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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2794/2022

ATA/719/2023 du 04.07.2023 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.09.2023, rendu le 14.02.2024, REJETE, 1C_464/2023
Descripteurs : INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL);NATURE JURIDIQUE;CHANGEMENT D'AFFECTATION;PRESCRIPTION;VIOLATIONS DES DEVOIRS DE SERVICE;PROPORTIONNALITÉ;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
Normes : SPVG.94; SPVG.41.al4; Cst.5.al2; Cst.8
Résumé : Recours contre un changement d'affectation d'office dans un poste sans responsabilités hiérarchiques et de formation du recourant après l'annulation de son licenciement immédiat par ATA/349/2019 du 2 avril 2019. Le changement d'affectation d'office au sens de l'art. 94 SPVG ne constitue pas une sanction disciplinaire mais une mesure visant à adapter ou modifier la composition de l'administration communale en vue de son bon fonctionnement. La question de la prescription ne se pose donc pas et l'écoulement du temps doit être pris en compte dans l'appréciation du fondement et de la proportionnalité de la mesure. Seule une violation des devoirs de service justifiant le changement d'affectation est requise par l'art. 94 SPVG, indépendamment de l'existence ou non d'une insuffisance de prestations. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2794/2022-FPUBL ATA/719/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 juillet 2023

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Robert ASSAEL, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE intimée

 



EN FAIT

A. a. A______ a été nommé fonctionnaire dès le 1er mars 2002 par la Ville de Genève (ci-après : la ville), au poste d'agent de sécurité municipal au service des agents de ville et du domaine public, dont est issu l'actuel service de la police municipale (ci-après : SPM), avec période d'essai de trois ans, en classe 6 de l'ancienne échelle des traitements. Dès le 1er mars 2003, il a été promu en classe 7.

À compter du 1er janvier 2004, il a été promu au poste de chef de groupe avec grade de caporal, en classe 9 de l'ancienne échelle des traitements, avec prolongation de sa période d'essai d'un an. Sa fonction a été classée en catégorie 10 dès le 1er juillet 2005. Au terme de sa période d'essai, il a été confirmé dans sa fonction dès le 1er mars 2006.

Il a ensuite été promu, dès le 1er septembre 2010, sergent, en catégorie 11 de l'ancienne échelle des traitements, puis, dès le 1er décembre 2010, sergent remplaçant chef de poste, toujours en catégorie 11 de l'ancienne échelle des traitements, puis en catégorie H de la nouvelle échelle des traitements.

Dès le 1er novembre 2015, il a été promu sergent-major instructeur, en classe I de la nouvelle échelle des traitements. Selon son cahier des charges signé le 21 octobre 2015, il devait notamment assurer le rôle de chef de classe dans le cadre des écoles de formation des agents de police municipale (ci‑après : APM) et dispenser des cours théoriques et pratiques.

En 2017, à la suite de la réorganisation de l'école de formation des APM, A______ s'est vu attribuer en plus la fonction de référent d'école municipale pour l'ensemble de la formation des APM.

b. A______ a fait l'objet de cinq évaluations, intervenues entre 2003 et 2016, globalement positives, voire très positives. Elles préavisaient toutes la poursuite des relations de travail.

c. Le 8 novembre 2017, le lieutenant chef de l'instruction a adressé une note au chef du SPM concernant A______, dans laquelle il constatait que ce dernier ne semblait pas saisir l'importance de ses responsabilités managériales et sur ses subordonnés, en relation avec un incident lors de la sortie d'école à B______ le 23 mars 2017 et en lien avec l'organisation de l'examen d'une aspirante blessée de la volée 2016-2017. Cette note concluait à la renonciation à prononcer une sanction, vu le temps écoulé, le devoir de célérité et l'objectif recherché.

d. Le 24 mars 2017, A______ a été ajouté par l’un des aspirants de l’école de formation des APM de la volée 2016-2017 à un groupe WhatsApp créé le jour même, intitulé « Photos apm 16-17 ». Ce groupe comportait tous les aspirants de la volée ainsi que d'autres formateurs, soit C______, appointé de la police cantonale et référent d'école cantonale, D______et E______, sergents instructeurs, ainsi que F______, appointé et aide‑instructeur.

En référence à l’affaire judiciaire française « G______ », relative à l'arrestation et au viol allégué, par des policiers, d'un homme de 22 ans le 2 février 2017 en Seine‑Saint-Denis, en France, l’un des intervenants du groupe a publié à 20 h 3 min 57 s une photographie de H______ où il était écrit « Il est où G______ que je l’encule ». Un aspirant a écrit deux secondes plus tard « Comme c’est trash je kiff ». À 20 h 4 min 27 s, le même intervenant qui avait publié la photographie a publié une nouvelle image montrant le dessin d’une forme humaine se faire sodomiser par une matraque, au-dessus duquel était écrit « je suis G______ ». Le même intervenant a écrit à 20 h 5 min 25 s « Fdp ». Une seconde plus tard, un autre intervenant a écrit « Fils de pute » accompagné d’un émoticone d’une main avec le majeur tendu vers le haut. À 20 h 5 min 27 s, A______ a écrit « Fils de pute » accompagné du même émoticone.

Plus tard, à 20 h 40 min 1 s, une aspirante a écrit « On vous encule à sec », accompagné sept secondes plus tard d’un émoticone montrant une main avec le majeur tendu vers le haut. À la même seconde, un aspirant a écrit « Oh ça promet » avec trois émoticones de visage pleurant de rire. À 20 h 40 min 41 s, un intervenant a écrit « [le nom d’une aspirante] si seulement... ». Quatre secondes plus tard, un aspirant a écrit « Bandes de rampes à fumier ». À 20 h 40 min 48 s, un autre aspirant a écrit « Les faibles partent ». Une seconde plus tard, A______ a envoyé « Je suis chaud ».

À 21 h 7 min 31 s, un intervenant a écrit « La chatte a ta mere ». Un aspirant a répondu à 21 h 7 min 51 s « En poster chez [le nom de cet intervenant] ». Une aspirante a écrit « Et ton père??? ». L’intervenant a répliqué « Ouai elle m a dit que ca l excitai », « T a pa vu que ton oreiller collait??? », « Elle voulais essayer des lieu. Insolite ». L’aspirante a répondu « Mon oreiller collait?? je vois pas pourquoi j’ai tout avaler ». Des aspirants ont écrit des émoticones de visage pleurant de rire, « [le nom de cette aspirante] Présidente », « Oh putain j en ai les retine qui saigne », « Ha ha ha [le nom de cette aspirante] » avec un émoticone de visage pleurant de rire. L’intervenant a écrit à 21 h 18 min 42 s « Je parlais a [l’aspirant qui avait écrit le message de 21 h 7 min 51 s] mais tu m a mis le dur [le nom de cette aspirante]!!!!!!!!!!! ». A______ a écrit à 21 h 18 min 48 s « Je suis vraiment chaud » avec un émoticone d’une bouche tirant la langue.

Le 9 juin 2017, A______ est sorti du groupe WhatsApp, sans plus avoir écrit de messages après le 24 mars 2017.

B. a. Le 15 mars 2018, I______, formateur ayant exercé sur mandat au sein de l'école de formation des APM entre 2008 et 2017, a dénoncé des dysfonctionnements auprès de la cheffe du SPM et commandante de la police municipale, prenant comme exemple ces échanges WhatsApp, dont il lui a remis des captures d'écran.

b. Le 8 juin 2018, les échanges WhatsApp survenus le 24 mars 2017 ont été dénoncés auprès du Ministère public (dossier P/1______).

c. Le 21 juin 2018, la direction du département de l’environnement urbain et de la sécurité de la ville, devenu depuis lors le département de la sécurité et des sports (ci-après : DSS), a informé la direction générale de l’administration municipale des éléments dénoncés le 15 mars 2018. Les termes et réflexions échangés sur le groupe WhatsApp étaient inappropriés et déplacés, certains ayant des connotations potentiellement racistes, d’autres clairement sexistes et/ou à caractère sexuel. A______ avait failli à son devoir en tant qu’employé de la ville et responsable hiérarchique des instructeurs. Alors que sa mission était d’encadrer les aspirants et d’être la personne de référence, il avait manqué de réaction face à ces échanges WhatsApp, qu’il avait également encouragés et alimentés par des propos particulièrement choquants compte tenu de son devoir d’exemplarité. Son comportement était totalement en inadéquation avec la fonction d’autorité de la police municipale. Un licenciement pour motif objectivement fondé ainsi qu’une suspension avec effet immédiat étaient demandés.

d. Par décision du 27 juin 2018, le Conseil administratif de la ville (ci-après : CA) a suspendu A______ de son activité avec effet immédiat, l’a informé qu’il envisageait la résiliation de son engagement pour justes motifs et lui a accordé un délai pour s’exprimer par écrit sur les faits qui lui étaient reprochés.

e. Par décision du 25 juillet 2018, déclarée exécutoire nonobstant recours, le CA a prononcé la résiliation immédiate de l’engagement de A______ pour justes motifs, avec effet rétroactif au 27 juin 2018.

f. Par arrêt du 2 avril 2019 (ATA/349/2019), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a partiellement admis le recours interjeté par A______ contre cette décision, annulé celle-ci et ordonné la réintégration du précité au sein de l’administration municipale, au sens des considérants.

En publiant le 24 mars 2017 à 20 h 5 min 27 s le message inadmissible « Fils de pute » accompagné d’un émoticône d’une main avec le majeur tendu vers le haut et à 21 h 18 min 48 s le message à connotation sexuelle « Je suis vraiment chaud » avec un émoticone d’une bouche tirant la langue, A______ avait manqué à ses devoirs de service. Compte tenu de sa fonction au sein de l’école municipale des APM et de son engagement à faire preuve de professionnalisme et de rigueur en permanence et en toute circonstance afin de montrer l’exemple, ainsi que de son grade qui lui conférait la qualité de supérieur de la quasi-totalité des participants du groupe, il était inadmissible qu’il n’ait pas freiné ou à tout le moins essayé de calmer les intervenants dans ledit groupe.

L’indéniable gravité de ces manquements devait être légèrement relativisée. A______ n’était pas le créateur du groupe WhatsApp ni l’expéditeur des messages les plus inconvenants, mais l’auteur de deux messages seulement, envoyés le même jour, n’ayant ultérieurement plus participé aux discussions. Il s’agissait d’un acte isolé, aucune plainte pénale n’ayant au demeurant été déposée. A______ pouvait se targuer de bons états de service et n’avait pas d’antécédents. Plus d’une année séparait le déroulement des faits de la décision du 25 juillet 2018. Compte tenu de l’ensemble de ces circonstances, le comportement reproché, remis dans son contexte, n’était pas de nature à justifier un licenciement immédiat pour justes motifs, qui était disproportionné. Il en résultait que sa réintégration devait être ordonnée. Il appartenait toutefois à la ville de prendre des sanctions disciplinaires ou d’autres mesures, afin de respecter le principe de proportionnalité.

g. Le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours de A______ contre cet arrêt (arrêt 8C_335/2019 du 18 juin 2019) et rejeté le recours de la ville (arrêt (8C_336/2019 du 9 juillet 2020).

La chambre administrative avait dûment mentionné et pris en considération tous les éléments invoqués par la ville pour apprécier la gravité des manquements reprochés ; elle avait en outre dûment relevé la gravité, dans le contexte des échanges sur le groupe WhatsApp, des deux messages inadmissibles publiés par A______. C’était au regard des autres mesures encore à disposition de la ville que l’annulation du licenciement immédiat ne se révélait pas arbitraire. Il existait en effet un intérêt public considérable à sanctionner les manquements de A______, dont la gravité était particulièrement lourde pour un cadre de la police en charge de la formation des APM. Au surplus, l'arrêt attaqué examinait la situation uniquement sous l'angle du licenciement immédiat, de sorte qu'il n'emportait pas autorité de chose jugée sur la question d'un éventuel licenciement pour motif objectivement fondé.

C. a. Le 11 août 2020, A______ a sollicité de la ville sa réintégration ainsi que la reprise du versement de son salaire.

b. Par décision du 16 septembre 2020, déclarée exécutoire nonobstant recours, le CA a ouvert une enquête administrative à l’encontre de A______ et prononcé sa suspension d’activité à titre de mesures provisionnelles jusqu'au prononcé d'une éventuelle sanction ou d'un licenciement.

Le recours interjeté par A______ contre cette décision a été déclaré irrecevable par la chambre administrative par arrêt du 24 août 2021 (ATA/844/2021).

c. Les 11 mars ainsi que 6 et 18 mai 2021 ont eu lieu les auditions de deux témoins et une comparution personnelle dans le cadre de l'enquête administrative.

J______, entendue comme témoin, cheffe du SPM et commandante de la police municipale depuis le 1er mars 2018, avait collaboré de 2003 à 2015 avec A______, lorsqu'ils avaient créé une cellule d'instructeurs dont elle était responsable. Elle travaillait alors à la formation des aspirants. A______ était une personne engagée, volontaire, très discrète, respectant sa hiérarchie et donnant entière satisfaction. Il respectait les directives en matière de tactiques et techniques d'intervention (ci-après : TTI). Elle a détaillé la procédure déclenchée lorsque I______ lui avait transmis les captures d'écran du groupe WhatsApp et la procédure, entre fin mars et mai 2018. Tant les discussions WhatsApp que le fait de minimiser l'incident à B______ l'avaient choquée. Elle suivrait les ordres qui lui seraient donnés, et si elle n'était pas favorable à un retour à un poste d'encadrement, il serait un bon agent, même s'il devrait regagner la confiance. En 2017-2018, il avait continué à être instructeur, sans problème à sa connaissance. D______n'avait vu les messages que plus tard, n'était a priori pas présent à la soirée et aucune mesure ou sanction n'avait été prise à son encontre.

À la suite de son audition, la cheffe du SPM et commandante de police a notamment transmis aux enquêteurs une décision de la ville du 13 juillet 2017 infligeant un blâme à F______ en raison de son comportement lors de la sortie à B______ et a expliqué qu'il avait ensuite cessé d'être stationné au centre de formation et était retourné dans un poste de quartier, sans que le prononcé d'un changement d'affectation d'office ait été nécessaire, en l'absence d'impact financier et au niveau du travail entre un appointé et un agent.

K______, entendu à titre de témoin, était chef de poste L______ depuis 2013, où il avait collaboré étroitement avec A______ lorsqu'il était remplaçant chef de poste. La collaboration se passait excellemment bien et il le recommanderait à quiconque sans réserve. Il le reprendrait pour travailler au poste L______ si la décision lui appartenait.

A______ a expliqué avoir écrit « fils de pute » dans un contexte où tout le monde « se chambrait ». Un de ses collègues avait commencé à utiliser ces propos et tous avaient écrit ces termes au fil de la discussion. Il ne faisait aucunement référence aux images et textes liés à l'« affaire G______ ». Quant à la phrase « je suis vraiment chaud », c'était pour indiquer qu'il se réjouissait de la soirée, dans un contexte festif. Le 24 mars 2017 était le dernier jour des aspirants avant leurs affectations respectives, consacrée au débriefing de leur formation. En début de soirée, il se trouvait au restaurant avec les autres instructeurs. Ils n'avaient pas discuté ensemble du groupe WhatsApp et avaient rejoint vers 23h les futurs agents dans un café-restaurant. Il ne s'agissait pas d'une soirée officielle. Il n'était pas dans un état d'esprit à calmer les ardeurs des intervenants. Il ne s'en était pas rendu compte dans la mesure où il était lui-même dans un état d'esprit festif. En 2017, il était en souffrance sur le plan privé et la situation était pour lui également difficile sur le plan professionnel, en raison du flou qui régnait en l'absence de réponse à ses questions de son supérieur. Ce qui s'était passé n'était pas bien et il le regrettait. Il ne cherchait pas d'excuses. C'était la seule erreur qu'il avait commise. Durant les mois qui avaient suivi le 24 mars 2017 et jusqu'à sa sortie du groupe, il n'avait pas suivi les discussions WhatsApp, qui ne l'intéressaient pas. Au bout d'un moment, il avait quitté le groupe. Il ne considérait pas ce groupe comme professionnel. Il ne se mettrait plus avec les collègues dans un groupe WhatsApp dans un contexte privé. Il avait beaucoup souffert depuis le début de sa suspension. Il était tout à fait capable de gérer une équipe et ne pouvait être réintégré comme simple agent de terrain.

d. Le 19 mars 2021, le secrétaire général adjoint de la ville a communiqué aux enquêteurs la décision du 19 février 2020 prononçant le transfert de E______ du poste de sergent instructeur au poste d'appointé au sein du SPM dès le 1er avril 2020, en classe G de l'échelle des traitements dès le 1er octobre 2020, en raison de sa participation au fil de discussion WhatsApp à caractère raciste et sexuel.

e. Le 30 mars 2021, la commandante de la police cantonale a transmis aux enquêteurs le blâme infligé le 4 juin 2020 à C______ en relation avec les échanges WhatsApp du 24 mars 2017 et a indiqué qu'il avait été déplacé du centre de formation de la police et des métiers de la sécurité le 31 décembre 2018.

f. Le 8 mars 2022, les enquêteurs ont rendu leur rapport. Ils étaient liés par les faits constatés dans les arrêts des 2 juillet 2019 de la chambre administrative et 9 juillet 2020 du Tribunal fédéral, auxquels il convenait de se référer, et avaient décidé d'établir des faits complémentaires, en particulier s'agissant des circonstances entourant l'envoi des messages incriminés et des mesures prises à l'encontre des autres collaborateurs impliqués.

En date du 24 mars 2017, A______ avait pris part activement à un fil de discussions WhatsApp en publiant au moyen de son téléphone professionnel deux messages dont le contenu était inapproprié. Malgré ses qualités de gradé, d'instructeur et de référent d'école des polices municipales de l'ensemble du canton, il n'avait pas freiné ou à tout le moins essayé de calmer les ardeurs des intervenants. Il lui appartenait pourtant de faire preuve d'un degré élevé d'exemplarité, ce d'autant que cet événement, certes isolé et s'étant déroulé en dehors des heures de service, s'inscrivait dans un contexte professionnel lié à la célébration du dernier jour des aspirants APM au sein de l'école de formation 2016-2017. D'autres instructeurs, parmi lesquels le référent de la police cantonale, avaient adressé un nombre important de messages inadéquats le soir en question et avaient fait l'objet de sanctions et/ou de changements d'affectation. Les compétences de A______ n'avaient jamais été remises en question et il n'avait fait l'objet d'aucune sanction durant l'ensemble de son parcours professionnel au sein de la ville. Selon les témoins, il pourrait encore exercer des fonctions au sein du SPM, mais sans responsabilités d'encadrement. L'intéressé n'était pas disposé à être réaffecté sur le terrain.

g. Le 9 mars 2022, la ville a transmis le rapport d'enquête à A______ et l'a informé envisager un licenciement pour motif fondé, auquel ce dernier s'est opposé le 25 mars 2022.

h. Le 9 juin 2022 s'est déroulée une séance réunissant A______, son conseil, le secrétaire général de la ville ainsi que son adjoint, lors de laquelle la ville, qui avait opté pour une mesure moins incisive qu'un licenciement en le transférant dans un poste sans supervision sur autrui, lui a proposé une affectation d'office dans un poste d'appointé.

i. Le 23 juin 2022, la ville a imparti un dernier délai au lendemain à midi à A______ pour communiquer s'il acceptait la proposition qui lui avait été soumise. Le CA statuerait en tout état de cause sur sa situation lors de sa séance du 29 juin 2022.

j. Par décision du 30 juin 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, le CA a prononcé le changement d'affectation de A______ à une nouvelle fonction sans responsabilité d'encadrement, soit au poste d'appointé à 100 % au SPM dès le 30 juin 2022, en catégorie G annuité 25 de l'échelle des traitements. La DRH lui communiquerait le montant de son traitement annuel de base et des diverses indemnités qui lui reviendraient, avec effet au 1er janvier 2023.

Soumis à des exigences élevées d'exemplarité, compte tenu de son poste de sergent‑major instructeur et de référent d'école de polices municipales, il avait gravement enfreint tous ses devoirs, en prenant part le 24 mars 2017, d'une façon totalement inappropriée, à un fil de discussion WhatsApp auquel participaient plusieurs aspirants et instructeurs APM. En agissant de la sorte, il avait non seulement décrédibilisé les fonctions d'instructeur et de référent, mais avait aussi porté atteinte à l'image du SPM et de la ville. Ce constat était partagé par la chambre administrative et le Tribunal fédéral, qui avaient reconnu que les manquements étaient graves, vu sa fonction, son expérience, son rôle de formateur et son enseignement de la déontologie, et avaient rappelé les mesures à disposition, dont le changement d'affectation d'office.

D. a. Par acte du 31 août 2022, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre cette décision, concluant à son annulation, au constat de la prescription de l'action disciplinaire, au classement de la procédure disciplinaire, à la confirmation de sa réintégration dans sa fonction de référent d'école municipale pour l'ensemble de la formation des APM (sergent-major instructeur) et à l'allocation d'une indemnité de procédure.

Les deux messages incriminés avaient été envoyés le 24 mars 2017, de sorte que la prescription avait été atteinte le 25 mars 2022.

Il était conscient que les messages étaient critiquables et il n'entendait plus jamais participer à un quelconque groupe WhatsApp avec des collègues dans un contexte privé. Toutefois, il n'était pas le créateur du groupe, ni l'expéditeur des messages les plus inconvenants, n'avait envoyé que deux messages, le même jour, n'avait ensuite plus participé aux discussions avant de quitter le groupe, avait de bons états de service et n'avait pas d'antécédents. Il s'agissait d'un acte isolé, qui n'avait en outre pas fait l'objet d'une plainte pénale. Il n'était pas raisonnable de soutenir qu'il ne parvenait plus à fournir des prestations suffisantes dans son poste, d'autant plus qu'il avait encore ensuite travaillé à satisfaction pendant seize mois, du 24 mars 2017 au 25 juillet 2018, dans son poste.

La sanction était contraire au principe de l'égalité de traitement, vu les situations de F______ qui n'avait subi aucune sanction, E______, qui avait été changé d'affectation, C______, qui avait reçu un blâme et été déplacé, et D______, auquel aucune sanction n'avait été infligée. Les trois premiers avaient envoyé beaucoup plus de messages inappropriés que lui-même, selon les enquêteurs.

b. Par réponse du 21 octobre 2022, la ville a conclu au rejet du recours.

Le changement d'affectation ne constituait pas une sanction disciplinaire, de sorte qu'il n'était pas sujet à prescription. Même à appliquer la prescription quinquennale, toute démarche de la ville visant à sanctionner ou à prendre une mesure à l'égard du recourant aurait interrompu la prescription. Il en allait ainsi de la résiliation avec effet immédiat du 25 juillet 2018, de la procédure judiciaire jusqu'au mois de juillet 2020 et de l'enquête administrative s'étant déroulée du 16 septembre 2020 au 8 mars 2022. Le délai de cinq ans n'était pas atteint. Le délai ne partait pas le jour de la perpétration des actes commis mais dès leur connaissance par l'autorité, soit en juin 2018. La mesure n'était pas prescrite.

Le recourant avait violé ses devoirs professionnels, eu égard à ses fonctions, à ses responsabilités élevées, aux cours qu'il dispensait, notamment la déontologie, et aux divers engagements qu'il avait signés. Ses agissements avaient terni l'image de la ville tant à l'interne qu'à l'externe et ébranlé les rapports de confiance, au point que cette dernière était fondée à considérer que la continuation des rapports de service n'était plus possible. Elle avait néanmoins choisi une mesure moins incisive, en décidant de le transférer à un poste conforme à ses aptitudes, afin de lui permettre de restaurer le lien de confiance avec sa hiérarchie. Le recourant continuait à minimiser ses agissements, démontrant ainsi n'avoir pas pris conscience de la gravité de ses actes. À l'occasion de deux précédents incidents, il avait déjà fait preuve de passivité. Il y avait eu une plainte pénale par rapport aux échanges WhatsApp du 24 mars 2017. La décision était conforme au statut et au principe de la proportionnalité.

Le recourant était le plus haut gradé parmi les trois autres instructeurs de l'école également employés par la ville et avait notamment pour tâche de diriger les autres instructeurs. Sa situation n'était pas semblable à celle de F______, E______, C______ et D______. Il aurait été choquant pour les autres instructeurs de voir le plus gradé d'entre eux maintenu à son poste. Il n'y avait pas de violation du principe de l'égalité de traitement.

c. Le 22 décembre 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Le droit des obligations, et donc le délai de prescription de cinq ans, devait s'appliquer à titre supplétif. Dans la responsabilité disciplinaire, il n'y avait pas matière à suspension du délai de prescription. Le délai, absolu, commençait à courir dès la survenance des faits.

Les manquements étaient graves mais devaient être relativisés, comme l'avaient constaté la chambre administrative et le Tribunal fédéral. La ville restait muette sur la condition de l'insuffisance des prestations.

La ville avait annoncé son intention de le sanctionner d'un blâme, mais n'avait pas encore rendu sa décision. La condition d'insuffisance des prestations n'étant pas donnée, le changement d'affectation constituait une sanction. Il pourrait écoper de deux sanctions pour les mêmes faits, ce qui était juridiquement proscrit. Le blâme correspondait à la gravité réelle des faits et démontrait l'absence de gravité considérable alléguée par la ville ainsi que le caractère disproportionné du changement d'affectation.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 104 du statut du personnel de la ville du 29 juin 2010 [ci-après : statut] - LC 21 151 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit du changement d'affectation d'office du recourant au poste d'appointé à 100% au SPM à compter du 30 juin 2022 en classe G, annuité 25 avec effet au 1er janvier 2023.

3.             Les communes disposent d’une grande liberté de décision dans la définition des modalités concernant les rapports de service qu’elles entretiennent avec leurs agents. Ainsi, l’autorité communale doit bénéficier de la plus grande liberté d’appréciation pour fixer l’organisation de son administration et créer, modifier ou supprimer des relations de service nécessaires au bon fonctionnement de celle-ci, questions relevant très largement de l’opportunité et échappant par conséquent au contrôle de la chambre de céans (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/524/2023 du 23 mai 2023 consid. 4.2 ; ATA/994/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4b).

Ce pouvoir discrétionnaire ne signifie pas que l’autorité est libre d’agir comme bon lui semble, dès lors qu’elle ne peut ni renoncer à exercer ce pouvoir, ni faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif, notamment la légalité, la bonne foi, l’égalité de traitement, la proportionnalité et l’interdiction de l’arbitraire. Il en découle que le juge doit contrôler que les dispositions prises se tiennent dans les limites du pouvoir d’appréciation de l’autorité communale (ATA/524/2023 précité consid. 4.2 et les références citées) et ne peut intervenir qu’en cas de violation du droit, y compris d’abus ou d’excès du pouvoir d’appréciation, ou de constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA ; ATA/117/2023 du 7 février 2023 consid. 3).

4.             Le recourant affirme que la prescription serait atteinte. Pour trancher cette question, il faut préalablement trancher la nature du changement d'affectation litigieux.

4.1 En tant que membre du personnel de la ville, le recourant est soumis au statut (art. 1, 2 al. 1 et 3 al. 1 statut).

4.2 La section 3 du statut, consacrée à la « violation des devoirs de service », du chapitre VI, sur les « devoirs du personnel », comprend deux articles. Selon l'art. 93 du statut, intitulé « sanctions disciplinaires », les membres du personnel qui violent leurs devoirs de service intentionnellement ou par négligence peuvent se voir infliger un avertissement ou un blâme ou la suppression de l'augmentation annuelle de traitement pour l'année à venir (al. 1). À teneur de l'art. 94, sur les « autres mesures », en tout état de cause, si la violation des devoirs de service le justifie, le changement d'affectation d'office au sens de l'art. 41 al. 4 statut ou le licenciement sont réservés.

Lorsqu'il s'avère qu'un employé ou une employée ne parvient pas à fournir des prestations suffisantes dans son poste, il ou elle peut, après avoir été entendue oralement, être transférée d'office dans un autre poste correspondant à ses qualifications et aptitudes (art. 41 al. 4 statut). Dans ce cas, le traitement est fixé conformément à la classification du nouveau poste après un délai équivalent au délai de préavis de l'art. 34 al. 1 statut (art. 41 al. 5 du statut).

En cas de changement d'affectation d'office, conformément à l'art. 41 al. 3 et 4 du statut, la personne intéressée doit, si elle le demande, être préalablement entendue par le secrétaire général ou la secrétaire générale de la ville ou le directeur ou la directrice des ressources humaines. Elle a le droit de se faire assister. Le changement d'affectation fait l'objet d'une décision motivée du CA (art. 108 du règlement d'application du statut du 19 octobre 2009 - REGAP - LC 21 152.0).

4.3 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 144 V 313 consid. 6.1 ; 137 IV 180 consid. 3.4). La chambre de céans suit la même approche (ATA/567/2023 du 30 mai 2023 consid. 2.7).

4.4 Selon les travaux préparatoires du statut, l’art. 93 al. 1 statut a été construit de manière à ne prévoir plus qu'un catalogue de sanctions réduit. Il ne conserve plus que, comme sanctions possibles, l’avertissement et le blâme, sanctions avant tout symboliques, auxquels s’ajoute la suppression de l’augmentation annuelle de traitement pour une année (Mémorial des séances du Conseil municipal de la ville, 19e séance, 10 novembre 2009 à 17h [ci-après : Mémorial], p. 2299).

Quant au changement d’affectation d’office et au licenciement, réservés comme « autres mesures », ils ne sont pas en tant que tels des sanctions, même s’ils peuvent être ressentis comme tels par l’intéressé et même si la faute de celui-ci peut en constituer le motif. En effet, l’un comme l’autre sont décidés avant tout dans l’intérêt de la bonne marche de l’administration (Mémorial 2009, p. 2311).

Finalement, l’art. 41 du statut concerne deux des trois hypothèses dans lesquelles les rapports de service sont modifiés (art. 40 s. statut). Plus particulièrement, le troisième cas de figure, ancré à l’art. 41 al. 4 et 5 statut, vise les membres du personnel qui ne parviennent pas à fournir des prestations suffisantes dans leur poste. Ces personnes pourraient théoriquement être licenciées pour motif objectivement fondé. Cependant, s’il apparaît que l’intéressé pourrait donner satisfaction dans un autre poste correspondant mieux à ses qualifications et aptitudes, un transfert dans un tel poste peut se révéler « préférable » pour les deux parties (Mémorial 2009, p. 2294).

4.5 Dans sa jurisprudence, sous réserve d'un cas particulier dans lequel la ville qualifiait elle-même le changement d'affectation de sanction (ATA/117/2023 du 7 février 2023), la chambre administrative a laissé indécise la nature du changement d'affectation au sens de l'art. 94 statut. Elle a néanmoins retenu qu'un changement d’affectation résultant d’une violation d’un devoir de service, comme celui prévu à l’art. 94 statut, pouvait constituer une mesure moins incisive qu’un licenciement pour motif objectivement fondé. Un tel changement d’affectation pouvait dès lors, quand bien même il serait ressenti comme une sanction, constituer une mesure administrative susceptible d’être prise à l’égard d’un employé, en sus d’une sanction disciplinaire prévue par la loi, et ce dans le respect du principe ne bis in idem (ATA/492/2021 du 11 mai 2021 consid. 4b ; ATA/114/2021 du 2 février 2021 consid. 3b). La chambre administrative avait d'ailleurs déjà par le passé confirmé le prononcé d'un blâme et d'un changement d'affectation d'office contre un membre du personnel dans le cadre d'un même complexe de faits, étant néanmoins relevé que le changement d'affectation ne reposait dans cette affaire pas uniquement sur l'événement sanctionné par le blâme (ATA/808/2015 du 11 août 2015 consid. 7 et 8).

4.6 En l'occurrence, le texte des art. 93 et 94 statut indique clairement que le changement d'affectation d'office prévu par l'art. 94 statut constitue une « autre mesure », au même titre que le licenciement, et non une sanction disciplinaire. L'expression « En tout état de cause » figurant au début de l'art. 94 statut le confirme également. Elle dénote en effet qu'une sanction disciplinaire peut aller de pair avec une mesure, les deux décisions pouvant être prononcées pour les mêmes faits, ce qu'a d'ailleurs confirmé la jurisprudence de la chambre administrative. Certes, cela n'aurait pas été possible si les mesures devaient également être qualifiées de sanctions disciplinaires, en vertu du principe ne bis in idem. L'interprétation littérale exclut toutefois la qualification de sanction disciplinaire.

L'interprétation systématique va dans le même sens. En effet, deux articles distincts ont été adoptés, le premier portant sur les sanctions disciplinaires et le second sur les « autres mesures », ce qui démontre que seuls les éléments prévus dans le premier des deux articles constituent des sanctions disciplinaires, à l'exclusion de ceux prévus dans le second.

Cette interprétation est également confirmée par l'interprétation historique. Les travaux préparatoires dénotent la volonté du législateur communal de prévoir, d'une part, un catalogue restreint de mesures disciplinaires, soit l'avertissement, le blâme et la suppression de l'augmentation annuelle du traitement pour une année, et, d'autre part, d'autres mesures, qu'il a indiqué avoir pour but le bon fonctionnement de l'administration et qu'il a dès lors expressément désignées comme non constitutives de sanctions disciplinaires, et cela même si elles pouvaient être ressenties comme telles.

L'interprétation téléologique confirme ce qui précède. En effet, le changement d'affectation d'office au sens de l'art. 94 statut est décidé avant tout pour la bonne marche de l’administration et non pas pour sanctionner, conformément aux travaux préparatoires. Elle a ainsi la même finalité que la résiliation des rapports de service pour motif objectivement fondé mais constitue une mesure moins incisive par rapport à celle-ci, comme relevé par la jurisprudence.

Par conséquent, le changement d'affectation d'office prévu par l'art. 94 statut ne constitue pas une sanction disciplinaire, mais une mesure visant à adapter ou modifier la composition de l'administration communale en vue de son bon fonctionnement.

5.             Il convient ensuite d'examiner la question de la prescription.

5.1 Les rapports de service des membres du personnel sont régis par le statut, les dispositions d'exécution, ainsi que, le cas échéant, les clauses du contrat de travail (art. 3 al. 1 statut). En cas de lacune, les dispositions pertinentes de la loi loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) sont applicables à titre de droit public supplétif (art. 3 al. 2 statut).

5.2 La chambre administrative a déjà été amenée à traiter de la question de la prescription des sanctions disciplinaires prononcées par la ville. Elle a ainsi constaté que ni le statut, ni le REGAP ne contenaient de règles relatives à la prescription et que le CO, applicable à titre de droit public supplétif, ne prévoyait pas de règle quant à la prescription des sanctions (ATA/984/2018 du 25 septembre 2018 consid. 5). Dans cet arrêt, qui concernait un avertissement, elle a retenu un délai de prescription minimal de trois ans, vu l'art. 103 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), délai qui n'était en l'espèce pas atteint (ATA/984/2018 du 25 septembre 2018 consid. 5).

5.3 Dans les deux arrêts ATA/492/2021 et ATA/114/2021 précités, la chambre administrative a constaté que la durée écoulée entre la violation des devoirs de services et le changement d'affectation litigieux n'était pas déterminante, au vu de la gravité des manquements et de la connaissance des faits par la hiérarchie un an plus tard (consid. 5c et consid. 4c).

5.4 En l'espèce, la décision litigieuse prononce le changement d'affectation d'office du recourant et, comme examiné précédemment, ne concerne donc pas une sanction disciplinaire. La question de la prescription de l'action disciplinaire ne se pose donc pas. Il découle de la jurisprudence susmentionnée que, s'agissant d'une mesure administrative, l'écoulement du temps devra être pris en compte dans l'appréciation du fondement et de la proportionnalité de la mesure, eu égard au but de celle-ci, soit la bonne marche de l'administration communale.

Le grief sera par conséquent écarté.

6.             Le recourant affirme que la mesure ne pouvait pas être prononcée, faute d'insuffisance de prestations.

6.1 Dans sa jurisprudence relative à l'art. 94 statut, la chambre administrative a déjà eu l'occasion d'écarter l'argumentation de recourants selon lesquels un changement d’affectation fondé sur cet article serait subordonné à la réalisation de deux conditions cumulatives, à savoir la violation des devoirs de service et l’insuffisance des prestations. Il en découle qu'un changement d'affectation d'office au sens de l'art. 94 statut est subordonné à la seule condition d'être justifié par la violation des devoirs de service (ATA/492/2021 du 11 mai 2021 consid. 4b ; ATA/114/2021 du 2 février 2021 consid. 3b).

6.2 Parmi leurs devoirs généraux, les membres du personnel sont tenus au respect des intérêts de la ville et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 82 statut). Ils doivent par leur attitude entretenir des relations dignes et respectueuses avec leurs collègues, leurs supérieures et supérieurs et leurs subordonnées et subordonnés et faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a) et justifier et renforcer la considération et la confiance dont le personnel de la ville doit être l'objet (let. c ; art. 83 statut). Ils doivent notamment remplir leurs devoirs de fonction consciencieusement et avec diligence (let. a) et se conformer aux règlements et directives les concernant (let. f ; art. 84 du statut).

Les cadres intermédiaires, soit les membres du personnel dont la fonction se situe en classe I à M (art. 19 al. 2 REGAP), sont tenus, en particulier, de créer et maintenir un climat de travail favorable au sein de leur équipe (let. b), de prendre des mesures en cas d'atteinte à la personnalité d'un ou d'une membre du personnel qui leur est subordonnée (let. f) et de veiller à la santé et à la sécurité des membres du personnel qui leur sont subordonnés ou subordonnées (let. g ; art. 99 al. 3 REGAP).

Selon l'art. 4 de la directive relative à l'utilisation des systèmes d'information et de communication du 8 octobre 2003 (ci‑après : directive SIC), l'utilisateur des systèmes d'information et de communication, dont font parties les téléphones mobiles (art. 2 al. 2 let. e directive SIC), doit adopter un comportement irréprochable (al. 1). En cela, il contribue à protéger la personnalité et les droits fondamentaux des personnes (let. a), ainsi que les principes et les valeurs conformes aux intérêts et à l'image de la ville (let. b ; al. 2). L'utilisation des systèmes d'information et de communication à des fins privées est tolérée de manière occasionnelle (art. 3 al. 3 let. a directive SIC). Dans tous les cas, l'utilisation des systèmes d'information et de communication doit se conformer à la directive SIC (art. 3 al. 4 directive SIC).

6.3 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un fonctionnaire, pendant et hors de son travail, a l’obligation d’adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance, et sa position exige qu’il s’abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l’État. Il doit en particulier s’abstenir de tout ce qui peut porter atteinte à la confiance du public dans l’intégrité de l’administration et de ses employés et qui pourrait provoquer une baisse de confiance envers l’employeur. Il est sans importance que le comportement répréhensible ait été connu ou non du public et ait attiré l’attention. Les exigences quant au comportement d’un policier excèdent celles imposées aux autres fonctionnaires. Sous peine de mettre en péril l’autorité de l’État, les fonctionnaires de police, qui sont chargés d’assurer le maintien de la sécurité et de l’ordre publics et exercent à ce titre une part importante de la puissance publique, doivent être eux-mêmes irréprochables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_336/2019 du 9 juillet 2020 consid. 3.2.2 et les références citées).

6.4 Dans les deux arrêts de 2021 précités, dont le plus récent est relatif au même complexe de faits, la chambre administrative a confirmé les changements d'affectation d'office d'un sergent instructeur, assurant notamment le rôle de chef de classe dans les écoles de formation des APM, et d'un caporal-chef de groupe, à des postes d'appointé. Vu l'altération du lien de confiance, qui ne pouvait être considéré comme rétabli malgré les prestations satisfaisantes délivrées depuis les comportements incriminés, les mesures litigieuses favorisaient un fonctionnement sain et correct du groupe d'APM tout en réduisant au strict nécessaire les conséquences négatives sur la situation professionnelle des recourants. Le fait de pouvoir rester employés en tant qu'appointés de la police municipale limitait les conséquences, notamment financières et sur leurs situations professionnelles pour les recourants, dont les évaluations étaient positives et qui étaient dépourvus d'antécédents, et leur permettait de pouvoir, à moyen ou long terme, recréer une relation de confiance avec leur hiérarchie dans la perspective éventuelle de reprendre une responsabilité hiérarchique ou de formation. Les deux mesures étaient conformes au principe de la proportionnalité (ATA/492/2021 précité consid. 4b ; ATA/114/2021 précité consid. 4b).

6.5 En l'espèce, la violation des devoirs de service a été établie par l'ATA/349/2019, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 8C_336/2019, et n'est du reste pas contestée dans la présente procédure.

Les faits retenus sont, compte tenu de ses statuts de policier, de cadre intermédiaire, de gradé, de formateur et d'enseignant, notamment du cours de déontologie, et de supérieur de la quasi-totalité du groupe, d'avoir envoyé deux messages, ceci au lieu de freiner ou à tout le moins d'essayer de calmer les intervenants dans le groupe WhatsApp. Le premier message, « Fils de pute » accompagné d'un émoticone représentant une main avec le majeur tendu vers le haut, envoyé le 24 mars 2017 à 20 h 5 min 27 s, était fondamentalement irrespectueux et déplacé. Le deuxième, « Je suis vraiment chaud » accompagné d'un émoticone d'une bouche tirant la langue, envoyé à 21 h 18 min 48 s, avait une connotation sexuelle, inadmissible.

Par ce comportement, comme l'a constaté la chambre administrative et l'a confirmé le Tribunal fédéral, le recourant a contrevenu aux devoirs généraux des membres du personnel, manqué à son attitude d'entretenir des relations dignes et respectueuses avec les personnes membres du groupe WhatsApp, mis en danger la considération et la confiance dont le personnel de la ville doit faire l'objet, manqué à ses devoirs de fonction et contrevenu à ses engagements par rapport à la charte de l'instructeur TTI (ci-après : charte TTI), par la signature de laquelle il s'était engagé à faire preuve de professionnalisme et de rigueur en permanence, afin de montrer l'exemple aux participants (§ 8), ainsi qu'à la directive SIC.

Le recourant a par conséquent violé ses devoirs de service, violation dont la gravité justifie le changement d'affectation d'office litigieux, indépendamment de l'existence ou non d'une insuffisance de prestations, conformément à la jurisprudence susmentionnée. Le grief sera écarté.

7.             Le recourant soulève cependant une violation du principe de la proportionnalité.

7.1 Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2).

7.2 En l'espèce, les manquements examinés ci-dessus ont eu pour effet d'altérer le lien de confiance entre le recourant et sa hiérarchie s'agissant de son statut de gradé et de la formation des aspirants. Dans cette mesure, le comportement du recourant a entravé le bon fonctionnement de son service. Le fait qu'avant son licenciement immédiat, ensuite annulé par la chambre administrative, le recourant ait continué à exercer sa fonction à satisfaction, ne change rien au fait que le lien de confiance a été entamé. Dès lors, le changement d'affectation du recourant au poste d'appointé permet de pallier la perte de confiance liée à son rôle de supérieur hiérarchique et de formateur. En retirant à l'intéressé ses responsabilités de gradé et d'instructeur, la mesure litigieuse est apte à assurer le bon fonctionnement du SPM.

Quant à la question de savoir s'il existe des mesures moins incisives pour parvenir au même résultat, le recourant n'en suggère pas, étant relevé que la mesure litigieuse constitue en elle-même une mesure moins incisive qu'un licenciement pour motif objectivement fondé. En outre, comme vu précédemment, la période où le recourant est resté en poste après la survenance des manquements retenus à son encontre ne suffit pas à considérer que le lien de confiance aurait été reconstruit, d'autant plus au regard du fait que l'existence du fil de discussion litigieux n'est venue à la connaissance de sa hiérarchie qu'un an après les faits. Ainsi, vu l'altération du lien de confiance, la mesure litigieuse constitue une mesure nécessaire au fonctionnement sain et correct de l'administration communale et de la police municipale, sans qu'il n'existe de mesure moins incisive permettant de garantir ledit fonctionnement.

Quant à la proportionnalité au sens étroit, comme la chambre administrative a déjà eu l'occasion de le constater, au vu de ses fonctions, de son expérience, de son rôle de formateur, du fait qu'il était chargé de l'enseignement de la déontologie et qu'il s'était formellement engagé à se montrer exemplaire en toutes circonstances, les manquements du recourant sont graves. Son attitude a mis en péril la considération et la confiance du public à l'égard de l'autorité intimée et de la police municipale en particulier et a porté atteinte au lien de confiance entre employé et employeuse.

En optant pour un changement d'affectation d'office à un poste d'appointé, emploi qu'il avait préalablement occupé pour lequel ses compétences ne sont pas contestées, et non à licenciement, l'autorité intimée a ainsi correctement pris en compte le fait que seuls deux messages et sa passivité devaient être retenues à l'encontre du recourant, que la gravité des faits devait être relativisée, qu'il avait été promu à plusieurs reprises et fait l'objet d'évaluations positives tout au long de sa carrière – les témoins ayant d'ailleurs encore confirmé aux enquêteurs qu'avant les faits litigieux, le recourant donnait entière satisfaction – et qu'il n'avait pas d'antécédents de violation des devoirs de service, les deux éléments relevés par l'autorité intimée n'ayant pas fait l'objet de sanctions ou mesures. La mesure litigieuse permet également de prendre en compte l'intérêt du recourant à conserver son emploi malgré la baisse de salaire. Le fait de pouvoir rester employé en tant qu'appointé de la police municipale limite en effet les conséquences, notamment financières, sur la situation professionnelle du recourant et cela lui permet, le cas échéant, de pouvoir, à moyen ou long terme, recréer une relation de confiance avec sa hiérarchie dans la perspective éventuelle de reprendre une responsabilité hiérarchique ou de formation.

Quant à la durée écoulée entre la découverte des échanges WhatsApp et le prononcé du changement d’affectation litigieux, elle n’est pas déterminante au vu de la gravité des manquements l’ayant motivé et de l'altération du lien de confiance en ayant découlé, étant rappelé que si la mesure pour laquelle a finalement opté l'autorité intimée n'est intervenue qu'en juin 2022, c'est en raison de l'annulation de la première mesure, soit le licenciement immédiat prononcé en juin 2018, le temps écoulé entre deux étant en grande partie expliqué par la durée des trois procédures devant la chambre administrative et le Tribunal fédéral ainsi que la conduite de l'enquête administrative, pendant laquelle le recourant a continué à percevoir son traitement de sergent-major instructeur en étant suspendu de ses fonctions.

En définitive, la mesure contestée ménage ainsi, après prise en compte de l'ensemble des circonstances, un juste équilibre entre les intérêts de l'autorité intimée au bon fonctionnement de son administration et de la police municipale et les intérêts privés du recourant.

Au vu de ce qui précède, le changement d'affectation d'office constitue une mesure proportionnée. Le grief de violation du principe de la proportionnalité sera écarté.

8.             Le recourant soulève finalement une violation du principe de l'égalité de traitement.

8.1 Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 145 I 73 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_449/2022 du 3 février 2023 consid. 2.2.1 ; 1C_695/2021 du 4 novembre 2022 consid. 3.1.2).

8.2 En l'espèce, le recourant affirme que le changement d'affectation serait contraire au principe de l'égalité de traitement. Il ne démontre cependant pas en quoi sa situation serait semblable à celle des autres instructeurs présents dans le groupe et aurait été traitée différemment, ni en quoi sa situation serait différente et aurait pourtant été traitée de la même manière.

Il sera ici relevé que les collègues aux situations desquels le recourant se réfère n'avaient pas la même fonction, ni le même grade. F______ était en effet appointé et aide‑instructeur, D______et E______ sergents instructeurs et C______ appointé et référent d'école. Ce dernier n'était de plus pas membre de la police municipale de la ville, mais de la police cantonale. Par ailleurs, chacun a eu une participation différente au fil WhatsApp, chacun ayant envoyé des messages différents quant au contenu et la quantité. La situation de collègues du recourant n'était dès lors pas semblable à la sienne, de sorte que le recourant ne peut se plaindre de ne pas avoir été traité de la même manière que ces derniers. À ces situations différentes, l'autorité intimée, voire l'autorité cantonale, a répondu de manière différente, puisque chacun a fait l'objet soit d'aucune mesure ou sanction, soit d'un changement d'affectation ou d'un déplacement voire d'une sanction additionnelle en fonction de sa situation. Ainsi, F______ avait déjà reçu un blâme en raison de son comportement à B______ et a été déplacé dans un poste de quartier, ses responsabilités d'aide‑instructeur lui ayant été retirées. E______ a fait l'objet d'un changement d'affectation d'office au poste d'appointé. C______ a subi un blâme et a été déplacé, ses responsabilités de référent lui ayant été retirées, et D______n'a fait l'objet d'aucune mesure ou sanction, n'ayant pas participé au fil WhatsApp comme ses collègues.

Au vu de ce qui précède, aucune violation du principe de l'égalité de traitement ne peut être reprochée à l'autorité intimée et le grief sera écarté.

Dans ces circonstances, la décision attaquée est conforme au droit et le recours à son encontre, entièrement mal fondé, sera rejeté.

9.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 août 2022 par A_______ contre la décision de la Ville de Genève du 30 juin 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé, au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert ASSAËL, avocat du recourant, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :