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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/50/2023

ATA/563/2023 du 30.05.2023 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/50/2023-AIDSO ATA/563/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 mai 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1967, a bénéficié des prestations d’aide sociale financière versée par l’hospice général (ci-après : hospice) pour le groupe familial du 1er janvier 2016 au 31 octobre 2017, du 1er août 2018 au 30 avril 2019, puis depuis le 1er juillet 2019.

b. Avec leurs demandes d’aide, notamment des 20 juillet 2018 et 11 juillet 2019, son épouse et lui ont signé le document « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général », par lequel ils ont notamment pris acte de la subsidiarité des prestations d’aide financière à toute ressource de travail et se sont notamment engagés à tout mettre en œuvre pour améliorer leur situation sociale et financière, à donner immédiatement et spontanément à celui-ci tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de leur situation personnelle, familiale et économique et d’informer immédiatement et spontanément de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière. Ils ont également pris acte, par leur signature, que l’hospice se réservait de réduire ou de supprimer ses prestations d’aide financière en cas de violation de la loi, notamment de cet engagement, et qu’ils pouvaient être amenés à rembourser toute prestation exigible selon l’art. 12 al. 2 et 36 à 41 de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04).

c. Par décision du 27 mai 2019, l’hospice a suspendu ses prestations d’aide sociale financière avec effet au 30 avril 2019, au motif que A______ avait repris une activité salariée auprès de B______ d’octobre 2017 à juin 2018. En tenant compte du salaire réalisé, il apparaissait un trop perçu de CHF 6'700.-. Les prestations étaient suspendues à concurrence de ce montant.

d. Par nouvelle demande signée le 20 août 2019, les époux ont à nouveau requis l’aide financière de l’hospice. L’épouse enseignait bénévolement le persan, alors que le mari n’exerçait aucune activité professionnelle.

e. Les prestations ont à nouveau été versées à compter du 1er juillet 2019. Constatant dans le cadre de l’examen des extraits de compte fournis par le bénéficiaire des entrées irrégulières d’origine, l’hospice lui a demandé de les justifier. Lors de l’entretien périodique du 3 octobre 2019, l’intéressé a déclaré qu’il exerçait une activité salariée depuis le 1er juin 2019. Informé du fait qu’il avait ainsi perçu des prestations qui ne tenaient pas compte de ses revenus et qu’il devait donc rembourser le trop-perçu de CHF 10'349.30, A______ a demandé la remise d’un bulletin de versement afin de procéder au remboursement par un seul paiement.

f. Le bénéficiaire a encore produit son contrat de travail, allant du 1er juin au 31 octobre 2019, conclu avec C______, prévoyant un salaire brut de CHF 3'900.- par mois, ainsi que ses fiches de salaire faisant état d’un salaire net de CHF 3'550.95 par mois.

g. L’intéressé n’ayant pas remboursé la somme précitée, l’hospice lui a adressé, le 20 février 2020, un rappel avec un bulletin de versement. Il a annexé le détail de ses prestations pour les mois de juillet à octobre 2019, soit CHF 2'122.70 d’aide sociale en juillet et août 2019, CHF 1'193.70 en septembre 2019 et CHF 1'469’70 en octobre 2019 et chaque mois CHF 860.10 de subsides, soit un total de CHF 10'349.30.

h. Par décision de restitution du 20 avril 2022, l’hospice a retenu que A______ n’avait pas déclaré le salaire perçu entre le 1er juillet et le 31 octobre 2019. Il avait ainsi perçu un montant de CHF 10'349.40 de prestations indues. Le remboursement de ce montant lui était donc réclamé.

i. Dans son opposition, le bénéficiaire a fait valoir qu’il avait proposé un projet de production de deux produits et de trouver des investisseurs pour C______ avec qui il avait collaboré par le passé. La société avait mis un arrêt soudain à ce projet en octobre 2019. Il avait reçu cinq paiements pour son activité et n’avait pu conserver que CHF 3'000.- au lieu de CHF 3'550.95, ayant dû rembourser la différence aux investisseurs. Sa famille étant composée de quatre personnes, son salaire aurait de toute manière été insuffisant pour subvenir aux besoins de la famille. D’ailleurs, les prestations perçues de l’hospice pendant la période concernée étaient insuffisantes. Son assistante sociale avait été au courant de son projet professionnel.

j. Le 9 décembre 2022, l’hospice a rejeté l’opposition.

Le fait que l’intéressé avait reçu ses salaires tous en même temps ne changeait rien au fait qu’il ne les avait pas déclarés pendant la période où il percevait des prestations. Par ailleurs, l’intégralité de son salaire devait être prise en compte, dès lors qu’il n’en avait jamais fait état, notamment le 20 février 2020 et le 19 janvier 2021, d’une part, et qu’il ne pouvait, d’autre part, utiliser ses ressources pour régler ses dettes, la collectivité publique n’ayant pas, indirectement, à désintéresser des créanciers des bénéficiaires. Pour le surplus, la quotité du montant réclamé n’était pas contestée.

B. a. Par acte expédié le 9 janvier 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre cette décision. Son assistante sociale connaissait ses projets professionnels. En juin 2019, il n’avait pas encore de salaire. Le projet n’avait pas abouti et avait été un échec. Une décision concernant son salaire et une aide au remboursement des investisseurs avait été prise. C’était ainsi que son salaire n’avait été versé qu’en novembre 2019. Il ne pensait pas le percevoir, car il comptait sur son projet et sa future rémunération et non un dédommagement pour son travail. Pendant la période de juin à octobre 2019, l’hospice avait réduit ses prestations, de sorte qu’il en avait déduit qu’il l’avait fait pour éviter de percevoir « deux rémunérations ». Il ne comprenait donc pas pourquoi un remboursement lui était réclamé.

b. L’hospice a conclu au rejet du recours.

Il a maintenu les motifs déjà exposés et ajouté qu’il avait accordé une aide de CHF 10'349.30 au recourant pour les mois de juillet à octobre 2019, sans pouvoir tenir compte des salaires de juin à octobre 2019, d’au total CHF 14'203.80 du recourant, dont il n’avait pas été informé. Par ailleurs, si ses prestations avaient été moins importantes entre juillet et octobre 2019, c’était en raison des ressources supplémentaires perçues par le groupe familial, telles que des rentrées d’argent non justifiées ou encore le non octroi de suppléments d’intégration en octobre 2019 par exemple.

Le recourant avait certes mentionné un projet professionnel, mais n’avait informé l’hospice que lors de l’entretien du 3 octobre 2019 qu’il avait commencé une activité rémunérée en juin 2019. La condition de la bonne foi faisait défaut.

c. Dans sa réplique, le recourant a fait valoir qu’il n’était pas impossible qu’il « y ait eu des confusions mutuelles » avec son assistante sociale, avec qui il communiquait en anglais. En juin 2019, il n’avait pas perçu de salaire et ne pouvait « prédire les suites de son projet ». Ce n’était qu’au moment de l’échec de celui-ci, qu’il avait appris début octobre 2019, qu’il avait informé son assistante sociale et donné des explications au sujet des versements sur son compte qui seraient remarqués. Le montant réclamé dépassait les prestations perçues entre juin et octobre 2019, qui s’étaient montées à CHF 6'658.65. Après remboursement des investisseurs, il n’avait perçu que CHF 3'000.- mensuellement, ce qui ne permettait pas de subvenir aux besoins de sa famille. Il demandait qu’il soit tenu compte de ces explications, que la somme due soit recalculée et qu’il soit autorisé à la rembourser en plusieurs versements.

Il a produit plusieurs pièces figurant déjà au dossier ainsi qu’un courriel adressé le 23 mars 2020 à l’hospice sollicitant de pouvoir s’acquitter de la somme de CHF 3'000.- en plusieurs versements.

d. L’hospice a dupliqué en soulignant que le recourant écrivait et s’exprimait couramment en français. L’allégation d’une mauvaise compréhension était donc peu crédible. En outre, la quotité du montant réclamé avait déjà été expliquée. Enfin, l’hospice n’avait jamais reçu le courriel du 23 mars 2020 produit par le recourant.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant conteste que les conditions à la restitution des prestations perçues de juillet à octobre 2019 soient remplies.

2.1 Selon l’art. 1 al. 1, la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI – J 4 04) a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel.

2.2 Le demandeur doit fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière (art. 32 al. 1 LIASI). La LIASI impose ainsi un devoir de collaboration et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/1446/2019 du 1er octobre 2019 consid. 5a). Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation économique (ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a).

2.3 Selon l'art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3).

2.4 De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2). Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l’enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d’une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l’obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/437/2022 du 26 avril 2022 consid. 2c ; ATA/93/2020 précité consid. 3c et les références citées). Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/437/2022 précité consid. 2c ; ATA/93/2020 précité consid. 3c).

2.5 Le bénéficiaire de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis de ce fait dans une situation difficile (art. 42 al. 1 LIASI). De jurisprudence constante, les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées).

2.6 En l’espèce, le recourant, qui a été bénéficiaire des prestations de l’hospice à plusieurs reprises depuis 2016, connaissait ses obligations de collaboration à l’égard de celui-ci, notamment celle de fournir des indications exactes et signaler immédiatement des modifications survenues dans sa situation sociale et financière, ayant signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » à plusieurs reprises, encore au mois de juillet 2019.

Or, malgré cet engagement, il n’a, en juin et juillet 2019, ni signalé ni produit son contrat de travail, qui prévoyait une activité du 1er juin au 31 octobre 2019, et ne l’a pas non plus mentionné lors de sa demande de prestations du 20 août 2019.

En ne signalant pas spontanément ni ne produisant à l’hospice en juin et juillet 2019 le contrat de travail et en ne le mentionnant pas non plus dans sa nouvelle demande de prestations en août 2019, le recourant doit se voir reprocher d’avoir violé ses obligations de collaboration à l’égard de l’hospice. Ses explications, formulées dans sa réplique seulement, selon lesquelles il y aurait eu des « confusions mutuelles » avec son assistante sociale, avec qui il communiquait en anglais, ne sont pas crédibles. D’une part, il ressort de ses écrits qu’il maîtrise bien le français. Par ailleurs, il ne soutient pas ne pas avoir compris qu’il devait signaler et produire spontanément toute pièce modifiant sa situation financière. Il avait, au demeurant, en mai 2019, soit quelques mois auparavant, fait l’objet d’une décision de suspension des prestations en raison du fait qu’il n’avait pas signalé à l’hospice l’exercice d’une activité lucrative. En outre, l’on ne voit pas en quoi d’éventuelles « confusions mutuelles » dans les échanges verbaux auraient eu un impact sur son obligation de produire spontanément à l’hospice son contrat de travail. Enfin, il a clairement su communiquer à son assistante sociale, le 3 octobre 2019, qu’il exerçait une activité salariée rémunérée depuis le 1er juin 2019. Partant, l’allégation selon laquelle l’absence d’information à l’hospice au sujet de l’activité professionnelle exercée depuis le 1er juin 2019 serait due à des « confusions mutuelles » liées à la langue n’est pas rendue vraisemblable.

Compte tenu de l’absence d’indication relative à l’exercice d’une activité lucrative depuis le 1er juin 2019, respectivement des fausses indications données dans le formulaire de demande de prestations en août 2019, le recourant a perçu des prestations auxquelles il n’aurait pas eu droit. En effet, son salaire mensuel de CHF 3'550.95 pendant les mois de juillet à octobre 2019 a été supérieur aux prestations d’aide sociale et subsides de CHF 3'082.80 en juillet et août 2019, de CHF 2'053.80 en septembre et de CHF 2'329.80 en octobre 2019. S’il avait signalé l’existence de son activité professionnelle, le recourant n’aurait donc pas eu droit à des prestations ; il les a ainsi perçues indûment. Le fait que le salaire relatif à cette période n’a été versé au recourant qu’en novembre 2019 n’y change rien, dès lors que ces salaires se rapportent à la période d’aide perçue par l’hospice et que celui-ci n’a pas à pallier un manque temporaire de liquidités d’un employeur, ce d’autant moins lorsque l’emploi exercé et le contrat de travail y relatif ne lui sont pas déclarés.

Par ailleurs, il ne peut être tenu compte des remboursements opérés par le recourant aux investisseurs, dès lors que, même si l’obligation et l’existence d’un tel remboursement étaient établies – ce qu’il n’est pas nécessaire d’examiner –, il n'appartient pas à la collectivité publique de désintéresser indirectement d'éventuels créanciers de ses bénéficiaires, compte tenu du caractère subsidiaire de l'aide sociale (ATA/16/2023 du 10 janvier 2023 consid. 4 ; ATA/823/2021 du 10 août 2021 consid. 4b ; ATA/523/2020 du 26 mai 2020 consid. 4). À cela s’ajoute que si des prestations d'aide financière ont été accordées alors que le bénéficiaire s'est dessaisi de ses ressources ou de parts de fortunes, les prestations d'aide financière sont remboursables (art. 40 al. 1 LIASI).

Enfin, en limitant la demande de remboursement des prestations versées du 1er juillet au 31 octobre 2022, l’hospice a respecté le principe de la proportionnalité.

Au vu de ce qui précède, la décision querellée ainsi que la décision du 20 avril 2022 sont conformes au droit, y compris au principe de la proportionnalité, et ne consacrent aucun abus ou excès du pouvoir d’appréciation de l’hospice.

Mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

3.             Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument. Le recourant succombant, il ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 janvier 2023 par A______ contre la décision de l’Hospice général du 9 décembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. DIKAMONA

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :