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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1008/2023

ATA/941/2023 du 31.08.2023 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1008/2023-EXPLOI ATA/941/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 août 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Stefano FABBRO, avocat

contre

DIRECTION GÉNÉRALE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, DE LA RECHERCHE ET DE L'INNOVATION intimée
représentée par Me Stephan FRATINI, avocat

_________



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : la société) est inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 27 septembre 2013. Elle a pour but l’exploitation de cafés-restaurants, en particulier l’établissement « B______ ». C______ en est l’associée gérante, présidente, avec signature individuelle.

b. Par ordonnance pénale du 24 juin 2019, le Ministère public (ci-après : MP) a condamné C______ pour infraction à l’art. 117 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) à une peine de 120 jours amende, à CHF 30.- le jour, ainsi qu’à une amende de CHF 720.-. Elle avait, en sa qualité d’associée gérante, présidente de la société, employé entre 2017 et 2019 un travailleur qui ne disposait d’aucune autorisation d’exercer une activité lucrative en Suisse.

c. Par décision du 18 septembre 2020, le département de la sécurité, de l’emploi et de la santé, devenu depuis lors le département des institutions et du numérique
(ci-après : DIN), a exclu la société des marchés publics au niveau communal, cantonal et fédéral, ainsi que de toute aide financière cantonale et communale pour une durée de seize mois, en application de l’art. 13 de la loi fédérale concernant des mesures en matière de lutte contre le travail au noir du 17 juin 2005
(LTN - RS 822.41).

En l’absence de recours, la décision est entrée en force. Elle a été communiquée au secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) qui a ajouté la société à la liste établie en application de l’art. 13 al. 3 LTN.

De même, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) l’a ajoutée à la liste des entreprises en infraction établie en application de l’art. 45 de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004
(LIRT - J 1 05). La période d’interdiction courait du 20 octobre 2020 au 19 février 2022. Le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : le DEE) n’est pas entré en matière sur la demande de reconsidération formulée le 13 octobre 2022.

B. a. La société a déposé une demande d’aide financière pour cas de rigueur à la suite de la pandémie de Covid-19, le 22 février 2021. Elle a joint la convention d’octroi de contribution à fond perdu signée par C______ le 9 février 2021 attestant de la véracité des déclarations. Celle-ci confirmait que la société ne figurait pas sur la liste des entreprises en infraction à l’art. 13 LTN. La convention mentionnait la question de la restitution des aides et la possibilité pour l’État de procéder à des contrôles.

b. Par décision du 5 mars 2021, le DEE a octroyé à la société une aide financière de CHF 251'982.50. La décision rappelait qu’une aide perçue à tort devait être restituée.

c. La société a déposé une demande d’aide complémentaire le 8 novembre 2021. C______ avait signé, le 29 octobre 2021, une convention d’octroi confirmant que la société ne figurait pas sur la liste des entreprises en infraction aux dispositions contre le travail au noir.

La décision du DEE du 21 décembre 2021 rejetant cette demande n’a pas fait l’objet d’un recours.

C. a. Par décisions des 13 et 20 septembre 2022, au contenu identique, le département a ordonné la restitution de l’intégralité du montant alloué.

b. Par décision du 17 février 2023, le département a rejeté la réclamation formulée à l’encontre des décisions précitées. Il était contesté que le remboursement du montant indûment perçu par la société engendrerait des difficultés financières insurmontables. Le DEE demeurait à disposition dans l’hypothèse où la conclusion d’un arrangement en vue de paiement par tranches devait être nécessaire.

D. a. Par acte du 17 mars 2023, la société a interjeté recours contre la décision du 17 février 2023 devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à son annulation ainsi qu’à celle de la facture du 20 septembre 2022, subsidiairement au renvoi de la cause au département. Préalablement, le département devait produire toute directive relative à l’application de l’art. 13 LTN et le SECO la liste relative à l’art. 13 LTN depuis le 1er janvier 2020.

Les principes de la légalité et de la primauté du droit fédéral avaient été violés. En particulier l’art. 4 let. b de la loi 12'863 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après : aLAFE-2021) violait les art. 5 et 49 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101).

L’articulation entre les conditions d’éligibilité prévues par les dispositions cantonales et l’application spécifique par les autorités genevoises de l’art. 13 LTN violait le principe de l’interdiction de l’arbitraire. L’autorité intimée retenait que le simple fait d’être inscrit sur la liste des entreprises en infraction au sens de l’art. 13 LTN suffisait pour refuser toute indemnisation, de telle sorte qu’il n’était pas nécessaire de préciser la portée de la sanction prévue par ladite disposition. Dans l’hypothèse où l’art. 4 let. d aLAFE devait être considéré comme respectant le principe de la légalité, ce qui était contesté, il n’était pas manifeste que dites dispositions soient fondées sur un motif sérieux et objectif, compte tenu du contexte et du but de la réglementation des aides d’urgence. La lutte contre le travail au noir n’était pas un objectif qui devait se recouper avec celui de sauver l’économie. Ajouter ce critère dans une loi visant l’octroi d’aide d’urgence dans le cadre d’une pandémie mondiale apparaissait douteux.

Les principes d’égalité de traitement en lien avec la liberté économique et le principe de neutralité avaient été violés. Le canton avait décidé de restreindre le cercle des entreprises bénéficiaires en édictant des critères d’éligibilité de nature autre que financière. Les cafés restaurants implantés dans les autres cantons, concurrents directs, étaient soumis à des critères différents. S’il n’était pas contesté que chaque canton pouvait édicter sa propre réglementation, celle adoptée à Genève s’écartait manifestement des autres dispositions cantonales. La recourante se voyait atteinte dans sa liberté économique en comparaison avec d’autres entreprises similaires, quand bien même celles-ci étaient situées sur un autre territoire. Le même constat pouvait être fait pour les entreprises genevoises de la même branche d’activité. Le critère de distinction de l’art. 13 LTN n’était pas objectif au regard du principe d’égalité dans un contexte de crise. La pandémie avait affecté l’ensemble de l’économie et il serait contraire au sentiment de justice et d’équité de retenir que les entreprises non listées selon l’art. 13 LTN pouvaient bénéficier d’aides.

Le principe de la bonne foi avait été violé, le remboursement placerait la recourante dans une situation financière particulièrement délicate. Il était choquant que celle-ci soit contrainte de cesser son activité en raison du remboursement intégral de l’indemnité reçue en temps de crise, qui lui avait permis de maintenir son exploitation. Le différend entre les parties à la convention aurait pu être résolu selon les voies applicables aux contrats de droit administratif.

b. Le département a conclu au rejet du recours.

c. La société n’a pas souhaité répliquer dans le délai qui lui avait été accordé.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             La recourante conclut préalablement à la production, par le département, de toute directive relative à l’application de l’art. 13 LTN ainsi que, par le SECO, de sa liste établie depuis le 1er janvier 2020 en application de la même disposition.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour la personne intéressée de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Il n'empêche toutefois pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 du 20 avril 2023 consid. 3.1 et les références citées).

2.2 En l’espèce, la société ne conteste pas avoir commis une infraction à l’art. 13 LTN, ni avoir été inscrite sur les listes du SECO et de l’OCIRT au moment de sa demande d’aide financière et de son octroi. De surcroît, elle ne motive pas sur quels faits pertinents pour l’issue du litige les documents sollicités auraient une incidence. Il ne sera dès lors pas donné suite aux conclusions préalables.

3.             Dans un premier grief, la société invoque une violation des principes de la légalité et de la primauté du droit fédéral.

3.1 Selon l’art. 5 al. 1 Cst., le droit est la base et la limite de l’activité de l’État. Le principe de la légalité se compose de deux éléments : le principe de la suprématie de la loi et le principe de l’exigence de la base légale. Le premier signifie que l’autorité doit respecter l’ensemble des normes juridiques ainsi que la hiérarchie des normes. Le second implique que l’autorité ne peut agir que si la loi le lui permet ; son action devant avoir un fondement dans une loi (ATA/43/2022 du 18 janvier 2022 consid. 5 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, p. 621s, 624 et 650 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 448, 467 ss et 476 ss).

Le principe de la légalité exige donc que les autorités n'agissent que dans le cadre fixé par la loi. Il implique qu’un acte étatique se fonde sur une base légale matérielle qui est suffisamment précise et qui a été adoptée par l’organe compétent (ATF 141 II 169 consid. 3.1). L'exigence de la densité normative n'est pas absolue, car on ne saurait ordonner au législateur de renoncer totalement à recourir à des notions générales, comportant une part nécessaire d'interprétation. Cela tient à la nature générale et abstraite inhérente à toute règle de droit et à la nécessité qui en découle de laisser aux autorités d'application une certaine marge de manœuvre lors de la concrétisation de la norme. Pour déterminer quel degré de précision on est en droit d'exiger de la loi, il faut tenir compte du cercle de ses destinataires et de la gravité des atteintes qu'elle autorise aux droits fondamentaux (ATF 140 I 381 consid. 4.4 et les références citées ; ATA/928/2021 du 7 septembre 2021 consid. 6a).

3.2 Garanti à l'art. 49 al. 1 Cst., le principe de la primauté du droit fédéral fait obstacle à l'adoption ou à l'application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en œuvre, ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive. Cependant, même si la législation fédérale est considérée comme exhaustive dans un domaine donné, une loi cantonale peut subsister dans le même domaine en particulier si elle poursuit un autre but que celui recherché par le droit fédéral. En outre, même si, en raison du caractère exhaustif de la législation fédérale, le canton ne peut plus légiférer dans une matière, il n'est pas toujours privé de toute possibilité d'action. Ce n'est que lorsque la législation fédérale exclut toute réglementation dans un domaine particulier que le canton perd toute compétence pour adopter des dispositions complétives, quand bien même celles-ci ne contrediraient pas le droit fédéral ou seraient même en accord avec celui-ci (ATF 137 I 167 consid. 3.4 ; ATF 133 I 110 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_727/2011 du 19 avril 2012 consid. 3.3).

4.             Le 25 septembre 2020, l’Assemblée fédérale a adopté la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de
Covid-19 (loi Covid-19 - RS 818.102). À son art. 12, celle-ci prévoit que la Confédération peut, à la demande d’un ou de plusieurs cantons, soutenir les mesures de ces cantons pour les cas de rigueur destinées aux entreprises.

Le 25 novembre 2020, le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l’épidémie de Covid-19 (Ordonnance Covid-19 cas de rigueur ; ci-après : l’ordonnance Covid‑19 ou OMCR-20 ; RS 951.262).

4.1 La République et canton de Genève a mis en place différentes aides financières en faveur des entreprises en lien avec l'épidémie de Covid-19 : certaines reprennent les conditions de l’Ordonnance Covid-19 et pour lesquelles le canton bénéfice d'une participation financière de la Confédération au sens de cette ordonnance ; d'autres, purement cantonales, ne bénéficient pas du soutien financier de la Confédération, faute pour les entreprises concernées de remplir les critères de l’Ordonnance Covid‑19.  

4.2 Le 29 janvier 2021, le Grand Conseil a adopté l’aLAFE-2021.

La loi a pour but de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l'épidémie Covid-19 pour les entreprises sises dans le canton de Genève conformément à la loi et à l’Ordonnance Covid-19 (art. 1 al. 1), en atténuant les pertes subies par les entreprises dont les activités avaient été interdites ou réduites en raison même de leur nature entre le 1erjanvier et le 31 décembre 2021 (art. 1 al. 2), et en soutenant par des aides cantonales certaines entreprises ne remplissant pas les critères de l’Ordonnance Covid-19en raison d’une perte de chiffre d’affaires insuffisante et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes dans les limites prévues à l’art. 12 (art. 1 al. 3).

L’art. 4 prévoit des conditions cumulatives pour bénéficier des aides prévues par l’aLAFE, dont la let. b, à savoir que l’entreprise ne figure pas sur la liste des entreprises en infraction aux art. 45 de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05), 9 de la loi fédérale sur les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés en Suisse et sur les mesures d'accompagnement du 8 octobre 1999 (LDét - RS 823.20) ou 13 LTN et s’engage à respecter les usages en vigueur applicables dans leur secteur d’activité dans le canton de Genève.

4.3 Le 30 avril 2021, le Grand Conseil a adopté la loi 12'938 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après : LAFE-2021), qui a abrogé l’aLAFE-2021 (art. 23), tout en en reprenant le dispositif pour l’essentiel.

L’art. 5 LAFE reprend la condition de l’art. 4 let. b aLAFE.

4.4 La participation financière indûment perçue doit être restituée sur décision du département (art. 16 al. 1 aLAFE-2021 et 17 al. 1 LAFE-2021).

5.             Selon l’art. 13 al. 1 LTN, en cas de condamnation entrée en force d’un employeur pour cause de non-respect important ou répété des obligations en matière d’annonce et d’autorisation prévues dans la législation sur les assurances sociales ou les étrangers, l’autorité cantonale compétente exclut l’employeur concerné des futurs marchés publics au niveau communal, cantonal et fédéral pour cinq ans au plus ; elle peut par ailleurs diminuer de manière appropriée, pour cinq ans au plus, les aides financières qui sont accordées à l’employeur concerné.

5.1 Le SECO établit une liste des employeurs faisant l’objet d’une décision entrée en force d’exclusion des marchés publics ou de diminution des aides financières. Cette liste est accessible au public (art. 13 LTN). L’OCIRT tient une liste des employeurs faisant l’objet d’une sanction exécutoire pour non-respect du salaire minimum (art. 39N al. 4 LIRT) ou des usages (art. 45 al. 3 LIRT). Il publie chaque semaine une liste des entreprises contre lesquelles il a rendu une décision de refus de délivrance de l'attestation « marchés publics », pris une décision d'exclusion des marchés publics ou prononcé une décision d'interdiction d'offrir leurs services (https://www.ge.ch/conditions-travail-usage/entreprises-infraction).Celle-ci mentionne les motifs de l’inscription (art. 45 LIRT, 9 LDét ou 13 LTN).

5.2 Selon l’art. 25 al. 1 LIRT, toute entreprise soumise au respect des usages, en vertu d'une disposition légale, réglementaire ou conventionnelle, doit en principe signer auprès de l'OCIRT un engagement de respecter les usages. L'OCIRT délivre à l'entreprise l'attestation correspondante, d'une durée limitée. Selon l’art. 26A LIRT, les entreprises en infraction aux usages font l’objet des sanctions prévues à l’art. 45. Selon l’art. 45 al. 1 LIRT, l’OCIRT peut prononcer contre une entreprise qui ne respecte pas les conditions minimales de travail et de prestations sociales en ou sale ou le salaire minimum (a) une décision de refus de délivrance de l’attestation visée à l’art. 25 pour une durée de trois mois à cinq ans, (b) une amende administrative de CHF 60'000.- au plus et (c) l’exclusion de tous marchés publics pour une période de cinq ans au plus.

6.             En l’espèce, Le Tribunal fédéral a jugé que ni l'art. 12 de la Loi Covid-19, qui fixe les principes régissant les aides financières pour cas de rigueur versées par la Confédération, ni l’ Ordonnance Covid-19, qui met en œuvre ces principes, n'ouvraient un droit à l'octroi des aides financières concernées, ces textes ne faisant que fixer les conditions minimales pour que la Confédération participe financièrement aux programmes de soutien aux entreprises mis en place par les cantons (arrêt du Tribunal fédéral 2C_8/2022 du 28 septembre 2022 consid. 1.3.4).  

Le Tribunal fédéral a de même déjà jugé que ces aides financières, fondées sur la LAFE, étaient des subventions au sens de l'art. 83 let. k LTF. Il a également retenu que les aides financières cantonales reposant sur les art. 9 et 10 LAFE étaient des subventions auxquelles la législation ne donnait aucun droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_711/2022 du 9 décembre 2022 consid. 1.2 ss). 

La chambre de céans a par ailleurs déjà jugé que le droit cantonal n’introduisait pas une sanction dans la réglementation des aides Covid, mais érigeait en condition à leur octroi le fait de ne pas être inscrit sur une liste en raison d’une sanction. En matière de conditions au soutien financier fédéral aux cantons, la loi Covid-19 ne mentionnait pas la non-inscription des bénéficiaires dans les listes des entreprises sanctionnées, mais précisait que le soutien fédéral était conditionné au respect des exigences minimales de la Confédération (art. 12 al. 1sexies loi Covid-19, entré en vigueur le 20 mars 2021) réservant ainsi aux cantons la possibilité de fixer d’autres exigences (ATA/794/2022 du 9 août 2022 consid. 4c). Le recours contre cet arrêt a été déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral (arrêt 2C_741/2022 du 7 mars 2023).

En conséquence, et conformément à la jurisprudence précitée, l’art. 4 let. b aLAFE ne viole pas le principe de la primauté du droit fédéral, la Confédération ne revendiquant pas de compétences si ce n’est celle de définir les conditions auxquelles elle peut participer financièrement aux mesures définies par les cantons.

7.             Dans un second grief, la recourante se plaint d’une violation du principe de l’interdiction de l’arbitraire.

7.1 Une norme ou une décision est arbitraire lorsqu’elle ne repose pas sur des motifs objectifs sérieux ou si elle est dépourvue de sens et de but (ATF 136 I 241 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_753/2011 du 11 octobre 2012 consid. 3.2.2).

7.2 Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. lorsqu’elle est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable (ATF 142 V 512 consid. 4.2). De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 ; 144 I 170 consid. 7.3).

7.3 En soutenant que la lutte contre le travail au noir n’est pas un objectif qui devrait se recouper avec celui de sauver l’économie, la recourante ne fait que substituer son appréciation à celle du législateur. La condition posée par la législation cantonale à l’octroi de l’aide financière repose sur des motifs objectifs sérieux, poursuivis par la législation fédérale, conformément à ce qui précède. Ni l’art. 4 let. b aLAFE ni la décision querellée ne peuvent en conséquence être qualifiées d’arbitraires.

Le grief sera écarté.

8.             Dans un troisième grief, la recourante invoque la violation du principe de l’égalité de traitement en lien avec la liberté économique.

La situation des entreprises ayant fait l’objet d’une condamnation pour violation des dispositions sur le travail au noir n’est toutefois pas comparable à celles d’entreprises qui respectent la loi. De même, les entreprises listées comme ayant commis une infraction et qui se sont abstenues, pour ce motif, de solliciter l’aide pourraient se plaindre d’une inégalité de traitement si la recourante devait conserver le montant qu’elle a indûment perçu. Enfin, le Tribunal fédéral ayant reconnu la liberté des cantons d’octroyer des aides pour cas de rigueur et d’en définir les conditions d’octroi, il n’y a pas de violation du principe de l’égalité de traitement avec les entreprises sises dans un autre canton.

Infondé, le grief sera rejeté.

9.             Dans un ultime grief, la société invoque une violation du principe de la bonne foi.

Or, outre que la condition de ne pas avoir fait l’objet d’une sanction en application de l’art. 13 LTN résultait de la loi, elle était aussi mentionnée sur le formulaire de demande signée par la société. Celle-ci s’était vue notifier la décision d’exclusion des marchés publics et des aides financières en raison de la condamnation pénale de son associée gérante présidente, le 18 septembre 2020. Elle n’avait pas contesté cette décision. Elle a déposé sa demande pour cas de rigueur cinq mois plus tard. À cette occasion elle a confirmé, dans la convention d’octroi signée le 9 février 2021, par l’associée précitée, que la société ne figurait pas sur la liste des entreprises en infraction à l’art. 13 LTN, ce qu’elle savait être exact. Elle n’est dès lors pas fondée à se prévaloir d’une violation du principe de la bonne foi.

L’intervention de sa fiduciaire est sans incidence sur ce qui précède.

C’est ainsi de manière conforme à la loi que le département a réclamé le remboursement de l’aide de CHF 251'982.50 octroyée à tort le 5 mars 2021.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

10.         Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 mars 2023 par A______ contre la décision de la direction générale du développement économique, de la recherche et de l'innovation du 17 février 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Stefano FABBRO, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me Stephan FRATINI, avocat de la direction générale du développement économique, de la recherche et de l'innovation.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

P. HUGI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :