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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1322/2022

ATA/762/2023 du 11.07.2023 sur JTAPI/276/2023 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 14.09.2023, rendu le 24.10.2023, RETIRE, 9C_563/2023
Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;RÉVISION(DÉCISION);MOTIF DE RÉVISION;FARDEAU DE LA PREUVE;SECRET FISCAL;ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE;DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL);PROVISION POUR RISQUES ET CHARGES;DOMMAGES-INTÉRÊTS
Normes : LIFD.147.al1; LIFD.147.al1.letc; LIFD.147.al2; LIFD.148; LHID.51; LPFisc.55.al1; CC.8; LIFD.110; LHID.41.al1; LPFisc.17.al1; LIFD.27.al1; LIPP.30
Résumé : En dépit des événements ayant présidé à l’ouverture de l’instruction pénale en cause et de ceux qui se sont déroulés subséquemment, ce n’est que lors de l’audience finale au MP que le recourant a été mis en prévention et que le montant exact du dommage a été fixé. Conformément au principe in dubio pro reo et à celui de l’égalité de traitement, il y a lieu de retenir que ladite audience correspond à la date de connaissance des faits, de sorte que les demandes de révision en cause sont recevables. En revanche, des dommages-intérêts résultant d’un acte intentionnel ayant fait l’objet d’une condamnation pénale ne peuvent pas faire partie des charges commerciales, à défaut d’être justifiés par l’usage commercial. Ils ne sont donc pas déductibles fiscalement. Recours partiellement admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1322/2022-ICCIFD ATA/762/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 juillet 2023

4ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 mars 2023 (JTAPI/276/2023)


EN FAIT

A. a. B______ et A______ont été mariés du ______ 1991 au ______ 2019, date de leur divorce.

Le contribuable est ______ indépendant de profession, mais n’est plus ______ depuis l’ouverture à son encontre de la procédure pénale évoquée ci-après.

b. Pour les années fiscales 2008 à 2011, leurs taxations ICC/IFD ont été notifiées aux dates suivantes :

-          2008 : le 19 octobre 2011, à la suite du jugement de retrait du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) du 28 août 2014 ;

-          2009 : le 19 octobre 2011 ;

-          2010 : le 9 novembre 2011 ;

-          2011 : le 6 octobre 2014, puis devenue définitive après un arrêt du Tribunal fédéral du 29 mai 2018.

B. a. Dans le cadre d’une nouvelle organisation concernant le mode de facturation de C______ (C______), le chef du service des comptabilités (ci‑après : le comptable) a mandaté le contribuable, dès janvier 2007, pour s’occuper du contentieux et du recouvrement des créances impayées.

b. À la suite d’un rapport d’audit interne ordonné en 2013 et rendu en juin 2015, le comptable a été suspendu de ses fonctions, puis privé de son traitement, par décisions des respectivement 22 juin et 17 juillet 2015. Une enquête administrative a été ouverte à son encontre.

c. Le 24 juin 2015, lors d’un audit mené en parallèle à celui interne de C______, la Cour des comptes a dénoncé au Ministère public (ci-après : MP) les agissements du comptable.

d. Le lendemain, C______ ont résilié avec effet immédiat le mandat du contribuable.

e. Le 17 juillet 2015, C______ ont déposé plainte pénale pour « gestion déloyale des intérêts publics ou toute autre infraction à l’encontre [du comptable] ou tout autre personne impliquée, se constituant partie plaignante ».

L’instruction a porté sur des faits qui se sont déroulés durant les années 2007 à 2015.

f. Le 24 septembre 2015, le MP a ordonné le séquestre des avoirs du contribuable, pour confiscation et allocation au paiement de la créance compensatrice de C______.

g. Le 10 février 2017, un second séquestre a été prononcé à l’encontre du contribuable.

h. Le 8 décembre 2017 a eu lieu l’audience finale au MP.

Ce dernier a alors informé le contribuable de son intention de le renvoyer en jugement par-devant le Tribunal correctionnel pour faux dans les titres (« time‑sheet » de factures ne correspondant pas à la réalité), escroquerie par métier et instigation à gestion déloyale des intérêts publics. Le dommage causé aux C______ était chiffré à CHF 22'211'684. Le contribuable contestait avoir commis une quelconque infraction.

i. Par arrêt du 26 mai 2020, statuant sur appel contre le jugement du Tribunal correctionnel du 21 décembre 2018, la CPAR a acquitté le contribuable du chef de faux dans les titres, l’a déclaré coupable de complicité de gestion déloyale et condamné à une peine privative de liberté de deux ans avec sursis de deux ans. Elle a en outre condamné le comptable et le contribuable, conjointement et solidairement, à payer aux C______ la somme de CHF 20'460'487.-, avec intérêts à 5% l’an dès le 1er novembre 2012, à titre de réparation du dommage matériel. Elle a prononcé à l’encontre du contribuable, en faveur de l’État de Genève, une créance compensatrice de CHF 20'460'487.- avec intérêts à 5% l’an dès le 1er novembre 2012, celle-ci s’éteignant automatiquement dans le mesure du paiement par le contribuable.

j. Par arrêt du 22 décembre 2020, le Tribunal fédéral a confirmé l’arrêt de la CPAR du 26 mai 2020.

k. Le 21 juin 2021, le contribuable a déposé auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après : CEDH) une requête contre la Suisse ayant pour objet la procédure pénale précitée.

C. a. Par courrier du 19 octobre 2015, le contribuable a fait parvenir à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) une « déclaration fiscale modifiée pour l’année fiscale 2013, qui remplaçait la précédente et qui tenait compte d’une provision pour perte de CHF 12'000'000.- dans les comptes de [______], perte correspondant à la lésion estimée par la Cour des comptes dans sa dénonciation pénale, et qui sera reportée sur les exercices ultérieurs » (jugement du Tribunal correctionnel du 21 décembre 2018, en fait h.b).

b. Par courriers des 29 janvier et 1er février 2018, le contribuable a adressé à l’AFC‑GE une demande de révision des bordereaux de taxation ICC/IFD pour chacune des années 2008 à 2011. Le contribuable se référait au susdit procès-verbal du 8 décembre 2017 et aux montants des dommages mentionnés dans celui-ci par le MP pour chacune de ces années, à savoir :

-          2008 : CHF 2'985'548.- ;

-          2009 : CHF 3'234'866.- ;

-          2010 : CHF 3'444'422.- ;

-          2011 : CHF 5'826'186.- (soit CHF 3'336'895.- pour 2011 et CHF 2'489'291.- pour 2012).

Le renvoi en jugement du contribuable reposait sur un dommage de CHF 22'211'684.-, alors qu’initialement la plainte contre inconnu se basait sur un dommage de CHF 12'000'000.-.

La « découverte » de ces « faits importants » lors de l’audience du 8 décembre 2017, justifiait la révision - déposée dans le délai de nonante jours à compter de cette date - des taxations de ces années, afin de permettre la constitution de provisions de montants équivalents dans sa comptabilité et de tenir compte d’éventuels reports de pertes.

c. Par décisions du 26 juillet 2019, l’AFC-GE a déclaré irrecevables pour cause de tardiveté, subsidiairement infondées, les demandes de révision précitées.

d. Le contribuable a élevé réclamation à l’encontre de ces décisions.

e. Par courrier du 15 septembre 2020, l’AFC-GE a demandé au contribuable de lui transmettre « toutes les informations sur les résultats définitifs de la procédure P/1______/2015 à [son] encontre, les conclusions du MP et l’état d’avancement de la procédure voire les conclusions définitives (condamnation, sanction, jugement, etc.) liés aux provisions [qu’il avait faites valoir] dans [ses] comptabilités des exercices comptables pour les années 2007 à 2011 » afin de permettre l’examen de ses réclamations.

Le contribuable y a donné suite en produisant un extrait de l’arrêt de la CPAR du 26 mai 2020, une copie de son recours contre celui-ci auprès du Tribunal fédéral du 8 juillet 2020 ainsi que les conclusions de C______ y relatives.

f. Par courrier du 30 mars 2021, valant au besoin demande de révision, formulée dans le délai de nonante jours applicable, le contribuable a remis à l’AFC-GE une copie de l’arrêt du Tribunal fédéral précité. Ainsi, compte tenu du dommage calculé par la CPAR, il y avait lieu de réduire le bénéfice net (code 12.01) et la déduction au titre de l’AVS (code 32.10) des montants suivants :

-          2008 : CHF 929'806.- ;

-          2009 : CHF 3'409'385.- ;

-          2010 : CHF 4'393'750.- ;

-          2011 : CHF 4'320'882.-.

g. Par décisions sur réclamation du 30 mars 2022, l’AFC-GE a maintenu les taxations contestées, les demandes de révision étant irrecevables pour cause de tardiveté.

Les évènements qui justifieraient selon les contribuables la révision de leurs taxations étaient survenus au plus tard le 17 juillet 2015, lors du dépôt par C______ de la plainte pénale, voire le 25 juin 2015, date de résiliation avec effet immédiat du mandat du contribuable par C______.

Les contribuables admettaient eux-mêmes que la plainte déposée par C______ le 17 juillet 2015 auprès du MP se basait sur un dommage réclamé de CHF 12'000'000.- et que l’audience finale du MP du 8 décembre 2017 n’avait fait que préciser le montant de ce dommage. D’ailleurs, le courrier du 19 octobre 2015, comportant une nouvelle déclaration fiscale 2013 avec de nouveaux comptes 2013 incluant une provision pour pertes de CHF 12'000'000.- au passif du bilan et à charge du compte de pertes et profits, avait été adressé par les contribuables après que le MP eût ordonné le séquestre du 24 septembre 2015. Les déclarations fiscales 2014, 2015 et 2016 des contribuables contenaient également la provision de CHF 12'000'000.-. Dès lors, il était avéré que la responsabilité pénale potentielle et les risques financiers en découlant étaient apparus et connus du contribuable, au plus tard, dans le courant du deuxième semestre 2015.

D. a. Par acte du 28 avril 2022, les ex-époux ont interjeté recours auprès du TAPI contre les décisions susmentionnées, en concluant principalement, à leur nullité, à la recevabilité de la demande de révision des taxations 2008 à 2011 du 30 mars 2021 et à ce que l’AFC-GE soit invitée à procéder à la révision des bordereaux ICC/IFD pour ces années. Subsidiairement, ils ont conclu à la recevabilité des demandes de révision des taxations 2008 à 2011 des 29 janvier et 1er février 2018 et à ce que l’AFC-GE soit invitée à procéder à la révision des bordereaux ICC/IFD pour ces années. Ils ont en outre demandé que les bénéfices retenus fiscalement et les déductions déclarées au titre de l’AVS durant les années en cause soient réduits des montants suivants :

-          2008 : CHF 929'806.- ;

-          2009 : CHF 3'409'385.- ;

-          2010 : CHF 4'393'750.- ;

-          2011 : CHF 4'320'882.-.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué, en persistant dans leurs conclusions.

d. Par jugement du 10 mars 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Dans ses décisions litigieuses du 30 mars 2022, l’AFC-GE s’était uniquement prononcée sur la tardiveté des demandes de révision des 29 janvier et 1er février 2018, sans examiner la question de savoir si la demande de révision du 30 mars 2021 était recevable. Par économie de procédure, le TAPI, ayant les mêmes compétences que le département dans la procédure de taxation et l’AFC-GE s’étant déterminée sur cette seconde demande de révision dans sa réponse du 29 juillet 2022, y procéderait lui-même.

En déposant ses demandes de révision les 29 janvier et 1er février 2018, le contribuable n’avait pas respecté le délai de 90 jours prévu légalement. Le procès‑verbal d’audience du MP du 8 décembre 2017 ne pouvait constituer un fait nouveau les justifiant, dès lors que dès l’exercice comptable 2013, le contribuable avait constitué une « provision pour perte » de CHF 12'000'000.-. Les faits survenus entre juin et septembre 2015 tendaient également à démontrer que l’intéressé était conscient des risques financiers qu’il encourait, lesquels avaient justifié la constitution de la provision pour perte lors de l’exercice 2013 et qui figurait encore dans ses comptes des années 2014, 2015 et 2016.

Quant à la demande de révision du 30 mars 2021, l’arrêt du Tribunal fédéral du 22 décembre 2020 ne pouvait justifier la révision des taxations 2008 à 2011. Comme l’avaient retenu la CPAR et le Tribunal fédéral, le dommage subi par C______ résultait d’un comportement fautif du contribuable, qui avait entraîné sa condamnation pénale pour des actes commis intentionnellement. Étant donné que les dommages-intérêts résultaient d’un acte intentionnel ayant fait l’objet d’une condamnation pénale, ils ne pouvaient pas faire partie des charges commerciales et n’étaient donc pas déductibles fiscalement.

Il n’existait aucun motif de nullité des décisions sur réclamation.

E. a. Par acte du 19 avril 2023, les ex-époux ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant, principalement, à la recevabilité des trois demandes de révision et à ce que l’AFC-GE soit invitée à procéder à la révision des bordereaux ICC/IFD 2008, 2009, 2010 et 2011 et à notifier des bordereaux rectificatifs des taxations ICC/IFD pour lesdites années. Subsidiairement, ils demandaient que la demande de révision du 30 mars 2021 soit déclarée recevable et, plus subsidiairement, la constatation de l’existence de faits nouveaux et la nécessité de réduire le bénéfice retenu au code 12.01 et la déduction au titre de l’AVS retenue au code 32.10 des montants suivants :

-          2008 : CHF 929'806.- ;

-          2009 : CHF 3’409'385.- ;

-          2010 : CHF 4'393'750.- ;

-          2011 : CHF 4'320'882.-.

La question des bordereaux définitifs pour les années 2008 à 2011 était distincte de celle de l’année fiscale 2013, qui n’avait pas encore été taxée. Les règles afférentes à une demande de révision, soit l’existence de faits nouveaux et importants, étaient étrangères aux règles dictant la comptabilité commerciale, notamment celles concernant la constitution obligatoire d’une provision dans les comptes sauf à être forclos pour faire valoir ultérieurement cette charge non comptabilisée. Au cas où la charge ne survenait pas, la provision serait dissoute. Il ne pouvait donc être fait grief au contribuable d’avoir respecté les principes comptables dès la connaissance d’un fait qui pourrait avoir une conséquence financière afin d’éviter de se voir opposer in fine la non prise en compte d’une charge quand bien même ce fait ne constituait pas un fait important.

Les faits survenus entre juin et septembre 2015 et retenus par le TAPI étaient contestés. La révocation d’un mandat pouvant intervenir en tout temps, la résiliation de son mandat par C______ le 25 juin 2015 ne pouvait être constitutive d’un fait nouveau justifiant une demande de révision. La plainte pénale du 17 juillet 2015 était dirigée contre inconnu. Le séquestre de ses avoirs le 24 septembre 2015 était une mesure conservatoire. Le fait qu’il aurait été conscient des risques financiers qu’il encourait, lesquels avaient justifié la constitution de la provision pour l’exercice comptable 2013 ne pouvait être constitutif de fait nouveau et important.

Indirectement, le TAPI admettait qu’avant l’arrêt du Tribunal fédéral du 22 décembre 2020, toute condamnation n’était pas établie définitivement, ni le montant du dommage, ce qui constituaient des faits importants. En revanche, contrairement à ce que retenait le TAPI, il ne lui avait pas été reproché d’avoir violé son mandat, mais d’avoir facturé ses prestations contractuelles aux tarifs dictés intégralement par son mandant et convenus avec lui. Ses demandes de révision étaient valides et respectaient le délai puisque déposées dans les 90 jours à compter de l’audience finale du MP du 8 décembre 2017. À cette occasion, le MP avait décidé de le renvoyer nommément en jugement en requalifiant les faits d’une nouvelle infraction d’escroquerie dont il aurait été l’auteur. Il avait alors eu connaissance pour la première fois qu’il serait renvoyé en jugement pour répondre d’un dommage de CHF XXX. Jusqu’alors, l’instruction pouvait ne pas l’affecter, voire conduire à un non-lieu. Il ne pouvait être raisonnablement exigé de sa part qu’il invoquât un motif de revenir sur ses taxations 2008 à 2011 – émises entre octobre 2011 et octobre 2014, soit avant le dépôt de la plainte de C______ – avant la clôture de l’instruction et la prise de connaissance des décisions du MP quant à la suite à donner à la plainte de C______. La notion de « faits importants ou de preuves concluantes » ne pouvait se rapporter au seul fait qu’éventuellement une plainte pénale contre inconnu pouvait se transformer en une procédure conduite nommément contre lui dans un certain avenir et qu’un dommage lui serait également imputé. Il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait être attendue de lui en déposant ses premières demandes de révision au début de l’année 2018. Il n’avait d’ailleurs pas attendu de disposer de l’acte d’accusation pour le faire. Dans la cause A/2______/2022 concernant le comptable, l’AFC-GE avait expressément considéré que les éléments ayant trait aux risques liés à la procédure pénale auraient dû être portés à sa connaissance dans le délai de 90 jours dès le 13 avril 2018, date de l’acte d’accusation dans lequel il était fait état d’un dommage total de CHF XXX causé par celui-ci. Il devait être mis au bénéfice de cette approche, dans la mesure où il se trouvait dans la même situation du comptable concernant une demande de révision.

Étaient jointes les écritures responsives de l’AFC-GE du 15 février 2023 dans la cause A/2______/2022 concernant le comptable et son épouse, indiquant notamment « en l’espèce, s’agissant des taxations ordinaires 2012 et 2013 (notifiées le 5 août 2014, respectivement le 31 août 2015 et entrées en force 30 jours plus tard) les éléments ayant trait aux risques liés à la procédure pénale auraient dû être portés à la connaissance de l’autorité fiscale dans un délai de 90 jours à compter du 13 avril 2018, date de l’acte d’accusation du MP du 13 avril 2018, dans lequel il est fait état d’un dommage total causé par le contribuable de "CHF XXX au moins aux C______" ou encore dès le prononcé du Tribunal correctionnel du 21 décembre 2018 (contre lequel il a fait appel le même jour), qui avait condamné le contribuable au paiement solidaire de CHF XXX aux C______, en réparation de leur dommage matériel […]. En attendant le prononcé de la Cour pénale fédérale pour se prévaloir dans sa taxation ordinaire 2014 des dommages-intérêts auxquels il avait été condamné solidairement par arrêt du 22 décembre 2020, le contribuable avait agi en violation de l’art. 55 al. 2 [de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17] et 147 al. 2 [de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11], dont il découlait que la révision est exclue lorsque les motifs invoqués auraient pu être invoqués par le requérant au cours de la procédure ordinaire s’il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui ».

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Concernant les demandes de révision des 29 janvier et 1er février 2018, il était difficile d’admettre que l’élément ayant amené le dépôt de nouveaux comptes commerciaux en 2013 était d’une nature insignifiante ou irréaliste, alors que la provision nouvellement comptabilisée s’élevait à CHF 12’000'000.- et qu’elle avait abouti pour l’exercice commercial concerné, à une perte de CHF 9'682'627.52 (au lieu d’un bénéfice net initialement déclaré de CHF 2'317'372.48), ce d’autant plus que les faits survenus entre juin et septembre 2015 allaient s’ajouter à la création de cette provision comptable. Même s’il n’était pas nommément incriminé dans l’intitulé de la plainte pénale du 17 juillet 2015, il ne pouvait pas avoir échappé au contribuable que c’était le système de facturation des prestations de C______, dont il assurait le fonctionnement sur mandat de C______, qui était en cause dans cette procédure pénale et qu’il était susceptible d’être incriminé dans ce cadre. Le prononcé des séquestres sur les biens du contribuable le 24 septembre 2015, dans le contexte de la plainte pénale dans laquelle ses agissements de mandataire chargé de l’encaissement des factures de C______ étaient mis en cause, et la résiliation avec effet immédiat de son mandat par C______, avaient eu pour conséquence d’alerter le contribuable, qui avait alors transmis de nouveaux comptes commerciaux 2013 à l’AFC-GE, présentant une provision pour perte d’un montant de CHF 12'000'000.-.

Les termes de l’arrêt du Tribunal fédéral du 22 décembre 2020 avaient été cités de manière exacte par le TAPI. Il importait peu qu’il ne fût pas reproché au recourant de ne pas avoir accompli son travail à satisfaction de son mandant. Il avait été condamné pour complicité de gestion déloyale, au regard de la facturation de son activité aux C______, qualifiée d’exorbitante par la CPAR.

En raison des dispositions légales sur le secret fiscal, elle n’était autorisée à communiquer, dans la présente cause, des éléments qui concernaient la situation fiscale du comptable, sauf demande expresse de l’instance. La chambre administrative pouvait consulter la procédure dont se prévalait le recourant, mais en tout état, chaque cas devait être déterminé pour lui-même. Tous les éléments intervenus entre juin et octobre 2015 menaient à la conclusion que le contribuable n’avait pas respecté le délai de 90 jours de la demande de révision. Cela valait, a fortiori, pour l’acte d’accusation du MP du 13 avril 2018. Le montant du dommage qui y était relevé n’était pas un élément décisif par rapport au montant de CHF 12'000'000.- qui avait amené le contribuable à transmettre de nouveaux comptes commerciaux 2013, intégrant une provision pour perte de CHF 12'000'000.-. L’ampleur de ce montant, comme le fait qu’il ait été articulé dans la plainte pénale du 17 juillet 2015 de C______, qui avaient mandaté le recourant pour l’encaissement de leurs factures, constituait un fait nouveau important, qui aurait dû amener le dépôt d’une demande de révision des taxations.

Concernant la demande de révision du 30 mars 2021, les dommages-intérêts qualifiés par le recourant de « charges commerciales » résultaient d’un acte intentionnel ayant fait l’objet d’une condamnation pénale, de sorte qu’ils ne pouvaient faire partie des charges commerciales et n’étaient donc pas déductibles fiscalement. Dans l’hypothèse où la chambre administrative devait retenir le contraire, elle s’opposerait à la prise en compte du montant total des dommages-intérêts de CHF XXX. En tant que codébiteur solidaire, le recourant ne pouvait déduire que la moitié du dommage total, dont il répondait envers C______ sur les périodes fiscales en cause.

c. Les recourants ont répliqué en persistant dans leurs conclusions.

Rappelant avoir déposé une requête par-devant la CEDH le 21 juin 2021, le recourant relevait avoir été reconnu complice par dol éventuel au motif qu’il aurait pu savoir que les contrats qui lui avaient été valablement confiés comportaient des rémunérations excessives, alors que le nouveau mandataire de C______ s’était vu accorder pour la même période un nouveau contrat comportant des rémunérations correspondant quasiment au double des siennes. Ce n’était donc aucunement lors du dépôt de la plainte contre inconnu qu’il pouvait savoir qu’il serait condamné pour une autre infraction et pour des motifs ne relevant pas de celle-ci. Au contraire, il était convaincu de n’avoir violé aucune des normes qui lui étaient reprochées et qu’il en serait acquitté.

La déduction des dommages-intérêts devait porter sur le dommage supporté par lui, ce qui ne pouvait être limité à la moitié du dommage fixé par la CPAR, sauf à tenir pour acquis que l’autre moitié du dommage avait été ou serait supporté par le comptable. Si tel n’était pas le cas, le risque de perte pour lui correspondait au montant du dommage qui, en définitive, n’aurait pas été supporté par le comptable.

d. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 7 al. 2 LPFisc ; art. 145 LIFD).

2.             L’objet du litige porte sur les refus de l’AFC-GE d’entrer en matière sur les demandes de révision des recourants des 29 janvier et 1er février 2018 ainsi que celle du 30 mars 2021.

3.             3.1 Selon l'art. 147 al. 1 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé en faveur du contribuable, à sa demande ou d'office : lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a) ; lorsque l'autorité qui a statué n'a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu'elle connaissait ou devait connaître ou qu'elle a violé de quelque autre manière l'une des règles essentielles de la procédure (let. b) ; lorsqu’un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c).

Est nouveau le fait qui était inconnu, mais qui existait déjà au moment de la décision. Les faits en question sont donc des événements antérieurs au prononcé dont la révision est demandée, mais qui ont été découverts par la suite. Les faits et moyens postérieurs à la décision sont donc en principe exclus. S'ils existaient de manière latente dès le début, ils peuvent toutefois justifier une révision en ce qu'ils rétroagissent au jour où la décision a été prise et font apparaître l'appréciation des faits effectuée à cette époque comme inexacte (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.2 et les références citées). Tel est le cas, selon une partie de la doctrine, lorsqu'un revenu, imposé au moment de sa réalisation, est soumis ultérieurement à une obligation de restitution ou à une mesure de confiscation. Ce n'est que si la restitution n'a pas lieu que le revenu reste imposable : un accroissement de fortune ne constitue un revenu imposable que si son acquéreur peut en disposer définitivement. En revanche, lorsqu'elle est effective, la restitution constitue une circonstance nouvelle qui doit être prise en compte par le fisc au moyen d'une révision au sens des art. 147 ss LIFD, même si elle ne constitue pas une nova improprement dite, mais bien une pure nova : c'est en effet une circonstance qui rétroagit au jour de la décision de taxation en ce qu'elle met en lumière une erreur dans l'appréciation juridique initiale des faits (arrêt du Tribunal fédéral 9C_674/2022 du 12 avril 2023 consid. 7.1 et les références citées).

Selon la jurisprudence, l'erreur dans l'application du droit ne constitue pas un motif de révision. En particulier, un changement de jurisprudence lié à une nouvelle interprétation légale n'ouvre pas la voie de la révision (arrêts du Tribunal fédéral 2P.198/2003 et 2A.346/2003 du 12 décembre 2003 consid. 3.2).

L’hypothèse de l’art. 147 al. 1 let. c LIFD est sans doute rare. Le cas échéant, entrent également en ligne de compte les crimes ou délits suivants : le faux témoignage et le faux rapport (art. 307 CP), la fausse déclaration d’une partie en justice (art. 306 CP), l’extorsion et le chantage (art. 156 CP), la contrainte (art. 181 CP), le faux dans les titres (art. 251 CP) ainsi que l’abus d’autorité (art. 312 CP). Les entraves à l’activité de l’autorité de taxation ou de recours doivent en principe avoir été dûment constatées dans une procédure pénale. Au cas où une procédure pénale serait impossible, la preuve de la commission d’un crime ou d’un délit devrait aussi pouvoir être apportée d’une autre manière (Hugo CASANOVA/Claude-Emmanuel DUBEY, in Commentaire romand, LIFD, 2017, n° 9 s. ad art. 147 LIFD).

3.2 La révision est exclue lorsque le requérant a invoqué des motifs qu'il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s'il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui (art. 147 al. 2 LIFD). En d'autres termes, selon la jurisprudence, même en présence d'un motif de révision, si le contribuable ou son représentant omet, de manière négligente, de faire valoir celui-ci dans la procédure ordinaire, la révision n'est pas possible. La jurisprudence souligne qu'il faut se montrer strict à cet égard. Le seul facteur décisif est donc celui de savoir si le contribuable aurait déjà pu présenter les motifs de révision dans la procédure ordinaire. Le but de la procédure extraordinaire de révision n'est en effet pas de réparer les omissions évitables du contribuable commises au cours de la procédure ordinaire. Cette limitation importante à la révision s'explique par le caractère subsidiaire de cette voie de droit et par les exigences de la sécurité du droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.3 et les références citées).

3.3 La demande de révision doit être déposée dans les nonante jours qui suivent la découverte du motif de révision, mais au plus tard dans les dix ans qui suivent la notification de la décision ou du prononcé (art. 148 LIFD).

La possibilité pour l'autorité fiscale de procéder d'office à la révision d'une décision ou un prononcé entré en force n'a pas pour effet que le contribuable n'est plus tenu de respecter le délai de l'art. 148 LIFD. Selon la doctrine, l'autorité fiscale doit procéder d'office à la révision d'une décision ou un prononcé entré en force lorsqu'elle découvre un motif de révision par elle-même que le contribuable n'a pas encore découvert ou n'a pas pu découvrir. Il faut éviter que le contribuable qui connaissait ou pouvait connaître le motif de révision ne laisse passer le délai de l'art. 148 LIFD et fasse ensuite grief à l'autorité fiscale de n'avoir pas procédé d'office à la révision d'une manière contraire au principe de la bonne foi ancré à l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_660/2017 du 30 janvier 2019 consid. 6.1 et les références citées).

La découverte du motif de révision implique que le requérant a une connaissance suffisamment sûre du fait nouveau pour pouvoir l'invoquer, même s'il n'est pas en mesure d'en apporter une preuve certaine ; une simple supposition ne suffit pas. S'agissant plus particulièrement d'une preuve nouvelle, le requérant doit pouvoir disposer d'un titre l'établissant ou en avoir une connaissance suffisante pour en requérir l'administration (arrêts du Tribunal fédéral 4A_222/2011 du 22 août 2011 consid. 2.1 et 4C.111/2006 du 7 novembre 2006 consid. 1.2 et les références citées). Il appartient au requérant d'établir les circonstances déterminantes pour la vérification du respect du délai précité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_222/2011 précité consid. 2.1 ; ATA/396/2014 du 27 mai 2014 consid. 3).

3.4 Conformément à l'art. 51 al. 1 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et à l'art. 55 al. 1 LPFisc, dont la teneur est identique, une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé en faveur du contribuable, à sa demande ou d'office, lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a), lorsque l'autorité qui a statué n'a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu'elle connaissait ou devait connaître ou qu'elle a violé de quelque autre manière l'une des règles essentielles de la procédure (let. b), lorsqu'un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c). La révision est exclue lorsque le requérant a invoqué des motifs qu'il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s'il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui (art. 51 al. 2 LHID ; art. 55 al. 2 LPFisc). La demande de révision doit être déposée dans les 90 jours qui suivent la découverte du motif de révision, mais au plus tard dans les dix ans qui suivent la notification de la décision ou du prononcé (art. 51 al. 3 LHID ; art. 56 LPFisc).

3.5 Lorsque, comme dans la présente affaire, la disposition de droit fiscal fédéral est semblable à celle du droit harmonisé, il y a lieu, en vue d'une harmonisation verticale, d'interpréter cette dernière de la même manière que celle relative à l'impôt fédéral direct, dont elle reprend la teneur. Selon une jurisprudence constante en relation avec l'impôt fédéral direct, le Tribunal fédéral, dans l'intérêt de la sécurité du droit, refuse de corriger des décisions de taxation entrées en force pour d'autres motifs que ceux énumérés à l'art. 147 al. 1 LIFD. Cette jurisprudence vaut également pour l'art. 51 LHID (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1066/2013 du 27 mai 2014 consid. 3.2 et les références citées).

3.6 Lorsque l’autorité n’entre pas en matière sur une demande de révision, la procédure de recours ne peut pas porter sur le fond du litige, mais seulement sur le fait de savoir si les conditions d’une révision étaient ou non remplies (ATA/413/2021 du 13 avril 2021 consid. 3 ; ATA/338/2020 du 7 avril 2020 consid. 5).

3.7 En matière fiscale, les règles générales relatives à la répartition du fardeau de la preuve ancrées à l'art. 8 CC, destinées à déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un fait, impliquent que l'autorité fiscale doit établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_667/2021 du 11 mars 2022 consid. 4.4 et les arrêts cités).

C'est partant au contribuable qui fait valoir une dépense d'apporter la preuve de son existence, ainsi que de sa justification commerciale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_14/2021 du 27 mai 2021 consid. 5.2 et les arrêts cités). La personne qui exerce une activité lucrative indépendante ne peut dès lors se contenter d'alléguer avoir encouru des frais, mais doit l'établir (arrêt du Tribunal fédéral 2C_87/2015 du 23 octobre 2015 consid. 7.1).

3.8 La chambre administrative et les autorités fiscales sont soumises au secret fiscal en vertu des art. 110 LIFD, 39 LHID et 11 LPFisc. Des renseignements peuvent être communiqués dans la mesure où une disposition légale fédérale ou cantonale le prévoit expressément (art. 110 al. 2 LIFD ; art. 39 al. 1 LHID ; art. 12 al. 6 LPFisc). Le contribuable a le droit de consulter les pièces du dossier qu'il a produites ou signées (art. 114 al. 1 LIFD, art. 41 al. 1 LHID, art. 17 al. 1 LPFisc). Il peut prendre connaissance des autres pièces une fois les faits établis et à condition qu'aucune sauvegarde d'intérêts publics ou privés ne s'y oppose (art. 114 al. 2 LIFD, art. 41 al. 1 LHID, art. 17 al. 2 LPFisc).

4.             4.1 Les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante peuvent déduire les frais qui sont justifiés par l'usage commercial ou professionnel (art. 27 al. 1 LIFD, art. 3 al. 3 aLIPP-V, art. 30 LIPP). Font notamment partie de ces frais les amortissements et les provisions (art. 27 al. 2 let. a LIFD, art. 3 al. 3 let. d et e aLIPP-V, art. 30 let. d et e LIPP).

Le renvoi du législateur à l'usage, commercial ou professionnel, donne à l'autorité de taxation un pouvoir d'appréciation important. L'autorité de taxation doit notamment apprécier le caractère professionnellement usuel de la dépense. Selon la jurisprudence, sont justifiées par l'usage commercial les dépenses qui apparaissent comme acceptables du point de vue commercial, ce qui dépend du contexte dans lequel elles sont effectuées (arrêt du Tribunal fédéral 2C_149/2022 du 13 octobre 2022 consid. 5.1).

4.2 Seuls les frais justifiés par l’usage commercial ou professionnel sont déductibles du revenu brut. Si l’énumération de ceux-ci n’est qu’exemplative aux art. 27 al. 2 à 31 LIFD, leur déductibilité est conditionnée par la preuve de leur nécessité au regard de l’activité poursuivie. Cette preuve incombe au contribuable, puisqu’elle tend à la diminution de la charge fiscale. La jurisprudence retient que la notion de frais justifiés par l’usage commercial doit être interprétée de manière large. Tout ce qui selon l’usage commercial et la bonne foi peut être considéré comme frais doit être admis du point de vue fiscal (Yves NOËL, Commentaire romande, LIFD, 2017, n°2 ad art. 27 LIFD).

Les procédures et condamnations civiles concernant des biens ou des activités privées de l’indépendant ne sont pas déductibles. Il en va de même des procédures de droit successoral, cela même si l’entreprise est l’un des actifs successoraux litigieux. Les amendes non plus ne sont pas déductibles, même si elles sont en lien direct avec l’activité commerciale ou professionnelle ; on considère qu’elles touchent l’individu personnellement et non son activité commerciale. L’exercice de l’activité ne peut justifier, par exemple, que l’on dépasse les limitations de vitesse routières ou viole les règles sur les cartels ou les denrées alimentaires. Plus délicate est la question du coût d’une procédure pénale ou pénale administrative, engagée contre l’indépendant ou son personnel, pour un fait relevant de l’activité commerciale. La déduction doit être admise lorsque l’indépendant est acquitté ; dans ce cas, en effet, il s’est agi de la gestion d’un risque entrepreneurial, sans violation de l’ordre juridique par l’intéressé. S’il est condamné, les frais de procès, mais non l’amende, doivent être déductibles pour les cas où seule la négligence est retenue et si le comportement sanctionné entre dans les risques professionnels de l’activité concernés (Yves NOËL, op. cit., n° 17 s. ad art. 27 LIFD).

4.3 Dans sa jurisprudence récente, le Tribunal fédéral a rappelé que, pour être admise en droit fiscal, la provision doit être justifiée par l'usage commercial. Or, on ne peut en principe pas considérer que des dommages-intérêts qui dérivent d'un manquement crasse et extraordinaire ou d'une négligence grave voire d'un comportement intentionnel sont dans un rapport suffisamment étroit avec l'activité commerciale en cause. Dans le cas concerné, le versement de dommages-intérêts ne découlait pas d'un risque habituellement encouru dans l'exercice de l'activité en question. La provision n'était donc pas commercialement justifiée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_396/2022 du 7 décembre 2022 consid. 7.4 et les références citées).

5.             En l’espèce, il convient, d’une part, d’examiner la question de la recevabilité des demandes de révision des 29 janvier et 1er février 2018 et, d’autre part, celle du caractère fondé ou non de la demande de révision du 30 mars 2021.

5.1 Les taxations fiscales du recourant pour les années 2008 à 2011 lui ont été notifiées entre 2011 et 2014, tandis que C______ ont déposé plainte pénale le 17 juillet 2015. Toutefois, ce n’est que lors de l’audience finale du 8 décembre 2017 que le recourant a été mis en prévention et que le dommage causé aux C______ a été chiffré à CHF XXX.

S’il est exact qu’avant cette date, entre les mois de juin et septembre 2015, différents événements avaient eu lieu, dont la résiliation du mandat du recourant, le dépôt de la plainte pénale de C______, l’ouverture de l’instruction pénale et le séquestre des avoirs du recourant, il n’en demeure pas moins qu’à ce stade, sa responsabilité pénale pour les faits investigués et le montant exact du dommage subi par C______ restaient indéterminés.

Il est vrai que le 19 octobre 2015, soit après le premier séquestre de ses avoirs, le recourant a adressé à l’AFC-GE une déclaration fiscale modifiée pour l’année fiscale 2013 afin de tenir compte d’une perte de CHF 12'000'000.-. À ce stade-là, il s’agissait d’une estimation de la Cour des comptes, sans que le recourant n’ait été mis en prévention. La provision avait donc pour but d’anticiper d’un point de vue comptable et provisoirement une éventualité, sans que celle-ci ne soit encore précisément définie, alors que la demande de révision en droit fiscal porte sur une connaissance suffisamment sûre du fait nouveau pour pouvoir l’invoquer.

En ces circonstances, compte tenu de la chronologie susrappelée et du fait que la présomption d’innocence gouverne le déroulement de l’instruction pénale, il ne pouvait être retenu que le recourant aurait dû anticiper sa mise en prévention avant l’audience finale au MP. Cette approche se justifie d’autant plus que, contrairement à ce qu’allègue l’AFC-GE, rien ne justifie de retenir que pour le comptable tel était le cas, mais pas pour le recourant, tandis que le premier a été directement visé par la plainte pénale de C______ alors que le second ne l’était pas. Au même titre que le comptable, ce n’est que le 8 décembre 2017, que le recourant a eu connaissance de sa mise en prévention et du montant exact du dommage réclamé par C______.

Dès lors, il y a lieu des retenir que, déposées dans le délai de 90 jours à compter du jour de la connaissance des faits, les demandes de révision des 29 janvier et 1er février 2018 sont recevables.

5.2 Il ressort de l’arrêt du Tribunal fédéral du 22 décembre 2020 que « par le non‑respect de l'accord de rémunération formellement conclu par [C______] avec [le recourant] le 24 janvier 2007, la validation et le paiement des surfacturations sus-décrites, [le comptable] a ainsi causé un dommage total de CHF XXX au moins [aux C______], étant précisé qu'au total ce sont CHF XXX qui ont été versés par [C______] [au recourant] de 2007 à 2015. Le versement d'environ CHF 30 millions d'honoraires peut encore – sous l'angle de l'admissibilité du point de vue pénal – être admis, mais en aucun cas plus de CHF 50 millions. Le montant des honoraires est d'autant plus inadmissible que si [C______] avaient rémunéré [le recourant] à hauteur de CHF 500.- de l'heure, dix heures par jour, 365 jours par année, durant 8 ans, cela aurait couté [aux C______] le montant de CHF 14.6 millions plus TVA, soit moins de CHF 20 millions, à savoir moins de la moitié de ce qui lui a effectivement été versé, étant précisé que [le recourant] n'avait aucun collaborateur ______ dans ______. Le fait que des montants ont été effectivement recouvrés et des frais encaissés chez les débiteurs ne peut en aucun cas justifier l'appauvrissement – soit le paiement effectif – de tels prétendus honoraires à un ______. Un versement en moyenne de CHF 5.5 millions par année à un ______ pour du recouvrement, étant précisé que ledit ______ avait essentiellement une activité administrative et n'avait aucun collaborateur juriste, ne peut pas se justifier économiquement, ni en l'espèce contractuellement » (consid. 3.2). « […] il sautait aux yeux que la rémunération pratiquée était exorbitante. Le [recourant] n'avait pu ignorer que la rémunération convenue s'écartait considérablement des règles applicables à la fixation des honoraires de l'______, au détriment du client. Indépendamment de ces règles, l'intéressé avait forcément réalisé que ladite rémunération était totalement disproportionnée et injustifiable économiquement, par rapport au travail concrètement effectué » (consid. 4.3.).

Au vu de ce qui précède, le Tribunal fédéral, confirmant l’arrêt de la CPAR du 26 mai 2020, a retenu que le recourant avait concouru – au moins par dol éventuel – à la gestion déloyale commise par le comptable, de sorte qu’il devait être considéré comme complice de cette infraction.

Les dommages-intérêts dont le recourant réclame la déduction sont dus au titre de la commission d’une infraction dans le cadre de l’exercice de son activité professionnelle, résultant d’une violation crasse de ses devoirs e obligations en qualité de mandataire. Par conséquent, si ceux-ci peuvent apparaître en lien avec l’activité professionnelle du recourant, ils ne sauraient être appréciés comme étant justifiés par l’usage commercial.

Ainsi, c’est à juste titre que le TAPI a retenu qu’étant donné que les dommages-intérêts résultaient d’un acte intentionnel ayant fait l’objet d’une condamnation pénale, ils ne pouvaient pas faire partie des charges commerciales et n’étaient pas déductibles fiscalement.

Partant, le recours sera partiellement admis et la cause renvoyée à l’AFC-GE pour examen au fond des demandes de révision des 29 janvier et 1er février 2018. Le jugement querellé sera confirmé au surplus.

6.             Vu l'issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 1'000.-, sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée, ces derniers n'y ayant pas conclu et ne prétendant pas avoir exposé des frais pour la défense de leurs intérêts, le contribuable ayant lui-même rédigé les écritures (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 avril 2023 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 mars 2023 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 mars 2023 en tant qu’il confirme l’irrecevabilité des demandes de révision des 29 janvier et 1er février 2018 ;

confirme le jugement précité pour le surplus ;

renvoie le dossier à l’AFC-GE pour examen au fond des demandes de révision des 29 janvier et 1er février 2018 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ et B______, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :