Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1572/2023

ATA/685/2023 du 27.06.2023 ( MARPU ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1572/2023-MARPU ATA/685/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 juin 2023

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

OFFICE CANTONAL DES SYSTÈMES D'INFORMATION ET DU NUMÉRIQUE intimé



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : la société ou la soumissionnaire) a pour but la location de personnel ainsi que la fourniture de prestations de services de toute nature dans des domaines technologiques tels que l'informatique, l'électronique ou la mécanique, la pharmacie ou la médecine et la recherche clinique.

b. Le 13 mars 2023, l’État de Genève, soit pour lui l’office cantonal des systèmes d’information et du numérique (ci-après : OCSIN), a publié sur le site internet Simap et dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève
(ci-après : FAO) un appel d'offres en procédure ouverte pour l’attribution de 44 postes externes en location de service intitulé « LSE 2023-01 ». Les conditions cadres et clauses contractuelles (ci-après : CCCC) détaillaient sur 18 pages les conditions du marché.

Chaque poste représentait un marché distinct (art. 2.3 CCCC).

Parmi les critères d’aptitude, les soumissionnaires devaient impérativement, sous peine d’exclusion de l’offre, être le réel employeur du candidat proposé au moment de la conclusion du contrat avec l’OCSIN (art. 2.6). Afin de prouver cette qualité, l’adjudicataire devrait fournir une copie du contrat d’une durée indéterminée passé avec le candidat proposé, en vigueur au plus tard à la date prévue pour le début de la mission. Le contrat de travail devait avoir été signé avant le délai fixé pour le dépôt des offres.

« Si un candidat est présenté par plusieurs soumissionnaires, priorité sera donnée à son réel employeur au jour de la publication du présent appel d’offres, à moins que le candidat ait déjà donné son congé [ ] » (art. 1.23 CCCC).

c. B______ a signé un contrat de travail de durée indéterminée avec la société le 20 mai 2020 à plein temps. Il a signé un contrat de travail avec
C______ à plein temps le 23 mars 2023.

d. La société et C______ ont soumissionné et proposé B______ pour une mission devant commencer le 1er juin 2023.

e. Par décision du 28 avril 2023, l’OCSIN a rendu une « décision d'exclusion du dossier d’un candidat présenté » sur la base de l'art. 42 al. 1 let. a du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01), B______, présenté par la société, ayant été également proposé par un autre soumissionnaire.

B. a. Par acte du 5 mai 2023, la société a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision. B______ était leur employé depuis le 8 juin 2020 et souhaitait être présenté par leurs soins. La soumissionnaire « sollicitait la bienveillance de la chambre administrative pour réexaminer la candidature litigieuse et la réintégrer dans la procédure d’appel d’offres ».

b. L’OCSIN a conclu au rejet du recours. Seule la société avait qualité pour recourir, les soumissionnaires devant remplir les conditions posées pour les sociétés de location de services au sens de la loi fédérale sur le service de l’emploi et la location de services du 6 octobre 1989 (LSE - RS 823.11). Bien que concerné, le candidat n’était pas partie à la procédure.

c. La société n’a pas répliqué dans le délai qui lui avait été imparti.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté contre une décision d’exclusion, en temps utile et devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 15 al. 1 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 56 al. 1 RMP).

2.             Le litige porte sur l’exclusion du dossier d’un candidat présenté par la recourante.

2.1 L’AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des deniers publics (art. 1 al. 3
let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a et b AIMP).

2.2 À teneur de l’art. 42 RMP, l'offre est écartée d'office notamment lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non conforme aux exigences ou au cahier des charge (al. 1 let. a) ; les offres écartées ne sont pas évaluées ; l'autorité adjudicatrice rend une décision d'exclusion motivée, notifiée par courrier à l'intéressé, avec mention des voies de recours (al. 3).

2.3 Le pouvoir adjudicateur dispose d'une grande liberté d'appréciation dans le choix et l'évaluation des critères d'aptitude et d'adjudication, celui-là étant libre de spécifier ses besoins en tenant compte de la solution qu'il désire (ATF 137 II 313 consid. 3.4 in JdT 2012 I p. 28ss). Si l'autorité judiciaire substitue son pouvoir d'appréciation à celui de l'adjudicateur, elle juge en opportunité, ce qui lui est interdit, tant par l'art. 16 al. 2 AIMP que par l'art. 61 al. 2 LPA. L'autorité judiciaire ne peut intervenir qu'en cas d'abus ou d'excès du pouvoir de décision de l'adjudicateur, ce qui, en pratique, peut s'assimiler à un contrôle restreint à l'arbitraire. En revanche, l'autorité judiciaire n'a pas à faire preuve de la même retenue lors du contrôle des règles de procédure en matière de marchés publics (ATF 141 II 353 consid. 3 et les références citées).

2.4 L’attribution des marchés publics suppose la réalisation de conditions qui peuvent se classer dans différentes catégories (ATF 140 I 285 consid. 5.1).

En premier lieu figurent les exigences qui subordonnent l'accès à la procédure. Les entreprises soumissionnaires qui ne les remplissent pas voient leur offre exclue d'emblée. Font partie de cette catégorie, les critères d'aptitude ou de qualification (« Eignungskriterien ») qui servent à s'assurer que le soumissionnaire a les capacités suffisantes pour réaliser le marché (art. 13 let. d AIMP). La loi pose aussi des principes qui doivent être respectés par toutes les entreprises qui soumissionnent, sous peine d'exclusion (conditions légales). Tel est le cas notamment du respect des dispositions relatives à la protection des travailleurs et aux conditions de travail ou du respect de l'égalité de traitement entre femmes et hommes (art. 11 let. e et f AIMP), indépendamment du lien entre ces exigences et l'aptitude de l'entreprise à réaliser le marché (Peter GALLI/André MOSER/ Elisabeth LANG/Marc STEINER, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts, 3e éd., 2013, n. 582 p. 250 s.).

En second lieu interviennent les exigences relatives à l'évaluation des offres. Il s'agit des critères d'adjudication ou d'attribution. Ces critères se rapportent en principe directement à la prestation requise et indiquent au soumissionnaire comment l'offre économiquement la plus avantageuse sera évaluée et choisie (ATF 129 I 313 consid. 8.1 p. 324). La non-réalisation d'un critère d'adjudication n'est pas éliminatoire, mais peut être compensée par la pondération avec d'autres critères d'adjudication (ATF 139 II 489 consid. 2.2.1 et 2.2.4 p. 494).

2.5 Le droit des marchés publics est formaliste, ce que la chambre administrative a rappelé à plusieurs reprises (ATA/243/2020 du 3 mars 2020 consid. 4d ; ATA/970/2019 du 4 juin 2019 et les références citées), notamment lorsqu’elle a confirmé des décisions d’exclusion d’offres fondées sur la non-production des attestations requises dans l’appel d’offres au titre de condition de participation à la procédure de soumission (ATA/188/2021 du 23 février 2021 consid. 5 ; ATA/1208/2020 du 1er décembre 2020 consid. 5).

2.6 L’autorité adjudicatrice doit procéder à l’examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme, qui permet de protéger notamment le principe d’intangibilité des offres remises et le respect du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l’art. 16 al. 2 RMP (ATA/243/2020 précité consid. 4d ; ATA/794/2018 du 7 août 2018 et les références citées). Le respect de ce formalisme est nécessaire pour concrétiser l’obligation d’assurer l’égalité de traitement entre soumissionnaires dans la phase d’examen de la recevabilité des offres et de leur évaluation. La conformité au droit de cette approche formaliste a été confirmée par le Tribunal fédéral (arrêts du Tribunal fédéral 2C_418/2014 précité consid. 4.1 ; 2C_197 et 198/2010 précité).

2.7 En l’espèce, tant la recourante qu’une autre société ont proposé la candidature d’B______. Les deux sociétés ont produit un contrat de travail pour un emploi à plein temps les liant audit collaborateur pour la période de la mission, soit à compter du 1er juin 2023, ce que la recourante ne conteste pas. Aucune des deux entreprises de location de services n’est dès lors en mesure de faire la preuve qu’elle est le réel employeur du collaborateur concerné. La recourante, notamment, ne démontre ainsi pas son aptitude au marché, pour cet employé, en application de l’art. 2.7 CCCC. Ce faisant, la société recourante ne remplit pas un des critères d’aptitude (art. 2.6 let. e). Le pouvoir adjudicateur était donc non seulement fondé à prendre une décision d’exclusion du dossier du candidat concerné présenté par la société, mais il ne pouvait prendre une autre décision sous peine, vu le texte clair des art. 38 al. 1 et 42 al. 1 RMP, de contrevenir au principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires.

Le recours doit, partant, être rejeté.

3.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 mai 2023 par A______ contre la décision de l’office cantonal des systèmes d'information et du numérique du 28 avril 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d’A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à l'office cantonal des systèmes d'information et du numérique ainsi qu’à la Commission de la concurrence (COMCO).

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Valérie LAUBER, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. DIKAMONA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :