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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2951/2021

ATA/931/2023 du 29.08.2023 sur JTAPI/140/2023 ( ICC ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT FISCAL;CALCUL DE L'IMPÔT;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT SUR LE CAPITAL;LIQUIDATION(EN GÉNÉRAL);BILAN(EN GÉNÉRAL);FORCE OBLIGATOIRE(SENS GÉNÉRAL);PRINCIPE EN MATIÈRE DE DROIT FISCAL;FORTUNE;DIVIDENDE(SOCIÉTÉ);CAPITAL-ACTIONS;RÉSERVE(CAPITAL)
Normes : LIPM.27; LHID.29; LIPM.28; LIPM.31; LIPM.39; LHID.31; LHID.29.al2.letc; LIPP.46; LIPP.47.alf; LIPP.49.al1; LIPP.22.al3; LIFD.20.al3; CO.957; CO.959a.al2.letb.ch3
Résumé : Prise en considération des remboursements de capital-actions effectués postérieurement au 31 décembre 2019, sur la base de la décision de l’assemblée générale du 18 juin 2020, en diminution du capital propre imposable de la recourante pour l’année fiscale 2019 : le capital propre imposable d’une personne morale en liquidation correspond à sa fortune nette, laquelle doit être déterminée selon les bases légales applicables aux personnes physiques. Le principe de déterminance du bilan commercial ne lie alors plus l’AFC-GE. Toutefois, vu la pratique visant à admettre la prise en considération des dividendes distribués postérieurement à la fin de la période fiscale, en réduction du capital propre imposable, il doit en être de même de la distribution de dividendes prélevés sur les RIAC. En revanche, ce mécanisme n’est pas admis pour le remboursement partiel du capital-actions. Recours partiellement admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2951/2021-ICC ATA/931/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 août 2023

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Andrio ORLER, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimée

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 février 2023 (JTAPI/140/2023)


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : la société), inscrite au registre du commerce du canton de Genève le 18 décembre 2015, avait pour but social la gestion de son propre patrimoine.

Le 24 septembre 2019, l’assemblée générale de la société a décidé sa dissolution, de sorte que celle-ci a été mise en liquidation.

b. Dans sa déclaration fiscale pour l’année 2019, déposée le 24 juillet 2020, la société a indiqué un capital propre imposable de CHF 3'292'385.-. À teneur de son bilan, le total des actifs s’élevait à CHF 66'910'859.-, tandis que les fonds propres se présentaient comme suit (en CHF) :

Capital-actions

12'274'000.-

Réserves légales issues
d’apport de capital (ci-après : RIAC)

33'124'000.-

Réserves légales issues du bénéfice

17'366'464.-

17'070'064.-

296'400.-

Pertes et profits reporté

4'017'313.-

Résultat net de l'exercice

- 934'108.-

Total des fonds propres

65'847'669.-

c. Par bordereau de taxation ICC du 20 mai 2021, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé la société sur la base d’un bénéfice imposable nul et d’un capital imposable de CHF 46'201'616.-, correspondant à (en CHF) :

Total des actifs

66'910'859.-

Distribution de dividendes

- 20'449'669.-

Total des actifs (valeur vénale)

46'461'190.-

Fonds étrangers

- 1'063'189.-

Dettes d'impôts directs 2020

450'000.-

Coûts de liquidation 2020

353'615.-

Total des fonds étrangers

- 259'574.-

 

Fortune nette (capital propre imposable)

46'201'616.-

d. Le 18 juin 2021, la société a élevé réclamation à l’encontre dudit bordereau.

Dans sa déclaration fiscale 2019, elle avait mentionné un capital propre imposable de CHF 3'292'985.-, lequel se déterminait de la manière suivante (en CHF) :

Total des capitaux propres

65'847'670.-

Remboursement partiel du capital-actions

- 8'981'616.-

Dividendes sur réserves légales issues du bénéfice

- 296'400.-

Dividendes sur réserves légales
issues du capital, autres réserves

- 17'070'604.-

Dividendes sur RIAC

- 33'124'000.-

Dividendes sur réserves issues du bénéfice

- 3'083'205.-

Capital propre imposable

3'291'845.-

 

 

 

 

 

 

 

Le 18 juin 2020, son assemblée générale avait approuvé la distribution d’un dividende intérimaire de CHF 53'573'669.-, dont CHF 33'124'000.- provenant des RIAC. Bien que ce dernier montant concernât un remboursement de RIAC, civilement et comptablement, il devait être considéré comme des dividendes.

Le capital propre imposable devait être calculé comme suit (en CHF) :

Total des actifs

66’910'859.-

Dividendes sur réserves légales

- 296'400.-

Dividendes sur réserves légales, autres réserves

- 17'070'604.-

Dividendes sur réserves légales, RIAC

- 33'124'000.-

Dividendes sur réserves issues de bénéfice

- 3'083'205.-

Total des fonds étrangers

- 259'574.-

Capital propre imposable

13'077'076.-

e. Par décision du 6 août 2021, l’AFC-GE a rejeté la réclamation.

La distribution de RIAC constituait un remboursement de capital déductible des fonds propres imposables l’année au cours de laquelle la distribution avait effectivement eu lieu.

B. a. Par acte du 6 septembre 2021, la société a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre la décision précitée, en concluant à ce que son capital propre imposable soit arrêté à CHF 3'292'385.-, ainsi qu’à ce que les montants de CHF 33'124'000.- et de CHF 8'981'616.- soient portés en déduction de ses fonds propres.

Selon la jurisprudence, un dividende décidé lors de l’assemblée générale ordinaire réduisait les fonds propres de la société et devait être traité comme une dette de celle-ci à l’égard de ses actionnaires. Elle devait entrer dans le calcul de la sous-capitalisation. Si l’assemblée générale décidait que le bénéfice ne serait pas distribué, ce dernier faisait partie des fonds propres existants au début de l’exercice suivant. Ceux-ci étaient en revanche diminués du montant de l’octroi par l’assemblée générale, que celle-ci concerne la distribution du bénéfice de l’année ou d’une distribution de substance. Cette analyse correspondait à la pratique fiscale, qui admettait que le montant des réserves ouvertes devant être indiqué était celui déterminé après affectation aux réserves générales et statutaires, et fixation des dividendes.

Il n’existait aucune raison selon le droit commercial de distinguer les distributions, selon qu’elles provenaient de RIAC ou d’autres réserves, car dans les deux cas, la société devenait débitrice du montant du dividende. Le droit fiscal ne permettait pas non plus d’opérer une telle distinction.

L’assemblée générale du 18 juin 2020 – qui s’était prononcée sur les comptes sociaux 2019 et 2020 – avait mis le dividende de CHF 53'573'669.- à la charge des RIAC (CHF 33'124'000.-), ainsi que des autres réserves (CHF 20'449'669.-). Elle avait également décidé le remboursement d’une partie du capital-actions (CHF 8'981'616.-). Dès lors, le capital imposable se chiffrait à CHF 3'292'985.-.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Il n’était pas contesté que le dividende ordinaire de CHF 20'449'669.- avait effectivement diminué les fonds propres imposables au 31 décembre 2019, même si ce montant n’avait été distribué qu’à la suite de l’assemblée générale du 18 juin 2020. Lors du passage du système praenumerando au système postnumerando et en dépit du texte clair de l’art. 39 de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), le législateur n’avait pas voulu changer la pratique antérieure qui se justifiait pour des raisons de décalage entre la période de calcul et la période fiscale. Dans la jurisprudence citée, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) avait indirectement validé la pratique admettant de prendre en compte des dividendes distribués postérieurement à la fin de la période fiscale, qui venaient réduire le capital propre imposable.

Il ne pouvait être fait référence au droit commercial, le litige concernant une problématique fiscale. Contrairement aux dividendes qui faisaient l’objet de distributions, les RIAC faisaient l’objet de remboursements, puisqu’il s’agissait de restitutions d’apports, d’agios ou de versements supplémentaires déjà supportés précédemment par les détenteurs de droits de participation. Fiscalement, le remboursement des RIAC effectués par les détenteurs de droits de participation était traité de la même manière que le remboursement du capital-actions ou du capital social, selon les art. 22 al. 3 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) et 20 al. 3 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11).

Le capital propre imposable de la société ne devait pas être diminué des montants qui représentaient des remboursements de capital-actions effectués postérieurement au 31 décembre 2019.

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué, en persistant dans leurs conclusions et développements.

c.a. Pour la société, les bases légales genevoise et fédérale sur l’imposition du capital renvoyaient au droit commercial lorsqu’elles parlaient de capital-actions libéré et de réserves ouvertes.

Dans le cadre de la deuxième réforme de l’imposition des entreprises (ci-après : RIE II) avait été introduit le principe de l’apport en capital. Grâce à cette réforme, les réserves constituées par l’apport des actionnaires pouvaient être prélevées sans générer de conséquences fiscales. Dès lors, tous les dividendes devaient être déduits du capital imposable au 31 décembre. Ces principes s’appliquaient également aux sociétés en liquidation, qui disposaient, sous certaines conditions, de la possibilité de distribuer de manière anticipée tout ou partie du produit de liquidation.

c.b. Selon l’AFC-GE, il n’y avait pas matière à discuter de la RIE II, dès lors qu’elle ne concernait que l’imposition des personnes physiques et non l’impôt sur le capital.

d. Par jugement du 6 février 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Le simple fait que la décision de distribution de dividendes avait eu lieu après le jour déterminant ne constituait pas un motif pour les exclure de la base de calcul de l’impôt sur le capital. En l’espèce, il convenait néanmoins de les y intégrer, dès lors qu’ils avaient été mis à la charge de fonds propres de la société et non du bénéfice résultant du bilan. Si l’assemblée générale de la société avait décidé d’une distribution d’actifs avant le 31 décembre 2019, la base de calcul de l’impôt sur le capital aurait été réduite. In casu, la contribuable devait se laisser opposer le fait qu’elle n’avait pas procédé à une telle distribution en 2019. Le fait que celle intervenue en 2020 se fût fondée tant sur les comptes 2019 que ceux de 2020 n’y changeait rien.

C. a. Par acte du 9 mars 2023, la société a recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, en concluant à son annulation et à celle de la décision sur réclamation du 6 août 2021, au constat que son capital imposable était de CHF 3'292'385.- et au renvoi de la cause à l’AFC-GE pour l’émission de nouveaux bordereaux ICC pour la période fiscale 2019 admettant les montants de CHF 33'124'000.- et CHF 8'981'616.- en déduction de ses fonds propres imposables.

Sous l’angle du droit civil, rien ne différenciait les réserves comptabilisées sur un compte RIAC, d’autres apports des actionnaires, comptabilisées comme agio. Il n’y avait aucune raison d’opérer une distinction selon que les distributions provenaient de RIAC ou d’autres réserves. Dans les deux cas, lorsque le dividende était fixé, la société devenait débitrice du montant du dividende envers son actionnaire. Les fonds n’étaient dès lors plus disponibles. Si le droit fiscal distinguait les RIAC des autres réserves dans leur traitement en matière d’impôt anticipé et d’impôt sur le revenu, il ne contenait en revanche aucune disposition particulière dans les autres domaines du droit fiscal. Aucune disposition du droit fiscal ne permettait de traiter de manière distincte les RIAC et les autres réserves afin de déterminer le montant du capital imposable.

Les sociétés en liquidation avaient la possibilité de distribuer de manière anticipée tout ou partie du produit de liquidation sous certaines conditions. Ces distributions pouvaient être décidées par l’assemblée générale au même titre que les distributions de dividendes ou de RIAC. Tant juridiquement qu’économiquement, le produit de liquidation s’apparentait à un dividende final dont la distribution n’était pas limitée. En droit fiscal, les règles d’évaluation de la fortune nette appliquées aux sociétés en liquidation étaient différentes de celles applicables aux sociétés qui ne l’étaient pas, sans impact aucun s’agissant de la déductibilité des dettes. La décision de distribution, prise de manière régulière par son organe compétent, avait donc valablement créé une dette à sa charge en faveur de ses actionnaires et diminué sa fortune nette à la fin de l’exercice 2019. Son capital imposable était donc de CHF 3'292'385.- pour la période fiscale 2019. En refusant de déduire de ses actifs la partie de la distribution provenant des RIAC (soit CHF 33'124'000.-) ainsi que du remboursement de capital (soit CHF 8'981'616.-), l’AFC-GE avait violé les art. 31 al. 1 et 2 LIPM applicables afin de déterminer le capital propre imposable des sociétés en liquidation à la fin de la période fiscale en cause.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours, en se référant à ses précédentes écritures et au jugement querellé.

c. La recourante n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

d. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit du refus de l’intimée de diminuer le capital propre imposable de la recourante au 31 décembre 2019, des remboursements de capital-actions, effectués postérieurement, sur la base de la décision de l’assemblée générale du 18 juin 2020.

2.1 Avant leur abrogation au 1er janvier 1997, les art. 73 à 81 LIFD régissaient l’impôt sur le capital.

Ceux-ci prévoyaient notamment que le capital propre imposable des sociétés de capitaux et des sociétés coopératives en liquidation à la fin d’une période fiscale correspondait à leur fortune nette (ancien art. 76 LIFD). Les impôts sur le bénéfice net et sur le capital propre étaient fixés et prélevés pour chaque période fiscale (ancien art. 79 al. 1 LIFD). La période fiscale correspondait à l’exercice commercial (ancien art. 79 al. 2 LIFD). Chaque année civile, exceptée l’année de fondation, les comptes devaient être clos et un bilan et un compte de résultats établis. Les comptes devaient être également clos en cas de transfert du siège, de l’administration, d’une entreprise ou d’un établissement stable, ainsi qu’à la fin de la liquidation (ancien art. 79 al. 3 LIFD). L’impôt sur le capital propre était calculé sur la base du capital propre existant à la fin de la période fiscale (ancien art. 81 LIFD ; RO 1991 1212 s.).

Selon le message du Conseil fédéral relatif à la version initiale de la LIFD, les sociétés de capitaux et coopératives en liquidation étaient imposées de la même manière que les autres personnes morales, ce qui signifiait que la fortune nette remplaçait le capital propre. Ceci était conforme au statut spécial que le droit commercial prévoyait pour ces sociétés (cf. p. ex. art. 739 ss de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse [CO, Code des obligations - RS 220] ; FF 1983 203 et s.). La période fiscale correspondait à l'exercice commercial, même si ce dernier comprenait plus ou moins de douze mois. Cette règle répondait à des besoins pratiques et permettait à l'autorité fiscale de taxer les personnes morales dès qu'elle disposait de comptes clos conformément aux exigences du droit commercial. L'impôt sur le capital propre était calculé sur la base du capital propre existant à la fin de la période fiscale, alors que, selon les anciens art. 60 à 62 de l’ancien arrêté fédéral du 9 décembre 1940 concernant la perception d’un impôt fédéral direct (ci-après : AIFD), le début de la période fiscale servait de règle (FF 1983 206).

2.2.1 Dorénavant, l’impôt sur le capital est régi aux art. 27 ss LIPM, correspondant aux anciens art. 73 à 81 LIFD, ainsi qu’aux art. 29 ss de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14).

Il a pour objet le capital propre (art. 27 LIPM et 29 al. 1 LHID ; ancien art. 73 LIFD).

Le capital propre imposable des sociétés de capitaux et des sociétés coopératives comprend le capital-actions et le capital-participation ou le capital social libéré, les réserves issues d’apports de capital au sens de l’art. 22 al. 3 à 7 LIPP, portées au bilan commercial, les réserves ouvertes et les réserves latentes constituées au moyen de bénéfices imposés (art. 28 al. 1 LIPM et 29 al. 2 let. a LHID ; ancien art. 74 al. 1 LIFD). Est imposable au moins le capital-actions et le capital-participation (art. 28 al. 2 LIPM ; ancien art. 74 al. 2 LIFD).

Le capital propre imposable des sociétés de capitaux et des sociétés coopératives qui sont en liquidation à la fin d’une période fiscale correspond à leur fortune nette (art. 31 al. 1 LIPM ; ancien art. 76 LIFD). La fortune nette est déterminée conformément aux dispositions applicables aux personnes physiques (art. 31 al. 2 LIPM).

L’impôt sur le capital est calculé sur la base du capital propre existant à la fin de la période fiscale (art. 39 LIPM et 31 al. 4 LHID ; ancien art. 81 LIFD).

2.2.2 Le Conseil d’État a déposé le 13 avril 1994 trois projets de loi tendant à adapter la législation genevoise relative aux personnes morales et à l’imposition à la source à la LHID. Ces projets, dont le PL 7090 sur l’imposition des personnes morales, ont été renvoyés le 28 avril 1994 à la commission fiscale, avant d’être adoptés par le Grand Conseil le 23 septembre 1994. L’entrée en vigueur de la LHID, le 1er janvier 1993, et de la LIFD, le 1er janvier 1995, imposait aux cantons d’adapter leurs règles fiscales, en introduisant deux innovations principales, à savoir le passage de l’imposition du bénéfice des personnes morales du système dit bisannuel praenumerando au système annuel postnumerando et l’introduction de l’IFD prélevé à la source sur certaines prestations effectuées à des personnes n’ayant pas de liens suffisamment étroits avec la Suisse pour justifier une imposition selon le système ordinaire de la déclaration fiscale (MGC 1994 14/II 1426 s. ; MGC 1994 34/IV 3848 s.).

Les art. 26 à 35 du PL 7090 concernant l’impôt sur le capital reprenaient en grande partie les art. 29 LHID et 73 à 78 LIFD. Ainsi, l’art. 30 PL 7090 (art. 31 LIPM), correspondant à l’art. 76 LIFD, prévoyait déjà que, pour les sociétés de capitaux et coopératives qui étaient en liquidation, la fortune nette remplaçait le capital propre. L’art. 38 PL 7090 (art. 39 LIPM) relatif aux capital propre déterminant correspondait aux art. 31 al. 4 LHID et 81 LIFD (MGC 1994 14/II 1460 ss).

Les art. 31 et 39 LIPM ont été adoptés sans changement par rapport au PL 7090. Il s'agissait de la reprise de principes déjà appliqués en matière d'IFD (art. 53 al. 1, 60 à 62 AIFD) qui n'appelait pas de remarques particulières (MGC 1994 34/IV 3889). Cela étant, il était indéniable que la nouvelle date déterminante était plus adéquate dans un système postnumerando en ce sens qu’elle permettait de capter le dernier bénéfice déterminant. Le capital propre existant à la fin de la période fiscale s’entendait évidemment après distribution du dividende décidé consécutivement à la clôture de l’exercice pertinent (MGC 1994 34/IV 3893).

2.3 Pour la LHID, le capital propre imposable comprend, pour les associations, les fondations et les autres personnes morales, la fortune nette, déterminée conformément aux dispositions applicables aux personnes physiques (art. 29 al. 2 let. c LHID).

À cet égard, le Tribunal fédéral a notamment précisé qu’« en ce qui concerne le régime de l'impôt sur le capital, l'art. 29 al. 2 let. a et c LHID fait de manière univoque le départ entre les sociétés de capitaux et les sociétés coopératives - pour lesquelles s'appliquent le principe de l'autorité du bilan commercial (principe de déterminance), sous réserve de règles correctrices fiscales spécifiques - et les associations, fondations et les autres personnes morales, pour lesquelles la fortune nette doit être déterminée conformément aux dispositions applicables aux personnes physiques (art. 29 al. 2 let. c LHID). En d'autres termes, l'art. 29 al. 2 let. c LHID, en renvoyant aux art. 13 et 14 LHID, constitue une règle spéciale qui s'écarte du régime prévu par l'art. 29 al. 1 let. a LHID et donc, dans ce cas particulier, du principe de déterminance. Si le législateur avait voulu appliquer le principe de déterminance pour l'impôt sur le capital des fonds de placement immobiliers, il aurait dû le prévoir en ajoutant ce type de contribuables à l'énumération de l'art. 29 al. 2 let. a LHID, ce qu'il n'a pas fait. On relèvera par ailleurs qu'à l'occasion de l'introduction de la LPCC, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, l'art. 29 al. 2 let. c LHID n'a pas été modifié » (arrêt du Tribunal fédéral 9C_603/2022 du 13 mars 2023 consid. 7.1 s. et les références citées).

2.4.1 Dans le canton de Genève, l'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette après déductions sociales (art. 46 LIPP). Sont notamment soumis à l’impôt sur la fortune les éléments composant la fortune commerciale (art. 47 let. f LIPP).

L’état de la fortune mobilière et immobilière est établi au 31 décembre de l'année pour laquelle l'impôt est dû (art. 49 al. 1 LIPP).

2.4.2 Le remboursement d’apports, d’agios et de versements supplémentaires (réserves issues d’apports de capital) effectués par les détenteurs des droits de participations après le 31 décembre 1996 est traité de la même manière que le remboursement du capital-actions ou du capital social. L’art 22 al. 4 est réservé (art. 22 al. 3 LIPP).

Cette disposition reprend l’art. 20 al. 3 LIFD, dont la teneur est identique.

La possibilité en droit commercial de distribuer les apports effectués par des détenteurs de participation a fait l’objet d’un débat fourni. En effet, alors que la comptabilisation séparée des apports au bilan commercial a nouvellement été instaurée dans le droit comptable en vigueur depuis le 1er janvier 2013 (« réserves légales issues du capital », art. 959a al. 2 ch. 3 let. b CO), il sied encore de s’interroger sur les possibilités de distribution de ces apports en cours de vie sociale. Plusieurs auteurs considèrent que le remboursement des apports en capitaux, sous la forme d’une distribution de dividende, n’est pas possible […]. Cet avis n’est pas suivi par la majorité de la doctrine selon laquelle le droit commercial ne s’oppose pas au remboursement d’apports effectués par des détenteurs de parts. Selon cette conception, l’interprétation a contrario de l’art. 671 CO implique que les réserves dépassant le 50 % du montant du capital-actions peuvent être distribuées librement sous forme de dividende. Cette vision des choses, confirmée par le Tribunal fédéral (arrêt 4A_138/2014 du 16 octobre 2014 consid. 6.2.2) et qui repose notamment sur une interprétation a contrario de l’art. 671 al. 3 CO, doit être approuvée : un traitement uniforme de la réserve générale s’impose, quelle que soit la source qui l’a alimentée, et donc une utilisation et une dissolution libres de la partie de la réserve générale qui excède la moitié du capital-actions, même lorsqu’elle a été alimentée par des primes d’émission ou des versements supplémentaires. En conséquence, il n’est pas nécessaire de convertir les réserves issues d’apports de capital en réserve libre préalablement à leur distribution. L’arrêt du Tribunal fédéral précité assure ainsi indirectement la cohérence entre le droit commercial et l’exonération de l’art. 20 al. 3 LIFD (Robert DANON/Thierry OBRIST, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand de la LIFD, 2e éd., 2017, n. 325 ss ad art. 20 LIFD).

2.5.1 Le droit suisse de la comptabilité commerciale figure aux art. 957 et suivants du CO. Ces dispositions ont été modifiées, par révision du 23 décembre 2011, entrée en vigueur le 1er janvier 2013 (RO 2012 6679-6702). L’objectif poursuivi était d’uniformiser les règles comptables pour toutes les formes de sociétés régies par le droit privé, moyennant l’abrogation des normes spéciales du droit de la société anonyme, et de différencier les exigences selon l’importance économique de l’entreprise (Message du Conseil fédéral concernant la révision du CO, du 21 décembre 2007, FF 2008 1407, p. 1410 ; ATA/763/2015 du 28 juillet 2015 consid. 4).

Le nouvel art. 959a CO définit la structure minimale du bilan et du compte de résultat en s’appuyant sur la conception plus condensée du référentiel IFRS (« International Financial Reporting Standards », anciennement IAS, « International Accounting Standards ») (FF 2008 1407, p. 1443 et 1525). Pour le reste, la révision a repris le principe de l’autorité du bilan commercial, les états financiers établis selon le CO servant toujours de base à la taxation, de sorte qu’elle n’a pas eu d’incidences fiscales (FF 2008 1407, 1444).

2.5.2 Selon le principe de l’autorité du bilan commercial (ou de déterminance ; Massgeblichkeitsprinzip), le bilan commercial est déterminant en droit fiscal. Les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales, à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices spécifiques. L’autorité fiscale peut ainsi s’écarter du bilan remis par le contribuable lorsque des dispositions impératives du droit commercial sont violées ou que des normes fiscales correctrices l’exigent (ATF 141 II 83 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_857/2020 du 11 février 2021 consid. 4.1). Selon ce principe, le contribuable est lié à la situation patrimoniale de la période fiscale, telle qu’elle ressort des livres de compte régulièrement établis (arrêt du Tribunal fédéral 2C_667/2021 du 11 mars 2022 consid. 4.1 et les références citées).

2.5.3 Selon l’art. 959a al. 2 ch. 3 let. b CO, le passif du bilan est présenté par ordre d’exigibilité décroissante ; il comporte au moins les postes mentionnés, indiqués séparément et selon la structure mentionnée, dont la réserve légale issue du capital au titre des capitaux propres.

Il s’agit d’une réserve qui est alimentée par des éléments autres que le bénéfice, à savoir principalement la prime à l’émission diminuée des frais d’émission, aussi appelée l’agio. D’autres éléments alimentent cette réserve, à savoir les gains issus de la déchéance des actions (pour autant qu’aucune moins-value n’ait été réalisée par les nouvelles actions émises), et également les apports et versements supplémentaires effectués par les titulaires de titres de participation, ainsi que le bénéfice résultant de la réduction du capital-actions (Henri TORRIONE/Aurélien BARAKAT, in Pierre TERCIER/Marc AMSTUTZ [éd.], Commentaire romand, Code des obligations II, n. 15 ad art. 959a O).

2.6 Dans son ATA/167/2005, la chambre de céans, reprenant l’art. 30 LIPM et les travaux législatifs y relatifs concernant la problématique du capital propre dissimulé, appelé également « sous-capitalisation », a notamment retenu que le dividende tel que fixé par l’assemblée générale devait être considéré comme dette de la société à l’égard de ses actionnaires sur le plan fiscal dans le cadre de la détermination de l’existence d’un capital dissimulé. Cette qualification avait également pour conséquence bénéfique pour la société de réduire l’importance des fonds propres imposables. Il n’était dès lors pas possible d’exclure totalement le dividende de la répartition des passifs entre fonds propres imposables et fonds étrangers (consid. 4).

Dite jurisprudence a été confirmée à diverses reprises (ATA/435/2008 du 27 août 2008 consid. 4 ; ATA/866/2010 du 7 décembre 2010 consid. 4 ; ATA/162/2013 du 12 mars 2013 consid. 16 et 21 ; ATA/763/2015 du 28 juillet 2015 consid. 37 et 38).

3.             En l’espèce, les parties divergent quant à la prise en considération des remboursements de capital-actions effectués postérieurement au 31 décembre 2019, sur la base de la décision de l’assemblée générale du 18 juin 2020, en diminution du capital propre imposable de la recourante pour l’année fiscale 2019.

Elles s’accordent toutefois sur le fait que la situation de la recourante est régie par l’art. 31 LIPM, celle-ci étant en liquidation depuis le 24 septembre 2019.

Au vu de cette disposition légale et de l’art. 29 al. 2 let. c LHID, il s’ensuit que le capital propre imposable de la recourante correspond à sa fortune nette, laquelle doit être déterminée selon les dispositions légales applicables aux personnes physiques. À suivre la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée, relative à l’art. 29 al. 2 let. c LHID et applicable par analogie, cette approche exclut la référence au principe de déterminance du bilan commercial in casu. Ainsi, les comptes établis conformément au droit commercial ne lieraient plus les autorités fiscales en l’occurrence pour déterminer le capital propre imposable de la recourante au 31 décembre 2019.

Cependant, en parallèle, il est admis que l’intimée a pour pratique de prendre en compte les dividendes distribués postérieurement à la fin de la période fiscale, en réduction du capital propre imposable, ce que la chambre de céans a validé dans sa jurisprudence susmentionnée. Ainsi, dans le bordereau de taxation ICC contesté du 20 mai 2021, l’intimée a pris en considération la distribution de dividendes en déduction du total des actifs de la recourante. Elle a donc accepté l’application de ladite pratique en l’occurrence.

Néanmoins, l’intimée estime que tel ne saurait être le cas du remboursement des RIAC, celui-ci devant être considéré comme le remboursement du capital-actions ou du capital-social au sens des art. 22 al. 3 LIPP et 20 al. 3 LIFD.

Or, tel qu’indiqué précédemment, tant le Tribunal fédéral que la doctrine dominante, s’accordent sur le fait que le remboursement d’apports en capitaux sous la forme d’une distribution de dividende est possible. Il n’est alors pas nécessaire de convertir les RIAC en réserve libre préalablement à leur distribution. En d’autres termes, le remboursement de RIAC en vue de la distribution de dividendes est reconnu et doit être apprécié en tant que tel.

À cet égard, il n’est pas contesté que, conformément à la décision de l’assemblée générale du 18 juin 2020, la distribution d’un dividende intérimaire de CHF 53'573'669.- a été approuvée, dont CHF 33'124'000.- provenant des RIAC.

En revanche, tel n’est pas le cas pour le montant de CHF 8’981'616.- correspondant au remboursement partiel du capital-actions. Ce dernier reste donc soumis aux dispositions légales précitées.

Il résulte de ce qui précède qu’en tant que le remboursement de RIAC consistait en la distribution de dividendes (CHF 33'124'000.-), l’intimée devait l’admettre en déduction du capital propre imposable de la recourante au 31 décembre 2019. Toutefois, c’est à bon droit qu’elle ne l’a pas admis pour le remboursement partiel du capital-actions (CHF 8'981'616.-).

Par conséquent, le recours sera partiellement admis et le dossier renvoyé à l’intimée pour l’établissement d’un nouveau bordereau de taxation ICC pour l’année 2019, qui admette en déduction du capital propre imposable le montant de CHF 33'124'000.- prélevé sur les RIAC en vue de la distribution de dividendes.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument - réduit - de CHF 800.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité - réduite - de CHF 1'000.- lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 mars 2023 par A______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 février 2023 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement précité ainsi que le bordereau de taxation ICC du 20 mai 2021 en tant qu’ils n’ont pas admis en déduction du capital propre imposable le montant correspondant à la distribution de dividendes provenant des réserves légales issues d’apport de capital ;

confirme le jugement susmentionné au surplus ;

renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale pour nouveau bordereau de taxation ICC pour l’année 2019 au sens des considérants ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge de A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à A______, à la charge de l’État de Genève (administration fiscale cantonale) ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Andrio ORLER, avocat de la recourante, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :