elle se détermine sur son authenticité.

c. Dans son rapport du 25 octobre 2022, la BPTS a constaté que : « Le document est une contrefaçon. Il s'agit d'une copie ou d'une reproduction non autorisée d'un document sécurisé authentique. Les techniques d’impression observées ne correspondent pas aux standards des autorités nigérianes ».

d. Le 31 octobre 2022, l’OCV a dénoncé ces faits au Ministère public.

e. Par décision du 4 novembre 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCV a refusé d'échanger le permis de conduire nigérian contre un permis de conduire suisse et a fait interdiction au conducteur de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse pour une durée indéterminée, en application des art. 5k, 42 et 45 de l'ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51). S'il entendait conduire sur le territoire suisse, il devait déposer une requête tendant à la délivrance d'un permis d'élève-conducteur.

Il était indiqué que l’intéressé n’avait pas formulé d’observations.

B. a. Par acte du 4 décembre 2022, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant principalement à son annulation. Préalablement, il a requis la production du rapport complet établi par la BPTS, l’audition des auteurs du rapport et que renseignement soit pris, directement ou par l’intermédiaire du Consulat suisse à Lagos, auprès des « Federal Road Safety Corps », à Lagos, sur le fait qu’il était bien enregistré comme titulaire d’un permis de conduire et sur l’existence de sa récente demande de renouvellement de permis de conduire.

Ayant été reconnu en Suisse comme réfugié, il avait débuté une activité de réinsertion professionnelle, dans le cadre de laquelle il lui avait été indiqué qu'il serait très utile qu’il puisse conduire un véhicule. Il avait dès lors entrepris les démarches afin d'échanger son permis de conduire nigérian avec un permis de conduire suisse. Ayant perdu le permis obtenu en 2013, au demeurant échu, il s’était adressé à l'autorité qui lui avait délivré le permis de conduire d'origine, soit le « Federal Road Safety Corps » à Lagos (https://frsc.gov.ng), afin d'en solliciter le renouvellement. Cette démarche avait été accomplie par l'intermédiaire d'un agent de l'État, qu’il connaissait de longue date, à savoir B______ travaillant au « Motor vehicle administration agency » (ci-après : MVAA) du « Lagos State Government » à Lagos. Celui-ci avait transmis le permis à son frère, sur place, qui le lui avait envoyé en Suisse. L'association « C______ » avait participé aux frais d'envoi du Nigéria en Suisse. Il n’avait pas fait d'observations car aucune possibilité ne lui avait été offerte dans ce sens. La décision avait d’ailleurs été prononcée le 4 novembre 2022 alors que le rapport de la BPTS datait du 25 octobre 2022.

Il était dans l'incapacité de comprendre, sur la base du rapport précité, en quoi son permis serait un document contrefait. Il sollicitait dès lors la production du rapport complet de la section forensique et l'audition des deux signataires du rapport sommaire. Il pouvait être très facilement contrôlé auprès des « Federal Road Safety Corps » qu’il était enregistré comme ayant accompli avec succès l'examen pour l'obtention du permis de conduire au Nigéria et qu’il avait sollicité tout récemment le renouvellement de son permis de conduire échu. Il lui était difficile d’accomplir une telle démarche dans la mesure où il avait été reconnu comme réfugié par les autorités suisses. Le TAPI ou le consulat général de Suisse à Lagos (lagos@eda.admin.ch) pourraient en revanche facilement s’en charger.

En prononçant la décision querellée, sans même lui donner le droit de s’exprimer, et en particulier de requérir des mesures d’instruction, l’OCV avait violé son droit d'être entendu. Ce droit avait également été violé en raison du défaut de motivation de ladite décision.

L’OCV avait violé l’art. 45 OAC en refusant l'échange de permis sollicité et en lui faisant interdiction d'utiliser son permis de conduire étranger, dès lors qu’il était bien titulaire d’un permis de conduire nigérian et qu’il avait ainsi droit à un échange de permis, sous réserve d’un examen de conduite.

Il a joint un chargé de pièces, dont une copie d’un document d’identité de B______ attestant qu’il faisait partie du personnel du MVAA.

b. L’OCV a transmis son dossier ainsi que ses observations, concluant à la confirmation de sa décision, indépendamment de la solution pénale.

Le 23 janvier 2023, il avait sollicité de la BPTS l'établissement d'un rapport complémentaire. Ledit rapport, du 24 janvier 2023, avait notamment précisé les éléments suivants : « le support ne possède aucun élément de sécurité intégré. Il est d'ailleurs fortement luminescent sous ultra-violet (UV) » ; « l'entièreté des éléments inscrits sur le permis ont été imprimés par jet d'encre. Cette technique d'impression est accessible à tout un chacun et ne présente aucune forme de sécurisation » ; « la présence de cette technique d'impression pour les éléments fixes d'un document est un indice fort de la non-authenticité d'un document » ; « Au verso du permis de conduire, on observe deux code-barres. Le premier est un code barre unidimensionnel composé d'une suite de lignes verticales. À sa gauche, se trouve la transcription numérique qu'il représente. Ces deux valeurs sont identiques » ; « Le second code-barres est bidimensionnel et composé de différents rectangles accolés les uns contre les autres. Cette forme de code-barres permet de rassembler un plus grand nombre d'information que la forme unidimensionnelle. La lecture de ce second code-barres montre que les informations qu'il renferme ne correspondent pas à celles présentes sur le recto du permis de conduire de M. A______. En effet, selon le second code-barres fait référence à un permis de conduire de classe D n O TTD05964AA01 au nom de D______ né le ______-1979, domicilié E______, Surulere, Lagos/Nigeria, émis le 17.08.2017 à Lagos et valable jusqu'au 05.09.2022 » ; « Finalement, les deux faces du permis de conduire examiné sont recouvertes d'un plastique transparent simple, sans aucune sécurité ». Il ressortait au surplus de la comparaison avec un vrai permis que : « si le format support du permis de conduire de M. A______ correspond aux prescriptions de la référence, il s'agit bien là de la seule concordance » ; « les techniques d'impressions, la réaction sous UV et l'absence de feuillet optiquement variable sont des éléments qui diffèrent totalement de la référence et il est également nécessaire de relever la discordance entre les données personnelles imprimées au recto et les informations contenues dans le code-barres bidimensionnel du recto du permis de conduire examiné par le soussigné [F______] ». Le rédacteur du rapport confirmait dès lors les conclusions émises le 25 octobre 2022, à savoir que le permis du recourant était une contrefaçon.

Au vu de ce constat, l'État devait intervenir sans retard sur le droit de conduire de l’intéressé, ce qui permettait de limiter voire supprimer son droit d’être entendu. En tout état, le recours guérissait toute éventuelle violation dudit droit, selon la jurisprudence en vigueur. La décision était pour le surplus suffisamment motivée pour comprendre les faits reprochés et les dispositions légales applicables.

c. Dans sa réplique, le conducteur a exposé qu’il n’y avait aucun intérêt public à prononcer la décision querellée sans lui octroyer préalablement un délai pour ses observations. Il n’aurait en effet pu conduire en Suisse, qu’après avoir passé un examen pratique. Pour le surplus, le fait que l’OCV ait requis un rapport complémentaire démontrait que sa décision était insuffisamment motivée. Compte tenu de l’effet dévolutif du recours, cette pièce devait d’ailleurs être écartée de la procédure. Sa force probante était au demeurant discutable. Il aurait été plus opportun et efficace de s’adresser à l’autorité nigériane compétente afin qu’elle détermine s’il était ou non au bénéfice d’un permis de conduire. Il avait d’ailleurs mandaté un avocat afin d’effectuer cette démarche et sollicitait un délai de 30 jours pour produire la détermination de l’Ambassade Suisse au Nigéria. À défaut de réponse, il maintenait ses demandes d’instruction.

Il a joint une copie du courrier de son conseil du 23 février 2023 à ladite Ambassade.

d. Le 5 avril 2023, il a transmis au TAPI un courriel de l’Ambassade Suisse au Nigéria du 6 mars 2023 indiquant ne pas pouvoir le soutenir dans cette affaire et l’invitant à contacter un avocat local ainsi que l’ordonnance de non-entrée en matière rendue le 23 mars 2023 par le Ministère public.

Il ressort de cette dernière que le permis de conduire nigérian est une contrefaçon. Les éléments constitutifs de l’infraction de faux dans les certificats étrangers, notamment celui de l’intention, n’étaient pas réunis. Le permis de conduire nigérian était séquestré, confisqué et détruit.

e. Dans sa duplique, l’OCV a relevé que dans la mesure où l’ordonnance précitée, ordonnant le séquestre, la confiscation et la destruction du permis de conduire litigieux étaient entrés en force, l’échange du permis de conduire n’était, de facto, plus possible, vu sa destruction. Il appartenait dès lors à l’intéressé d’entreprendre les démarches nécessaires afin d’obtenir un permis d’élève conducteur, s’il entendait conduire sur le territoire suisse.

f. Par jugement du 14 juin 2023, le TAPI a admis le recours, annulé la décision et renvoyé la cause à l’OCV pour nouvelle décision au sens des considérants.

L’éventuelle violation du droit d’être entendu de l’administré avait été réparée durant la procédure de recours, celui-ci ayant pu avoir accès aux rapports de la BPTS et se déterminer à cet égard.

Dès lors que le conducteur n’avait pas eu l’intention d’induire en erreur l’OCV, il convenait de retenir que sa bonne foi quant à l’authenticité du permis de conduire ne faisait aucun doute. Il avait fait toutes les démarches qui étaient en son pouvoir pour obtenir le renouvellement dudit permis, délivré au Nigéria en 2013. Dans ces conditions, le permis était un « vrai faux », de sorte que l’intéressé ne pouvait en subir les conséquences. L’on voyait enfin mal pour quelles raisons, s’il se savait non-titulaire d’un permis de conduire officiel, il aurait pris le risque de demander un échange de permis auprès de l’OCV, sachant qu’il lui faudrait ensuite encore valider ses connaissances pratiques par un examen de conduite et qu’un tel comportement pourrait déboucher sur une condamnation pénale lourde de conséquence sur sa situation administrative en Suisse. En raison dudit statut, il ne lui était pas possible de se rendre au Nigéria et/ou de s’adresser directement aux autorités gouvernementales compétentes sur place et les démarches entreprises auprès de l’Ambassade Suisse au Nigéria n’avaient pas abouti.

L’intéressé était ainsi titulaire d’un permis de conduire nigérian, ce qui lui avait permis d’obtenir le document qui s’était révélé, à ses dépens, être un faux. L'OCV n’avait pas apporté la preuve que l’intéressé ne possédait pas les connaissances théoriques et pratiques entérinées par le permis de conduire nigérian. Il n'avait pas plus démontré que le permis nigérian remis par celui-ci le 17 août 2022 n'était pas un permis national valable (faux vrai) au Nigéria.

Partant, le permis de conduire nigérian devait être assimilé à un permis de conduire national étranger valable.

C. a. Par acte déposé le 15 août 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, l’OCV a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation.

Le raisonnement du TAPI allait à l’encontre des règles de sécurité routière. En l’absence d’un permis de conduire étranger valable, il ne pouvait être procédé à la reconnaissance de celui-ci. Il n’était pas acceptable de faire dépendre la reconnaissance d’un permis de conduire étranger constituant un faux de la seule intention de tromper du conducteur.

b. A______ a conclu au rejet du recours.

Le TAPI avait retenu à juste titre qu’il était titulaire d’un permis de conduire nigérian, avait entrepris toutes les démarches en son pouvoir pour en obtenir une copie et qu’il n’avait pas eu l’intention de tromper les autorités helvétiques. Retenir une solution inverse reviendrait à violer le principe d’égalité de traitement, puisqu’en raison de sa nationalité, singulièrement de la pratique courante de son pays d’origine de délivrer de vrais faux permis de conduire, il ne serait pas en mesure de bénéficier de l’échange de permis prévu par la loi.

c. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 ‑ LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et art. 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Est litigieuse la question de savoir si le permis de conduire nigérian de l’intimé doit être reconnu en Suisse.

2.1 Nul ne peut conduire un véhicule automobile sans être titulaire d'un permis de conduire ou, s'il effectue une course d'apprentissage, d'un permis d'élève conducteur (art. 10 al. 2 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 - LCR - RS 741.01).

2.2 Aux termes de l’art. 42 al. 1 OAC, les conducteurs en provenance de l'étranger ne peuvent conduire des véhicules automobiles en Suisse que s'ils sont titulaires: d'un permis de conduire national valable (let. a), ou d'un permis de conduire international valable prescrit par l’une des conventions mentionnées dans la disposition légale (let. b). Sont tenus d'obtenir un permis de conduire suisse, notamment, les conducteurs de véhicules automobiles en provenance de l'étranger qui résident depuis plus de douze mois en Suisse sans avoir séjourné plus de trois mois consécutifs à l'étranger (art. 42 al. 3bis let. a OAC).

Le titulaire d’un permis national étranger valable recevra un permis de conduire suisse pour la même catégorie de véhicules s’il apporte la preuve, lors d’une course de contrôle, qu’il connaît les règles de la circulation et qu’il est à même de conduire d’une façon sûre des véhicules des catégories pour lesquelles le permis devrait être valable. Les conducteurs de voitures automobiles doivent effectuer la course de contrôle avec un véhicule de la catégorie permettant de conduire tous les véhicules des catégories inscrites dans le permis (art. 44 al. 1 ab initio OAC).

2.3 L’usage d’un permis étranger peut être interdit en vertu des dispositions qui s’appliquent au retrait du permis de conduire suisse. En outre, l’usage du permis de conduire étranger doit être interdit pour une durée indéterminée si le titulaire a obtenu son permis à l’étranger en éludant les règles suisses ou étrangères de compétence (art. 45 al. 1 OAC). En retirant le permis de conduire suisse, il faut toujours, le cas échéant, interdire simultanément l’usage du permis de conduire étranger (art. 45 al. 2 OAC).

2.4 Selon la jurisprudence, lorsque le permis de conduire étranger s’avère être un faux, sa reconnaissance et son échange avec un permis suisse ne sont pas possibles (arrêts du Tribunal fédéral 1C_277/2017 du 8 novembre 2017 consid. 5 ; 1C_441/2012 du 4 mars 2013 consid. 6.2 et 1C221/2008 du 8 décembre 2008 consid. 6, les deux derniers arrêts se rapportant à un faux permis de conduire nigérian). Par ailleurs, l’art. 45 al. 1 OAC trouve alors également application, quand bien même le texte de cette disposition ne vise pas spécifiquement l’hypothèse où le permis de conduire étranger est un faux (arrêts du Tribunal fédéral; 1C_441/2012 du 4 mars 2103 consid. 6.3.4).

2.5 De jurisprudence constante, la chambre administrative accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments permettent de s’en écarter (ATA/847/2018 du 21 août 2018 consid. 4b ; ATA/810/2016 du 27 septembre 2016 consid. 3d).

2.6 Lorsque le complexe de faits soumis au juge administratif a fait l’objet d’une procédure pénale, le juge administratif est en principe lié par le jugement pénal, notamment lorsque celui-ci a été rendu au terme d’une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés (arrêt du Tribunal fédéral 1C_202/2018 du 18 septembre 2018 consid. 2.2 ; ATA/783/2022 du 9 août 2022 consid. 3a ; ATA/712/2021 du 6 juillet 2021 consid. 7a). Il convient d’éviter autant que possible que la sécurité du droit soit mise en péril par des jugements opposés, fondés sur les mêmes faits (ATF 137 I 363 consid. 2.3.2). Le juge administratif peut toutefois s’en écarter lorsque les faits déterminants pour l'autorité administrative n'ont pas été pris en considération par le juge pénal, lorsque des faits nouveaux importants sont survenus entre-temps, lorsque l'appréciation à laquelle le juge pénal s'est livré se heurte clairement aux faits constatés, ou encore lorsque le juge pénal ne s'est pas prononcé sur toutes les questions de droit (ATF 139 II 95 consid. 3.2 ; 136 II 447 consid. 3.1 ; 129 II 312 consid. 2.4).

2.7 En l’espèce, il ressort de l’ordonnance de non-entrée en matière du Ministère public du 23 mars 2023 que le permis de conduire nigérian présenté par le recourant est une contrefaçon. Ce constat repose sur l’analyse détaillée effectuée par la BPTS, dont le contenu a été porté à la connaissance de l’intimé au cours de la procédure qui s’est déroulée devant le TAPI. L’intéressé ne conteste d’ailleurs pas que le document soumis constitue une contrefaçon.

Certes, l’autorité pénale a retenu que l’intimé, qui s’était adressé à une autorité gouvernementale pour faire renouveler son permis de conduire nigérian et pouvait ainsi se fier de bonne foi au document transmis par celle-ci, ne pouvait se voir reprocher d’avoir agi intentionnellement en produisant le titre contrefait. Cela étant, il n’en demeure pas moins que le document dont la reconnaissance est requise n’est pas valable ; le Ministère public a d’ailleurs ordonné sa confiscation et destruction.

Dans ces conditions, la reconnaissance du document falsifié ne peut être prononcée. Une telle solution se heurte à l’ordre public ainsi qu’à la sécurité du droit. L’absence de comportement répréhensible de la part du conducteur étranger dans la confection ou production de la contrefaçon ne permet pas de guérir le vice dont celle-ci est affectée.

Contrairement à ce que fait valoir le conducteur, en refusant de reconnaître un permis de conduire contrefait, l’OCV ne viole nullement le principe de l’égalité de traitement. En effet, le refus d’échanger son permis de conduire nigérian contre un permis de conduire suisse n’est pas fondé sur sa nationalité, mais sur le fait que le document présenté est un faux. Pour le surplus, l’intimé ne démontre ni même n’allègue que l’OCV aurait reconnu des permis de conduire falsifiés de conducteurs d’autres nationalités.

Au vu de ce qui précède, le refus de reconnaître le permis de conduire nigérian présenté par le recourant ainsi que l’interdiction de son usage sont conformes au droit.

Le recours de l’OCV sera ainsi admis et le jugement du TAPI annulé.

3.             Malgré l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu, l’intimé plaidant au bénéfice de l’assistance juridique. L’OCV ayant agi pour la défense de ses propres intérêts, il ne peut se voir allouer d’indemnité de procédure, qu’il ne réclame d’ailleurs pas (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 août 2023 par l’office cantonal des véhicules contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 juin 2023 ;

au fond :

l’admet et annule le jugement précité ;

rétablit la décision de l’office cantonal des véhicules du 4 novembre 2022 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’office cantonal des véhicules, à A______, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l’office fédéral des routes.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Gaëlle VAN HOVE, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.


Genève, le la greffière :