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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1144/2023

ATA/965/2023 du 05.09.2023 sur DITAI/214/2023 ( LCI ) , ADMIS

En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1144/2023-LCI ATA/965/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 septembre 2023

3ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Christophe GAL, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 

et

 

B______

représentée par Me Yves BONARD intimés

_________

Recours contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 11 mai 2023 (DITAI/214/2023)



EN FAIT

A. a. Le département du territoire (ci-après : le département) a, le 14 février 2023, autorisé la construction d’un ascenseur sur cour sur la parcelle n° 928 de la commune de C______, à l’adresse 3, rue D______, propriété de la société B______. Cette autorisation a été publiée dans la feuille d’avis officielle (ci-après : FAO) du même jour.

b. A______ est propriétaire de la parcelle voisine n° 927, au 5, rue D______.

Elle est aussi actionnaire à 32% de B______.

c. Les bâtiments érigés sur chacune de ces deux parcelles font partie de l’ensemble MS-e composé des immeubles sis 1, 3, 5, 7, 7bis et 9, rue D______, 56, rue E______ et 1, rue F______, selon la liste de l’office du patrimoine et des sites, publiée le 17 décembre 2020 dans la FAO.

La cour dans laquelle est censé trouver place l’ascenseur est commune aux deux immeubles.

d. Selon A______, l’édification d’un ascenseur électrique sur cour aurait notamment pour conséquence de supprimer la végétation existante et romprait l’unité architecturale à maintenir et protéger.

B. a. Le 16 mars 2023, A______ a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre l’autorisation du 14 février 2023.

La requête en autorisation DD/1______/10 déposée le 26 août 2022 par B______ était nulle et, en conséquence, l’autorisation délivrée à sa suite, dans la mesure où cette société, inscrite au registre du commerce de G______ (Valais), était dépourvue d’organe pouvant valablement la représenter. Le mandat de son administrateur, H______, s’était éteint à tout le moins depuis le 1er juillet 2021 par le fait qu’aucune assemblée générale (ci-après : AG) n’avait été convoquée ni tenue depuis au minimum le 26 mai 2020 où son mandat avait été reconduit. L’AG tenue le 26 mai 2020, ayant pour objet les comptes de la société au 31 décembre 2016, faisait l’objet d’une procédure en constatation de la nullité des décisions prises alors. Diverses procédures étaient en cours en Valais en vue de constater les carences organisationnelles de B______. Quelle que soit l’issue de l’une des procédures de mesures provisionnelles en cours d’instruction, il était établi que dès le 1er juillet 2021 au plus tard, B______ ne disposait plus d’un quelconque organe capable de la représenter valablement.

B______ n’avait donc pas la capacité d’ester en justice. Elle n’avait pas pu mandater l’architecte ayant signé l’autorisation de construire querellée. La procédure devait donc être suspendue jusqu’à droit connu dans la procédure sédunoise.

b. Le département s’en est rapporté à justice sur cette question.

c. B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

H______ avait été réélu dans sa fonction d’administrateur unique pour la dernière fois lors de l’AG extraordinaire du 24 janvier 2023, selon procès-verbal produit. Elle était donc dotée d’un organe. H______ détenait 68% du capital‑actions et A______ les 32% restants. Cette dernière, depuis qu’elle n’avait pas été réélue administratrice en 2002, multipliait les procédures contre la société. Ces procédures étaient exorbitantes à la présente cause, notamment déjà car leurs objets ressortissaient au droit civil.

La recevabilité du recours posait problème quant au respect du délai et à l’intérêt personnel et digne de protection que A______ aurait à agir. Elle instrumentalisait en réalité le TAPI dans le but de faire valoir de prétendus droits d’actionnaire.

d. Le TAPI a, par décision incidente du 11 mai 2023, rejeté la demande de suspension de la procédure.

Il n’existait pas de motif la justifiant sur la base de l’art. 14 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le litige pouvant être tranché sans délai. Il n’existait en outre pas de motif de suspension selon l’art. 78 LPA.

C. a. A______ a formé recours contre cette décision, notifiée le 16 mai 2023, par acte expédié à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 26 mai 2023. Elle a conclu à la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé dans la procédure sédunoise C 2______.

Les procédures qu’elle avait intentées en Valais étaient notamment la conséquence de l’absence de tout organe valablement nommé de B______ et des errements de H______. Les simulacres d’AG extraordinaires des 24 janvier et 21 février 2023 ne pouvaient être valablement convoquées ni tenues, de sorte que les décisions prises étaient nulles de plein droit. Une action tendant à constater cette nullité, subsidiairement en annulation des décisions de ces AG, serait prochainement introduite au fond, à la suite de la délivrance de l’autorisation de procéder le 25 mai 2023.

Il était évident que la procédure nécessitait d’être suspendue et qu’elle disposait d’un intérêt actuel et concret à une telle suspension. B______ n’avait en effet pas la capacité d’ester ni même celle d’exprimer une quelconque volonté. Poursuivre la procédure en l’absence d’organe de la société reviendrait à lui accorder le statut de partie qu’elle ne pouvait avoir. Il fallait laisser le juge sédunois trancher et objectiver l’incapacité de H______ de représenter B______, consécutive à un défaut d’organisation. Instruire le recours dans pareille situation sans que ne soit préalablement tranchée la question de la nullité de la requête à la base de l’autorisation querellée engendrerait un préjudice irréparable et surtout pourrait conduire à la construction d’un ascenseur que la société propriétaire n’aurait jamais souhaité.

Le TAPI avait retenu à tort comme des faits une réélection de H______ dans sa fonction d’administrateur ensuite du simulacre d’AG le 24 janvier 203 et sur la base de l’extrait du registre du commerce du Valais central du 3 février 2023, alors même que ces questions faisaient précisément l’objet de procédures en cours en Valais. Or, le mandat de H______ s’était éteint le 30 juin 2018, soit à l’échéance du semestre suivant l’exercice pour lequel il avait été nommé, mais au plus tard le 30 juin 2021.

b. B______ a conclu à l’irrecevabilité du recours et au fond à son rejet.

A______ ne démontrait ni ne rendait vraisemblable un préjudice irréparable dans le cas où le rejet de sa requête en suspension de la procédure devait être confirmé. La procédure de recours qu’elle avait initiée contre l’autorisation de construire DD 1______ ne saurait constituer un préjudice économique irréparable pour elle, ni engendrer une procédure longue et coûteuse, compte tenu du faible volume du dossier instruit par le département. Elle n’avait aucun intérêt digne de protection à ce que la décision incidente soit immédiatement annulée.

Le fait qu’elle estime que H______ n’aurait pas été valablement élu en sa qualité d’administrateur, ce qui était inexact, et qu’elle conteste devant les juridictions civiles sédunoises les décisions prises lors de l’AG extraordinaire du 24 janvier 2023 n’avait aucune pertinence dans le cadre de la présente procédure. La cause civile n’avait pas même été introduite au fond et il serait contraire aux principes d’économie de procédure et d’interdiction du déni de justice d’attendre l’issue de cette procédure civile qui pourrait durer plusieurs années. La suspension de la procédure lui causerait un grave préjudice financier dans la mesure où elle se verrait contrainte de renoncer, pour une durée indéterminée, à effectuer la mise en œuvre de l’ascenseur extérieur prévu devant profiter à sa clientèle et partant participerait à l’augmentation de ses bénéfices.

La requête de suspension était un procédé purement dilatoire.

c. Le département s’en est rapporté à justice.

Lors du dépôt de la demande d’autorisation, il avait vérifié que la propriétaire, soit B______, ait donné son accord pour son dépôt, conformément à l’art. 11 al. 4 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01). Il l’avait fait conformément aux informations dont il disposait, à savoir un extrait du registre du commerce. Ce n’était que par le dépôt du recours de A______ du 26 mai 2023 qu’il avait appris la procédure civile en cours en Valais contestant la décision de l’AG du 24 janvier 2023 réélisant H______ au poste d’administrateur.

d. Dans sa réplique du 17 juillet 2023, A______ a ajouté que la procédure civile en cause devrait prochainement être gardée à juger, de sorte que le principe de célérité ne saurait en aucun cas être violé dans la présente cause. Une autre procédure civile avait été suspendue jusqu’à droit jugé de la première, dans la mesure où la validité de la représentation de B______ par son administrateur inscrit était contestée. L’issue de la procédure sédunoise était essentielle pour déterminer si B______ avait la capacité d’ester et si elle avait celle de déposer la demande d’autorisation de construire litigieuse. Faute de suspension de la cause, le préjudice serait non seulement de nature économique mais également purement juridique, en ce sens qu’on accorderait de manière irréparable à une société en carence organisationnelle, dépourvue d’organe, la capacité d’être valablement représentée et d’agir en justice. Son préjudice serait également économique dans la mesure où, étant actionnaire à 32% de la société, l’engagement des travaux de construction de l’ascenseur litigieux, susceptibles d’être remis en cause ensuite de la décision sédunoise, provoquerait des coûts non négligeables pour la société, irrécupérables.

e. B______ a dupliqué spontanément le 26 juillet 2023. Elle contestait que la procédure sédunoise C 2______ doive prochainement être gardée à juger. Postérieurement à la décision rendue par un juge le 15 décembre 2022 dans une autre cause, suspendant l’action en dissolution de la société B______ intentée par A______, l’AG avait réélu H______ dans sa fonction d’administrateur le 24 janvier 2023.

f. Les parties ont été informées, le 27 juillet 2023, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 et 63 LPA.

2.             La recourante soutient que c’est à tort que le TAPI a refusé de suspendre la présente procédure, ayant pour objet la délivrance, en faveur de la société anonyme dont elle est actionnaire minoritaire, d’une autorisation de construire un ascenseur, dans l’attente de droit jugé dans une cause en cours en Valais.

2.1 Selon l’art. 14 al. 1 LPA lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions. Cette disposition est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/444/2023 du 26 avril 2023 consid. 3.1).

2.2 Les décisions incidentes sont susceptibles de recours, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

2.3 L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1).

2.4 La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c et les arrêts cités ; cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive : Stéphane GRODECKI/ Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

2.5 Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1622/2017 précité consid. 4d ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d).

3.             En l’espèce, la recourante soutient que la société anonyme intimée ne pouvait valablement déposer la demande d’autorisation de construire litigieuse, le 26 août 2022, faute d’organe pouvant valablement l’engager, ou donner une procuration à un mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ) pour ce faire.

3.1 Selon l’art. 2 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), les demandes d’autorisation sont adressées au département (al. 1). Le règlement d’application détermine les pièces qui doivent être déposées par le demandeur et les indications que celui-ci doit fournir concernant les objets destinés à occuper le sous-sol de façon permanente (al. 2). Les plans et autres documents joints à toute demande d’autorisation publiée dans la FAO doivent être établis et signés par une personne inscrite au tableau des MPQ dans la catégorie correspondant à la nature de l’ouvrage, au sens de la loi sur l’exercice des professions d’architecte et d’ingénieur, du 17 décembre 1982 (LPAI ‑ L 5 40). Demeurent réservés les projets de construction ou d’installation d’importance secondaire qui font l’objet de dispositions spéciales édictées par voie réglementaire (al. 3).

3.1.1 Selon l’art. 11 al. 4 RCI, toutes les demandes d’autorisation doivent être datées et signées par le propriétaire de l’immeuble intéressé, ainsi que par le requérant ou l'éventuel MPQ, conformément à l’art. 2 al. 3 LCI.

Les demandes ne sont valablement déposées et, partant, l’autorité saisie, que si les prescriptions concernant les documents et pièces à joindre ont été respectées et si l’émolument d’enregistrement a été acquitté. Les dossiers incomplets sont retournés pour complément. Ils ne sont pas enregistrés (art. 13 al. 1 RCI).

3.1.2 Selon la jurisprudence, une requête déposée en vue de la délivrance d'une autorisation de construire doit émaner, ou du moins avoir l'assentiment préalable et sans équivoque, du propriétaire de la parcelle concernée. Il ne s'agit pas d'une simple prescription de forme, car elle permet de s'assurer que les travaux prévus ne sont pas d'emblée exclus et que le propriétaire qui n'entend pas réaliser lui-même l'ouvrage y donne à tout le moins son assentiment de principe (arrêt du Tribunal fédéral 1C_7/2009 du 20 août 2009 consid. 5.2 ; ATA/1459/2019 du 1er octobre 2019 consid. 2 ; ATA/1157/2018 du 30 octobre 2018 consid. 5g ; ATA/321/2018 du 10 avril 2018 consid. 3b et l'arrêt cité). Ainsi, la signature du propriétaire du fonds a également comme but d'obtenir l'assurance que celui qui a la maîtrise juridique du fonds consent aux travaux et à tous les effets de droit public qui en découlent (arrêt du Tribunal fédéral 1C_7/2009 du 20 août 2009 consid. 5.2 ; ATA/461/2020 du 7 mai 2020 consid. 5c).

3.2 La volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes, notamment le conseil d'administration et ses membres dans les sociétés anonymes (art. 718 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse [CO, Code des obligations - RS 220]). Ceux-ci obligent la personne morale par leurs actes juridiques et par tous autres faits (art. 55 al. 1 et 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 [CC - RS 210]).

3.3 En droit de la société anonyme, le conseil d'administration est responsable de la gestion des affaires sociales (art. 716 al. 2 CO) et représente la société à l'égard des tiers (art. 718 al. 1 CO première phrase). En principe, chaque membre du conseil d'administration a le pouvoir de représenter la société (art. 718 al. 1 CO seconde phrase). Ce pouvoir peut toutefois être restreint, notamment en exigeant une signature collective (cf. art. 718a al. 2 CO ; ATF 121 III 368 consid. 3 et 4). Dans une telle hypothèse, pour engager la société, plusieurs représentants autorisés doivent agir ensemble, en apposant collectivement leur signature (arrêt du Tribunal fédéral 9C_446/2014 du 2 septembre 2014 consid. 3.1; Henry PETER/ Francesca CAVADINI, Commentaire romand CO II, 2008, n. 21 ad art. 718a CO).

Le nom des personnes habilitées à représenter la société doit être inscrit au Registre du commerce (art. 720 CO et 45 al. 1 let. o de l’ordonnance sur le registre du commerce du 17 octobre 2007 - ORC - RS 221.411).

3.4 Selon l'art. 698 CO, l'assemblée générale des actionnaires est le pouvoir suprême de la société (al. 1). Elle a le droit intransmissible : 1. d'adopter et de modifier les statuts ; 2. de nommer les membres du conseil d'administration et de l'organe de révision ; 3. d'approuver le rapport annuel et les comptes de groupe ; 4. d'approuver les comptes annuels et de déterminer l'emploi du bénéfice résultant du bilan, en particulier de fixer le dividende et les tantièmes ; 5. de donner décharge aux membres du conseil d'administration ; 6. de prendre toutes les décisions qui lui sont réservées par la loi ou les statuts (al. 2).

3.5 A teneur de l'art. 699 CO, l'assemblée générale est convoquée par le conseil d'administration et, au besoin, par les réviseurs ; les liquidateurs et les représentants des obligataires ont également le droit de la convoquer (al. 1). L'assemblée générale ordinaire a lieu chaque année dans les six mois qui suivent la clôture de l'exercice; des assemblées générales extraordinaires sont convoquées aussi souvent qu'il est nécessaire (al. 2).

3.6 Le conseil d'administration de la société se compose d'un ou de plusieurs membres (art. 707 al. 1 CO).

Le conseil d'administration a la compétence intransmissible et inaliénable de préparer l'assemblée générale ; la convocation de celle-ci est également considérée comme faisant partie de ses compétences intransmissibles et inaliénables. La décision du conseil d'administration de convoquer l'assemblée générale est prise à la majorité simple de ses membres, à moins que les statuts n'en disposent autrement. Il n'est pas rare que cette compétence soit conférée au président du conseil (Henry PETER/ Francesca CAVADINI, op.cit. n. 4 et 5 ad art. 699 CO; Peter BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht, 2009, p. 1401, no 167). C'est au président de l'assemblée générale, soit en général le président du conseil d'administration qu'il incombe de diriger la réunion et les délibérations (Henry PETER/ Francesca CAVADINI, op. cit., n. 25 ad art. 702 CO).

3.7 Selon l'art. 706b CO, sont nulles en particulier les décisions de l'assemblée générale qui : 1. suppriment ou limitent le droit de prendre part à l'assemblée générale, le droit de vote minimal, le droit d'intenter action ou d'autres droits des actionnaires garantis par des dispositions impératives de la loi ; 2. restreignent les droits de contrôle des actionnaires davantage que ne le permet la loi ou 3. négligent les structures de base de la société anonyme ou portent atteinte aux dispositions de protection du capital.

Les décisions qui sont prises par une assemblée générale convoquée par une personne dénuée de la compétence pour ce faire font partie de celles qui négligent les structures de base de la société anonyme (Henry PETER/ Francesca CAVADINI, op. cit., n. 12 ad art. 706b CO).

Tel est également le cas des décisions prises lors d'une assemblée générale convoquée irrégulièrement, par exemple, avec convocation de quelques-uns des actionnaires seulement, ou de décisions votées par des personnes qui ne sont plus actionnaires (ATF 115 II 468 = JdT 1990 I 374 consid. 3b et les références citées; Peter BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht, 4ème éd., 2009, § 16 n° 159 ss).

En cas de grave vice de forme dans le processus d'adoption de la décision, le juge doit constater d'office et en tout temps sa nullité (ATF 137 III 503 = JdT 2012 II 178 consid. 4.1; 100 II 384 consid. 1). Ce constat déploie des effets ex tunc et erga omnes (ATF 137 III 503 consid. 3.3.2).

3.8 Selon l'art. 706 al. 1 CO, le conseil d'administration et chaque actionnaire peuvent attaquer en justice les décisions de l'assemblée générale qui violent la loi ou les statuts ; l'action est dirigée contre la société. Selon l'al. 2, sont en particulier annulables les décisions qui : 1. suppriment ou limitent les droits des actionnaires en violation de la loi ou des statuts; 2. suppriment ou limitent les droits des actionnaires d'une manière non fondée; 3. entraînent pour les actionnaires une inégalité de traitement ou un préjudice non justifiés par le but de la société.

Il convient de recourir à une définition très large de l’intérêt juridique dans le contexte de l'action prévue par l'art. 706 CO. Dans l'ATF 66 II 43 = JdT 1940 I p. 272, le Tribunal fédéral a ainsi admis que les actionnaires minoritaires avaient un intérêt juridique à faire annuler la décision de l'assemblée générale, en dépit du fait que le juge n'était pas autorisé à procéder lui-même à la nomination des administrateurs représentant des actionnaires minoritaires.

4.             En l’espèce, la demande d’autorisation de construire litigieuse a été déposée le 26 août 2022 au nom de la société intimée. La problématique de savoir si elle avait alors la capacité de déposer ladite demande, par son administrateur unique, certes inscrit comme tel au registre du commerce à cette époque, fait l’objet d’une procédure civile en cours en Valais. Or, s’il devait résulter que la personne en cause n’avait alors pas le pouvoir d’engager la société, la demande d’autorisation serait nulle et par conséquent l’autorisation également entachée d’un vice irréparable. La société intimée ne remet pas formellement en cause l’assertion de la recourante selon laquelle le mandat de l’administrateur unique aurait été renouvelé en dernier lieu jusqu’au 1er juillet 2021, avant que ne soient convoquées des AG extraordinaires les 24 janvier et 21 février 2023, soit après le dépôt de la demande d’autorisation litigieuse le 26 août 2022. C’est précisément la question que doit trancher le juge sédunois.

Ainsi, et contrairement à ce qu’a retenu le TAPI, les conditions de réalisation d’une suspension au sens de l’art. 14 LPA sont réalisées en l’espèce, puisque le sort de la présente procédure dépend de la solution d’une question de nature civile relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité.

Aussi, la suspension de la présente procédure s’impose.

C’est à juste titre que la recourante fait valoir un préjudice irréparable devant la chambre de céans. En effet, pour le cas où la présente procédure se poursuivrait sur le fond, avec pour résultante une éventuelle confirmation de l’autorisation querellée et, à terme, les coûts de la construction d’un ascenseur sur cour seraient mis à charge de la société intimée dont elle est actionnaire à 32%.

On ne se trouve ainsi, s’agissant de l’application de l’art. 57 LPA, pas dans l’unique cas de figure d’un dommage de pur fait, tel qu’un accroissement des frais de la procédure, qui n'est pas considéré comme un dommage irréparable.

Le recours devant la chambre de céans sera par conséquent admis et la décision du TAPI annulée. La procédure sera renvoyée à cette instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

5.             Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 800.- sera allouée à la recourante, à la charge de la société intimée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 mai 2023 par A______ contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 11 mai 2023 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision du Tribunal administratif de première instance du 11 mai 2023 ;

renvoie la procédure au Tribunal administratif de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 800.- à A______ à la charge de B______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christophe GAL, avocat de la recourante, à Me Yves BONARD, avocat de B______, au département du territoire-oac ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

 

la greffière-juriste :

 

 

M. RODRIGUEZ ELLWANGER

 

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :