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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2411/2023

ATA/862/2023 du 18.08.2023 sur JTAPI/810/2023 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2411/2023-MC ATA/862/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 août 2023

en section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Imed ABDELLI, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE intimé

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juillet 2023 (JTAPI/810/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1979, originaire du Liban, est démuni de document d'identité. Selon l’extrait de son casier judiciaire, il est connu sous dix identités.

b. Il a déposé en 2000 et 2014 deux demandes d'asile en Suisse, lesquelles ont fait l'objet de décisions de rejet et de non-entrée en matière, son renvoi ayant par deux fois été prononcé. Il a été rapatrié au Liban le 27 mai 2004.

c. Entre 2002 et 2021, A______ a fait l’objet de plusieurs condamnations parmi lesquelles :

- le 18 octobre 2002, par la Cour de cassation de Lausanne qui l'a reconnu coupable d'infraction aux art. 19 al. 2 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et 19a LStup et l'a condamné à cinq ans de réclusion et à une expulsion de Suisse de dix ans ;

- le 8 février 2022 par le Ministère public de Genève (ci-après : MP), qui l'a reconnu coupable de conduite sous retrait, de refus ou d’interdiction d’utilisation du permis de conduire, d’usage abusif de permis de conduire ou de plaque, de conduite d’un véhicule non couvert par l’assurance responsabilité civile, d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), d’empêchement d’accomplir un acte officiel, de vol d’importance mineure et d’infraction à l’art. 19a ch. 1 LStup à une peine privative de liberté de 120 jours et une amende. Cette ordonnance est entrée en force.

- le 24 novembre 2022, par jugement du Tribunal de police qui l’a condamné à une peine privative de liberté de six mois et à une peine pécuniaire d'ensemble de 170 jours-amende (comprenant la révocation des sursis octroyés les 2 mars 2020 et 4 août 2020 par le MP) pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), conduites sous retrait, refus ou interdiction d'utilisation du permis de conduire (art. 95 al. 1 let. b LCR), empêchements d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; CP - RS 311.0) et violations simples des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR). Le prévenu a formé appel à l'encontre de ce jugement. Le dossier ne contient pas d’information sur l’état actuel de cette procédure ;

- le 8 février 2023, A______ a été condamné par ordonnance pénale du MP notamment à une peine privative de liberté de 120 jours pour empêchement d’accomplir un acte officiel, consommation de stupéfiants, vol d’importance mineure, infractions à la LCR et séjour illégal.

d. En 2014, le transfert de A______ en Hongrie, État Dublin responsable, n'a pas pu être effectué en raison de sa disparition dans la clandestinité.

e. A______ a fait l'objet de deux interdictions d'entrée en Suisse, la dernière étant valable jusqu'au 22 février 2024.

f. Le 22 mai 2019, A______ s'est vu notifier par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une décision de renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 10 juin 2019 pour quitter le territoire helvétique. Cette décision a été confirmée par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le 25 octobre 2019 puis par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 23 juin 2020.

g. A______ a été incarcéré à la prison de Champ-Dollon le 17 août 2022 dans le cadre d’une nouvelle enquête pénale et pour purger plusieurs écrous.

B. a. La demande de soutien à l'exécution du renvoi a abouti en août 2022, les autorités libanaises ayant identifié A______ comme l'un de leurs ressortissants.

b. Par acte du 15 décembre 2022, l'OCPM a mandaté les services de police aux fins d'exécuter le renvoi d’A______.

c. A______ a été libéré par les autorités pénales le 16 février 2023 et immédiatement remis aux services de police en vue de son refoulement.

d. La réservation d’une place sur le vol à destination de Beyrouth du 30 janvier 2023 a été annulée, A______ devant rester en détention pénale pour une durée encore indéterminée.

Celui prévu le 13 mars 2023 a été annulé en raison de l'absence d'informations médicales.

A______ a refusé de prendre le vol le 3 mai 2023.

Celui du 24 mai 2023 a été annulé, suite au dépôt, le 19 mai 2023, par A______ d’une demande d’asile.

C. a. L’ordre de mise en détention administrative à l'encontre d’A______ pour une durée de trois mois pris par le commissaire de police du 16 février 2023 a été confirmé par jugement du 20 février 2023 du TAPI, puis par arrêt du 16 mars 2023 de la chambre administrative.

b. Le recours contre cet arrêt a été rejeté par le Tribunal fédéral, le 22 juin 2023 (arrêt 2C_216/2023). Son contenu sera repris en tant que de besoin dans les considérants en droit du présent arrêt.

D. a. Le 28 avril 2023, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative d’A______ pour une durée de trois mois.

Lors de l’audience du 9 mai 2023 devant le TAPI, A______ a indiqué qu'il aurait souhaité pouvoir retourner au Liban mais qu'il ne pouvait pas car il y était en danger. Il aurait bien aimé cependant pouvoir voir sa famille. La situation était difficile à supporter. La représentante de l’OCPM a indiqué qu’un vol était prévu le 24 mai 2023. L’autorité était en possession de tous les documents nécessaires au renvoi.

b. Par jugement du 10 mai 2023, le TAPI a prolongé la détention administrative d’A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu’au 15 août 2023, inclus.

c. Par arrêt du 2 juin 2023, la chambre de céans a rejeté le recours interjeté contre ce jugement par A______.

E. a. Le 19 mai 2023, A______ a déposé une nouvelle demande d’asile.

b. A______ a été longuement entendu par le SEM le 14 juin 2023. Le procès-verbal, de 17 pages, a été versé à la procédure.

c. La demande d'asile déposée par A______ a fait l'objet, le 18 juillet 2023, d'une décision de rejet et de renvoi de Suisse.

F. a. Du 27 juin au 20 juillet 2023, A______ a exécuté, à la prison de Champ-Dollon, la peine privative de liberté ordonnée à son encontre le 8 février 2023.

Par jugement du 20 juillet 2023, le Tribunal d'application des peines et des mesures a ordonné sa libération conditionnelle, pour le jour même.

b. Le 20 juillet 2023, à 16h00, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre d’A______ pour une durée de quatre mois, en application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1, renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. f, g et h LEI, ch.3 et 4 LEI.

Au commissaire de police, l’intéressé a déclaré qu'il n’était pas d’accord de retourner au Liban.

c. Lors de son audition par le TAPI, A______ a confirmé être toujours opposé à son renvoi au Liban pour les motifs invoqués lors de ses précédentes auditions. Il n’y avait pas eu de changement de sa situation depuis mai 2023, hormis le fait qu’il était fatigué par cette dernière. Il n’était pas opposé à quitter la Suisse, mais ne pouvait pas retourner au Liban. Il souhaitait qu’on lui donne une chance de pouvoir quitter la Suisse. Il prenait des médicaments, notamment contre le stress et pour dormir, depuis plusieurs mois déjà. S’il était remis en liberté, il pourrait loger chez B______, sa fiancée, chemin C______, 1207 Genève, à Saint-Jean. Il n’avait pas de document attestant que cette personne serait disposée à l’accueillir chez elle. Il quitterait ensuite la Suisse pour la Syrie, la Turquie ou la Tunisie, qui étaient des pays où les ressortissants libanais étaient acceptés sans visa.

La représentante du commissaire de police a expliqué qu’ils attendaient l’entrée en force de la décision de refus de la demande d’asile déposée par A______. Ensuite, ils pourraient procéder à la réservation d’un nouveau vol avec escorte policière et requérir la prolongation de son laissez-passer auprès des autorités libanaises, ce qui prenait en principe trois semaines. Le rapport médical obtenu pour A______ devrait en outre être réactualisé.

d. Par jugement du 24 juillet 2023, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 19 octobre 2023, inclus. 

Les conditions de mise en détention étaient remplies et il n’apparaissait pas qu'une mesure moins incisive que la détention administrative suffirait pour assurer sa présence lors de son renvoi, comme l’avait d’ailleurs retenu la chambre administrative, la dernière fois dans son arrêt du 2 juin 2023, la situation du recourant ne s’étant pas modifiée depuis lors.

Rien au dossier ne permettait pour le surplus de retenir que les autorités ne continuaient pas d’agir avec diligence et célérité.

La durée de la détention respectait le cadre légal fixé par l'art. 79 LEI. Néanmoins, au vu des explications fournies en audience par la représentante du commissaire de police, une détention de quatre mois semblait disproportionnée. Sa durée était ainsi réduite à trois mois.

G. a. Par acte posté le 7 août 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif au recours et principalement à l'annulation du jugement attaqué, à une mise en liberté immédiate ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure. Subsidiairement, des mesures de substitution devaient être ordonnées.

Les faits avaient été mal établis. S’agissant de la troisième procédure, le TAPI aurait dû être davantage sensible aux arguments et à sa situation. Les mêmes faits étaient repris des précédentes décisions sans que les autorités judiciaires ne se penchent concrètement sur les arguments et les préoccupations évoquées pour justifier son refus de rentrer dans son pays d’origine. Il produisait une copie du procès-verbal de son audition par le SEM le 14 juin 2023, le délai de recours contre le rejet de sa demande d’asile échéant le 18 août 2023. Il courait un risque « accru pour grave atteinte à son intégrité tant physique que psychique en cas de renvoi dans son pays d’origine. Le procès-verbal de son audition d’asile en [était] la preuve indiscutable ».

Le commissaire exagérait sur la prétendue menace sérieuse et/danger qu’il représenterait pour autrui en Suisse. L’infraction à LStup datait de 2002. Il était alors jeune et influençable. Il n’avait jamais réitéré cette infraction. Les autres écarts se rapportaient quasi exclusivement à une « histoire confuse de son droit ou non de conduire des véhicules en Suisse ». Il ne s’agissait pas d’un comportement dangereux ni d’une menace.

La durée, réduite par le TAPI à trois mois, de la prolongation de la détention administrative persistait à violer le principe de la proportionnalité. Les autorités judiciaires excluaient toute solution subsidiaire sans prendre le temps nécessaire d’examiner leur faisabilité. Il était détenu depuis bientôt une année si l’on tenait aussi compte de la détention pénale. Les motifs pour lesquels commissaire et le TAPI avaient rejeté la demande d’assignation à un lieu de résidence, le cas échéant assortie d’une obligation de se présenter régulièrement dans un poste de police, n’avaient jamais été suffisamment justifiés. Il avait le sentiment qu’il serait détenu, autant que de besoin, jusqu’à son renvoi forcé, indépendamment des dangers qu’il encourait en cas de retour dans son pays d’origine. Or, il s’était dûment présenté à toutes les convocations du MP dans le cadre des récentes affaires. La procédure d’asile serait encore longue. Un maintien en détention jusqu’à droit connu violerait ses droits. La prolongation avait pour seul but de lui porter une atteinte psychique et morale et le forcer à partir. Il s’agissait de maltraitance et de torture. L’instabilité de sa situation l’amenait à prendre divers médicaments dont l’effet nocif, à long terme, n’était pas à prouver. Son retour de l’établissement de Frambois à Favra confirmait la volonté sous-jacente des autorités de le pousser au désespoir. Des garanties effectives et vérifiables devaient être demandées par les autorités helvétiques au Liban afin d’assurer la sauvegarde de ses intérêts et de son intégrité en cas de retour. Son renvoi était illégal, inexigible et impossible, ce que le procès-verbal de son audition du 14 juin devant le SEM prouvait indiscutablement. Il « risquait gros en retournant au Liban, et devait, pour le moins, bénéficier d’une solution subsidiaire qui arrangerait toutes les parties ».

Enfin, une procédure d’asile était en cours qui permettrait peut-être d’aboutir à une solution qui lui serait favorable. La célérité avec laquelle les autorités libanaises avaient traité la demande de laissez-passer confirmait qu’il faisait l’objet, au Liban, de risques élevés de traitements prohibés.

b. Le commissaire a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il contestait que sa demande d’asile soit un subterfuge pour échapper au renvoi. L’autorité intimée n’avait toujours pas produit l’engagement des autorités libanaises sur la protection de ses droits et de sa vie notamment. Cette demande de garantie, exigée par le droit conventionnel et humanitaire, avait été dûment exposée dans la précédente procédure. Il produisait une nouvelle fois l’attestation rédigée le 24 mars 2023 par la Ligue Suisse des droits de l’homme qui invitait les autorités compétentes à renoncer au projet de renvoi de l’intéressé au Liban.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Selon l’art. 10 al. 2 1ère phr. de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 8 août 2023 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3.             Le recourant conteste qu’il représenterait un danger à l’ordre public (art. 76 al. 1 let. b ch. 1 cum 75 al. 1 let. g LEI).

Ce faisant, le recourant persiste dans une argumentation qui frise la témérité notamment au motif qu’elle a été écartée par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 22 juin 2023. Notre haute Cour a en effet mentionné qu’ « en tant que le recourant fait grand cas, sur plusieurs pages, de son absence de dangerosité, on lui rappellera que ce critère relève de l'art. 75 al. 1 let. g LEI. Or, sa détention ne se fonde pas sur ce motif. C'est par ailleurs en vain qu'il affirme que son risque de fuite "ne repose sur aucun élément concret". Il ressort des constatations de fait de l'arrêt attaqué, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que l'intéressé a déjà disparu une fois dans la clandestinité, n'a pas de domicile connu, n'a pas respecté les décisions de renvoi rendues à son encontre et s'est toujours opposé à son retour au Liban. De tels éléments concrets font clairement craindre qu'il se soustraie à son renvoi au sens de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI respectivement qu'il refuse d'obtempérer aux instructions des autorités au sens de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI  » (consid. 5.2 et les références citées).

Les conditions posées à la détention administrative fondée sur l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI étant manifestement réunies, il n'est pas nécessaire d'examiner si celle-ci pouvait également se fonder sur le motif visé à l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI cum art. 75 al. 1 let. h LEI.

4.             Le recourant allègue que son renvoi est impossible au vu des risques encourus au Liban et de la durée de la procédure d’asile.

4.1 Cet argument a toutefois aussi été écarté par le Tribunal fédéral dans l’arrêt précité : « Il ressort de l'arrêt attaqué que les motifs invoqués par l'intéressé, ainsi que les pièces déposées à l'appui de son argumentation, ont déjà été soulevés – et examinés – dans le cadre de la procédure de renvoi, qui a donné lieu à une décision définitive et exécutoire confirmée en dernier lieu par arrêt de la Cour de justice du 23 juin 2020. Le recourant ne prétend pas que la situation au Liban se serait modifiée de façon notable depuis le prononcé de l'arrêt précité, et il n'apparaît pas d'emblée que ce dernier serait manifestement inadmissible. Quoi qu'il en soit, l'autorité précédente a considéré que la situation au Liban, bien que très difficile pour la population, ne correspondait pas à une situation de guerre ou de violence généralisée telle qu'elle mettrait concrètement en danger le recourant, et que les risques exposés par ce dernier n'étaient pas suffisamment vraisemblables pour s'opposer à l'exécution du renvoi. Or, l'intéressé ne soutient ni ne démontre en quoi cette appréciation procéderait de l'arbitraire. En tout état de cause, les dangers qu'il évoque, qui n'ont jamais dépassé le stade des menaces et des intimidations, n'apparaissent pas atteindre le seuil de gravité suffisant pour constituer un traitement cruel, inhumain ou dégradant au sens de l'art. 3 CEDH.

Quant à la crise économique que connaît le Liban depuis 2019, celle-ci ne suffit pas à faire apparaître l'exécution du renvoi comme manifestement inexigible respectivement illicite. Pour le reste, il n'apparaît nullement que le renvoi du recourant au Liban serait matériellement impossible, et celui-ci ne le démontre pas non plus. Il ressort en effet de l'arrêt attaqué, sans que l'intéressé ne s'en plaigne de manière circonstanciée, qu'il a été reconnu comme un ressortissant libanais par les autorités de ce pays, et que des vols à destination de Beyrouth ont déjà pu être organisés à plusieurs reprises par l'autorité intimée. Il ressort de plus des observations du Secrétariat d'Etat du 11 mai 2023, dont le recourant ne fait valoir aucun motif qui justifierait de les remettre en doute, que le laisser-passer valable jusqu'au 24 mai 2023 dont il disposait pouvait être prolongé en tout temps. Enfin, un accord entre la Suisse et le Liban relatif à la réadmission de personnes en situation irrégulière est entré en vigueur le 15 février 2006 (RS 0.142.114.899). En résumé, aucun élément ne permet de retenir que le renvoi ne pourrait pas être exécuté dans un délai prévisible ou raisonnable avec une probabilité suffisante » (arrêt 2C_216/2023 précité consid. 6.3 et 6.4).

Le recourant n’apporte pas d’éléments nouveaux permettant de s’écarter de ce qui précède.

4.2 Le recourant invoque la durée de la procédure d’asile.

4.2.1 La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI).

4.2.2 Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible ou du moins raisonnable avec une probabilité suffisante. La détention viole l'art. 80 al. 6 let. a LEI ainsi que le principe de proportionnalité lorsqu'il y a de bonnes raisons de penser que tel ne pourra pas être le cas. La détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder à l'expulsion est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

Tant que l’impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l’étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut se prévaloir de cette impossibilité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011). Cette jurisprudence, rendue dans le cadre d’une détention pour insoumission, en rapport avec l’obligation de collaborer de l’art. 78 al. 6 LEI, est a fortiori valable dans un cas de détention en vue du renvoi, phase à laquelle s’applique l’obligation de collaborer de l’art. 90 al. 1 let. c LEI (ATA/1436/2017 du 27 octobre 2017 consid.6a ; ATA/881/2015 du 28 août 2015 et les références citées).

4.2.3 La poursuite de la détention en application de l’art. 76 LEI est admissible si l’on peut s’attendre à ce que la procédure d’asile soit terminée et la mesure de renvoi exécuté dans un avenir proche («absehbar » ; « prevedibili » ; ATF 140 II 409 consid. 2.3.3 ; 125 II 377 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_37/2023 du 16 février 2023 consid. 3.3.1 ; 2C_233/2022 du 12 avril 2022 consid. 4.3.1).

Pour évaluer si la procédure en matière d’asile se terminera dans un délai raisonnable, il convient de prendre en compte dans la durée de la procédure de première instance que celle d’une éventuelle procédure de recours (arrêts du Tribunal fédéral 2C_37/2023 précité ; 2C_233/2022 précité consid. 4.3.2).

Dans un récent arrêt, il a été constaté que le Tribunal administratif fédéral avait rejeté un recours sept jours après son dépôt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_387/2023 du 7 août 2023).

4.2.4 En l’espèce, le recourant a déposé sa demande d’asile le 19 mai 2023. Le litige devant la cour de céans porte sur la prolongation de sa détention jusqu’au 19 octobre 2023, ordonnée le 20 juillet 2023 et confirmée le 24 juillet 2023 par le TAPI. Une décision de refus d’asile a été prononcée par le SEM le 18 juillet 2023. En l’état, le recourant n’a fait qu’indiquer qu’il entendait interjeter recours d’ici au 18 août 2023. Aucune pièce au dossier ne prouve le dépôt du recours. Il s’agit de la troisième demande d’asile du recourant, les deux premières ayant été rejetées. Les chances de succès apparaissant dès lors comme faibles.

Les autorités ont entrepris toutes les démarches nécessaires au vu notamment de renvoi sur les vols des 30 janvier 2023, 13 mars 2023 et surtout 3 et 24 mai 2023. Ces deux derniers vols ont été annulés respectivement à la suite du refus du recourant de prendre le premier et du dépôt de sa demande d’asile pour le second. L’autorité intimée a détaillé, lors de l’audience devant le TAPI, les démarches qu’elle pourrait entreprendre dès l’entrée en force de la décision de refus de la demande d’asile, soit la réservation d’un nouveau vol avec escorte policière. Le laissez-passer devait être prolongé par les autorités libanaises, démarche qui prenait, en principe trois semaines. Enfin, le rapport médical devrait être réactualisé. En conséquence, rien n’indique que les démarches en vue de renvoi, dès qu’elles seront reprises, ne pourront pas aboutir dans un avenir proche et en tout cas avant que la détention n’atteigne la limite maximale des 18 mois de détention (art. 79 al. 2 LEI). Le recourant ne critique d’ailleurs pas, à juste titre, le respect du principe de célérité par les autorités (art. 76 al. 4 LEI). L’exécution du renvoi ne paraît pas impossible à brève échéance.

Enfin, le procès-verbal de l’audition du recourant devant le SEM le 14 juin 2023 ne comprend que ses allégations et ne constitue pas la preuve formelle de l’existence des faits invoqués. Il appartient à l’autorité concernée d’en apprécier la force probante (art. 12 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021 ; art. 20 al. 1 et 2 let. b LPA). Or le SEM a rejeté la demande d’asile fondée sur lesdites déclarations.

5.             Le recourant se plaint d’une violation du principe de la proportionnalité, d’autres mesures que la détention administrative étant envisageables, notamment une assignation à résidence, le cas échéant avec une obligation de se présenter régulièrement dans un poste de police.

À nouveau, cet argument a été traité par le Tribunal fédéral qui a retenu : « au regard de la véhémence de l'intéressé à s'opposer à son renvoi, on ne saurait faire grief aux juges précédents de ne pas avoir remplacé la détention en vue du renvoi par une mesure moins incisive, notamment une assignation d'un lieu de résidence selon l'art. 74 LEI ou encore une obligation de se présenter régulièrement à une autorité ou de déposer des documents de voyage au sens de l'art. 64e let. a et c LEI. Il sied au contraire, avec la cour cantonale, de constater que la mesure à laquelle est actuellement soumis le recourant est la seule à même d'assurer sa présence lors de son renvoi. Il ne faut du reste pas perdre de vue qu'il suffirait au recourant de changer de comportement et d'accepter de monter dans un vol de retour pour son pays d'origine pour mettre fin à la mesure de privation de liberté qu'il conteste. Enfin, le recourant a été placé en détention en vue du renvoi le 16 février 2023 pour une durée de trois mois, qui a ensuite été prolongée sur le même fondement juridique jusqu'au 15 août 2023, ce qui reste en deçà du maximum de 18 mois prévu à l'art. 79 al. 2 LEI » (arrêt 2C_216/2023 précité consid. 7.1).

Ce raisonnement conserve toute sa pertinence pour la période du 19 juillet au 19 octobre 2023, d’autant plus que l’intéressé a fait l’objet d’une détention pour des motifs pénaux du 27 juin au 20 juillet 2023.

L’assurance du départ définitif de Suisse du recourant répond à un intérêt public certain, notamment au vu de ses nombreuses condamnations dont certaines récentes. Vu son refus systématique de quitter la Suisse pour le Liban ainsi que le fait qu’il a déjà disparu par le passé dans la clandestinité, il est à craindre qu’il se soustraira à nouveau à l’exécution de son renvoi, ce que le Tribunal fédéral a retenu.

Dans ces circonstances, aucune mesure moins incisive que la mise en détention administrative n’est à même de garantir la présence du recourant lors de l'exécution du renvoi. La détention est ainsi apte à atteindre le but voulu par le législateur, s’avère nécessaire, compte tenu de la difficulté prévisible de l’exécution du renvoi en raison du refus du recourant d’être renvoyé. Le grief du recourant, tiré d’une violation du principe de la proportionnalité, sera ainsi écarté.

En tous points infondés, le recours sera rejeté.

6.             Le prononcé du présent arrêt rend sans objet la requête en octroi de l’effet suspensif au recours.

7.             La procédure étant gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 août 2023 par A_____ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juillet 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Imed ABDELLI, avocat du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'à l’établissement de détention administrative Favra, pour information.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. MARINHEIRO

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :