Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1579/2022

ATA/702/2023 du 27.06.2023 sur JTAPI/1273/2022 ( LCI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1579/2022-LCI ATA/702/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 juin 2023

3ème section

 

dans la cause

 

A______, B______, C______, D______, E______ recourants
représentés par Me Serge ROUVINET, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 novembre 2022 (JTAPI/1273/2022)


EN FAIT

A. a. B______ et A______ ainsi qu’D______, C______ et E______ (ci-après : les consorts A______) sont copropriétaires de la parcelle n° 6'747
(ci-après : la parcelle) de la commune de Plan-les-Ouates (ci-après : la commune), sise à l’adresse ______, en zone agricole, acquise par héritage en 2012 suite au décès de F______, lequel l'a laissée en usufruit à G______, sa veuve. Ce dernier l’avait héritée de son père, décédé en 1989, agriculteur.

b. La parcelle, d’une surface de plus de 15’000 m² contient des constructions sur plus de 6000 m².

B. a. Le 21 août 2017, l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC) du département du territoire (ci-après : DT ou le département) a interpellé F______ au sujet de plusieurs constructions et installations qui auraient été érigées sans autorisation du département compétent. Le 21 septembre 2017, sa veuve a précisé que les installations dataient de plus de 40 ans, n’étaient pas soumises à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et que la parcelle était en zone 4B protégée.

b. Depuis l’approbation du plan de site n° 29'718-529 le 7 novembre 2018, la parcelle a passé de la zone 4B protégée à agricole.

c. Par décision du 23 janvier 2020, suite à un échange de correspondances intervenu en fin d’année 2019, l’OAC a ordonné la remise en état complète de la parcelle, exigeant la suppression, la démolition et l’évacuation de tous les « bâtiments »/« objets » dans un délai de 90 jours. Le recours interjeté contre cette décision été déclaré irrecevable par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

d. Par décision du 30 octobre 2020, l’OAC a infligé une amende de CHF 2'000.- aux consorts au motif que l’ordre de remise en état du 23 janvier 2020 n’avait pas été respecté. Un délai de 90 jours leur était imparti pour s’y conformer. Le recours interjeté contre cette décision a été rejeté par le TAPI le 7 octobre 2021.

e. Par courrier du 23 décembre 2021, l’OAC a ordonné aux consorts de fournir, sous 30 jours, un reportage photographique attestant que la remise en état avait été complètement exécutée.

À la suite de l’envoi, le 22 janvier 2022, de plusieurs photographies, l’OAC s’est rendu sur place le 18 mars 2022. Un rapport photographique a été établi.

f. Par décision du 1er avril 2022, l’OAC a infligé une amende de CHF 10'000.- aux consorts et leur a interdit avec effet immédiat d’utiliser les « bâtiments » nos 1, 2 et 3 à des fins non conformes à leur affectation ou à la zone. De « nouveaux éléments » ayant été constatés sur la parcelle, un délai a été imparti par l’OAC aux propriétaires pour se déterminer.

C. a. Par acte du 13 mai 2022, les consorts A______ ont recouru contre cette décision auprès du TAPI, concluant principalement à son annulation. Préalablement, ils ont conclu à la mise en œuvre d'un transport sur place, à leur audition ainsi qu'à celle de témoins.

b. Par jugement du 24 novembre 2022 le TAPI a rejeté le recours. Le principe de l’amende était fondé. Les consorts A______ ne pouvaient ignorer la nature de leurs obligations ni, amendés une première fois en raison de leur inaction, qu'ils s'exposeraient à une nouvelle sanction s'ils devaient ne pas s'exécuter dans le nouveau délai qui leur avait été était imparti. Leur culpabilité était établie, étant relevé que bien qu'assistés d'un avocat depuis le début, ils n'avaient jamais requis des délais supplémentaires pour pouvoir exécuter le reste des travaux ni déposé une demande d'autorisation de construire, malgré les invitations du département, pour tenter de régulariser la situation.

S’agissant du montant de l’amende, les infractions pouvaient être qualifiées de graves puisque les consorts savaient pertinemment qu'ils ne respectaient pas la réglementation sur le droit de la construction et qu'ils auraient dû rétablir la situation antérieure dans le nouveau délai imparti, ce que le TAPI leur avait encore rappelé par jugement du 8 octobre 2021. Leur faute devait être sanctionnée avec sévérité et seule une amende d'un montant important semblait pouvoir leur faire prendre conscience de la situation et être susceptible d'atteindre le résultat escompté. La quotité de l'amende, se situant largement en-deçà du montant maximal d'amende possible de CHF 150'000.- prévu par la loi, n’était pas disproportionnée et apparaissait même clémente compte tenu de l'attitude des consorts à ne pas tenir compte des ordres du département, malgré le prononcé d'une première amende. Par ailleurs, la circonstance aggravante de la cupidité au sens de l'art. 137 al. 2 LCI aurait pu être retenue puisque, comme ils l’alléguaient, c’était uniquement pour bénéficier de certains revenus qu’ils se bornaient à ne respecter ni la loi, ni les décisions des autorités et juridictions administratives.

D. a. Par acte du 12 janvier 2023, les consorts A______ ont recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre ce jugement. Ils ont conclu à son annulation et au renvoi de la cause à l’OAC pour nouvelle décision. L’art. 137 LCI avait été violé : l’amende n’était pas fondée et était disproportionnée. Les faits avaient été constatés de façon incomplète.

b. Le DT a conclu au rejet du recours.

c. Dans leur réplique, les recourants ont relevé que le rapport d’inspection du
18 mars 2022 n’était pas conforme à la réalité du terrain, notamment s’agissant des « bâtiments » nos 1 à 3 et 8 à 12. Il était fait fi de leur demande de transport sur place et de leur comparution personnelle. Malgré leurs demandes répétées, les recourants n’avaient jamais été entendus par les autorités judiciaires. Leur audition permettrait de saisir les enjeux des travaux à entreprendre et du temps exigé pour cela. Ils persistaient dans cette conclusion en fixation d’une audience de comparution personnelle.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Le contenu des pièces et les arguments des parties seront pour le surplus repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du jugement du TAPI du 12 octobre 2022 qui a confirmé l’amende de CHF 10'000.- infligée aux recourants par décision du 1er avril 2022.

3.             Les recourants sollicitent un transport sur place et leur audition.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2 ; 141 III 28 consid. 3.2.4).

3.2 En l’espèce, le transport sur place devrait servir à établir la « réalité du terrain », s’agissant notamment des « bâtiments » nos 1 à 3 et 8 à 12. Le litige portant uniquement sur le bien-fondé de l’amende de CHF 10'000.- prononcée le 1er avril 2022, la situation actuelle du terrain n’est pas pertinente pour ce qui concerne les modifications de celui-ci depuis la date précitée.

La chambre de céans dispose d'un dossier complet, comprenant notamment les écritures des parties et toutes les pièces produites à leur appui. Le dossier comprend plusieurs photos et est complété par les données disponibles par le système d’information du territoire à Genève (ci-après : SITG), qui permettent de se rendre compte de la situation de fait, de sorte qu’un transport sur place n’est pas utile.

Il n’existe par ailleurs pas de droit à une audition personnelle des intéressés,
ceux-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause, ce que les recourants ont eu l’occasion de faire tant devant le TAPI que devant la chambre de céans (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 3.1.1).

Il ne sera pas donné suite aux demandes d’actes d’instruction.

4.             Les recourants allèguent une constatation incomplète des faits pertinents.

Ils reprochent à l’OAC d’avoir retenu, à tort, que le « bâtiment n° 1 » contenait des aménagements intérieurs et un local servant de stockage de matériels de chantier et soutiennent que tous les aménagements auraient été supprimés. Or, si, certes, ils ont indiqué par courrier du 21 août 2020 au département que les aménagements intérieurs avaient été supprimés, les poulets et autres volailles débarrassés et que le violent orage du 13 août 2020 s’était chargé de déchirer une grande partie des plastiques et de créer des inondations, force est de constater que les douze photos prises le 18 mars 2022 et versées au dossier prouvent que le bâtiment n’était pas vide et qu’un nombre de matériels y est encore entreposé au moment de la décision querellée.

Les recourants contestent que les « bâtiments nos 2 et 3 » n’auraient pas été évacués de tout élément non lié à l’activité agricole de H______, arboriculteur. Aucune photo n’est produite pour le bâtiment n° 2. Les deux photos de l’intérieur du bâtiment n° 3 attestent de la présence du matériel. Les recourants ne contestent d’ailleurs pas que tel ait été le cas à l’intérieur des deux bâtiments, se prévalant d’un usage agricole des immeubles. Ils ne peuvent toutefois être suivis, H______ n’étant pas référencé en qualité d’agriculteur et aucune autorisation de construire n’ayant été déposée pour régulariser les installations litigieuses.

Le fait que des travaux soient en cours dans les autres bâtiments est sans pertinence, la sanction portant sur l’état de fait au jour de son prononcé, soit le 1er avril 2022.

Les « éléments nouveaux » constatés par le DT le 18 mars 2022 ne font pas l’objet de la présente sanction, un droit d’être entendu à leur propos ayant été octroyé aux intéressés avant la prise d’une décision.

Le grief de constatation incomplète des faits pertinents sera rejeté.

Les recourants contestent le bien-fondé de l’amende. Selon eux, les travaux exigés par le département étaient d’une ampleur importante et la situation difficile, G______ ne disposant que de l’usufruit de la parcelle. Les serres concernées représentaient la seule source de soutien financier laissé par son défunt mari ainsi que plus de 30 ans de travail accomplis par celui-ci. Les travaux requis demandaient une grande adaptation de la part de la famille et nécessitaient un temps considérable afin d’être complètement achevés. La pandémie de Covid-19 avait ralenti les travaux pendant deux ans. Les recourants n’avaient aucune volonté délictuelle et ne démontraient aucune intention de ne pas respecter la décision de l’OAC. Ils s’étaient efforcés, tant personnellement que financièrement, d’effectuer les travaux requis, lesquels étaient à achevés ou en passe de l’être. Ils étaient importants s’agissant de plusieurs milliers de mètres carrés à remettre en état. Entrepris dans des conditions trop humides ou avec des machines inadaptées, ils pouvaient entraîner le compactage persistant du sol impliquant une moindre capacité de rétention d’eau, favorisant son érosion et les crues et perturbant notamment le développement des plantes. Le coût de la remise en état était onéreux, étant rappelé que ces travaux dataient des années 60 et qu’ils n’y avaient pas procédé personnellement. H______, arboriculteur, avait repris une partie des serres, en particulier les « bâtiments » nos 1 à 3 et les exploitait à des fins agricoles.

4.1 Selon l'art. 131 LCI, les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI. Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

4.2 Aux termes de l'art. 137 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la LCI, aux règlements et aux arrêtés édictés en vertu de ladite loi, ainsi qu'aux ordres donnés par le département dans les limites de la LCI et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (al. 1). Le montant maximum de l'amende est de CHF 20'000.- lorsqu'une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (al. 2). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive et l'établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d'une attestation, au sens de l'art. 7 LCI, non conforme à la réalité (al. 3). La poursuite et la sanction administrative se prescrivent par 7 ans (al. 5).

4.3 Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/159/2021 du 9 février 2021 consid. 7b).

4.4 En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006
(LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 du 16 avril 2019 consid. 5c et les références citées).

4.5 Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès ou d'abus. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/440/2019 précité consid. 5c et les références citées).

4.6 L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/440/2019 précité consid. 5c et les références citées).

4.7 Selon la jurisprudence, le principe ne bis in idem est un corollaire de l'autorité de chose jugée, appartenant avant tout au droit pénal fédéral matériel. L'autorité de chose jugée et le principe ne bis in idem supposent qu'il y ait identité de l'objet de la procédure, de la personne visée et des faits retenus (arrêts du Tribunal fédéral 2C_539/2020 du 28 décembre 2020 consid. 4.1 ; 2C_226/2018 du 9 juillet 2018 consid. 5.1). La référence à ce principe n'est d'aucune pertinence lorsque le recourant n'a pas subi deux sanctions disciplinaires à raison des mêmes faits (arrêt du Tribunal fédéral 2P.56/2004 du 4 novembre 2004 consid. 3.6), mais l'est dans le cas contraire (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., n. 1206).

4.8 En l’espèce, le litige porte sur le bien-fondé de l’amende prononcée le 1er avril 2022. À ce titre, le rapport photos réalisé deux semaines auparavant doit être considéré comme établissant les faits à satisfaction de droit. Il comprend 34 photos et porte sur les « bâtiments » nos 1 à 3 et 8 à 12, soit des serres maraîchères avec une structure métallique et une couverture en plastique.

Si certes, le nombre de bâtiments non autorisés sur la parcelle est moindre que celui constaté le 16 décembre 2020 et, qu’en conséquence, il est prouvé que les recourants ont entrepris certaines démarches en vue de régulariser la situation, il ne peut être nié que la situation restait, lors de la décision querellée du 1er avril 2022 et malgré une mise en demeure le 23 décembre 2021, contraire aux décisions du département, confirmées le 7 octobre 2021 par une décision de justice. Les recourants ne contestent d’ailleurs pas ne pas avoir mis en œuvre, de manière complète et dans le délai imparti, l’ordre du DT du 23 décembre 2021. L’amende est en conséquence fondée dans son principe.

Si les recourants indiquent que les travaux sont importants, coûteux, qu’ils nécessitent du temps, ils persistent à offrir la possibilité à H______ d’exploiter une partie des installations litigieuses à des fins agricoles. Ceci est, en l’état, contraire à la situation autorisée. Aucun document du dossier ne prouve que le précité possède l’autorisation idoine, sous réserve de son CFC d’arboriculteur obtenu le 26 septembre 2017. En conséquence, dès lors que les « bâtiments » nos 1 à 3 n’ont pas été vidés de leur contenu, les recourants ne se sont pas conformés aux différentes décisions de remise en état. Les photos nos 3 à 17 attestent d’un important matériel, de pose de panneaux intérieurs et d’entreposages divers non conformes. Les pièces nos 13 à 15, offertes en preuve par les recourants, font effectivement état de quelques travaux, mais datent de 2020. Elles portent par ailleurs notamment sur les constructions nos 4 à 6, qui ne sont plus litigieuses.

La présente amende sanctionne en conséquence le non-respect, par les recourants, de l’ordre de remise en état dans le délai de 30 jours imparti le 23 décembre 2021. Il ne peut être valablement soutenu que le délai de trois mois entre l’ordre de remise en état du 23 décembre 2021 et le prononcé de la sanction le 1er avril 2022 était insuffisant à évacuer le contenu des bâtiments nos 1 à 3 et 8 à 12.

5.             Les recourants contestent aussi la quotité de l’amende.

5.1 La jurisprudence de la chambre de céans précise que le département jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour en fixer le montant. La chambre administrative ne la censure qu'en cas d'excès ou d’abus. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de la proportionnalité (ATA/159/2021 du 9 février 2021 consid. 8a et les arrêts cités).

5.2 Le montant de l’amende, de CHF 10'000.-, se situe sur le bas de la fourchette autorisée par la loi, à savoir dans le cas présent un plafond de CHF 150'000.-.

La faute des recourants est importante. Ils ne pouvaient ignorer les dispositions applicables du fait des précédents ordres de remise en état depuis plus de trois ans, soit des 23 janviers et 30 octobre 2020, du jugement du TAPI du 7 octobre 2021 et de la nouvelle mise en demeure du 23 décembre 2021.

Le montant de l'amende est apte à atteindre le but d'intérêt public poursuivi soit le respect des règles établies en matière d'aménagement du territoire et des constructions.

Il est également nécessaire, car il n'y a pas de mesure moins incisive qui permettrait d'atteindre le même but, étant relevé que les recourants revendiquent l’exploitation de la parcelle par l’arboriculteur précité, malgré l’absence d’autorisation pour ce faire, ainsi que la nécessité de percevoir, par ce biais, des revenus, de façon contraire aux différents ordres donnés par le DT.

S’agissant de la proportionnalité au sens étroit, cette amende fait suite à une précédente, d’un montant de CHF 2'000.-, prononcée le 20 octobre 2020, qui n’a pas amené les recourants à déférer aux injonctions du département, ni à tout le moins à transmettre à ce dernier des explications, pièces à l’appui, sur les difficultés qu’ils auraient pu rencontrer pour la remise en état de la parcelle telle qu’ordonnée, voire à solliciter des délais, en fonction de difficultés dûment documentées et pour autant que justifiées , pour la remise en état. Le montant de CHF 2'000.- précédemment infligé a toutefois été multiplié par cinq dans la décision querellée. Le DT se réfère à une jurisprudence de la chambre de céans selon laquelle, dès lors qu’une première amende n’avait pas suffi à faire respecter les ordres du département, une amende ultérieure plus élevée se justifiait pleinement (ATA/879/2014 du 11 novembre 2014). Dans le cas précité, l’amende initiale de CHF 10'000.- avait été doublée. Dans un récent arrêt, la chambre de céans a rejeté un recours contre une amende de CHF 75'000.- pour violation de la LCI. Les décisions des 3 octobre 2019 et 22 décembre 2020 imposant la remise en état de la parcelle ainsi que les amendes administratives des 24 janvier 2020 (CHF 500.-), 5 mars 2020 (CHF 1'000.-), 25 mai 2020 (CHF 1'500.-), 22 décembre 2020 (CHF 20'000.-), 12 mars 2021 (CHF 30'000.-) et 14 mai 2021 (CHF 50'000.-), étant en force, l’examen était limité à l’amende de CHF 75'000.- infligée le 10 septembre 2021, en raison du non-respect des nombreuses injonctions du département dans les délais impartis. L’écart, important, entre CHF 1'500.- et CHF 20'000.- n’avait pas été contesté. Dans le présent cas, le DT n’explique pas les raisons du quintuplement, d’emblée, du montant de l’amende, ce d’autant moins que le prononcé de la sanction à hauteur de CHF 2'000.- comprenait d’autres bâtiments pour lesquels la situation a entre-temps été résolue, ce que le département ne conteste pas.

Le montant ne respecte en conséquence pas le principe de la proportionnalité au sens étroit et sera ramené à CHF 6'000.-, soit un montant supérieur au seul doublement de la première amende, afin de tenir compte du caractère manifestement non totalement dissuasif du précédent montant et de la volonté précitée de persister à exploiter, contrairement aux ordres du DT, les « bâtiments » litigieux.

Enfin, les recourants ne font pas valoir qu'une telle sanction les exposerait à une situation financière difficile.

Le recours sera partiellement admis, aucun grief n’étant pour le surplus émis contre l’interdiction immédiate d’utiliser les bâtiments nos 1 à 3 à des fins non conformes à leur affectation de zone.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 500.- sera mis à la charge des recourants, pris solidairement, et une indemnité de procédure, réduite, de CHF 500.- leur sera allouée, à la charge du département (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 12 janvier 2023 par A______, B______, C______, D______ et E______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 novembre 2022 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le point 2 du jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 novembre 2022 ;

réduit l’amende à CHF 6'000.- ;

confirme le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 novembre 2022 et la décision du 1er avril 2022 pour le surplus ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge solidaire de A______, B______, C______, D______ et E______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à A______, B______, C______, D______ et E______, pris solidairement, à la charge du département du territoire ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Serge ROUVINET, avocat des recourants, au département du territoire-oac, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. DIKAMONA

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :