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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1424/2023

ATA/828/2023 du 09.08.2023 ( ANIM ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1424/2023-ANIM ATA/828/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 août 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Romain JORDAN, avocat

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES intimé



EN FAIT

A. a. A______ est la détentrice (ci-après : la détentrice) du chien american bully, un mâle castré, né le ______2019, nommé B______ (ci-après : le chien ou B______).

Ce chien pèse 33 kg et mesure 56 cm au garrot.

b. Les 5 juin et 7 août 2020, alors qu’il était promené par sa détentrice, le chien a blessé des personnes, faits qui ont été dénoncés au service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV).

c. Il ressort d’une décision rendue par le SCAV le 24 août 2020 que le 18 juin 2020, le SCAV avait adressé à la détentrice un courrier la priant notamment de prendre toutes les mesures adéquates afin d’éviter que son chien n’effraie ou ne blesse les personnes et les animaux, en particulier le tenir en laisse courte dans les endroits où les dispositions légales l’exigeaient.

Le 19 août 2020, la spécialiste canine du SCAV avait examiné le comportement de B______ et sa maîtrise par sa détentrice. Il ressortait du rapport daté du même jour que le chien avait une carrure très imposante et présentait une légère boiterie du membre postérieur droit. Il était réactif en présence d’un congénère, ne se couchait pas sur ordre, ne revenait pas au rappel de sa détentrice en présence d’une distraction et ne savait que partiellement marcher au pied avec et sans laisse. Il était brusque et pouvait se montrer imprévisible, s’excitait rapidement. Son obéissance de base était très sommaire. Il n’avait pas présenté de comportement d’agression durant le test. Sa détentrice manquait de connaissances cynologiques. Ses attitudes étaient parfois en opposition avec les ordres donnés. Elle semblait consciente du gabarit de son chien et du fait qu’il puisse être imprévisible, mais elle devait instaurer un cadre éducatif. Elle avait concédé ne pas avoir suivi de cours d’éducation.

Le 24 août 2020, elle n’avait pas encore passé et réussi le test de maîtrise et de comportement (ci-après : TMC) obligatoire pour les chiens de grande taille et valant autorisation de détention, B______ n’ayant pas encore atteint l’âge de 18 mois.

Par cette décision du 24 août 2020, il était ordonné à la détentrice, de même qu’à toute personne susceptible de promener le chien, de le tenir en laisse courte dans les endroits fréquentés par le public et ses congénères, et de lui faire porter une muselière de type « à panier » dès la sortie du domicile de la détentrice, et à cette dernière de suivre des cours d’éducation canine et ce, aussi longtemps que le chien ne serait pas totalement maîtrisé. Elle serait convoquée le 31 janvier 2021 au plus tard pour passer le TMC. En cas de non-respect de la décision ou de nouvel incident, le SCAV pourrait être amené à prendre des mesures plus contraignantes pouvant conduire au séquestre définitif du chien, voire à son euthanasie.

d. Par courrier du 4 novembre 2020, après réception d’un rapport d’une éducatrice canine attestant notamment du suivi de deux cours, le SCAV a rappelé à la détentrice les mesures ordonnées le 24 août précédent.

e. Malgré les cours supplémentaires d’éducation canine suivis, les 14 décembre 2020 et 7 janvier 2021, et le délai octroyé au plus tard au 31 mars 2021, selon courrier du SCAV du 21 janvier 2021, pour passer le TMC, la détentrice y a, le
26 mars 2021, échoué. Selon le rapport de la spécialiste du SCAV du même jour, si la détentrice avait fait des progrès, son chien n’était pas encore maîtrisé.

f. Par courrier du 31 mars 2021, le SCAV a rappelé à la détentrice que les meures ordonnées le 24 août 2020 restaient en vigueur et lui a demandé de reprendre contact avec lui pour passer le TMC une fois que l’éducatrice suivant B______ estimerait que le binôme serait prêt.

B. a. Le 15 février 2023, B______ a mortellement blessé un chien de race yorkshire. Selon un courriel du même jour adressé par la police genevoise au SCAV, les deux chiens étaient en liberté et B______ ne portait pas de muselière.

b. La détentrice a confirmé ces deux informations au SCAV concernant B______, par courriel du 15 février 2023.

c. Selon la détentrice du yorkshire décédé, celui-ci n’avait ni aboyé ni présenté de comportement qui aurait pu être considéré comme de la provocation. L’autre chien avait « déboulé » et sa détentrice avait dû intervenir pendant de longues minutes pour lui faire lâcher la victime qu’il avait tenue dans la gueule sans la laisser tomber une seule fois.

d. La spécialiste du SCAV a évalué B______ le 1er mars 2023. Il ressort de son rapport que celui-ci ne possédait pas d’obéissance de base, ne revenait pas sur appel ou uniquement après plusieurs ordres, et s’était montré très réactif en présence d’un congénère et de « la joggeuse ». La détentrice ne maîtrisait plus du tout son chien et n’avait montré aucune connexion avec lui durant toute l’évaluation. Le résultat de l’évaluation était « vraiment d’un moins bon niveau » que le TMC échoué le
26 mars 2021, car le chien ne s’était jamais concentré sur sa détentrice et seule la force avait été utile pour qu’il reste vers elle lors des exercices en laisse. En présence de congénères, B______ les fixait et il n’était plus possible de détourner son attention.

La détentrice avait indiqué ne plus avoir suivi de cours d’éducation depuis plus d’une année et « cela se vo[yait] ». Elle ne maîtrisait plus du tout son chien et n’avait montré aucune collaboration avec lui durant l’évaluation. Malgré les antécédents de son chien, elle ne se montrait pas plus ferme ni même plus investie dans la réussite des exercices. Elle lui parlait comme à un enfant, l’appelant d’ailleurs «  mon fils ».

Le 15 février 2023, elle était accompagnée d’une amie pour promener B______. Elle avait pensé qu’il n’y aurait personne dans une forêt à proximité de C______ et avait enlevé la muselière avant de détacher son chien. En sortant de la forêt, B______ avait vu et « immédiatement foncé » sur son congénère de petite taille. Le yorkshire avait mordu la patte de B______ qui l’avait attrapé dans la gueule pour le secouer et le tuer sur place.

e. Le 3 mars 2023, un inspecteur du SCAV a notifié et exécuté une décision de séquestre préventif du chien, au domicile et en présence de sa détentrice. Par cette même décision, celle-ci était convoquée le 9 mars 2023 pour être entendue.

f. Selon rapport de cet inspecteur du 3 mars 2023, lors de son intervention, sur le palier, B______ s’était d’abord montré craintif. Une fois à l’intérieur du logement, il était volontiers venu prendre contact avec l’inspecteur. La détentrice avait collaboré et accompagné son chien jusqu’au véhicule de service.

g. L’audition de la détentrice au SCAV s’est finalement tenue le 23 mars 2023.

Elle a déclaré que, le 5 juin 2020, elle avait en vain demandé à la victime de ne pas s’approcher de son chien, qui l’avait pincée. Lors du second incident, la victime était passée trop près de B______ avec sa trottinette. Son chien avait tourné la tête et blessé la victime. Le 15 février 2023, le yorkshire avait eu le temps de mordre B______ à deux reprises avant que celui-ci ne réagisse. Elle avait conscience que ce type de chien avait une mâchoire puissante. Comme elle habitait dans le quartier des Pâquis, elle ne pouvait pas éduquer son chien, notamment le lâcher. L’été, elle se rendait chez une amie en France qui avait un jardin clôturé où elle faisait des exercices de rappel. Elle n’avait plus suivi de cours d’éducation canine depuis le 26 mars 2021 en raison de problèmes de santé et de difficultés organisationnelles. Elle avait toujours régulièrement promené B______ et son second chien, D______, une bouledogue française âgée de 10 ans, et poursuivi le traitement de Prozac de B______. Ce dernier était sous Prozac le 26 mars 2021 et n’était donc pas dans son état normal. Elle avait contacté le vétérinaire français juste avant le 15 février 2023 pour fixer un nouveau rendez-vous.

D______ était présente et en liberté lors de l’accident du 15 février 2023. B______ était très excité dès la sortie de la voiture.

Elle souhaitait que le SCAV lui restitue B______, ses chiens étant « toute sa vie ». Elle avait pris conscience des erreurs commises lors de la journée du 15 février 2023. Elle était en mesure de répondre aux exigences du SCAV.

h. Après avoir encore recueilli des informations écrites et des pièces de la part de la détentrice, le SCAV a, par décision du 5 avril 2023, ordonné le séquestre définitif de B______, mis à sa charge l’intégralité des frais y afférents à compter du séquestre préventif, lui a interdit, pendant deux ans, de détenir dans son ménage d’autres chiens que son bouledogue D______, après quoi, il lui était fait interdiction pour une durée de trois ans de faire l’acquisition d’un chien pesant plus de 10 kg à l’âge adulte.

C. a. A______ a formé recours contre cette décision par acte expédié le 26 avril 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu préalablement à la restitution de l’effet suspensif et, au fond, principalement, à l’annulation de la décision, à la restitution de B______ et au rétablissement de son droit à posséder d’autres chiens que son bouledogue français, dont de gros chiens, subsidiairement au renvoi du dossier au SCAV pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Elle était très attachée à ses chiens et particulièrement attentive à leur bien-être. La relation avec B______ était très forte, dans la mesure où elle l’avait acquis alors qu’il était très jeune. Son entourage proche avait constaté que B______ était un chien sociable et calme dans son cercle habituel, mais qui pouvait se montrer anxieux par moment. Elle avait pris l’initiative de le faire suivre par un spécialiste en psychiatrie vétérinaire depuis le 10 mars 2021, lequel avait prescrit du Prozac. Ses chiens lui permettaient de continuer à sortir et d’entretenir des relations sociales en dépit des problèmes de la maladie chronique incapacitante dont elle souffrait. Une demande d’assurance-invalidité était en cours.

Après les incidents de juin et août 2020, elle s’était conformée strictement aux recommandations du SCAV du 24 août 2020. L’éducatrice canine avait relevé une nette amélioration du comportement de B______ à l’issue de la quatrième leçon. Malgré l’échec au TMC, l’évaluatrice du SCAV avait salué ses engagements et sa motivation pour aider son chien. Elle avait également relevé que la posologie de Prozac devait être adaptée dès lors que, bien que plus calme, B______ avait semblé déconnecté. Elle-même n’avait pas pu poursuivre les cours d’éducation canine en raison de ses problèmes de santé ayant nécessité de nombreux examens médicaux durant les deux dernières années. Elle avait continué à administrer à son chien les médicaments prescrits et ce dernier n’avait plus causé d’incident pendant près de deux ans et demi. Au début de l’année 2023, elle avait décidé de reprendre le suivi vétérinaire, tant somatique, au cabinet de la H______, que comportementaliste.

Elle est ensuite revenue sur l’incident du 15 février 2023, précisant qu’elle ne contestait pas les faits qui lui étaient reprochés ni le résultat de l’évaluation du 1er mars 2023, probablement due à un mauvais dosage du Prozac. Consciente de l’importance des cours d’éducation canine, elle s’engageait à les suivre avec constance et régularité dans le futur. Elle contestait les propos attribués par le SCAV, dans la décision litigieuse, au vétérinaire comportementaliste français selon lesquels elle « n’en faisait qu’à sa tête » s’agissant du suivi médicamenteux du chien et qu’elle n’aurait montré aucune empathie pour la victime lors du rendez-vous du 17 février 2023.

Il ressortait des pièces produites que B______ présentait un fort potentiel d’amélioration. Aucun élément au dossier ne laissait supposer qu’elle l’aurait régulièrement promené sans laisse ni muselière. Il n’avait été à l’origine que d’un seul incident grave, isolé, dans un contexte où l’on pouvait penser, de bonne foi, vu les lieux et l’heure, soit en début de soirée, qu’il ne présenterait aucun danger. Elle avait par ailleurs démontré tout au long de la procédure sa volonté de collaborer avec le SCAV, ce qu’avait souligné l’intervenant chargé de saisir B______. Son intérêt privé devait être pris en compte, vu la nature thérapeutique de sa relation avec ses chiens.

Son droit d’être entendue avait été violé et le SCAV avait violé son pouvoir d’appréciation et procédé à une appréciation erronée des preuves. La décision attaquée n’était pas motivée. Le SCAV n’avait pas discuté les éléments, pourtant pertinents, qu’elle avait relevés, à savoir ses graves soucis de santé l’ayant empêchée de poursuivre les cours avec B______, sa reprise de contact avec le vétérinaire comportementaliste juste avant l’incident de février 2023, la problématique du dosage du Prozac, le fait que B______ avait réagi à l’attaque du yorkshire, ce qui ressortait des photos et du témoignage de E______, une amie présente au moment des faits, et la nature thérapeutique de sa relation avec son chien. Par ailleurs, le SCAV s’était fondé sur les propos rapportés du vétérinaire F______, qu’elle n’avait vu que durant dix minutes le 17 février 2023, propos qu’elle contestait formellement et découverts à la lecture de la décision litigieuse, sans lui avoir donné préalablement la possibilité de se déterminer à leur égard.

La décision violait aussi le principe de proportionnalité. Malgré sa grande taille et ses prétendues carences éducatives, B______ n’avait été impliqué que dans trois incidents en trois ans, dont un seul était grave. Rien au dossier ne permettait de retenir que la recourante était coutumière de le laisser en liberté sans muselière. Elle n’avait au contraire fait l’objet d’aucun signalement dans ce sens, ce qui n’aurait pas manqué d’arriver avec un chien de la taille de B______. Ses manquements relatifs aux cours d’éducation canine avaient pu être expliqués par ses problèmes de santé avérés. Sa reprise de contact avec le vétérinaire comportementaliste était un indice de sa volonté de mettre sa situation à jour. Elle peinait à comprendre pour quelle raison son chien devrait faire l’objet d’un traitement plus défavorable que d’autres chiens dont la chambre céans avait eu à trancher la situation, étant relevé que les spécialistes l’ayant observé avaient relevé son potentiel d’amélioration dès lors qu’il bénéficiait d’une prise en charge adéquate. Vu son excellente collaboration, il apparaissait peu vraisemblable qu’elle se soustraie à ses obligations une fois encore, dès lors que les derniers évènements lui avaient permis de prendre conscience de l’importance des mesures ordonnées. Partant, une obligation de suivre des cours d’éducation canine et de se présenter à un TMC dans un délai raisonnable aurait suffi pour répondre aux différents intérêts en jeu.

b. La vice-présidente de la chambre administrative a, après réponse du SCAV et réplique de la recourante sur effet suspensif, par décision du 13 juin 2023, ordonné que le chien B______ reste jusqu'à droit jugé en mains du SCAV et ne soit ni donné, ni vendu ni mis à mort. Elle a pour le surplus rejeté la requête d’effet suspensif.

c. Le SCAV a conclu, le 16 juin 2023, au rejet du recours.

Le 12 juin 2020, la victime avait été mordue à la main par B______, alors qu’elle était assise sur la terrasse d’un café. Lors d’un contact téléphonique le 15 juin 2020, la recourante avait précisé au SCAV que son chien avait pincé la main d’une dame, qu’elle-même avait dû « mettre la main » pour le faire lâcher et qu’elle envisageait depuis lors de lui faire porter une muselière, à laquelle il n’était pas encore habitué.

Le 10 août 2020, B______ avait mordu la victime au mollet alors qu’elle passait en trotinette.

Le 20 février 2023, la détentrice du yorkshire agressé avait notamment souligné que l’accident du 15 précédent l’avait mise en état de choc, de même que son second chien, qui avait assisté à la scène, et qu’elle avait dû interrompre provisoirement son activité professionnelle.

Il ressortait d’une nouvelle évaluation effectuée le 25 avril 2023 par la spécialiste du SCAV à la suite du sevrage de B______ au Prozac qu’il n’avait pas présenté de comportement d’agressivité, mais qu’il était difficile de lire et de savoir exactement ce qu’il ressentait. Il devait donc bénéficier d’un cadre de vie stable, avec une attention accrue, et être détenu par une personne ayant des connaissances en éducation canine. Sur la base des résultats de cette évaluation et du comportement du chien au quotidien, le SCAV avait jugé qu’une prescription médicale n’était plus nécessaire « jusqu’à preuve du contraire ».

Il appartenait à la recourante de suivre les cours avec un éducateur canin afin de pallier la non-maîtrise de son chien. Les mesures du port de la muselière et de la tenue en laisse courte, selon décision en force du 24 août 2020, persisteraient aussi longtemps que ces cours n’auraient pas été suivis et que le chien ne serait pas totalement maîtrisé. Le SCAV ne voyait pas en quoi les problèmes personnels de la recourante l’auraient empêchée de se conformer à ces deux mesures.

Le Dr F______, vétérinaire, dans les rapports remis par la recourante, indiquait que B______ ne devait pas être sorti sans muselière dans l’espace public et qu’il conseillait à la recourante de faire appel à un éducateur canin pour pallier le manque d’éducation du chien.

En lien avec l’incident du 15 février 2023, le seul élément pertinent était qu’elle avait fait fi de l’obligation de tenir son chien en laisse et de le munir d’une muselière. Si elle avait respecté ces deux mesures, son chien n’aurait pas pu saisir le yorkshire dans sa gueule ni le secouer jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Il n’omettait pas ni ne sous-estimait le lien unissant la recourante à son chien, mais il lui appartenait de garantir la santé publique en faisant la pesée des intérêts. Il n’avait eu d’autre choix que de séquestrer préventivement, puis définitivement le chien, au vu des antécédents, de l’absence de prise de conscience de la recourante, de la dangerosité de B______ et de la violation de sa décision du 24 août 2020. Compte tenu des éléments du dossier, c’était manifestement le binôme qui ne fonctionnait pas, raison pour laquelle prononcer une euthanasie du chien n’aurait pas été proportionné.

d. Dans sa réplique du 10 juillet 2023, la recourante a déploré que le SCAV persiste à ne tenir compte que de ses éventuels manquements pour justifier la décision attaquée. Si elle avait effectivement suspendu les leçons auprès de l’éducatrice agréée par le SCAV, elle avait en parallèle très régulièrement rencontré un ami éducateur canin officiant dans le canton de Vaud qui l’avait accompagnée et conseillée dans sa relation avec B______. Tant cet ami que les vérérinaires F______ et G______ avaient attesté son excellente relation avec son chien.

S’agissant du premier incident en 2020, une amie, avec laquelle elle était au téléphone, pouvait attester que la victime s’était approchée de B______ et l’avait caressé nonobstant ses tentatives de l’en dissuader en raison de travaux à proximité. Pour le second, la trottinette avait frôlé son chien. L’usage de ces engins à proximité de piétons pouvait d’ailleurs être discuté vu leurs vitesse et volume.

Contrairement à ce que soutenait le SCAV, le comportement du yorkshire avait son importance, puisque selon l’évaluation du 25 avril 2023, B______ n’était pas agressif à l’égard des petits chiens.

Elle était surprise que le SCAV semblât lui reprocher d’avoir fait suivre son chien par un comportementaliste, dès lors qu’il n’avait pas ordonné cette mesure, pourtant précisément préconisée par l’éducatrice agréée par le SCAV.

Sa capacité, non contestée, de s’occuper de son autre chien constituait un indice supplémentaire qu’elle pouvait faire de même avec d’autres animaux dans le respect de l’ordre public.

e. Les parties ont été informées, le 11 juillet 2023, que la cause était gardée à juger sur effet suspensif.

f. La teneur des pièces versées au dossier et les arguments des parties seront pour le surplus repris ci-dessous dans la mesure nécessaire au traitement du litige.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. L’objet du litige est une décision ordonnant le séquestre définitif de l’un des deux chiens de la recourante, mettant à sa charge l’intégralité des frais y afférents à compter du séquestre préventif, lui interdisant, pendant deux ans, de détenir dans son ménage d’autres chiens que son bouledogue, après quoi, pour une durée de trois ans, de faire l’acquisition d’un chien pesant plus de 10 kg à l’âge adulte.

3. La recourante se plaint d’une violation de son droit d’être entendue sous l’aspect d’une motivation insuffisante de la décision attaquée et de la prise en compte d’éléments dont elle n’aurait pas eu connaissance avant son prononcé.

3.1 Le droit d’être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_507/2021 du 13 juin 2022 consid. 3.1). L’autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références citées). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 Le droit d'être entendu implique aussi pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit qu'elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 143 III 65 consid. 5.2). L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 83 consid. 4.1). Elle ne doit, à plus forte raison, pas se prononcer sur tous les arguments (arrêt du Tribunal fédéral 2C_286/2022 du 6 octobre 2022 consid. 6.3 et les arrêts cités). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_56/2019 du 14 octobre 2019 consid. 2.4.1 et les arrêts cités).

3.3 Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle-ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 61 LPA). Celui-ci implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_257/2019 du 12 mai 2020 consid. 2.5 : ATA/1190/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3b et les références citées).

3.4 En l’espèce, la recourante a eu l'occasion d'exposer ses arguments et de produire des pièces, tant devant l'autorité intimée, avant le prononcé de la décision litigieuse, que la chambre de céans. Elle reproche toutefois au SCAV de ne pas avoir pu se déterminer sur les propos mentionnés dans la décision attaquée et mis dans la bouche du vétérinaire comportementaliste par une collaboratrice de la fourrière qui se serait entretenue avec ce dernier par téléphone le 3 mars 2023. Ce praticien aurait confirmé le dosage du Prozac tout en affirmant que la recourante n’en «  faisait qu’à sa tête » s’agissant du suivi du traitement médicamenteux, avait fait preuve d’un profond manque d’empathie lorsqu’elle avait évoqué la victime de l’incident du
15 février 2023 et rejeté la responsabilité sur la personne qui l’accompagnait.

Il ne ressort toutefois pas de la décision attaquée que celle-ci aurait été prise par l’autorité intimée sur la base des propos de ce vétérinaire comportementaliste, qu’il a d’ailleurs contesté avoir tenus dans son compte rendu du 8 juillet 2023, propos qui ne sont au demeurant que marginaux à teneur des autres éléments de la procédure.

En lien avec l’accident du 15 février 2023, l’attitude de la recourante peut être déterminante, comme il sera vu ci-dessous, en faisant abstraction des propos contestés.

Au surplus, la recourante a pu faire valoir son point de vue devant la chambre de céans en toute connaissance de cause, laquelle a un plein pouvoir d’examen en fait et en droit (art. 61 al. 1 LPA) et déposer toutes pièces utiles, dont le rapport du vétérinaire comportementaliste précité.

Son grief d’une violation d’un droit d’être entendue sous cet angle sera rejeté.

Quant à la décision attaquée, elle contient les motifs pertinents qui ont guidé l’autorité et sur lesquels elle a fondé sa décision. La recourante a sans conteste pu se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en toute connaissance de cause. Ce n’est pas parce qu’elle estime que la décision n’a pas abordé suffisamment, selon sa propre appréciation, ses divers arguments, que l’on doit en déduire pour autant une violation de son droit d’être entendue.

Ce grief est rejeté.

4. Au fond, la recourante se plaint d'une mauvaise constatation des faits, d'un abus du pouvoir d'appréciation et d’une violation du principe de la proportionnalité.

4.1 La loi fédérale sur la protection des animaux du 16 décembre 2005 (LPA-CH - RS 455) vise à protéger la dignité et le bien-être de l’animal (art. 1 LPA-CH). Selon l'art. 73 al. 1 de l'ordonnance sur la protection des animaux du 23 avril 2008 (OPAn - RS 455.1), l’élevage, l’éducation et la manière de traiter les chiens doivent garantir leur socialisation, à savoir le développement de relations avec des congénères et avec l’être humain, et leur adaptation à l’environnement.

4.2 La loi sur les chiens du 18 mars 2011 (LChiens - M 3 45) a pour but de régir, en application de la LPA-CH, les conditions d’élevage, d’éducation et de détention des chiens, notamment en vue d’assurer la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques (art. 1 let. b LChiens). Il résulte des travaux préparatoires ayant conduit à son adoption que la LChiens n’est pas une loi sur les chiens, mais sur leurs détenteurs et met en particulier l’accent sur la prévention (MGC 2002 2003/XI3.A-6561 ; ATA/1323/2019 du 3 septembre 2019 consid. 2a).

4.3 Le département, soit pour lui le SCAV, est compétent pour l’application de la loi et de son règlement d’exécution (art. 3 al. 1 LChiens ; art. 1 al. 1 du règlement d’application de la LChiens du 27 juillet 2011 - RChiens - M 3 45.01).

4.4 Les art. 10 ss LChiens régissent les conditions de détention et énoncent diverses obligations à charge du détenteur, à savoir celui qui exerce la maîtrise effective sur le chien et qui a de ce fait le pouvoir de décider comment il est gardé, traité et surveillé (art. 11 al. 1 LChiens). Le détenteur doit éduquer son chien, en particulier en vue d’assurer un comportement sociable optimal de ce dernier, et faire en sorte qu’il ne nuise ni au public, ni aux animaux, ni à l’environnement, le dressage à l’attaque étant en principe interdit (art. 15 LChiens). Tout détenteur doit prendre les précautions nécessaires afin que son chien ne puisse pas lui échapper, blesser, menacer ou poursuivre le public et les animaux, ni porter préjudice à l’environnement, notamment aux cultures, à la faune et à la flore sauvages (art. 18 al. 1 LChiens). Cette dernière disposition pose le principe de la maîtrise nécessaire des chiens pour éviter la survenance d’accidents, qui peuvent mettre en cause non seulement le public, les enfants et les personnes âgées étant particulièrement vulnérables, mais également les animaux domestiques, notamment les autres chiens, qui sont souvent victimes d’agressions de la part de leurs congénères (MGC 2008-2009 XI A 15083).

4.5 Les art. 22 ss LChiens sont consacrés aux chiens dangereux. Entrent notamment dans cette catégorie les chiens ayant un comportement agressif ou dangereux au sens de l’art. 26 LChiens, soit ceux, toutes races confondues, ayant attaqué ou gravement blessé un être humain ou un animal et dont la dangerosité avérée est constatée par le département (al. 1). Le département se prononce sur la dangerosité à l’issue de la procédure d’instruction prévue par la loi (al. 2). Si la dangerosité est avérée, le chien est interdit sur le territoire du canton et séquestré en vue de son euthanasie (al. 3). Sont également considérés comme pouvant présenter un danger potentiel les chiens de grande taille, dès 56 cm au garrot, et d’un poids supérieur à 25 kg (art. 27 LChiens).

4.6 Selon l’art. 22 LChiens, doivent réussir un TMC les chiens dangereux, notamment de grande taille conformément à l'art. 27 LChiens (al. 1 let. b).

Le TMC est organisé par le département et est destiné à évaluer le comportement des chiens ainsi que la capacité de leurs détentrices et détenteurs à les maîtriser en toutes circonstances (al. 2). Il peut faire l’objet de trois tentatives dans un délai d’une année. Au troisième échec, ou à l’échéance du délai précité, le département peut séquestrer préventivement le chien. Dans tous les cas, il prononce les mesures nécessaires prévues par la loi (al. 3). Le TMC est dispensé par le département ou par des éducatrices et éducateurs canins (al. 4). Des dispenses, non pertinentes en l’espèce, sont prévues à l’al. 5.

4.7 Il appartient au détenteur d’annoncer au département les cas de blessures graves à un être humain ou à un animal, causées par son chien et tout comportement d’agression supérieur à la norme, une telle obligation incombant également aux forces de l’ordre et aux vétérinaires (art. 36 al. 1 et 2 LChiens). Selon l’art. 38 LChiens, dès réception d’une dénonciation ou d’un constat d’infraction, le département procède à l’instruction du dossier conformément aux dispositions de la LPA (al. 1). Il peut séquestrer immédiatement l’animal et procéder à une évaluation générale ou faire appel à des experts afin d’évaluer le degré de dangerosité du chien, et ce aux frais du détenteur (al. 2).

4.8 À l’issue de la procédure, le département statue et prend, le cas échéant, les mesures prévues à l’art. 39 LChiens (al. 3). En application de l’al. 1 de cette dernière disposition, le département peut prononcer et notifier aux intéressés, en fonction de la gravité des faits : l’obligation de suivre des cours d’éducation canine (let. a) ; celle du port de la muselière (let. b) ; la castration ou la stérilisation du chien (let. c) ; le séquestre provisoire ou définitif du chien (let. d) ; le refoulement du chien dont le détenteur n’est pas domicilié sur le territoire du canton (let. e) ; l’euthanasie du chien (let. f) ; le retrait de l’autorisation de détenir un chien (let. g) ; l’interdiction de pratiquer l’élevage (let. h) ; le retrait de l’autorisation de pratiquer le commerce de chiens ou l’élevage professionnel (let. i) ; le retrait de l’autorisation d’exercer l’activité de promeneur de chiens (let. j) ; la radiation temporaire ou définitive de la liste des éducateurs canins (let. k) ; l’interdiction de détenir un chien (let. l).

4.9 Le catalogue des mesures prévues à l’art. 39 al. 1 LChiens concerne tant l’animal que les différents acteurs en interaction avec les chiens. Dans ce cadre, le département dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans le choix de la mesure qu’il juge la plus adéquate, tout en étant tenu par les limites du principe de proportionnalité (MGC 2008-2009 XI A 15096).

5. En l’espèce, nul ne remet en cause le profond attachement de la recourante pour ses deux chiens et les bienfaits qu’ils lui procurent, notamment de par l’exigibilité de plusieurs sorties quotidiennes.

Son American Bully est, selon l’art. 27 LChiens, considéré comme pouvant présenter un danger potentiel, puisqu’il mesure plus de 56 cm au garrot et pèse plus de 25 kg (33à 34 kg selon les pièces au dossier).

Il est constant que ce dernier est un chien soumis à l’obligation de réussite, par sa détentrice, du TMC, auquel la recourante a échoué le 26 mars 2021. Au moment du séquestre préventif du chien le 3 mars 2023, qui a eu pour conséquence que la recourante n’en a depuis lors plus eu la maîtrise, il s’était déjà écoulé près de deux ans, alors que selon l’art. 22 LChiens, le délai légal d’une année pour passer les trois tentatives possibles était échu le 25 mars 2022.

Après les deux incidents en 2020, sur lesquels il n’a y pas lieu de revenir plus avant dans la mesure où ils font l’objet d’une décision en force du 24 août 2020, si ce n’est toutefois pour relever que deux personnes inconnues du chien ont été victimes de blessures, soit, selon les formulaires d’annonce, chacun une morsure, toutes deux dans l’espace public. Il a été ordonné à sa détentrice, de même qu’à toute personne susceptible de le promener, de le tenir en laisse courte dans les endroits fréquentés par le public et ses congénères et de lui faire porter une muselière de type « à panier » dès la sortie du domicile de la détentrice, et à cette dernière de suivre des cours d’éducation canine ce, aussi longtemps que le chien ne serait pas totalement maîtrisé. Elle devait être convoquée le 31 janvier 2021 au plus tard pour passer le TMC, délai finalement repoussé à sa demande au 26 mars 2021. En cas de
non-respect de la décision ou de nouvel incident, le SCAV pouvait être amené à prendre des mesures plus contraignantes pouvant conduire au séquestre définitif du chien, voire à son euthanasie.

Par courrier du 4 novembre 2020, après réception d’un rapport d’une éducatrice canine attestant notamment du suivi de deux cours, le SCAV a rappelé à la détentrice les mesures ordonnées le 24 août précédent. Malgré les cours supplémentaires d’éducation canine suivis, les 14 décembre 2020 et 7 janvier 2021, et le délai octroyé au plus tard au 31 mars 2021, selon courrier du SCAV du
21 janvier 2021, pour passer le TMC, la détentrice y a, le 26 mars 2021, échoué. Selon le rapport de la spécialiste du SCAV du même jour, si la détentrice avait fait des progrès, son chien n’était pas encore maîtrisé.

En conséquence, par courrier du 31 mars 2021, le SCAV a rappelé à la détentrice que les mesures ordonnées le 24 août 2020 restaient en vigueur et lui a demandé de reprendre contact avec lui pour passer le TMC une fois que l’éducatrice suivant B______ estimerait que le binôme serait prêt.

Il ressort du dossier qu’entre le 7 janvier 2021, dernier cours suivi par la recourante avec l’éducatrice canine, et le 3 mars 2023, date de saisie du chien, celui-ci n’a plus suivi de quelconque cours d’éducation canine. Les conseils prodigués çà et là par un ami de la recourante, et éducateur dans le canton de Vaud, qui indique « fréquenter très régulièrement » le chien, selon attestation du 6 juillet 2023, ne sont pas aptes à suppléer cette carence, alors même que la recourante connaissait la dangerosité de son chien. Sa situation personnelle, en particulier la maladie dont elle est atteinte et qui semble avoir des conséquences invalidantes, ne saurait justifier qu’elle n’ait pas fait en sorte que son chien suive les cours exigés par la loi, d’autant plus que ce chien entre dans la catégorie des chiens dangereux. À cet égard, les attestations médicales caviardées produites ne sont pas aptes à démontrer qu’elle se serait trouvée dans l’impossibilité de suivre de tels cours, au-delà d’une difficulté à honorer ses rendez-vous médicaux.

Selon le compte rendu de suivi comportemental du chien établi le 8 juillet 2023 par le vétérinaire en question, un traitement à base de fluoxétine avait notamment été mis en place dès le 10 mars 2021 afin de diminuer les symptômes anxieux et diminuer l’impulsivité de l’animal. Il avait revu la recourante à plusieurs reprises dans le cadre du suivi et avait été en contact téléphonique avec elle « (les 27 mai et 12 août 2021) ». Il avait pu noter que la thérapie médicale et comportementale avait apporté un mieux indéniable sur le comportement de B______. Compte tenu du milieu dans lequel celui-ci vivait, à savoir au centre-ville, le traitement médicamenteux lui semblait indispensable.

Ce document est à même de démontrer des prises de contact avec le vétérinaire comportementaliste dans son cabinet au printemps et en août 2021. Il ressort en sus de la procédure que la recourante avait rendez-vous chez ce vétérinaire le 16 février 2023, soit le jour suivant l’accident du 15 février 2023, sans que l’on sache ce qui aurait soudainement, après de nombreux mois, décidé celle-ci à consulter à nouveau, alors qu’elle indique avoir de manière constante administré la fluoxétine prescrite à son chien. Autrement dit, le dossier ne démontre pas que le vétérinaire comportementaliste aurait revu le chien entre le mois d’août 2021 et le 16 février 2023, de sorte que, quand bien même la recourante aurait régulièrement acheté la fluoxétine, ce vétérinaire n’a pas pu constater les effets que cette thérapie aurait eue sur le chien.

Il ressort des éléments du dossier que B______, considéré comme pouvant présenter un danger potentiel selon la LChiens, est désormais mis en cause dans trois incidents, le troisième, à la base de la décision querellée, ayant entraîné la mort d’un yorkshire, ce qui n’est pas contesté par la recourante. À cet égard, il sera relevé que celle-ci a concédé ne pas l’avoir à cette occasion tenu en laisse courte ni muni d’une muselière, alors que ces mesures étaient toujours en cours, ce qu’elle ne soutient pas avoir ignoré. Elle a de même concédé que son chien avait « foncé immédiatement » sur le yorkshire. Dans ces conditions, peu importe que ce dernier aurait, de manière défensive, mordu l’une des pattes de son chien avant d’être violemment secoué dans sa gueule jusqu’à ce que mort s’ensuive. En tout état, seul le comportement de B______ et de sa maîtresse doit être examiné dans ce contexte.

Ainsi, la recourante, en ne prenant le 15 février 2023 pas les précautions nécessaires afin que son chien ne puisse lui échapper et blesse à mort l’un de ses congénères, a contrevenu à l’art. 18 al. 1 LChiens. Ce faisant, le SCAV était légitimé à prendre les mesures prévues par l’art. 39 LChiens, dans le respect du principe de proportionnalité.

La recourante fait valoir que le séquestre définitif de son chien contreviendrait au principe de proportionnalité. Il n’en est rien.

Au vu des éléments retenus ci-dessus, c’est en effet à juste titre que l’autorité intimée a retenu une mise en danger de tiers par la détention de ce chien par la recourante, dans la mesure où celle-ci n’a à ce jour pas réussi le TMC, alors que le chien est âgé de plus trois ans et que, selon rapport de la spécialiste du 1er mars 2023, avant donc même qu’il ne soit séquestré préventivement deux jours plus tard et le prononcé du séquestre définitif litigieux, il ne possédait a priori pas d’obéissance de base, ne revenait pas sur appel ou uniquement après plusieurs ordres et s’était montré très réactif en présence d’un congénère et d’une femme intervenant comme « joggeuse ». Le résultat de l’évaluation était moins bon qu’au TMC échoué en mars 2021, soit il y a plus de deux ans.

Actuellement, le chien n’est plus sous traitement de fluoxétine, mais continue à se montrer imprévisible. C’est d’ailleurs le constat qu’avait déjà été posé le vétérinaire comportementaliste en mars 2021. Les trois incidents répertoriés démontrent cette imprévisibilité et l’impossibilité pour la recourante à contenir son chien au-delà de la force qu’elle lui oppose au bout d’une laisse courte. Dans ces conditions, et quand bien même l’autorité intimée n’a pas eu connaissance entre le mois d’août 2020 et le 15 février 2023 d’incident supplémentaire, c’est sans violer la loi ni abuser de son pouvoir d’appréciation qu’elle a prononcé le séquestre définitif du chien.

Le SCAV était justifié à prendre une mesure plus incisive que celles précédemment ordonnées, en août 2020, ce d’autant que la recourante n’a cessé de minimiser les agissements de son chien, prétendant que les deux humains « pincés » en 2020 avaient eu un comportement fautif, l’un en voulant caresser son chien nonobstant l’interdiction faite et l’autre étant passé trop près de B______ en trottinette, puis en relativisant grandement son propre comportement du 15 février 2023. Elle persiste à rejeter la faute de l’attaque de son chien sur le comportement du yorkshire, sur l’assurance que lui aurait donnée son amie présente que peu de personnes pourraient se trouver à cet endroit au moment des faits ou encore un mauvais dosage du Prozac. C’est faire entièrement fi qu’elle a alors non seulement lâché son chien, mais également ne lui a pas fait porter la muselière devenue obligatoire selon décision du 24 août 2020. Elle n’apparaît ce faisant pas avoir saisi la portée de la LChiens ni pris conscience de la gravité de la situation.

Le séquestre définitif de B______, bien que sévère, constitue une mesure respectant le principe de proportionnalité et est seul adéquat pour atteindre le but de sécurité publique visé par la loi, à savoir assurer la protection de tiers, humains et animaux. L’engagement de la recourante de tenir en laisse et museler à l’avenir son chien ne suffit pas pour renverser ce constat. Il ressort des derniers éléments présentés par l’autorité intimée que le chien ne devrait pas être euthanasié et pourrait être confié à une personne spécialiste en éducation canine vu les prédispositions qu’il semble avoir nonobstant l’arrêt de la fluoxétine.

Quant aux causes ayant été tranchées par la chambre de céans dans les ATA/517/2016 du 14 juin 2016, ATA/518/2018 du 29 mai 2018 et ATA/1176/2021 dont se prévaut la recourante pour en conclure que le séquestre définitif avait dans ces cas été pris à la suite de très nombreuses incidents et dénonciations impliquant les chiens concernés, aucun d’eux n’avait tué l’un de ses congénères, contrairement au chien de la recourante.

Quand bien même il ne fait aucun doute que cela cause une souffrance à la recourante, s’il est dit que le binôme avec son chien ne fonctionne pas, mais que cela pourrait être le cas avec un tiers, il n’en demeure pas moins que l’autorité intimée a, sur la base de tous les éléments en sa possession, pris la mesure qui s’imposait en l’espèce s’agissant de l’American Bully.

Quant aux autres mesures ordonnées dans la décision attaquée, la recourante ne les conteste pas spécifiquement, étant relevé en particulier qu’elle peut conserver son chien bouledogue.

En tous points infondé, le recours doit être rejeté.

6. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 avril 2023 par A______ contre la décision du service de la consommation et des affaires vétérinaires du 5 avril 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat de la recourante, au service de la consommation et des affaires vétérinaires, ainsi qu’à l’office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :