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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1155/2023

ATA/892/2023 du 22.08.2023 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1155/2023-AIDSO ATA/892/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 août 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé

 



EN FAIT

A. a. A______, né en 1977, a épousé B______. De cette union est née C______, en 2005.

b. Les époux ont divorcé le 26 novembre 2013.

À teneur du jugement de divorce, la garde de l'enfant a été attribuée à B______, tandis que A______ disposait d'un large droit de visite s'exerçant à raison d'un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires.

c. A______ a bénéficié de prestations allouées par l'Hospice général (ci-après : l'hospice) du 1er mars 2018 au 31 octobre 2018 et en bénéficie également depuis le 1er novembre 2019.

B. a. Le 22 décembre 2021, il a indiqué à la direction générale de l'hospice avoir appris au mois de novembre, à l'occasion d'un cours sur le désendettement, qu'il avait le droit de toucher un montant de CHF 20.- par jour quand il recevait sa fille. Or, il n'avait rien touché depuis deux ans car personne ne lui en avait parlé.

Il a demandé s'il était possible de percevoir cette somme de façon rétroactive.

b. Le 15 juillet 2022, le centre d'action social (CAS) des D______ a refusé de lui allouer, à titre rétroactif, des frais de séjour pour enfant pour la période s'étendant du 1er novembre 2019 au 31 octobre 2021, le droit à ces frais débutant le jour où le bénéficiaire informait l'hospice qu'il exerçait effectivement son droit de visite prévu dans une décision judiciaire.

C. a. A______ a formé opposition contre cette décision.

Avant de suivre le cours sur le désendettement, il n'avait jamais eu connaissance de la possibilité de toucher la somme de CHF 20.- quand il recevait sa fille. Il avait transmis à l'hospice à plusieurs reprises le jugement de divorce et la convention annexée.

Son assistante sociale ne lui avait jamais transmis l'information nécessaire. Le service ayant commis une faute, il devait en assumer les conséquences.

L'hospice n'informait pas les bénéficiaires de l'existence de son règlement. Dès lors, même s'il s'était lui-même renseigné, il n'aurait pas trouvé l'information.

b. Le 30 mars 2022, l'hospice a rejeté l'opposition, persistant dans les termes de sa décision du 15 juillet 2022 et ajoutant notamment que le bénéficiaire avait été largement informé de ses droits et n'avait jamais fait état à son assistante sociale de difficultés financières qui auraient été liées à l'exercice de son droit de visite.

D. a. Par acte remis à la poste le 31 mars 2023, A______ a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), persistant dans les termes de son opposition et relevant qu'il n'était pas fautif du fait que l'hospice ne lui donnait pas d'informations sur ses droits.

Il était injuste que de l'argent qui lui était dû ne lui fût pas rendu en raison d'une erreur de son assistante sociale.

b. L'hospice a conclu au rejet du recours.

c. A______ n'ayant pas répliqué dans le délai imparti à cet effet, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 52 de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 - LIASI - J 4 04).

1.1 L'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (art. 65 al. 1 LPA). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (art. 65 al. 2 1ère phr. LPA).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant. Une requête en annulation d’une décision doit par exemple être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a de manière suffisante manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu’elle ne développe pas d’effets juridiques (ATA/20/2022 du 11 janvier 2022 consid. 2b et les arrêts cités).

1.2 En l'espèce, le recourant n'a pas pris de conclusions formelles en annulation de la décision querellée. Cela étant, il a exposé de façon circonstanciée les raisons pour lesquelles il estime avoir droit à titre rétroactif à des frais de séjour pour enfant et s'est notamment dit lésé par la décision entreprise. Ces éléments suffisent pour comprendre qu'il est en désaccord avec cette décision et souhaite son annulation.

Le recours répond ainsi aux exigences de l’art. 65 LPA et est donc recevable.

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision refusant d'octroyer au recourant des frais de séjour temporaire pour enfant, à titre rétroactif, pour la période du 1er novembre 2019 au 31 octobre 2021.

2.1 Aux termes de l’art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

2.2 En droit genevois, la LIASI et son règlement d’exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) mettent en œuvre ce principe constitutionnel.

À teneur de son art. 1 al. 1, la LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel

2.3 Ont droit à des prestations d'aide financière les personnes majeures qui ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien ou à celui des membres de la famille dont ils ont la charge (art. 8 al. 1 LIASI). L’art. 11 al. 1 LIASI précise que ces personnes doivent avoir leur domicile et leur résidence effective sur le territoire genevois (let. a), ne pas être en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) et répondre aux autres conditions de la LIASI (let. c).

Les prestations d'aide financière sont accordées aux personnes dont le revenu mensuel déterminant n'atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d'État (art. 21 al. 1 LIASI).

Font notamment partie des besoins de base les prestations circonstancielles destinées à prendre en charge d'autres frais, définies par règlement du Conseil d'État (art. 21 al. 2 let. d LIASI). Le Conseil d'État définit par règlement les suppléments d'intégration pris en compte, en dérogation à l'art. 25 al. 1 let. a dans le calcul du droit aux prestations d'aide financière. Il en fixe les montants et les conditions d'octroi (art. 21 al. 3 LIASI).

Selon l'art. 25 al. 1 LIASI, peuvent être accordées aux personnes qui, en application des art. 21 à 24 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière, les suppléments d'intégration à titre de prestations à caractère incitatif (let. a) et les autres prestations circonstancielles (let. b). Le Conseil d'Etat définit par règlement ces prestations et fixe leurs conditions d'octroi (art. 25 al. 2 LIASI).

2.4 L'art. 9 RIASI établit une liste des autres prestations circonstancielles, dont les frais de séjour temporaire d'un enfant font partie (al. 11). Aux termes de cet article, une participation aux frais de séjour temporaire d'un enfant, de CHF 20.- par jour et par enfant, est accordée au parent qui n'en a pas la garde lorsqu'il reçoit son enfant, à concurrence du droit de visite fixé par le juge et dans la limite du montant maximum correspondant à l'entretien mensuel d'une personne supplémentaire.

Les autres prestations circonstancielles décrites à l'art. 9 al. 2 ss RIASI sont accordées au bénéficiaire de prestations d'aide financière aux conditions cumulatives et dans les limites suivantes : les frais concernent des prestations de tiers reçues durant une période d’aide financière au sens de l’art. 28 LIASI (let.  a) et la facture du prestataire ou le décompte de l’assureur relatif à ces frais sont présentés au remboursement dans le délai de trois mois à compter de la date à laquelle ils sont établis (let. b ; art. 9 al. 1 RIASI).

Selon la jurisprudence, l'octroi des frais de séjour correspond à une prestation d’aide financière au sens de l'art. 25 al. 1 let. a et b LIASI (ATA/850/2022 du 23 août 2022 consid. 6e).

2.5 Le droit aux prestations d'aide financière naît dès que les conditions de la LIASI sont remplies, mais au plus tôt le premier jour du mois du dépôt de la demande (art. 28 al. 1 LIASI).

Le sens clair et univoque de l'art. 28 al. 1 LIASI n'offre pas de marge d'interprétation. La chambre de céans a eu l'occasion de confirmer que la naissance du droit remontait au premier jour du mois durant lequel le SPC avait été saisi d'une demande et du dossier lui permettant d'examiner le droit aux prestations sociales, et que ce service ne pouvait légalement l'accorder pour une période antérieure (ATA/583/2021 du 1er juin 2021 consid. 5b et l'arrêt cité).

Les prestations d'aide financière prévues par la LIASI doivent faire l'objet d'une demande écrite de l'intéressé ou de son représentant légal, adressée à l'hospice (art. 31 LIASI). Le demandeur ou son représentant légal doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière (art. 32 al. 1 LIAISI).

2.6 Ancré à l'art. 9 Cst., et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_596/2022 du 8 novembre 2022 consid. 8.1). En particulier, l'administration doit s'abstenir de tout comportement propre à tromper l'administré et ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_596/2022 du 8 novembre 2022 consid. 8.1). La protection de la bonne foi ne s'applique pas si l'intéressé connaissait l'inexactitude de l'indication ou aurait pu la connaître en consultant simplement les dispositions légales pertinentes (ATF 135 III 489 consid. 4.4 ; 134 I 199 consid. 1.3.1).

Selon la jurisprudence rendue en matière d'assurances sociales, le défaut de renseignement dans une situation où une obligation de renseigner est prévue par la loi, ou lorsque les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé une information de l'assureur, est assimilé à une déclaration erronée de sa part qui peut, à certaines conditions, obliger l'autorité à consentir à un administré un avantage auquel il n'aurait pas pu prétendre, en vertu du principe de la protection de la bonne foi découlant de l'art. 9 Cst. Un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (a) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (b) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (c) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement (« ohne weiteres ») de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour (d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (e) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée. Ces principes s'appliquent par analogie au défaut de renseignement, la condition (c) devant toutefois être formulée de la façon suivante : que l'administré n'ait pas eu connaissance du contenu du renseignement omis ou que ce contenu était tellement évident qu'il n'avait pas à s'attendre à une autre information (ATF 143 V 341 consid. 5.2.1; 131 V 472 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C 419/2022 du 6 avril 2023 consid. 4.3).

3.             En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant a requis – implicitement en tout cas – le 22 décembre 2021, mais jamais auparavant, l'octroi d'un versement pour ses frais de séjour temporaire pour enfant pour la période du 1er novembre 2019 au 31 octobre 2021.

Il a donc déposé une demande d'aide pour une période antérieure au jour du dépôt de sa requête. Par conséquent, dans la mesure où l'aide sociale ne peut rétroagir antérieurement au début du mois du dépôt de la demande, la sienne est tardive, de sorte qu'il ne peut prétendre à l'octroi dudit versement à titre rétroactif.

La décision querellée est donc conforme à la loi.

Il reste néanmoins à déterminer si le grief invoqué par le recourant est susceptible de renverser ce constat.

Celui-ci se prévaut d'une faute de l'intimé, dans la mesure où il aurait reçu l'information nécessaire à l'exercice de son droit tardivement, soit après le 31 octobre 2021. À son sens, les manquements de l'administration devraient la conduire à lui octroyer les montants sollicités. Ce faisant, le recourant invoque en réalité une violation du principe de la bonne foi.

De son côté, l'intimé avance en substance que le recourant aurait été largement informé du droit dont il se prévaut, de sorte qu'il n'aurait commis aucune faute.

Les développements respectifs des parties sur le manque de collaboration et d'information de chacun ne sont toutefois pas pertinents, vu ce qui suit.

La jurisprudence relative au défaut de renseignement dans le domaine des assurances sociales et à ses conséquences, rappelée ci-dessus, prévoit que le défaut de renseignement peut obliger l'autorité à consentir à un administré un avantage auquel il n'aurait pas pu prétendre lorsque cinq conditions cumulatives sont remplies. En l'occurrence, même en admettant que cette jurisprudence soit applicable au domaine de l'aide sociale, question qui souffrira de rester indécise, il ne ressort pas du dossier, et le recourant ne l'allègue pas, qu'il aurait, en raison de l'absence de renseignements utiles dont il se prévaut, pris des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice en vue de l'exercice de son droit de garde sur sa fille. Cette condition cumulative faisant ainsi défaut, il ne saurait bénéficier d'un avantage indu, soit en l'occurrence le versement à titre rétroactif de prestations pour ses frais de séjour temporaire pour enfant.

Le grief sera donc écarté et le recours, mal fondé, sera rejeté.

4.             Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée, le recourant succombant (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 mars 2023 par A______ contre la décision de l'Hospice général du 30 mars 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :