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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2387/2023

ATA/1024/2023 du 19.09.2023 ( FORMA ) , REJETE

Descripteurs : FORMATION(EN GÉNÉRAL);ÉTUDES UNIVERSITAIRES;INSTITUTION UNIVERSITAIRE;ÉTUDIANT;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION;ÉLIMINATION(FORMATION);EXCLUSION(EN GÉNÉRAL);PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : Cst.29.al2; REST.4; RCFPS.1; REST.1.letf; REST.2A; Cst.8; RCFPS.60.al3.leta; RCFPS.60.al1; RCFPS.61; CsT.9
Résumé : Les éléments du dossier indiquent que la recourante a bénéficié d’un suivi adéquat dans le cadre de son travail de diplôme. Rien ne permet de retenir que celui ci aurait été différent de celui accordé aux autres élèves. Au contraire, la situation de la recourante a fait l’objet d’une attention particulière. La disposition invoquée pour remettre en cause l’impartialité de l’experte lors de la soutenance du travail de travail de diplôme est incorrecte. Au surplus, aucun élément concret ne permet de la mettre en doute. Contrairement à ses allégations, la recourante a été clairement informée de sa situation scolaire et des conséquences de la non-remise de son travail de diplôme dans les délais impartis lors des deux premières tentatives. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2387/2023-FORMA ATA/1024/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 septembre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Éléonore MONTI, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE,
DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE
intimé



EN FAIT

A. a. À partir du mois d’août 2018, A______, née le ______ 1995, a entrepris la formation de l’école supérieure d’éducatrices et d’éducateurs de l’enfance (ci-après : ESEDE) auprès du centre de formation professionnelle sociale (ci-après : CFPSo).

b. Fin juin 2019 et 2020, elle a été promue en, respectivement, 2ème et 3ème année de l’ESEDE.

c. Par courriel de B______, doyenne responsable de la filière éducatrices et éducateurs de l’enfance, du 9 septembre 2020, les étudiants ont été informés de la répartition des travaux de diplôme (ci-après : TD).

C______ a alors été attribué à A______ comme directeur de TD.

d. Par courriel du 22 janvier 2021, la doyenne a informé A______ qu’en raison « du manque d’investissement et d’évolution observé dans [son] stage, l’Omnibulle a[vait] décidé d’y mettre un terme ». Une séance afin d’en discuter était fixée au 25 janvier 2021.

e. Par échange de courriels des 23 et 25 mars 2021, A______ a fait part à la doyenne de son besoin de retrouver un stage, au risque de subir un décrochage scolaire, stage que cette dernière lui a trouvé à partir du 13 avril 2021. Toutefois, « son [examen professionnel pratique (ci-après : EPP)] ne pourrait pas avoir lieu pendant cette année scolaire-ci », ne sachant pas encore si le stage en question se poursuivrait ou non l’année suivante, ni la durée de la prolongation de cette formation.

f. Par courriel du 30 avril 2021, la doyenne a informé les étudiants, dont A______, du délai fixé au lundi 10 mai 2021 pour le dépôt des TD. Il n’y aurait aucune exception, sauf pour un dépôt anticipé.

g. Par courriel du 9 juin 2021, A______ a transmis à la doyenne ses « premières intentions de TD ».

h. Par décision du 5 juillet 2021, déclarée exécutoire nonobstant recours, signée par la doyenne, la direction du CFPSo a informé A______ de son redoublement et de la non-obtention du diplôme.

Elle n’avait pas déposé son TD dans le délai imparti par l’ESEDE, de sorte qu’elle avait obtenu la note 1. En janvier 2021, son stage de 3ème année avait été interrompu à la demande du lieu du stage. Elle n’en avait réintégré un nouveau qu’en avril 2021. Malgré son redoublement, elle était dispensée de modules de formation de 3ème année où elle avait obtenu des notes égales ou supérieures à 4.

Ainsi, elle était dispensée du module 9, devait poursuivre son stage de 3ème année jusqu’au 23 décembre 2021 et suivre les séminaires d’analyse de pratiques. Si elle remplissait toutes les conditions, elle pourrait se présenter à l’EPP. Quant à son TD, un accompagnement de dix heures lui était accordé. Le dépôt et la soutenance orale de celui-ci devraient être effectués au 9 mai 2022 et entre les 7 et 13 juin 2022. La soutenance pouvait être organisée plus rapidement si le TD était terminé avant et jugé acceptable par elle-même. Dès la rentrée scolaire, elle était invitée à reprendre contact avec B______ et à respecter les instructions qu’elle pourrait être amenée à lui donner durant son accompagnement.

i. Le 8 décembre 2021, A______ a échoué à son EPP. Un entretien au sujet de son échec s’en est suivi le 21 décembre 2021.

j. À la suite de celui-ci, A______ a fait part à la doyenne, par courrier du 23 décembre 2021, de son souhait de suspendre sa scolarité jusqu’au 18 mars 2022. Il s’agissait de lui permettre « de prendre du temps pour [elle] et résoudre [ses] problèmes familiaux », ainsi que de se concentrer sur son TD. Elle la remerciait pour l’accompagnement et la confiance qu’elle lui accordait, en présentant ses excuses pour le fait que ses « difficultés » puissent être interprétées comme « un manque de respect ».

k. Au mois de mai 2022, A______ a réussi son EPP.

l. Par décision du 8 juillet 2022, exécutoire nonobstant recours, signée par la doyenne, la direction du CFPSo a informé A______ qu’elle n’avait derechef pas satisfait aux conditions d’obtention du titre pour les mêmes motifs que précédemment.

N’ayant pas déposé son TD dans le délai imparti par l’ESEDE, elle avait à nouveau obtenu la note 1. Son EPP était acquis. Un accompagnement de dix heures lui était accordé pour son TD. Celui-ci devrait être remis au plus tard le 23 décembre 2022 et la soutenance devrait être organisée au plus tard le 31 janvier 2023. Le non‑respect de ces délais entraînerait la note 1 et un échec définitif à la formation. La soutenance pourrait être organisée plus rapidement, si son travail écrit était terminé avant et jugé acceptable par sa directrice de TD. Dès la rentrée scolaire, elle était invitée à reprendre contact avec celle-ci, ainsi qu’à respecter les instructions qu’elle lui donnerait durant son accompagnement.

m. Le 8 février 2023, A______ a obtenu la note de 2,5 à l’issue de la soutenance de son TD.

B. a. Par décision du 3 mars 2023, exécutoire nonobstant recours, signée par la doyenne, le CFPSo a informé A______ de son exclusion de la formation suivie.

Ayant obtenu pour la troisième fois une note insuffisante à son TD, elle était en échec définitif, ce qui entraînait la fin de sa formation à l’ESEDE. L’évaluation de son TD avait amené la lectrice et la directrice de son TD à lui attribuer la note de 2,5. Les rapports de son TD rédigés par le jury étaient annexés. La doyenne restait à sa disposition pour l’accompagner dans sa réorientation professionnelle.

b. Le 17 mars 2023, A______ a recouru auprès de la direction générale de l’enseignement secondaire II (ci-après : DGES II) du département de l’instruction public, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) contre la décision précitée.

En sus du déroulement de sa formation, elle remettait en cause l’impartialité de E______, experte lors de sa soutenance, aux côtés de la doyenne.

c. Par décision du 14 juin 2023, la DGES II du DIP a rejeté le recours de A______ et confirmé la décision du CFPSo constatant son échec définitif, ainsi que son exclusion de l’ESDE.

Compte tenu des circonstances, elle avait bel et bien bénéficié de trois tentatives pour rendre son TD et aucun justificatif attestant la non remise des TD n’avait été transmis au CFPSo.

Elle s’était vu attribuer une appréciation insuffisante pour les trois TD. Leur notation était conforme aux normes réglementaires applicables, de sorte que le principe de la légalité était respecté.

À lire les différents documents et courriels, elle avait bénéficié d’un suivi de très bonne qualité. Elle n’avait pas su répondre aux nombreux avertissements et demandes formulées par ses enseignants ni profiter de l’encadrement qui lui avait été proposé ou encore comprendre ce qui était demandé. Elle n’avait pas démontré les compétences attendues lors d’un tel travail. Il ne pouvait être considéré que la décision querellée violait le sentiment de justice et d’équité ni que la direction s’était laissée guider par des motifs sans rapport avec le cas ou d’une manière manifestement insoutenable. Dès lors qu’il n’y avait ni arbitraire ni illégalité dans le cas d’espèce. Il n’y avait pas de motif valable pour annuler ou refaire le TD.

C. a. Par acte du 18 juillet 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant, principalement, à sa réforme en ce sens que son échec ne devait pas être reconnu comme définitif et qu’il lui restait deux tentatives et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause à l’autorité compétente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Préalablement, elle sollicitait son audition, ainsi que celle de la doyenne et de D______.

Contrairement à l’appréciation du DIP, elle n’avait pas bénéficié d’un suivi de très bonne qualité dans le cadre de son TD. C______ ne s’était jamais présenté. Ce n’était que plus de six mois après la rentrée scolaire que la doyenne avait décidé qu’elle assumerait cette tâche. Le suivi personnalisé de dix heures n’avait en réalité été que de trois heures, malgré ses nombreuses demandes. Il était donc inexact et arbitraire de retenir que l’accompagnement fourni était adéquat et suffisant. Durant ses années auprès de l’ESEDE, elle avait demandé un suivi particulier en raison de ses difficultés d’apprentissage, lequel ne lui avait pas été fourni, contrairement à l’art. 4 du règlement de l'enseignement secondaire II et tertiaire B du 29 juin 2016 (REST - C 1 10.31).

Elle avait perdu un semestre avant que B______ ne décide d’être son enseignante référente. Le stage en crèche s’étant mal déroulé, elle en avait commencé un autre en avril 2021. Sans que cela ne puisse lui être imputable, son examen pratique professionnel n’avait pu être organisé que dans le courant de l’année scolaire 2021/2022. Elle avait également dû changer de sujet pour son TD car son sujet initial était en adéquation avec les domaines de compétence et de recherche de C______. Il était choquant qu’une doyenne d’établissement ait pu, au vu de son cahier des charges, la suivre dans le cadre de son TD. L’emploi du temps de celle-ci avait eu un impact négatif sur son suivi. De nombreux rendez-vous avaient été annulés et les réponses à ses courriels étaient tardives, voire inexistantes. Elle n’avait obtenu un rendez-vous que le 16 mars 2022, soit plus d’un mois après l’envoi de la première version de son TD, lequel ne pouvait durer plus de 45 minutes. De même, ce n’était que le 6 décembre 2022 qu’elle avait obtenu un rendez-vous avant de rendre son travail le 22 décembre 2022, alors qu’elle en avait demandé un quasiment un mois auparavant. Il y avait une inégalité de traitement manifeste dans la manière dont avait été abordée sa situation scolaire par rapport à la situation ordinaire des autres candidats ayant pour leur part bénéficié d’un suivi régulier. La doyenne ne s’était aucunement assurée que son TD puisse obtenir une note supérieure ou égale à 4. Alors qu’elle était consciente que son TD n’était pas suffisant, elle avait persisté à l’encourager à le déposer. Au vu du rapport rédigé par B______ lors de la soutenance du 8 février 2022, de nombreuses remarques auraient dues être formulées dans le cadre du suivi du TD.

La qualité de membre de jury de E______, enseignante vacataire auprès de l’ESEDE, violait l’art. 60 al. 3 let. a du règlement du centre de formation professionnel santé et social du 25 juin 2017 (RCFPS - C 1 10.50). Compte tenu de sa fonction, elle ne pouvait être considérée comme étant indépendante et à même d’assumer le rôle de jury dans le cadre de son TD. Elle était liée par différents contrats de travail et soumise à un lien de subordination à la direction, soit à la doyenne.

Elle-même avait de bonne foi fait confiance aux propos de la doyenne et suivi ses recommandations dans l’organisation de son cursus, alors que celle-ci était sa directrice de TD et qu’elle ne pouvait pas se plaindre auprès d’elle. Ainsi, elle avait mis de côté son TD en avril 2021 et ne l’avait pas déposé en mai 2022, se concentrant sur la réussite de son EPP. Elle était convaincue que le dépôt de son TD le 23 décembre 2023 correspondait à sa première tentative. La direction de l’établissement ne s’était pas comportée de manière loyale envers elle.

À l’appui de ses écritures, elle produisait divers documents, dont des échanges de courriels entre la doyenne et elle au sujet de la fixation d’entretiens et du suivi de son TD. En particulier, dans un courriel du 10 novembre 2021, la doyenne la convoquait à un entretien en lui faisant part de leur inquiétude quant à sa situation, de son attitude qui les interpellait, en plus des deux notes de 1 obtenues. Le 13 décembre 2022, la doyenne lui avait également fait part de son inquiétude d’obtenir une version de son TD susceptible d’être déposée et de faire l’objet d’une soutenance, qu’elle lui avait déjà communiquée précédemment. Elle ne garantissait pas que son TD puisse aller en soutenance et, cas échéant, qu’il fût accepté.

b. Le DIP a conclu au rejet du recours.

En matière d’évaluation, le pouvoir d’appréciation de l’autorité de recours était limité.

C______ étant employé au sein du CFPSo à un taux d’activité de 50%, il n’était pas possible de lui accorder plus d’un suivi de TD. La thématique initialement choisie par A______ correspondait au domaine de compétence et de recherche de celui-ci. L’attribution de la doyenne avait été faite en accord avec la direction du CFPSo. Celle-ci devant, en cette qualité, remplir une charge d’enseignante à environ 20%, il lui revenait presque chaque année d’assurer le suivi des TD. L’ESEDE avait attribué à la recourante une directrice de TD qui s’était tenue régulièrement à sa disposition et lui avait fait des retours sur son TD. Un maître de classe l’avait également accompagnée pendant sa formation, particulièrement en 3ème année, et lui avait offert une supervision lui permettant de travailler sur ses difficultés. La recourante n’avait pas contesté les courriers des 5 juillet 2021 et 8 juillet 2022. Plusieurs entretiens de suivi avaient été annulés pour cause de maladie, par les deux parties. Lors de la suspension de son stage avant l’annulation de celui-ci, il avait été demandé à la recourante de venir tous les jours à l’ESEDE pour avancer sur la rédaction de son TD, ce qu’elle n’avait pas fait. L’ESEDE était aussi entrée en matière sur sa demande de suspension de stage, lui laissant le temps de régler ses problèmes personnels et familiaux, sans demander de certificat médical ou de documents justificatifs. En décembre 2020, la recourante n’avait rendu que deux projets d’activités et rien concernant son TD, contrairement à la demande de la doyenne. Son maître de classe lui avait également proposé plusieurs séances de tutorat, auxquelles elle ne s’était pas présentée. Elle arrivait régulièrement en retard à son stage, ne rendait pas les documents pédagogiques dans les délais demandés, voire pas du tout, et ne préparait pas les entretiens avec sa formatrice à la pratique professionnelle.

Avant la présente procédure, la recourante ne s’était pas ouverte à la direction du CFPSo ou à son maître de classe, sur de prétendus problèmes rencontrés avec la doyenne. Elle était forclose à en demander la récusation. Étant donné que la recourante n’avait pas avancé son TD afin de le rendre en mai 2021 et 2022, malgré les entretiens avec sa directrice de TD et les indications qui lui avaient été données, le fait qu’elle n’avait pas rendu son TD à temps ne pouvait aucunement être imputé à l’ESEDE. Elle avait reçu les mêmes informations que les autres étudiants, de sorte qu’elle était au courant de la procédure et des exigences requises. La recourante n’apportait aucune pièce permettant de prouver une inégalité de traitement. La note attribuée au TD respectait donc les principes de la légalité et de l’interdiction de l’arbitraire.

Une dérogation ne pouvait être accordée que dans les cas de promotion au degré suivant, et non pour l’obtention d’un titre. Il n’était donc pas réglementairement envisageable d’accorder le titre convoité par dérogation.

Était jointe un document relatant le parcours scolaire de A______.

c. Dans sa réplique, A______ a ajouté qu’elle n’avait aucunement évoqué la partialité de la doyenne, ni entendu la récuser. Pour elle, les notes de 1 reçues pour son TD n’étaient qu’une formalité administrative qui n’auraient aucun impact sur son parcours scolaire. Même si elle savait que le suivi fourni par B______ n’était pas adéquat, elle lui faisait confiance.

En décembre 2020, elle s’était rendue tous les jours à l’ESEDE pour avancer sur les projets d’activité et son TD. Elle avait signé tous les registres de présence auprès de l’ESEDE et avait respecté les exigences fixées lorsque son stage avait pris fin.

Étaient joints des échanges de courriels entre la doyenne et elle du 16 décembre 2020 au sujet de son TD.

d. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 40 REST).

2.             À titre liminaire, le recourante sollicite des mesures d’instruction, à savoir son audition, ainsi que celle de la doyenne et de D______.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l’administration des preuves essentielles lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas la juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que la juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2 ; 141 III 28 consid. 3.2.4). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’occurrence, la recourante a pu s’exprimer par écrit à diverses reprises afin de faire valoir sa position, ainsi que produire toutes les pièces utiles, dont plusieurs courriels échangés avec la doyenne durant et au sujet de sa formation. Concernant D______, elle n’indique pas à quel titre celle-ci devrait être entendue. Il ne ressort pas non plus du dossier que cette personne aurait joué un rôle déterminant dans le suivi et l’appréciation du TD de la recourante.

En outre, l’intimé s’est déterminé sur chacun des griefs soulevés par la recourante, en documentant sa position.

La chambre de céans dispose ainsi d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause, de sorte qu’il ne sera pas donné suite aux requêtes de la recourante.

3.             Dans un premier grief, la recourante se plaint d’une constatation inexacte et arbitraire des faits s’agissant du caractère adéquat de l’accompagnement fourni durant sa 3ème année pour la rédaction de son TD.

3.1 Selon l'art. 61 LPA, le recours peut être formé pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents.

3.2 En l’espèce, il ressort des divers échanges de courriels produits par la recourante entre elle-même et la doyenne, en tant que directrice de son TD, que si cette dernière a parfois dû annuler des entretiens pour cause de maladie ou les prévoir en fonction des disponibilités de son agenda, elle n’en est pas moins demeurée disponible. Au surplus, tant la doyenne que la recourante ont parfois annulé des entretiens prévus pour cause de maladie, sans que cela ne puisse donc être reproché uniquement à la première. La recourante a également rencontré des difficultés d’envoi de courriels et s’en est excusée. En outre, dès le mois de janvier 2021, la doyenne a attiré son attention sur son attitude à plusieurs reprises, ce qui a notamment justifié des entretiens pour évoquer sa situation. À la suite de l’entretien du 21 décembre 2021, la recourante a adressé un courrier à la doyenne la remerciant pour l’accompagnement et la confiance qu’elle lui accordait.

À cela s’ajoute qu’elle a effectivement reçu les courriels adressés à tous les étudiants concernés afin de les informer du plan de leurs études, notamment des délais pour déposer leur TD et les soutenir. Bien que le premier délai pour le dépôt des TD fût fixé au 10 mai 2021 pour l’ensemble des étudiants, ce n’est que par courriel du 9 juin 2021 que la recourante a transmis ses « premières intentions de TD », soit plus de dix mois après la rentrée scolaire. En dépit de ces circonstances et après avoir effectué deux fois sa 3ème année, ce n’est qu’au mois de novembre 2022 qu’elle est revenue vers sa référente avec une version de son TD, non aboutie, nécessitant un certain nombre de corrections, alors qu’elle savait que le délai pour le dépôt des TD était fixé au 23 décembre 2022.

À cet égard, il convient de relever que le cursus de la recourante a été suspendu à une, voire à deux reprises, à sa demande, sans qu’aucun document justificatif ne soit exigé de sa part.

En outre, la recourante ne conteste pas avoir pu également bénéficier du soutien de son maître de classe, voire d’une supervision particulière de celui-ci, et ne pas avoir donné suite aux possibilités de rattrapage accordées. Elle ne s’en explique pas davantage.

Au vu de ce qui précède, il ne saurait être retenu que l’intimé aurait constaté les faits de manière inexacte quant à la qualité de l’accompagnement fourni à la recourante pour l’élaboration de son TD.

Le grief sera écarté.

4.             La recourante fait ensuite valoir une violation du principe de l’égalité de traitement et de l’art. 4 REST, faute d’avoir bénéficié d’un suivi adéquat, similaire à celui des autres étudiants.

4.1 Le CFPSo est un établissement de l'enseignement secondaire II au sens de l'art. 84 de la loi sur l'instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10 ; art. 1 al. 1 RCFPS). Il comprend notamment une école supérieure au sens de l'art. 29 de la loi fédérale sur la formation professionnelle du 13 décembre 2002 (LFPr - RS 412.10), qui transmet à ses étudiants les qualifications indispensables à l’exercice d’une activité professionnelle complexe ou impliquant des responsabilités élevées (art. 1 al. 2 let. c RCFPS).

Le CFPSo propose des formations de niveau tertiaire B pour les métiers apparentés au pôle santé et social (art. 7 RCFPS).

4.2 Sous la section 3 relative à la formation d’éducateur, l’art. 60 RCFPS traite de la procédure de qualification, laquelle comprend : un travail de diplôme (let. a) ; un EPP comprenant une évaluation de la pratique professionnelle (let. b) ; un entretien professionnel (let. c ; al. 1).

Le travail de diplôme est axé sur la pratique et est en lien avec la profession (art. 61 al. 1 RCFPS). Il peut être réalisé seul ou à plusieurs (art. 61 al. 2 RCFPS). La thématique doit être validée par la commission de qualification (art. 61 al. 3 RCFPS). Les exigences relatives à l'élaboration et à l'évaluation du travail de diplôme sont fixées dans les dispositions internes (art. 61 al. 4 RCFPS).

Le diplôme est réussi si l'étudiant obtient une note égale ou supérieure à 4,0 au travail de diplôme et à l’EPP (art. 62 RCFPS).

4.3 Le REST est applicable aux élèves et apprentis inscrits en formation professionnelle supérieure (art. 1 let. f REST).

Sous le titre « formation obligatoire, orientation, suivi de l’élève, effectifs des classes et dispense d’éducation physique », l’art. 4 REST prévoit au sujet du suivi de l’élève que l’enseignement secondaire II et tertiaire B vise essentiellement le maintien des élèves en formation plutôt que leur sélection (al. 1). Selon les besoins, les élèves peuvent notamment bénéficier : de diverses mesures d’assistance pédagogique, telles que des cours d’appui, de rattrapage et de dépannage (let. a) ; d'une assistance sociale ou médicale et de conseils en orientation (let. b) ; de soutiens et d'aménagements temporaires ou durables leur permettant de répondre – au moins partiellement – à un besoin éducatif particulier (let. c) ; des prestations de l'établissement Lullin (let. d, al. 2).

L’élève a une obligation de se former jusqu’au jour où il a atteint l’âge de 18 ans (art. 2A al. 2 REST). Est dispensé de cette obligation l’élève qui a obtenu pendant sa minorité un titre du degré secondaire II (art. 2A al. 3 REST).

4.4 Selon l’art. 8 Cst, tous les êtres humains sont égaux devant la loi (al. 1). Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d'une déficience corporelle, mentale ou psychique (8 al. 2 Cst.).

Une norme viole le principe de l’égalité de traitement consacré à l’art. 8 Cst. lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer, ou lorsqu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 138 I 225 consid. 3.6.1 ; 138 I 265 consid. 4.1). La question de savoir s’il existe un motif raisonnable pour une distinction peut recevoir des réponses différentes suivant les époques et les idées dominantes. Le législateur dispose toutefois d’un large pouvoir d’appréciation dans le cadre de ces principes et de l’interdiction de l’arbitraire (ATF 133 I 249 consid. 3.3 ; 131 I 1 consid. 4.2). Le Tribunal fédéral n’intervient que si, sur des points importants, les assimilations ou distinctions effectuées s’avèrent clairement injustifiées et insoutenables (ATF 136 I 297 consid. 6.1 ; 135 I 130 consid. 6.2).

Le principe de l’égalité (art. 8 Cst.) et celui de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.) sont étroitement liés. Une norme ou une décision est arbitraire lorsqu’elle ne repose pas sur des motifs objectifs sérieux ou si elle est dépourvue de sens et de but (ATF 136 I 241 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_753/2011 du 11 octobre 2012 consid. 3.2.2). L’inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement (ATF 132 I 157 consid. 4.1 ; ATF 129 I 1 consid. 3).

4.5 Tel qu’indiqué précédemment, l’intimé pouvait valablement retenir, au vu des éléments du dossier, que la recourante a bénéficié d’un suivi adéquat durant l’élaboration de son TD. Le fait que la doyenne ait pu occasionnellement ne pas être disponible en raison d’obligations liées à sa fonction ou de maladie, ne l’a pas empêchée d’assurer la supervision de la recourante. Pour rappel, elle n’était d’ailleurs pas seule à assurer cet encadrement, puisque la recourante pouvait également s’adresser à son maître de classe, de même qu’à son référent de stage.

La recourante a également reçu l’ensemble des informations utiles, transmises aux étudiants suivant le même cursus qu’elle, ce qu’elle ne conteste pas.

Par ailleurs, si les dispositions légales précitées visent la scolarité obligatoire, laquelle s’étend jusqu’à la majorité de l’élève, la recourante est à ce jour âgée de 28 ans. Elle a néanmoins bénéficié d’un suivi attentif afin de prendre en considération sa situation personnelle. Si elle prétend avoir effectivement mis à contribution la période de suspension au mois de décembre 2020 pour travailler sur son TD, elle n’apporte aucunement la preuve de sa présence à l’ESEDE à cette fin. Au contraire, ce n’est que le 9 juin 2021 qu’elle a transmis ses « premières intentions » de TD à sa référente.

Par conséquent, contrairement aux allégations de la recourante, il n’apparaît pas que le suivi de celle-ci ait été différent et de moins bonne qualité que celui d’autres étudiants. Ce grief sera écarté.

5.             La recourante se plaint également d’une violation de l’art. 60 al. 3 let. a RCFPS, l’experte présente à la soutenance de son TD ne remplissant selon elle pas les exigences d’indépendance requises, de par sa fonction.

5.1 Selon l’art. 60 al. 1 RCFPS, la procédure de qualification comprend : un travail de diplôme (let. a) ; un examen professionnel pratique comprenant une évaluation de la pratique professionnelle (let. b) ; un entretien professionnel (let. c).

L'évaluation finale de la pratique professionnelle (examen professionnel pratique) se déroule sous le contrôle d'un jury, sur le lieu où l'étudiant effectue sa pratique d'année terminale (art. 60 al. 2 RCFPS). Le jury est composé : d'un expert qui n'est pas employé par l'institution dans laquelle se déroule l'examen (let. a) ; d'un maître de formation professionnelle qui, en principe, n'a pas suivi l'étudiant durant sa pratique professionnelle, ni son travail de diplôme, durant l'année terminale (let. b ; art. 60 al. 3 RCFPS).

5.2 L’art. 61 RCFPS précise que le travail de diplôme est axé sur la pratique et est en lien avec la profession (al. 1). Il peut être réalisé seul ou à plusieurs (al. 2). La thématique doit être validée par la commission de qualification (al. 3). Les exigences relatives à l'élaboration et à l'évaluation du travail de diplôme sont fixées dans les dispositions internes (al. 4).

5.3 In casu, c’est à tort que la recourante invoque l’art. 60 al. 3 let. b RCFPS pour demander la récusation de E______ en sa qualité de membre du jury de la soutenance de son TD. En tant qu’elle se rapporte à l’EPP, ladite disposition ne saurait être appliquée à l’évaluation du TD, tandis que l’art. 61 al. 4 RCFPS prévoit expressément un renvoi aux dispositions internes.

En outre, hormis des suppositions d’ordre général liées à la fonction de E______, la recourante n’indique aucun élément concret permettant de douter de l’impartialité de celle-ci.

Ce grief sera également écarté.

6.             Finalement, la recourante invoque une violation du principe de la bonne foi, s’étant fiée aux dires de sa référente de TD.

6.1 Découlant directement de l’art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; 137 II 182 consid. 3.6.2). En outre, le principe de la bonne foi commande aux autorités comme aux particuliers de s’abstenir, dans les relations de droit public, de tout comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_934/2022 du 22 mars 2023 consid. 6.3.1).

Un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 4.1).

6.2 En l’occurrence, il ne ressort aucunement des échanges de courriels produits entre la doyenne et la recourante que la première aurait recommandé à la seconde de ne pas respecter les délais prévus pour le dépôt et la soutenance de son TD. Au contraire, ceux-ci démontrent que la référente se souciait particulièrement de la situation personnelle et scolaire de l’élève, ce dont cette dernière n’a pu que se rendre compte.

De plus, contrairement aux allégations de la recourante, les décisions des 5 juillet 2021 et 8 juillet 2022 étaient claires, tant par leur intitulé que leur contenu. Elle ne pouvait pas avoir de doute quant au fait que, faute de dépôt de son TD dans le délai imparti, elle avait obtenu, à deux reprises, la note de 1. Bien que les voies de recours étaient expressément mentionnées, la recourante n’a pas contesté ces décisions, de sorte qu’elle est forclose à le faire à ce stade.

Dans ces circonstances, aucune violation du principe de la bonne foi ne peut être reprochée à la doyenne.

Partant, le recours, infondé, sera rejeté.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 juillet 2023 par A______ contre la décision de la direction générale de l’enseignement secondaire II du 14 juin 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les 30 jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Eléonore MONTI, avocate de la recourante, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER et Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :