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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1278/2023

ATA/893/2023 du 22.08.2023 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1278/2023-FORMA ATA/893/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 août 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ est né le ______ 1984. Il est célibataire et sans enfant.

b. Domicilié en B______, il a travaillé à Genève du 2 juin 2020 au 31 août 2022.

c. Actuellement sans emploi, il suit une formation à Genève.

B. a. Le 27 février 2023, il a déposé auprès du service des bourses et prêts d'études (ci‑après : SBPE) une demande pour un chèque annuel de formation (ci‑après : CAF) pour la formation d’opérateur contrôle qualité, spécialisé en horlogerie.

Selon le bordereau de taxation pour l'année 2021 joint à la demande, son revenu brut s'élevait à CHF 87'009.- et sa fortune brute à CHF 1'274.-.

b. Par décision du 14 mars 2023, le SBPE a refusé sa demande, ses revenus dépassant le barème autorisé pour l'obtention d'un CAF.

c. A______ a formé réclamation contre cette décision.

d. Le 31 mars 2023, le SBPE a rejeté la réclamation.

A______ n'était plus contribuable sur le canton de Genève depuis le 31 août 2022. La loi ne prévoyait pas d'exception à sa situation.

C. a. Par acte remis à la poste le 11 avril 2023, A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative), concluant à ce qu'elle le fasse « bénéficier du chèque de formation ».

À la suite de problèmes de santé, il s'était engagé à entreprendre une réorientation professionnelle dans le domaine de l'horlogerie. La formation qu'il suivait coûtait CHF 3'900.- et le pôle emploi B______ ne la finançait pas. Il avait été contribuable dans le canton de Genève pendant 27 mois. Dès lors, et selon la Cité des métiers, il avait le droit de bénéficier d'un chèque de formation de CHF 750.-.

Sa situation financière était limitée. Actuellement demandeur d'emploi, il devait supporter financièrement ses parents qui vivaient au C______ et faisaient face à une situation économique et sanitaire très difficile.

b. Le SBPE a conclu au rejet du recours.

c. A______ n’ayant pas répliqué dans le délai imparti à cet effet, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 17 al. 2 de la loi sur la formation continue des adultes du 18 mai 2000 - LFCA - C 2 08).

1.1 L'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (art. 65 al. 1 LPA). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (art. 65 al. 2 1ère phr. LPA).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant. Une requête en annulation d’une décision doit par exemple être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a de manière suffisante manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu’elle ne développe pas d’effets juridiques (ATA/20/2022 du 11 janvier 2022 consid. 2b et les arrêts cités).

1.2 En l'espèce, le recourant n'a pas pris de conclusions formelles en annulation de la décision querellée. Cela étant, il a indiqué comme objet de son mémoire de recours « recours contre les décisions du service ». Il a également demandé à la chambre administrative de lui accorder un CAF, tout en exposant les motifs qui le justifieraient d'après lui. Ces éléments suffisent pour comprendre qu'il est en désaccord avec ladite décision et qu'il souhaite son annulation ainsi que l'octroi du CAF sollicité.

Le recours répond ainsi aux exigences de l’art. 65 LPA et est donc recevable.

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision sur réclamation de l'intimé confirmant son refus de verser au recourant un CAF.

Le recourant se plaint implicitement de la violation de l'art. 10 al. 1 LFCA.

2.1 L'État encourage la formation continue des adultes, notamment par des CAF (art. 3 al. 1 let. b LFCA) dans tous les domaines d'activité. En règle générale, son action est subsidiaire (art. 1 al. 1 LFCA).

2.2 Le CAF est une prestation tarifaire au sens de l’art. 2 al. 2 et 3, et de l’art. 12 let. c de la loi sur le revenu déterminant unifié, du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06 ; art. 9 al. 1 LFCA).

Le CAF correspond au coût de 40 heures de cours de formation continue dispensées à Genève dans tous les domaines d’activité. Des exceptions à ce principe peuvent être prévues par voie réglementaire. Pour les formations qualifiantes, les formations de base, les formations ciblées sur un métier, les formations transversales avec certification, le montant du chèque annuel de formation ne peut être supérieur à CHF 750.-. Pour les formations transversales sans certification, le montant du chèque annuel ne peut être supérieur à 500.- (art. 9A al. 1 LFCA).

2.3 Le SBPE délivre un chèque annuel de formation notamment aux personnes majeures domiciliées et contribuables dans le canton depuis un an au moins au moment de la demande (art. 10 al. 1 let. a LFCA) et aux personnes majeures qui sont au bénéfice d'un permis de travailleur frontalier depuis un an au moins au moment de la demande (art. 10 al. 1 let. b LFCA).

Pour l’octroi du chèque annuel de formation, le revenu déterminant unifié est celui résultant de la LRDU (art. 11 al. 1 LFCA). La limite du barème du revenu déterminant unifié pour l’octroi du chèque annuel de formation est fixée à CHF 72'000.- pour une personne célibataire (art. 11 al. 2 let. a LFCA). Le règlement d’application de la LFCA précise les modalités d’octroi (art. 11 al. 6 LFCA).

Le SBPE décide de l’octroi d’un chèque annuel de formation, valant titre de paiement, aux personnes majeures qui remplissent les conditions posées aux art. 10 et 11 LFCA (art. 24 al. 1 du règlement d’application de la loi sur la formation continue des adultes du 13 décembre 2000 - RFCA - C 2 08.01). La personne majeure qui sollicite un chèque annuel de formation doit être domiciliée et contribuable dans le canton, sans interruption depuis une année au moins, au moment du début de la formation pour laquelle la demande est présentée (art. 24 al. 2 RFCA).

2.4 En l'espèce, le recourant n'est pas domicilié dans le canton de Genève et n'y travaille pas, ce qui n'est pas contesté. Il ne remplit dès lors pas les conditions de l'art. 10 al. 1 LFCA lui permettant de prétendre à l'octroi d'un CAF.

C'est donc à bon droit que l'intimé a refusé de lui en délivrer un.

Le fait qu'il ait travaillé à Genève du 2 juin 2020 au 31 août 2022 et qu'il se trouve dans une situation financière difficile n'y change rien, la loi ne permettant pas aux autorités de retenir de telles circonstances à son profit et de pallier le fait qu'il ne remplit pas les conditions strictes posées par l'article précité.

Le grief sera dès lors écarté, étant précisé que ce qui précède rend superflu l'examen de la conformité à l'art. 11 LFCA de la décision querellée.

3.             Le recourant semble se plaindre d'une violation du principe de la bonne foi, la Cité des métiers lui ayant selon ses dires indiqué qu'il aurait le droit à un CAF de CHF 750.-.

3.1 Découlant directement de l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_104/2019 du 21 avril 2020 consid. 4.1 ; Luc GONIN, Droit constitutionnel suisse, 2021, p. 624 n. 2023). Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 4.1 ; 2D_42/2019 du 25 mars 2020 consid. 5.1).

3.2 Le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse, soit pour lui l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue, est chargé de l’application de LFCA ainsi que du RFCA (art. 1 al. 1 RFCA). Sont réservées les compétences dévolues par la LFCA et le RFCA au service des bourses et prêts d’études (art. 1 al. 3 RFCA).

3.3 En l'espèce, l'autorité administrative compétente pour délivrer un CAF est le SBPE (art. 10 al. 1 LFCA ; art. 1 al. 3 et 24 al. 1 RFCA), rattaché au département de la cohésion sociale (art. 9 al. 1 let. c ch. 5 du règlement sur l'organisation de l'administration cantonale du 1er juin 2018 - ROAC - B 4 05.10).

La Cité des métiers n'étant dès lors pas compétente à cet égard, le renseignement –  erroné – qu'elle aurait donné au recourant n'a aucune valeur et ne produit ainsi aucun effet juridique. En particulier, il ne saurait obliger l'intimé à délivrer au recourant un CAF, soit en l'occurrence un avantage qui serait contraire à l'art. 10 LFCA. En outre, le recourant pouvait se rendre compte que la Cité des métiers n'était pas le service compétent pour délivrer un CAF. Ainsi, même s'il était établi que la Cité des métiers lui avait donné un renseignement erroné, il ne peut pas en déduire une prétention.

Le grief sera ainsi écarté et le recours, mal fondé, sera rejeté.

 

4.             Malgré l'issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument, la procédure étant gratuite (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Il n’y a pas lieu d'allouer une indemnité de procédure au SBPE, qui n'a au demeurant et à juste titre pris aucune conclusion en ce sens (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 avril 2023 par A______ contre la décision sur réclamation du service des bourses et prêts d'études du 31 mars 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au service des bourses et prêts d'études.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :