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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/650/2023

ATA/868/2023 du 21.08.2023 ( EXPLOI ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.09.2023, rendu le 28.02.2024, ADMIS, 2C_520/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/650/2023-EXPLOI ATA/868/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 août 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ Sàrl recourante
représentée par Me Marc-Alec BRUTTIN, avocat

contre

DIRECTION GÉNÉRALE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, DE LA RECHERCHE ET DE L'INNOVATION intimée
représentée par Me Gabriel AUBERT, avocat

 



EN FAIT

A. a. La société A______ Sàrl (ci-après : A______) est inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 26 janvier 2018. Elle a pour buts statutaires la création, l'achat, la vente, l'exploitation et la gestion de dancings, clubs privés, bars, restaurants, cafés-brasseries ou autres établissements similaires.

Elle exploite un cabaret-dancing à Genève.

b. Ce dernier a été fermé du 1er janvier 2021 au 26 juin 2021, à la suite de l'arrêté d'application de l'ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l’épidémie de COVID-19 en situation particulière du 19 juin 2020 et sur les mesures de protection de la population, du 1er novembre 2020.

B. a. A______ et l'État de Genève, soit pour lui le département du développement économique, devenu le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : DEE), ont signé une convention d'octroi de contribution à fonds perdus.

b. Le 19 mars 2021, A______ a déposé une demande pour cas de rigueur pour la période de fermeture du 1er janvier 2021 au 25 juin 2021, en indiquant des coûts fixes 2020 provisoires de CHF 1'139'775.-, dont CHF 475'370.- de charges salariales.

c. Le 6 avril 2021, le DEE a octroyé à A______ une aide financière de CHF 414'715.70, retenant des coûts fixes de CHF 711'942.-.

d. Le 28 octobre 2021, A______ a déposé une nouvelle demande d'aide financière extraordinaire. Elle a présenté des coûts fixes définitifs 2020 de CHF 993'098.-, dont CHF 493'772.- de charges salariales.

e. Après instruction de la demande, le DEE a exposé à A______ qu'en considérant désormais des coûts fixes de CHF 548'703.20 pour l'année 2020, et non plus de CHF 711'942.-, et un chiffre d'affaires (ci-après : CA) nul pendant la période de fermeture du 1er janvier 2021 au 25 juin 2021, l'aide financière pour cette période s'élevait à CHF 264'580.20, soit un montant inférieur à celui qui avait été versé (CHF 414'715.70).

Elle était donc en droit de prononcer une décision en restitution de la part d'indemnisation indûment perçue, soit CHF 150'135.50.-. Néanmoins, A______ ayant accusé un recul du CA d'au moins 25% en 2020, celle-ci pouvait prétendre à une indemnisation à ce titre.

Le DEE a donc invité la société à notamment remplir le formulaire concerné en vue de déterminer dans quelle mesure elle pourrait bénéficier d'une aide financière complémentaires pour recul du CA durant la période du 1er janvier 2021 au 30 juin 2021.

f. Le DEE a refusé d'octroyer à A______ une aide financière complémentaire pour la période précitée, la société ayant déposé au préalable une demande en ce sens.

Toutefois, dans la mesure où elle pouvait bénéficier d'une aide financière pour le second semestre 2021, le DEE l'a une nouvelle fois invitée à remplir le formulaire concerné en vue d'évaluer son droit à une aide complémentaire pour ledit semestre.

g. Par décision du 19 juillet 2022, la direction générale du développement économique, de la recherche et de l'innovation (ci-après : DG DERI), rattachée au DEE, a indiqué à A______ qu'elle ne pouvait prétendre à une aide financière pour le second semestre 2021 et lui a ordonné de rembourser la part d'indemnisation indûment perçue de CHF 150'135.50.

C. a. A______ a formé réclamation contre cette décision, contestant le principe du remboursement.

b. Par décision du 24 janvier 2023, la DG DERI a rejeté la réclamation.

L'analyse financière relative à l'exercice comptable 2020 s'était portée dans un premier temps sur les états financiers 2020 provisoires fournis le 19 mars 2021. Ces chiffres différaient de ceux retenus pour le même exercice comptable, transmis au titre des états financiers définitifs 2020 le 28 octobre 2021. Le processus d'évaluation des demandes avait évolué depuis le début du programme, passant d'un examen de droit à l'aide fondé sur un principe déclaratif à une analyse approfondie s'appuyant sur les éléments comptables définitifs.

D. a. Par acte remis au guichet universel du Pouvoir judiciaire le 24 février 2023, A______ a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à son annulation.

Le principe du remboursement était infondé à plusieurs titres.

La participation financière n'avait pas été perçue indûment car elle avait été établie et fixée par le DEE. Seules pouvaient être perçues indûment les indemnités versées sur la base des chiffres d'affaires 2018 et 2019 ainsi que les coûts totaux 2020 qui auraient été erronés. Or, tel n'était en l'occurrence pas le cas.

Dans sa décision du 6 avril 2021, le département avait retenu un montant de CHF 711'942.- à titre de coûts fixes pour l'année 2020. Il ne pouvait dès lors pas, sans explications pertinentes, retenir par la suite un montant de CHF 548'703.20.

La méthode de calcul ne ressortait ni de la loi applicable ni de son règlement.

b. La DEE a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique, A______ a requis la comparution personnelle des parties et relevé que le montant retenu par le DEE à titre de coûts fixes définitifs pour l'année 2020 était erroné. Il aurait dû retenir un montant de CHF 757'995.96.-, de sorte qu'elle ne devait lui restituer aucun montant.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             La recourante sollicite la comparution personnelle des parties.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour la personne intéressée de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Il n'empêche toutefois pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 du 20 avril 2023 consid. 3.1 et les références citées).

2.2 En l'espèce, la recourante s’est vu offrir la possibilité de faire valoir ses arguments par écrit devant l'intimée et la chambre de céans et s'est exprimée de manière circonstanciée sur l'objet du litige. Celle-ci dispose ainsi d'un dossier complet, qui contient notamment les écritures des parties, ainsi que les pièces produites à leur appui.

De surcroît, la recourante n'indique pas quels éléments pertinents qui n’auraient pu être produits par écrit l'audition des parties permettrait d’apporter à la solution du litige.

Au vu de ce qui précède, le litige apparaît en état d’être jugé, sans qu'il soit nécessaire de procéder oralement.

Il ne sera dès lors pas donné suite à la mesure d'instruction sollicitée par la recourante.

3.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision sur réclamation de l'intimée confirmant l'ordre adressé à la recourante de restituer un montant de CHF 150'135.50 dévolu au titre d'aide financière extraordinaire dans le contexte de la crise du Covid-19.

4.             La recourante conteste le principe même du remboursement, dans la mesure où l'aide octroyée l'aurait été à fonds perdus. Elle soutient également que la loi invoquée pour la restitution ne serait pas celle qui était en vigueur au moment de l'octroi de l'aide.

4.1 Le 25 septembre 2020, l’Assemblée fédérale a adopté la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de Covid-19 (loi Covid-19 - RS 818.102).

L’art. 12 de la loi Covid-19, dans sa teneur au 1er avril 2021 applicable au cas d’espèce, prévoit les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises. À la demande d’un ou de plusieurs cantons, la Confédération peut soutenir les mesures de ces cantons pour les cas de rigueur destinées aux entreprises individuelles, aux sociétés de personnes ou aux personnes morales ayant leur siège en Suisse (entreprises) qui ont été créées ou ont commencé leur activité commerciale avant le 1er octobre 2020, avaient leur siège dans le canton le 1er octobre 2020, sont particulièrement touchées par les conséquences de l’épidémie de COVID-19 en raison de la nature même de leur activité économique et constituent un cas de rigueur, en particulier les entreprises actives dans la chaîne de création de valeur du secteur événementiel, les forains, les prestataires du secteur des voyages, de la restauration et de l’hôtellerie ainsi que les entreprises touristiques (al. 1). Il y a cas de rigueur au sens de l’al. 1 si le CA annuel de l’entreprise est inférieur à 60% de la moyenne pluriannuelle. La situation patrimoniale et la dotation en capital globales doivent être prises en considération, ainsi que la part des coûts fixes non couverts (al. 1bis).

L’art. 12 al. 4 de la loi Covid-19 prévoit que le Conseil fédéral règle les détails dans une ordonnance.

4.2 Le 25 novembre 2020, le Conseil fédéral a adopté l'ordonnance concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l’épidémie de COVID-19 (ordonnance Covid-19 cas de rigueur - RS 951.262). Dans sa version du 1er avril 2021, applicable en l’occurrence, son art. 3 prévoit que l’entreprise a fourni au canton les justificatifs suivants : elle s’est inscrite au registre du commerce avant le 1er octobre 2020, ou, à défaut d’inscription au registre du commerce, a été créée avant le 1er octobre 2020 (let. a) ; elle a réalisé pour les exercices 2018 et 2019 un chiffre d’affaires moyen d’au moins CHF 50'000.- (let. b) ; elle paie la plus grande partie de ses charges salariales en Suisse (let. c). Le chiffre d’affaires au sens de la présente ordonnance se réfère au compte individuel de l’entreprise requérante (al. 3).

4.3 Le 29 janvier 2021, le Grand Conseil genevois a adopté la loi 12863 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après : aLAFE-2021).

La loi a pour but de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l'épidémie de coronavirus (Covid-19) pour les entreprises sises dans le canton de Genève conformément à la loi et à l’ordonnance Covid-19 (art. 1 al. 1), en atténuant les pertes subies par les entreprises dont les activités avaient été interdites ou réduites en raison même de leur nature entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2021 (art. 1 al. 2), et en soutenant par des aides cantonales certaines entreprises ne remplissant pas les critères de l’ordonnance Covid-19 en raison d’une perte de chiffre d’affaire insuffisante et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes dans les limites prévues à l’art. 12 (art. 1 al. 3).

Les aides financières consistent en une participation de l’État aux coûts fixes non couverts de certaines entreprises (art. 2 al. 1). Les aides financières octroyées en application des lois 12783, 12812, 12824, 12825, 12826 et 12833 demeurent acquises s’agissant du calcul des montants alloués pour l’année 2020, sous réserve d'un paiement indu découvert a posteriori (art. 2 al. 4). Les versements déjà effectués en application des lois 12802, 12803, 12807, 12808, 12809, 12810 et 12813 pour la période du 26 septembre 2020 au 31 décembre 2021 sont déduits de l'aide apportée dans le cadre de la loi (art. 2 al. 5). L'aide financière n'est accordée que si les entreprises satisfont les critères d'éligibilité définis par la loi (art. 2 al. 7).

Peuvent prétendre à une aide les entreprises qui, en raison des mesures prises par la Confédération ou le canton pour endiguer l'épidémie de Covid-19, doivent cesser totalement ou partiellement leur activité selon les modalités précisées dans le règlement d'application (art. 3 al. 1 let. a), ou dont le chiffre d'affaires a subi une baisse substantielle selon les dispositions de l’ordonnance Covid-19 (art. 3 al. 1 let. b) ou dont la baisse de chiffre d'affaires enregistrée se situe entre 25% et 40% et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes (art. 3 al. 1 let. c). L'aide financière demandée en raison de l'al. 1 let. b est réduite de l'aide financière éventuelle apportée durant la même période suite à une demande fondée sur l'al. 1 let. a (al. 3).

L'aide financière extraordinaire consiste en une participation à fonds perdu de l'État de Genève destinée à couvrir les coûts fixes de l'entreprise (art. 5 al. 1). Sont considérés comme coûts fixes les charges fixes incompressibles liées à l'activité, indispensables au maintien de cette dernière, notamment le loyer, les fluides, les assurances et les contrats de location liés à l'activité commerciale (art. 5 al. 2). La liste des coûts fixes pris en compte et le calcul du montant de la participation sont établie par le règlement (art. 5 al. 3).

L’indemnité est versée aux entreprises dont l’activité est interdite par décision des autorités fédérales ou cantonales (art. 7 et 8), dont le CA est inférieur à 60% du CA antérieur (art. 9 à 11 ; art. 5 al. 1 de l’ordonnance Covid-19), des aides pouvant être octroyées aux entreprises dont la baisse du CA se situe entre 25% et 40% du CA moyen antérieur (art. 12).

L’indemnité – versée aux établissements dont l'activité est interdite par décision des autorités fédérales ou cantonales – n’est accordée que durant la période pendant laquelle l'activité est totalement ou partiellement interdite suite à une décision des autorités fédérales ou cantonales (art. 8 al. 1). Son montant est déterminé par voie réglementaire, calculé au prorata du nombre de jours pendant lesquels l'activité est totalement ou partiellement interdite (art. 8 al. 2) et est en principe au plus de CHF 750'000.- et 20% du CA (art. 8 al. 3, 11 al. 2 et 12 al. 2).

Aux termes de l'art. 14 al. 1 aLAFE-2021, l’aide financière est accordée sur demande du bénéficiaire potentiel ou de son mandataire ; la demande est adressée au DEE sur la base d’un formulaire spécifique, accompagné notamment de toutes les pièces utiles attestant des coûts fixes du bénéficiaire.

Selon l'art. 15 aLAFE-2021, intitulé « obligation de renseigner », le bénéficiaire de l’aide et/ou son mandataire collaborent à l’instruction du dossier et renseignent régulièrement le DEE afin de lui présenter une image fidèle et transparente de l'évolution des charges du bénéficiaire (al. 1) ; le demandeur autorise en tout temps le contrôle du respect des conventions collectives ou usages applicables ainsi que le paiement effectif des charges sociales (al. 2) ; le DEE peut en tout temps effectuer des contrôles dans les locaux du bénéficiaire et y consulter les livres, ou tout document utile, et être renseigné sur l'état de comptes bancaires ou postaux (al. 3).

La participation financière indûment perçue doit être restituée sur décision du DEE (16 al. 1 aLAFE-2021). Est indûment perçue la participation financière utilisée à d’autres fins que la couverture des coûts fixes tels que précisés à l'art. 5 aLAFE-2021.

4.4 Le 3 février 2021, le Conseil d’État a adopté le règlement d'application de la loi 12863 relative aux aides financières extraordinaires de l'État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus, pour l'année 2021 (aRAFE-2021).

L'aide financière est à fonds perdu (art. 4 al. 1 aRAFE-2021). Elle consiste en une participation de l'État de Genève destinée à endosser les coûts fixes non couverts de l'entreprise.

Selon l’art. 5 al. 1, les coûts fixes comprennent le loyer et les charges locatives (let. a), les fluides (let. b), les abonnements et engagements fixes (let. c), les assurances liées à l’activité commerciale (let. d), les frais administratifs (let. e), les frais de véhicules (let. f), les charges d’amortissement (let. g), les charges financières (let. h), les charges de leasing (let. i) et les charges sociales patronales sur une base forfaitaire (let. j).

Les charges sociales patronales sont prises en compte sur la base d'une couverture forfaitaire de 10% des charges de personnel, qui vise à couvrir notamment les cotisations de l'employeur à la prévoyance professionnelle, aux allocations familiales et à l'assurance-maternité (art. 5 al. 2 aRAFE-2021).

Peuvent prétendre à une aide financière les entreprises qui, en raison des mesures prises par la Confédération ou le canton de Genève pour endiguer l'épidémie de COVID-19, ont dû cesser totalement ou partiellement leur activité suite à la fermeture de leur établissement pour au moins 40 jours entre le 1er novembre 2020 et le 30 juin 2021 (art. 8 al. 1 aRAFE-2021).

Le montant de l'indemnité correspond aux coûts fixes de l'entreprise en 2020, calculé au prorata du nombre de jours, à compter du 1er janvier 2021, pendant lesquels l'activité est totalement ou partiellement interdite (art. 9 al. 1 aRAFE-2021). Est déduite du montant de l'indemnité accordée la part des coûts fixes couverts par le chiffre d'affaires éventuel, réalisé pendant la période de fermeture (vente à l'emporter, click and collect ; art. 9 al. 2 aRAFE-2021).

Selon l'art. 17 aRAFE-2021, l'entreprise demanderesse et le DEE signent une convention qui permet notamment au DEE d'obtenir des données sur l'entreprise nécessaires à l'étude des dossiers et à la gestion des aides auprès d'autres services fédéraux, cantonaux ou communaux. L'entreprise demanderesse collabore à l’instruction du dossier et renseigne régulièrement le DEE, afin de lui présenter une image fidèle et transparente de la marche de ses affaires (art. 20 aRAFE-2021). Les entreprises ayant bénéficié de l'octroi d'une aide s'engagent à faire parvenir au DEE, sur sa demande, durant les trois années qui suivent le versement de l'aide, la documentation permettant de vérifier que les conditions d'octroi ont été respectées (art. 23 aRAFE-2021).

Les montants indûment perçus, conformément à l'art. 16 aLAFE-2021, doivent être restitués (art. 24 al. 1 aRAFE-2021). Les entreprises doivent porter sans délai à la connaissance du département tout évènement qui rendrait exigible le remboursement de l'aide (art. 24 al. 2 aRAFE-2021).

4.5 Le 30 avril 2021, le Grand Conseil a adopté la loi 12938 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après : LAFE-2021), qui a abrogé l’aLAFE-2021 (art. 23), tout en en reprenant le dispositif pour l’essentiel.

La participation financière indûment perçue doit être restituée sur décision du département (art. 17 al. 1 LAFE-2021). Est indûment perçue la participation financière utilisée à d’autres fins que la couverture des coûts fixes tels que précisés à l'art. 3 (art. 17 al. 2 LAFE-2021).

4.6 Le 5 mai 2021, le Conseil d'État a adopté le règlement d'application de la loi 12938 relative aux aides financières extraordinaires de l'État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus, pour l'année 2021 (ci-après : RAFE-2021), qui a abrogé l’aRAFE-2021 (art. 31), tout en en reprenant le dispositif pour l’essentiel, et a été modifié le 7 juillet 2021.

Le montant de l'indemnité correspond aux coûts fixes 2020 admis au sens de l’art. 7, dont la teneur correspond à celle de l'art. 5 aRAFE-2021, calculé à compter du 1er janvier 2021 au prorata du nombre de jours pendant lesquels l'activité est totalement ou partiellement interdite (art. 9 al. 1 RAFE-2021).

L'entreprise demanderesse et le DEE signent une convention qui permet au DEE de se procurer des données sur l’entreprise concernée auprès d’autres offices de la Confédération et des cantons ou de communiquer à ces offices des données sur l’entreprise, dans la mesure où celles-ci sont nécessaires à l’examen des demandes, à la gestion des aides et à la lutte contre les abus (art. 22 RAFE-2021).

L'entreprise demanderesse collabore à l’instruction du dossier et renseigne régulièrement le DEE, afin de lui présenter une image fidèle et transparente de la marche de ses affaires (art. 25 RAFE-2021). En cas d'octroi d'une aide financière et versement d’un acompte, une décision rappelant les conditions et modalités d'octroi et de versement ainsi que les obligations du bénéficiaire est adressée aux entreprises (art. 27 al. 1 RAFE-2021). Les entreprises ayant bénéficié de l'octroi d'une aide s'engagent à faire parvenir au DEE, sur sa demande, durant l’exercice au cours duquel le versement de l’aide a été effectué et durant les trois années qui suivent, la documentation permettant de vérifier que les conditions d'octroi ont été respectées (art. 28 RAFE-2021). Les entreprises doivent porter sans délai à la connaissance du DEE tout événement qui rendrait exigible le remboursement de l'aide (art. 29 al. 1 RAFE-2021). À défaut de réception par le DEE des états financiers au 30 juin 2021, les acomptes versés au sens des art. 12, al. 2 et 3, et 15, al. 2 et 3, doivent être restitués.

Les entreprises doivent porter sans délai à la connaissance du département tout événement qui rendrait exigible le remboursement de l'aide (art. 29 al. 1 RAFE-2021). Les montants indûment perçus, conformément à l'art. 17 LAFE-2021 doivent être restitués (art. 29 al. 3 RAFE-2021).

4.7 Selon un principe général de droit intertemporel, rappelé dans l’arrêt 2C_339/2021 du Tribunal fédéral du 4 mai 2022 (consid. 4.1), les dispositions légales applicables à une contestation sont celles en vigueur au moment où se sont produits les faits juridiquement déterminants pour trancher celle-ci (ATF 146 V 364 consid. 7.1 ; 140 V 41 consid. 6.3.1). L'interdiction de la rétroactivité (proprement dite) des lois fait obstacle à l'application d'une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur (ATF 147 V 156 consid. 7.2.1).

4.8 De manière générale, une révocation est possible aux conditions prévues dans la loi (ATF 134 II 1 consid. 4.1) ou, en l’absence de base légale, également lorsqu'un intérêt public particulièrement important l'impose (ATF 139 II 185 consid. 10.2.3 ; 137 I 69 consid. 2.3 ; 135 V 215 consid. 5.2 ; 127 II 306 consid. 7a). La révocation d’une décision pour inexécution d’une obligation ne requiert pas de base légale, si cette obligation est l’une des conditions objectives que la loi pose à l’octroi d’une prestation : il s’agit là de « rétablir » l’ordre légal (ATA/1042/2022 du 17 octobre 2022 consid. 2f).

Un canton est tenu, lorsqu'il octroie des subventions, de se conformer aux principes généraux régissant toute activité administrative, soit notamment le respect de la légalité, de l'égalité de traitement, de la proportionnalité et de la bonne foi ainsi que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 138 II 91 consid. 4.2.5 ; 136 II 43 consid. 3.2 ; 131 II 306 consid. 3.1.2).

4.9 Le principe de la bonne foi entre administration et administré exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale (arrêts du Tribunal fédéral 6B_266/2020 du 27 mai 2020 ; 1C_173/2017 du 31 mars 2017 consid. 2.3). En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7).

5.             En l'espèce, le principe du remboursement des montants perçus indûment est expressément prévu par l’aLAFE-2021 (art. 16), en vigueur lors de la demande du 9 mars 2021 et du prononcé de la décision du 6 avril 2021, applicable au cas d'espèce. Il est donc indifférent que l'intimée ait justifié la demande de remboursement sur la base de la LAFE-2021, qui prévoit également le principe de la restitution pour indemnisation indûment perçue.

En outre, comme cela ressort du texte légal, l'aide financière est « à fonds perdus » uniquement en tant qu'elle n'a pas été touchée indûment. La loi précise à ce titre que l'aide est touchée indûment lorsqu'elle est utilisée à d'autres fins que la couverture des coûts fixes (art. 16 al. 2 aLAFE-2021 notamment). Tel est notamment le cas lorsque, comme en l'espèce, l'aide a été octroyée sur la base de coûts fixes provisoires et qu'il apparaît a posteriori, sur la base de coûts fixes définitifs portés à la connaissance du département, et inférieurs aux coûts fixes provisoires, que l'administré a en réalité perçu une aide supérieure à ce dont il avait le droit. Ainsi, la recourante ne peut être suivie lorsqu'elle affirme, pour contester le principe du remboursement, que « seuls peuvent être perçues indûment les indemnités versées sur la base des chiffres d'affaires 2018 et 2019 ainsi que les coûts totaux 2020 qui auraient été erronés ».

Au demeurant, la recourante, au même titre que tous les bénéficiaires, avait l'obligation légale de renseigner le département afin de lui présenter une image fidèle et transparente de l'évolution de ses charges (art. 15 al. 1 aLAFE-2021). Cette obligation devait notamment permettre au département de réévaluer le montant de l'aide sur la base des chiffres définitifs 2020, par nature plus représentatifs de la situation de la recourante que les chiffres provisoires fournies à l'appui de la demande du 19 mars 2021, et présumés exacts.

Pour ces raisons, le principe du remboursement des montants perçus indûment est fondé. La recourante a manifestement fait une lecture erronée de la loi en considérant que l'aide financière reçue était définitivement acquise, de sorte qu'elle ne saurait reprocher à l'intimée d'avoir été de mauvaise foi en « modifiant les règles du jeu ».

Le grief sera écarté.

5.1 La recourante conteste également le montant des coûts fixes retenu dans la décision querellée.

Lors de sa demande du 28 octobre 2021, elle a indiqué, dans le masque en ligne, des coûts fixes définitifs 2020 de CHF 993'098.-, dont CHF 493'772.- de charges salariales.

Compte tenu de ces nouveaux chiffres, par rapport à ceux présentés dans la demande du 19 mars 2021, l'intimée a, dans un premier temps, arrêté le montant des coûts fixes à prendre en compte à CHF 548'703.20, initialement fixé à CHF 711'942.- dans la décision du 6 avril 2021, par laquelle elle avait octroyé à la recourante une aide de CHF 414'715.70.

Le montant retenu par l'intimée au titre des coûts fixes définitifs 2020 pris en compte est correct. En effet, conformément à l'art. 5 al. 1 aRAFE-2021, elle a déduit du montant de CHF 993'098.- un montant de CHF 444'394.80.- correspondant à 90% de CHF 493'772.-, les charges sociales patronales étant prises en compte sur la base d'une couverture forfaitaire correspondant à 10% des charges de personnel (art. 5 al. 2 aRAFE-2021). Compte tenu de la teneur de cette disposition, et contrairement à ce que prétend la recourante, la loi ne prévoit pas la prise en compte de la totalité des salaires dans les coûts fixes.

Dans un second temps, l'intimée a arrêté l'aide que la recourante aurait dû en réalité toucher à CHF 264'580.20, selon la méthode de calcul prévue expressément par la loi (art. 9 aLAFE-2021) soit après division du montant des coûts fixes (CHF 548'703.20) par 365 et multiplication du quotient obtenu (1503.3) par le nombre de jours de fermeture du cabaret-dancing en 2021, soit 176. Ce calcul est également correct.

Dès lors, l'intimée était fondée à réclamer à la recourante un montant de CHF 150'135.50 correspondant à la différence entre le montant qu'elle a effectivement touché (CHF 414'715.70) et celui qu'elle aurait dû percevoir (CHF 264'580.20).

Il découle de ce qui précède que le recours est mal fondé et doit être rejeté.

6.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 février 2023 par A______ Sàrl contre la décision sur réclamation de la direction générale du développement économique, de la recherche et de l'innovation du 24 janvier 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ Sàrl un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marc-Alec BRUTTIN, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me Gabriel AUBERT, avocat de l'intimée.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B . SPECKER

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :