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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3856/2022

ATA/776/2023 du 18.07.2023 ( PATIEN ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3856/2022-PATIEN ATA/776/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 juillet 2023

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTE ET DES DROITS DES PATIENTS

B______ intimés

SERVICE DU MÉDECIN CANTONAL appelé en cause

 



EN FAIT

A. a. B______ travaille depuis 1977 en qualité de médecin dans le domaine de la psychiatrie et de la psychothérapie. Il exerce la psychiatrie en cabinet privé indépendant depuis octobre 1978. Il ne possède pas le titre FMH de psychiatre psychothérapeute mais est reconnu comme psychiatre psychothérapeute en fonction de droits acquis.

b. A______, né le ______ 1965, est le patient d’B______ depuis 2011.

B. a. Le 13 juillet 2022, A______ a saisi la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : la commission).

En octobre 2019, son dentiste avait sollicité d’B______ un rapport médical pour étayer sa demande de prise en charge d’un traitement dentaire, la destruction de l’émail de ses dents étant la conséquence d’un reflux œsophagien probablement lié à des facteurs psychiques comme l’anxiété.

Le 18 décembre 2019, B______ lui avait remis un « pseudo-rapport médical », en réalité une simple attestation dépourvue d’argumentaire et parsemé d’erreurs, ce qui l’avait mis dans une grande colère. Il avait demandé des corrections à B______ et celui-ci avait établi un nouveau rapport le 11 mars 2020. Ce document n’était toujours pas satisfaisant et il avait réitéré sa demande six semaines plus tard, mais B______ s’était montré hésitant à apporter des modifications, si bien qu’il n’avait pas davantage insisté.

En octobre 2020, son dentiste avait envoyé la demande de prise en charge, que son assurance avait préavisé défavorablement un mois plus tard. Un employé de l’assurance lui ayant indiqué être prêt à réexaminer son cas sur présentation de nouvelles pièces apportant de nouveaux éléments d’appréciation, il avait demandé le 24 février 2021 à B______ d’établir un nouveau rapport. Ce dernier avait refusé abruptement, lui disant qu’il n’avait aucune raison de refaire son rapport et qu’il devait voir avec son dentiste ou son gastro-entérologue, le décourageant de recourir contre la décision de l’assurance et sous-entendant qu’il cherchait à profiter de son assurance. À la fin de la consultation, B______ lui avait certes proposé de lui décrire par écrit l’historique de son reflux œsophagien, mais il s’était montré durant tout l’entretien fermé à la discussion et sur la défensive et son attitude avait été froide et agressive. À aucun moment, il ne lui avait parlé avec gentillesse ou bienveillance. Il était ressorti de l’entretien meurtri, humilié et négligé. Très déprimé, il lui avait fallu plusieurs mois pour répondre à la demande d’informations complémentaires, le 11 août 2021. B______ lui avait répondu très rapidement par une lettre très sèche et sa réponse l’avait choqué. Le certificat médical qu’il avait joint était sans rapport avec ses problèmes dentaires, ce qui pouvait trahir une erreur, une manipulation ou une intimidation. Il s’était senti déçu, découragé, abattu et confus. La confiance était rompue. Il lui avait fallu une année pour dénoncer B______.

Celui-ci avait eu une réaction inadéquate et un comportement inadapté. Il avait peut-être commis une erreur d’appréciation ou une manipulation du dossier ou occulté des éléments de celui-ci. Il avait manqué d’impartialité, d’indépendance et d’empathie et manqué à ses devoirs de médecin en ne lui apportant pas d’aide dans ses démarches administratives. Il avait manqué de soin, de rigueur et de clarté dans l’établissement des rapports. Il avait été inadéquat lors de la consultation du 24 février 2021 et dans sa réponse d’août 2021. Il était dans le déni du trouble de la personnalité dont il souffrait. Il avait occulté certains éléments dans son appréciation, notamment son problème de reflux gastro-œsophagien et sa probable cause psychique. Son comportement, sa désinvolture, sa maltraitance, avaient eu des conséquences dommageables sur son état psychique. Enfin, il venait de constater qu’B______ ne possédait pas le titre de psychiatre et s’interrogeait sur une possible tromperie de sa part, qui pourrait expliquer son manque de professionnalisme. La commission devait vérifier les qualifications professionnelles d’B______ et s’il pouvait pratiquer la psychiatrie et la psychothérapie. B______ devait être sanctionné.

b. Le 18 juillet 2022, la commission a informé A______ que sa plainte serait soumise au bureau pour examen préalable.

c. Le 6 septembre 2022, A______ a indiqué à la commission qu’il maintenait sa plainte contre B______.

d. Par décision du 20 octobre 2022, la commission a ordonné le classement immédiat de la plainte.

Un médecin devait établir les certificats au plus près de sa conscience professionnelle et avec toute la diligence requise, les certificats de complaisance étant interdits. On ne pouvait exiger d’un thérapeute qu’il adapte systématiquement les documents qu’il établissait conformément aux revendications de son patient.

Les attestations établies par B______ étaient claires et traduisaient son appréciation de sa situation. Elles ne prêtaient pas le flanc à la critique. La réponse du mois d’août 2021, si elle avait pu paraître sévère à A______, correspondait manifestement à l’appréciation de la situation par le médecin. Aucun grief ne pouvait être retenu contre B______.

La prétendue attitude inadéquate lors de la consultation du 24 février 2021 ne pourrait être établie par le biais d’une instruction, faute de pouvoir être objectivée ou documentée.

La commission ne pouvait se prononcer plus avant sur l’adéquation d’un diagnostic plutôt que d’un autre, étant précisé que les maladies digestives n’étaient fondamentalement pas de la compétence d’un psychiatre ou d’un psychothérapeute.

Le grief relatif à l’absence de titre FMH était de la compétence de la médecin cantonale.

C. a. Par acte remis à la poste le 21 novembre 2022, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’il soit constaté qu’B______ avait violé ses droits de patient, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée à la commission pour nouvelle décision.

B______ s’était toujours présenté à lui comme psychiatre et psychothérapeute et jamais comme simple généraliste. Il l’avait consulté pour des troubles psychiatriques, étant précisé qu’il était au bénéfice d’une rente entière de l’assurance-invalidité pour des motifs psychiques (trouble anxieux et trouble sévère de la personnalité) depuis 1998. Les factures d’B______ mentionnaient « psychiatrie et psychothérapie », les justificatifs de remboursement pour l’assurance détaillaient les actes accomplis « par le spécialiste en psychiatrie ». B______ ne disposait d’aucun titre de spécialiste. Partant les soins qu’il lui avait prodigués ne pouvaient se fonder sur de réelles qualifications professionnelles.

C’était à tort que la commission s’était déclarée incompétente pour connaître de son grief d’absence de titre médical. Il avait le droit d’être informé de manière claire et appropriée et aucun soin ne pouvait lui être fourni sans son consentement libre et éclairé. B______ avait violé ces principes en se présentant en tant que psychiatre et en prodiguant des soins en tant que tel. Il s’agissait d’une violation grave, car il n’aurait jamais accepté de suivre une thérapie individuelle s’il avait su qu’il n’était pas psychiatre et ne pouvait fournir les soins pour lesquels il n’avait pas de formation reconnue. Se présenter à lui comme psychiatre était d’autant plus grave que ses affections avaient été reconnues comme invalidantes et que la thérapie qu’il avait suivie avait duré dix ans. Une sorte de vice originel avait affecté tout le mandat thérapeutique qu’il lui avait confié. Le classement de sa plainte était incompréhensible.

b. Le 14 décembre 2022, B______ a indiqué qu’il avait travaillé du 1er octobre 1976 au 30 septembre 1977 auprès de la clinique de Bel-Air en psychiatrie, puis avait été admis au département de psychiatrie gériatrique des Hôpitaux universitaires de Genève du 1er octobre 1977 au 30 septembre 1978. Il exerçait la psychiatrie en cabinet privé, indépendant, depuis le mois d’octobre 1978. Il n’avait pas de titre FMH mais était reconnu comme psychiatre psychothérapeute en fonction de droits acquis. Nulle part, sur sa plaque, ses ordonnances, ses cartes de rendez-vous, ne figurait la mention psychiatrie psychothérapie ou d’un titre FMH. En raison des droits acquis, les caisses maladie recevaient la mention « psychiatrie-psychothérapie » et les prestations étaient remboursées aux patients. Lors de la première consultation en 2011, A______ lui avait demandé de fournir un rapport psychiatrique à l’assurance-invalidité pour une révision de rente. Il avait pu voir sur la plaque de l’immeuble que le seul titre indiqué était « médecin », comme il avait pu voir que seul le titre « Dr » figurait sur tous les documents. C’était à tort que A______ lui attribuait le titre de généraliste, qu’il ne possédait pas. Son statut médical était celui de médecin de premier recours. Il avait établi un certificat à la demande de A______ et lui avait conseillé de consulter un spécialiste en gastro-entérologie ou en stomatologie pour les difficultés liées à la mastication qu’il rencontrait. Il n’avait pas prétendu que A______ tentait de manière indue de mettre le traitement dentaire à la charge de l’assurance. Sa fonction de psychothérapeute lui commandait de s’abstenir de tout jugement à l’égard de ses patients. Il interprétait ses mots lorsqu’il lui avait signifié qu’il n’irait pas au-delà de ce qu’il avait déjà fait, soit attester l’importance d’un suivi dentaire.

c. Le 22 décembre 2022, la commission a indiqué qu’elle n’avait pas d’observations à formuler et s’est référée à sa décision.

d. Le 8 février 2023, A______ a persisté dans ses conclusions. Les plateformes « onedoc » et « local.ch » indiquaient respectivement « spécialiste en psychiatrie/psychothérapie » et « psychiatre » et il paraissait peu vraisemblable que ces mentions ne soient pas le fait d’B______. Ce dernier avait admis qu’il ne l’avait jamais informé qu’il pratiquait la psychiatrie et la psychothérapie en tant que médecin de premier recours ou de famille, ce qui constituait une violation crasse de son droit d’être informé. Sans le jeu des droits acquis, qui relevaient par essence du droit transitoire de la tarification médicale, il n’aurait jamais pu pratiquer à la charge de l’assurance obligatoire des soins comme spécialiste dans un domaine pour lequel il n’avait pas les qualifications professionnelles. La thérapie avait duré dix ans, à raison de plusieurs séances par mois dans un premier temps, et reposait sur la très grande confiance qu’il plaçait dans son médecin. Il se sentait aujourd’hui trahi et blessé, ce qui excluait au demeurant tout éventuel consentement hypothétique, qu’B______ n’invoquait pas. Son cas n’était pas isolé, puisqu’il résultait des commentaires qu’il avait pu trouver sur le travail d’B______ que celui-ci semblait pratiquer exclusivement la psychiatrie et la psychothérapie.

e. Le 9 février 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

f. Le 28 avril 2023, le juge délégué à invité les parties à se déterminer sur l’appel en cause de la médecin cantonale.

Le 9 mai 2023, A______ y a acquiescé.

Le 9 mai 2023, B______ s’en est rapporté à justice.

Le 16 mai 2023, la commission a estimé que l’appel en cause de la médecin cantonale n’avait pas d’utilité. Le devoir d’information concernait les éléments directement en lien avec les soins et n’incluait manifestement pas l’information sur le parcours académique et professionnel du médecin. Le grief tiré de l’utilisation d’un titre indu ou de la pratique indue d’une profession de la santé était indépendant de celui de la violation du devoir d’informer le patient. La compétence pour connaître des autres affaires de police sanitaire, soit celles touchant potentiellement un nombre indéterminé de patients, même si les infractions soupçonnées étaient révélées dans le cadre d’une relation thérapeutique particulière, revenait à la médecin ou au pharmacien cantonaux.

Le 23 mai 2023, le juge délégué a appelé la médecin cantonale en cause.

g. Le 6 juin 2023, la médecin cantonale s’est déterminée.

La question des autorisations de pratiquer et de l’absence de titre de psychiatre était de son ressort, car elle n’était pas liée à la prise en charge particulière du recourant mais aux conditions de pratique.

Elle ne pouvait attester qu’B______ exerçait en qualité de psychiatre psychothérapeute, ni qu’il suivait divers cours ou faisait des lectures dans le domaine médical et psychiatrique.

Elle pouvait par contre indiquer qu’B______ était au bénéfice d’un diplôme de médecin depuis 1975 et avait été autorisé à exercer en qualité de medecin-chirurgien dans le canton de Genève le 14 juillet 1976. Il n’avait pas de diplôme postgrade en psychiatrie, ce qu’il ne contestait pas. Jusqu’au 1er juin 2006, un médecin au bénéfice d’un diplôme fédéral était autorisé à exercer librement sa profession en Suisse. Dès cette date, une formation postgrade avait été exigée pour pouvoir exercer à titre indépendant. Les médecins déjà titulaires d’un diplôme restaient autorisés à exercer en vertu des dispositions transitoires.

Selon ses indications, B______ était autorisé à facturer des prestations relevant de la psychiatrie, en vertu de droits acquis et en application du système TARMED. Cela ne signifiait pas qu’il était reconnu comme psychiatre au bénéfice d’un diplôme. On pouvait supposer qu’il avait effectué les démarches nécessaires auprès de la FMH, les assureurs étant chargés de vérifier que les prestations de psychiatrie pouvaient être facturées.

h. Le 26 juin 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions.

La position de la médecin cantonale confirmait que la commission était compétente pour traiter sa plainte. Celle-ci ne portait pas sur l’autorisation de pratiquer en tant que telle mais sur le défaut d’information. Le fait qu’B______ était ou non en droit de prodiguer des thérapies spécialisées ne l’exonérait pas de son obligation de l’informer sur ses qualifications.

i. Le 28 juin 2023, la commission a indiqué qu’elle n’avait pas de déterminations au sujet du courrier de la médecin cantonale.

j. Le 5 juillet 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

D. Il ressort de la procédure les pièces pertinentes suivantes :

a. Dans l’attestation médicale du 18 décembre 2019, B______ a indiqué : « M. A______ est suivi à ma consultation de psychiatrie – psychothérapie depuis 2011 pour un trouble psychique. Il est à l’assurance invalidité depuis 2012. C’est un patient qui par ailleurs se nourrit correctement, ne consomme aucune drogue ni tabac ni alcool. Depuis quelques années, il présente une usure prématurée de l’émail de ses dents. D’après la dentiste, cette usure est la conséquence d’une hyperacidité gastrique qui est liée à son état de stress chronique. Ce problème dentaire est pour lui une source d’angoisse et a un impact psychologique négatif sur l’image qu’il a de lui-même, notamment du fait du risque d’avoir à porter un dentier à son âge. Le problème dentaire de M. A______ est donc une somatisation due à son état psychique de stress chronique et qui agit en cercle vicieux puisque son état dentaire augmente encore son stress. Il serait par conséquent important de pouvoir faire un traitement dentaire adéquat, mais celui-ci n’est pas à sa portée du fait qu’il vit uniquement avec sa rente AI ».

b. Dans l’attestation médicale du 11 mars 2020, B______ a indiqué : « M. A______ est suivi à ma consultation de psychiatrie – psychothérapie depuis 2011 pour un trouble psychique. Il est à l’assurance invalidité depuis 2001. C’est un patient qui par ailleurs se nourrit correctement, ne consomme aucune drogue ni tabac ni alcool. C’est une personne hypersensible et émotive. Depuis quelques années, il présente une usure prématurée de l’émail de ses dents. D’après la dentiste qui le soigne, cette usure est liée à son état de stress chronique. Ce problème dentaire est pour lui une source d’angoisse et a un impact psychologique négatif sur l’image qu’il a de lui-même, notamment du fait du risque d’avoir à porter un dentier à son âge. Le problème dentaire de M. A______ est donc une somatisation due à son état psychique de stress chronique et qui agit en cercle vicieux puisque son état dentaire augmente encore son stress. Il serait par conséquent important de pouvoir faire un traitement dentaire adéquat, mais celui-ci n’est pas à sa portée du fait qu’il vit uniquement avec sa rente AI ».

c. Dans le courrier à B______ du 11 août 2021, le recourant explique avoir consulté des juristes et lui demande d’appuyer davantage sa demande de prise en charge, en détaillant ce que son rapport doit contenir, et en rappelant qu’il avait souffert de reflux œsophagien de l’âge de 18 à 25 ans environ.

d. Le 20 août 2021, B______ a répondu au recourant que le certificat établi le 4 juin 2018, dont il lui adressait une copie, reflétait l’estimation, selon son jugement, de sa situation médicale, et qu’il ne ferait rien de plus.

Le certificat annexé – par erreur – portait sur la probable hypersensibilité de A______ aux rayonnements électromagnétiques et la nécessité de ne pas installer de compteur « Linky » dans la maison de campagne de ses parents en France où il lui arrivait de séjourner.

e. Des notes d’honoraires des années 2012 à 2014 produites par le recourant mentionnent dans l’en-tête : « Docteur B______, psychiatrie & psychothérapie, rue de C______ ______, ______ D______ ». Les documents postérieurs figurant à la procédure ne portent plus la mention « psychiatrie & psychothérapie ».

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant se plaint de la violation par l’intimé de son devoir de l’informer de manière compréhensible et de recueillir son consentement éclairé, prévu aux art. 45 et 46 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03), faute de lui avoir indiqué qu’il ne possédait pas de titre de spécialiste en psychiatrie et psychothérapie.

Il ne critique plus les certificats médicaux ni les circonstances dans lesquelles ceux-ci ont été établis, pas plus que l’appréciation de son statut médical.

Le grief relatif au devoir d’information et au consentement éclairé est nouveau, en ce qu’il n’a pas été soulevé comme tel devant la commission. Il est toutefois lié à la question du titre de spécialiste, que le recourant reproche à la commission de ne pas avoir traitée, si bien que la question de la recevabilité du recours pourra demeurer indécise, celui-ci devant en toute hypothèse être rejeté ainsi qu’il sera vu.

2.1 Le 1er septembre 2007 est entrée en vigueur la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (LPMéd - RS 811.11). Certains des articles de cette loi ont fait l’objet d’une modification entrée en vigueur le 1er janvier 2018, le 1er février 2020, ainsi que le 1er janvier 2022. Toutefois, ces modifications n’ont pas d’effet sur l’objet du présent litige, si bien que c’est la LPMéd dans sa teneur la plus récente qui sera exposée ci-dessous.

Dans une jurisprudence récente, le Tribunal fédéral a retenu que les droits et devoirs d'une personne exerçant une profession médicale, en tant qu'indépendant, soit sous sa propre responsabilité, sont régis par la LPMéd, conformément à l'art. 1 al. 3 let. e LPMéd, ce qui exclut l'application de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_759/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3 ; ATF 148 I 1 consid. 5 ; Yves DONZALLAZ, op.cit., 2021, n° 4'957).

2.2 La LPMéd, dans le but de promouvoir la santé publique, encourage la qualité de la formation universitaire, de la formation postgrade, de la formation continue et de l’exercice des professions dans les domaines de la médecine humaine, de la médecine dentaire, de la chiropratique, de la pharmacie et de la médecine vétérinaire (art. 1 al. 1). Dans ce but, elle établit notamment les règles régissant l’exercice des professions médicales universitaires sous propre responsabilité professionnelle (art. 1 al. 3 let. e).

Selon l’art. 40 LPMéd, les personnes exerçant une profession médicale universitaire sous leur propre responsabilité professionnelle doivent notamment exercer leur activité avec soin et conscience professionnelle et respecter les limites des compétences qu’elles ont acquises dans le cadre de leur formation universitaire, de leur formation postgrade et de leur formation continue (let. a). Il s'agit d'une clause générale (FF 2005 p. 211). Elles doivent également : (b) approfondir, développer et améliorer, à des fins d’assurance qualité, leurs connaissances, aptitudes et capacités professionnelles par une formation continue ; (c) garantir les droits du patient ; (d) s’abstenir de toute publicité qui n’est pas objective et qui ne répond pas à l’intérêt général ; cette publicité ne doit en outre ni induire en erreur ni importuner.

Les devoirs professionnels ou obligations professionnelles sont des normes de comportement devant être suivies par toutes les personnes exerçant une même profession. En précisant les devoirs professionnels dans la LPMéd, le législateur poursuit un but d’intérêt public. Il ne s’agit pas seulement de fixer les règles régissant la relation individuelle entre patients et soignants, mais aussi les règles de comportement que le professionnel doit respecter en relation avec la communauté. Suivant cette conception d’intérêt public, le respect des devoirs professionnels fait l’objet d’une surveillance de la part des autorités cantonales compétentes et une violation des devoirs professionnels peut entraîner des mesures disciplinaires (ATA/1084/2022 du 1er novembre 2022 consid. 5c ; ATA/941/2021 du 14 septembre 2021 consid. 7d et les références citées).

2.3 La LPMéd fixe par ailleurs les conditions d’obtention des diplômes fédéraux et des titres postgrades fédéraux pour les professions médicales universitaires (art. 1 al. 3 let. b). Elle confie au Conseil fédéral la tâche de déterminer les titres postgrades fédéraux qui sont délivrés dans les professions médicales universitaires dont l’exercice sous propre responsabilité professionnelle est soumis dans la présente loi à l’exigence d’une formation postgrade (art. 5 al. 2).

L’art. 58 LPMéd punit d’une amende toute personne (a) qui prétend être titulaire d’un diplôme ou d’un titre postgrade régi par la présente loi alors qu’elle ne l’a pas obtenu régulièrement ; (b) qui utilise une dénomination faisant croire à tort qu’elle a terminé une formation universitaire ou une formation postgrade régie par la loi.

L’ordonnance fédérale du 27 juin 2007 concernant les diplômes, la formation universitaire, la formation postgrade et l’exercice des professions médicales universitaires (ordonnance sur les professions médicales, OPMéd – RS 811.112.0) établit la liste des titres postgrades fédéraux (art. 2) et règle la dénomination professionnelle (art. 12). Les diplômes fédéraux sont utilisés dans leur énoncé officiel comme dénomination de la profession de médecin – notamment. Les diplômes étrangers reconnus sont, quant à eux, désignés selon la description contenue dans la directive 2005/36/CE. Ils peuvent également être utilisés dans l’énoncé et la langue nationale du pays qui les a délivrés, avec la mention du pays de provenance (art. 12 al. 1).

2.4 Selon les recommandations de la FMH et de l’ISFM de 2015, accessibles en ligne à l’adresse https://www.siwf.ch/files/pdf17/Titelausschreibung_Informations schrift_November_2015_F.pdf, la mention « spécialiste » précède la ou les spécialités attestées par un diplôme, suivies le cas échéant du pays de délivrance, sauf pour les médecins praticiens, qui indiquent « médecin praticien ». Même la simple utilisation d’une dénomination faisant croire à tort que la personne a obtenu un titre de formation postgraduée fédéral ou formellement reconnu est punie d’une amende.

2.5 Au niveau cantonal, les droits et devoirs des professionnels de la santé sont traités dans la LS, qui s’applique à tous les professionnels de la santé (art. 71 et 78 LS).

Une refonte législative, entrée en vigueur le 2 juin 2021, a modifié les articles y relatifs. Toutefois, en l’absence de dispositions transitoires, la loi applicable est celle en vigueur au moment où les faits pertinents pour le point à trancher se sont produits (ATF 140 II 134 consid. 4.2.4), de sorte qu’il sera uniquement fait référence aux dispositions de la LS dans leur ancienne teneur (ATA/941/2021 du 14 septembre 2021 consid.7c).

Les principaux droits du patient sont énumérés aux art. 42 ss LS. Il s’agit notamment du droit aux soins (art. 42 LS), du droit d’être informé (art. 45 LS) et du choix libre et éclairé (art. 46 LS).

Selon la jurisprudence de la chambre de céans, le droit de se faire soigner conformément aux règles de l’art médical constitue un droit du patient. L’allégation d’une violation des règles de l’art équivaut à celle de la violation des droits du patient (ATA/355/2021 du 23 mars 2021 consid. 5b). Les droits du patient sont en outre garantis par l’art. 40 LPMéd, qui consacre de manière uniforme et exhaustive les devoirs professionnels des personnes exerçant une profession médicale universitaire à titre indépendant (ATA/752/2022 du 26 juillet 2022 consid. 3g et l'arrêt cité).

Le patient a le droit d’être informé de manière claire et appropriée notamment sur les traitements et interventions possibles, leurs bienfaits et leurs risques éventuels (art. 45 al. 1 let. b LS). Dans les limites de ses compétences, tout professionnel de la santé s’assure que le patient qui s’adresse à lui a reçu les informations nécessaires afin de décider en toute connaissance de cause (art. 45 al. 4 LS), aucun soin ne pouvant être fourni sans le consentement libre et éclairé du patient capable de discernement (art. 46 al. 1 LS).

Le devoir d’information conditionne l’exercice par le patient de son droit à l’autodétermination en matière médicale rattaché à la liberté personnelle garantie par l’art. 10 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) notamment. Il permet au patient de donner, en connaissance de cause, son accord à une atteinte à son intégrité corporelle. Corrélativement, le respect du devoir d’information permet au médecin de justifier cette atteinte au droit absolu du patient en invoquant le consentement éclairé de ce dernier (art. 46 LS ; ATF 133 III 121 consid. 4.1.1). Le non-respect de ce droit, même dans l’intérêt thérapeutique du patient, constitue une grave atteinte à la liberté personnelle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_451/2020 du 9 juin 2021 consid. 6.2.3 et les références citées).

Le médecin doit donner au patient, en termes clairs, intelligibles et aussi complets que possible, une information sur le diagnostic, la thérapie, le pronostic, les alternatives au traitement proposé, les risques de l’opération, les chances de guérison, éventuellement sur l’évolution spontanée de la maladie et les questions financières, notamment relatives à l’assurance (ATF 133 III 121 consid. 4.1.2). La qualité de l’information doit être adaptée aux atteintes non voulues que l’acte médical peut engendrer et doit en particulier porter sur les risques. Ainsi, la nature et la gravité de ceux reconnus par la science médicale doivent être révélées aux patients, à l’exception des risques atypiques et inhabituels ainsi que ceux inhérents à toute intervention médicale (ATA/1084/2022 du 1er novembre 2022 consid. 6b ; ATA/916/2018 du 11 septembre 2018 consid. 4d et les références citées).

L’information n’est pas soumise à une forme particulière. Selon l’art. 45 al. 2 LS, le patient peut demander au médecin privé un résumé de ces informations. En cas de litige, c’est au médecin qu’il appartient d’établir qu’il a suffisamment renseigné le patient et obtenu le consentement préalable de ce dernier (ATF 133 III consid. 1.4.2 et la jurisprudence citée in SJ 2012 I 276 ; ATA/473/2018 du 15 mai 2018 consid. 6c et les références mentionnées).

2.6 La commission, instituée par l’art. 10 LS, est chargée de veiller au respect des prescriptions légales régissant les professions de la santé et les institutions de santé visées par la LS et au respect du droit des patients (art. 1 al. 2 de la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 - LComPS - K 3 03).

La commission instruit en vue d’un préavis ou d’une décision les cas de violation des dispositions de la LS, concernant les professionnels de la santé et les institutions de santé, ainsi que les cas de violation des droits des patients (art. 7 al. 1 let. a LComPS).

Compte tenu du fait que la commission est composée de spécialistes, mieux à même d’apprécier les questions d’ordre technique, la chambre de céans s’impose une certaine retenue (ATA/940/2021 du 14 septembre 2021 consid. 13 et les références citées).

Le devoir d’information ne s’étend pas au curriculum vitae.

2.7 En l’espèce, l’intimé a affirmé ne jamais s’être prévalu d’un titre qu’il ne possédait pas. Il ne ressort pas du dossier, et le recourant ne le soutient pas, qu’il aurait utilisé, au pied de son immeuble, sur la porte de son cabinet, dans son papier à en-tête, dans des ordonnances, des factures ou des cartes de visite ou de rendez-vous la mention « spécialiste » ou encore « spécialiste FMH » ou « FMH ».

Les annuaires téléphoniques produits par le recourant, pour peu qu’ils soient de son fait et que leur libellé puisse lui être imputé, ne mentionnent pas non plus « spécialiste » ou « FMH ».

La mention, sur les factures destinées à l’assurance, de prestations « par le spécialiste en psychiatrie » appartient au glossaire et au libellé standardisé des prestations du catalogue TARMED (accessible en ligne à l’adresse https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/versicherungen/krankenversicherung/kran kenversicherung-leistungen-tarife/Aerztliche-Leistungen-in-der-Krankenversiche rung/Tarisystem-Tarmed.html) et désigne la prestation dont l’intimé et ses patients peuvent prétendre la prise en charge en vertu des droits acquis avec l’écoulement du temps et compte tenu de sa pratique. Cette mention ne saurait être imputée à ce dernier comme l’affirmation fallacieuse qu’il détiendrait un titre.

La mention « psychiatrie & psychothérapie » figurant sur le papier à en-tête de l’intimé durant les années 2012 à 2014 ne constitue pas la revendication explicite d’un titre, faute d’être précédée de la précision « spécialiste en ». La chambre de céans considère qu’elle ne revêt pas non plus de caractère trompeur quant à la possession d’un titre, compte tenu de toutes les circonstances d’espèce, et notamment de l’absence totale de mention ou de revendication « spécialiste » dans la documentation écrite produite par le médecin à l’endroit de ses patients.

Le recourant ne rend ainsi pas vraisemblable que celui-ci se serait présenté à lui en tant que spécialiste en psychiatrie.

Le recourant se plaint encore d’une violation de son droit d’être informé et de pouvoir donner un consentement éclairé. Il ne serait pas devenu le patient de l’intimé s’il avait su qu’il ne possédait pas de spécialisation, dès lors que ses compétences professionnelles ne lui permettaient pas de traiter un patient souffrant d’affections psychiques graves.

L’intimé a exposé travailler comme médecin dans le domaine de la psychiatrie et la psychothérapie depuis plus de 45 ans et s’être vu reconnaître, au titre des droits acquis, le remboursement de prestations médicales en psychiatrie et en psychothérapie par les assureurs maladie.

Appelée en cause, la médecin cantonale a confirmé que le praticien était au bénéfice de droits acquis s’agissant de sa pratique. Celui-ci devait avoir accompli les formalités pour le remboursement de soins en psychiatrie et psychothérapie. Le recourant ne prétend pas que les prestations qu’il a reçues de l’intimé sur une longue période ne lui auraient pas été remboursées.

Le recourant ne se plaint pas de la qualité des soins reçus durant la relation thérapeutique, mais se limite à mettre en cause la qualification professionnelle de l’intimé.

La commission a indiqué que le devoir d’information concernait les éléments directement en lien avec les soins et n’incluait manifestement pas l’information sur le parcours académique et professionnel du médecin. La médecin cantonale a indiqué de son côté que la question des autorisations de pratiquer et l’absence de titre de psychiatre n’était pas liée à la prise en charge particulière du recourant mais aux conditions de pratique.

Dans ces circonstances, le fait que l’intimé ne se serait pas présenté explicitement au recourant comme étant dépourvu du titre de spécialiste en psychiatrie et psychothérapie n’apparaît pas constitutif d’une violation de ses obligations professionnelles. A fortiori, il ne saurait être qualifié de tromperie.

Ainsi, c’est à bon droit que la commission n’a pas retenu de faute professionnelle en lien avec la dénomination de l’activité de l’intimé.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée, l’intimé n’y ayant pas conclu et ne soutenant pas avoir pas exposé des frais de défense (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 21 novembre 2022 par A______ contre le la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 20 octobre 2022 ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients, à B______ ainsi qu'au service de la médecin cantonale.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Valérie MONTANI, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR et Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :