Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3813/2021

ATA/487/2023 du 09.05.2023 sur JTAPI/1229/2022 ( LCI ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3813/2021-LCI ATA/487/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 mai 2023

3ème section

 

dans la cause

COMMUNE A______
représentée par Me François Bellanger, avocat

contre

Madame et Monsieur B______
représentés par Me Nicolas Cuenoud, avocat

C______ et D______
représentées par Me Paul Hanna, avocat

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 novembre 2022 (JTAPI/1229/2022)


EN FAIT

1) Madame et Monsieur B______ sont copropriétaires de la parcelle n° 11'046, feuille 1______ de la commune A______, d’une surface de 2'150 m2, située en zone 5.

Une habitation d’un logement ainsi qu’un garage privé sont cadastrés sur cette parcelle.

2) Une promesse de vente et d’achat ayant pour objet la parcelle susmentionnée a été conclue le 17 décembre 2019 entre Mme et M. B______ d’une part, et D______ (ci-après : D______) et C______ (ci-après : C______), d’autre part. Ces derniers sont devenus titulaires d’un droit d’emption sur la parcelle jusqu’au 16 juin 2023.

3) Le 24 juin 2021, D______ et C______ ont requis auprès du département du territoire, par l’intermédiaire de leur mandataire, E______, une autorisation visant la construction sur la parcelle n °1'046 de quatre villas contigües (43 % HPE) et l’abattage d’arbres.

Cette requête a été enregistrée sous la référence DD 2______.

4) Le 6 juillet 2021, dans le cadre de l’instruction de la requête, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a sollicité une modification du projet.

5) Le 13 août 2021, la commune A______ (ci-après : la commune) a préavisé négativement le projet, en raison de la nécessité de préserver l’image du quartier par le maintien de l’harmonie de l’ensemble composé par les éléments bâtis et naturels du site. Les accès étroits ne permettraient pas le trafic routier excessif généré par des habitats groupés.

6) Le 5 octobre 2021, le département a refusé de délivrer l’autorisation de construire sollicitée en se fondant sur le préavis défavorable de la commune.

7) Le 5 novembre 2021, D______ et C______, ainsi que Mme et M. B______ ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée, concluant à son annulation, au renvoi du dossier au département pour que celui-ci sollicite les préavis des autres départements et de ses propres services pour les objets entrant dans leurs compétences et à ce qu'il lui soit ordonné de rendre une décision fondée sur l’art. 59 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et non sur l’art. 59 al. 4bis LCI.

La parcelle concernée était affectée à la zone 5 et incluse dans le périmètre de la fiche A04 du plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCn 2030), qui traitait de la question de la stratégie de densification de la zone 5. À teneur de cette fiche, l’indice d’utilisation du sol dans cette zone pouvait, aux conditions fixées par l’art. 59 al. 4 LCI monter jusqu’à 0,4 (0,48 en cas de très haute performance énergétique) et 0,5 pour une parcelle supérieure à 5'000 m2 (0,6 en cas de très haute performance énergétique).

Concernant la stratégie de densification de la zone 5 au niveau communal, le Conseil d’État avait approuvé, par arrêté du 14 octobre 2020, le plan directeur communal de 2ème génération A______ (ci-après : PDCom 2ème génération). Ce dernier avait été validé en mai 2019 par la commission cantonale d’urbanisme et la commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS). Il avait également été jugé conforme au plan directeur cantonal dans sa dernière mise à jour. La parcelle en question était incluse dans le périmètre du « plateau sud » de la commune et selon le plan intitulé « Plan directeur communal A______ - condition à l’évolution de la zone 5 » figurant dans le PDCom 2ème génération, elle était densifiable avec possibilité d’obtention de la dérogation au sens de l’art. 59 al. 4 LCI, selon application des critères.

Outre la consultation usuelle de la DAC, le dossier n’avait été soumis qu’à la commune qui l’avait préavisé négativement de façon lapidaire. Le PDCom 2ème génération était censé servir de « mode d’emploi cohérent et objectif à la commune pour permettre d’apprécier les projets ». Ainsi le préavis rendu par la commune était un parfait contre-exemple d’appréciation et d’orientation au porteur du projet.

Le département n’avait pas motivé en quoi le PDCom 2ème génération n’était pas compatible avec le nouvel art. 59 al. 4 LCI et aucune information officielle n’avait été communiquée à ce sujet.

8) Le 10 janvier 2022, la commune, ayant sollicité son intervention dans la procédure, a persisté dans son préavis négatif et conclu au rejet du recours.

L’art. 59 al. 4bis LCI en vigueur depuis le 28 novembre 2020, combiné avec l’art. 59 al. 4 LCI, imposait à chaque commune de définir, sur la base du principe de séparation et au moyen d’une carte spécifique de leur plan directeur, la zone 5 densifiable sans conditions (périmètres de densification accrue) et la zone 5 non densifiable, soit tous les autres périmètres. Compte tenu de l’importance du travail à effectuer, le législateur avait prévu un délai au 1er janvier 2023 pour l’application de ces nouvelles normes. Dans l’intervalle, l’art. 59 al. 4bis LCI soumettait toute demande d’autorisation de construire requérant une dérogation fondée sur l’art. 59 al. 4 LCI, à la condition nécessaire d’un préavis positif de la commune du lieu de situation, autrement dit un droit de veto sur toute demande qui ne correspondrait pas à ses objectifs.

Son préavis négatif suffisait à exclure tout octroi d’une autorisation de construire et justifiait que le département n’ait pas procédé à un examen plus approfondi du dossier. Même si les préavis de tous les services s’avéraient positifs, sans charge ou condition, l’autorisation requise devait être refusée. D______, C______, de même que Mme et M. B______ tentaient de contourner cet obstacle en prétendant ignorer pourquoi la commune n’avait pas un plan directeur prévoyant des périmètres de densification accrue. Au regard de la chronologie, il était impossible que le PDCom 2ème génération intègre les exigences issues du PL 3______, connues au plus tôt le 11 août 2020 lors de la publication du rapport de la commission d’aménagement du canton (PL 3______-A), alors que le texte du PDCom 2ème génération avait été finalisé le 24 mars 2020, puis adopté par le Conseil municipal le 26 mai 2020.

Le PDCom 2ème génération ne contenait pas de référence à des périmètres de densification accrue au sens de l’art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI. Il traitait de l’évolution de la zone 5, répartissait le territoire communal en cinq secteurs géographiques et fixait pour chacun des règles générales. Celles-ci permettaient une appréciation des dérogations au sens de l’art. 59 al. 4 LCI, dans sa version antérieure au 1er octobre 2020, mais ne correspondaient pas aux exigences des nouveaux al. 4 et 4bis. L’arrêté du Conseil d’État approuvant ce plan directeur communal ne contenait aucune référence aux nouvelles exigences de l’art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI, ni ne tenait compte des modifications de cette disposition. Si tel avait été le cas, le Conseil d’État aurait dû constater que le PDCom 2ème génération ne remplissait pas les exigences de l’al. 4bis, puisqu’il ne définissait aucun périmètre de densification accrue dans lequel les dérogations fondées sur l’al. 4 pourraient être automatiquement accordées, indépendamment de l’avis de la commune.

Lors de sa séance du 18 novembre 2021, le Conseil municipal de la commune avait accepté la proposition consistant à inviter le Conseil administratif à ne pas octroyer de dérogation selon l’art. 59 al. 4bis LCI jusqu’au 1er janvier 2023, dans la mesure où la commune était en train d’élaborer sa nouvelle stratégie de densification de la zone villa en conformité des nouvelles dispositions.

9) Le 21 janvier 2022, le département a conclu au rejet du recours.

Les requérantes ne pouvaient ignorer que l’art. 59 al. 4bis LCI s’appliquait et que leur projet devait recueillir un avis favorable de la commune, dès lors que la stratégie de densification de la zone 5 par le PDCom 2ème génération n’était, depuis l’entrée en vigueur de la modification de l’art. 59 al. 4 LCI, plus à jour. Poursuivre l’instruction de la requête en autorisation de construire malgré le préavis négatif de la commune aurait été contraire au principe de l’économie de procédure et donc à l’intérêt des parties.

La requête en autorisation de construire avait été déposée après l’entrée en vigueur des modifications des art. 59 LCI et art. 10 al. 3 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LaLAT - L 1 30). Toutefois, le PDCom 2ème génération n’avait depuis lors pas fait l’objet d’une mise à jour conforme aux prescriptions de l’art. 10 al. 3 LaLAT. Le département avait publié une « Marche à suivre pour la densification de la zone 5 » le 19 janvier 2021 sur son site internet, indiquant que l’information concernant l’état d’avancement des PDcom et des stratégies de densification de la zone 5 pouvait être obtenue en ligne, l’accord communal étant nécessaire pour que le canton entre en matière sur la dérogation sollicitée. Aucun PDCom n'était alors conforme à l’art. 10 al. 3 LaLAT, ce qui ressortait de la carte d’avancement des PDCom 2ème génération, dont il ressortait de celui A______ que sa stratégie de densification de la zone 5 était en cours de mise à jour.

Le préavis favorable émis par la commission d’urbanisme dans le cadre de l’adoption du PDCom 2ème génération étant antérieur à l’adoption des modifications légales précitées, les requérantes ne pouvaient s’en prévaloir pour appuyer leur position.

10) Le 22 mars 2022, D______, C______ et Mme et M. B______ ont persisté dans leur recours.

Il ressortait des travaux parlementaires relatifs au nouvel art. 59 al. 4 LCI (PL 3______-A) que les notions de « stratégies d’évolution pour la zone 5 » et « zones de densification accrue » se recoupaient pour, au final, donner la définition des périmètres où une dérogation selon l’art. 59 al. 4 LCI pouvait ou non être accordée.

En l’occurrence, la stratégie d’évolution mise en place par la commune dans son PDCom 2ème génération consistait à différencier, sous la forme de règles de densification, les périmètres avec possibilité d’obtention de la dérogation selon l’art. 59 al. 4 LCI – lesquels revêtaient toutes les caractéristiques des périmètres de densification accrue et devaient être considérés comme tels – de ceux exclus de la dérogation. La commune tentait de jouer sur les mots en prétendant qu’il n’y avait pas dans son PDCom de référence à des périmètres de densification accrue.

11) Le 19 mai 2022, la commune a relevé que la décision du Conseil municipal du 18 novembre 2021 était claire quant à la nécessité de revoir sa stratégie de densification en zone villa de manière à se conformer au nouvel art. 59 al. 4bis LCI, un travail étant en cours. Dans l’intervalle, elle avait décidé de refuser toute dérogation, ce qui était expressément mentionné sur le site de la commune en introduction à la page consacrée au PDCom 2ème génération.

12) Par jugement incident du 16 novembre 2022, le TAPI a admis le recours, annulé la décision du 5 octobre 2021 et renvoyé le dossier au département afin qu'il reprenne l'instruction de la requête et statue sur cette dernière.

Au moment du prononcé de la décision litigieuse, la commune faisait partie de celles qui avaient défini des périmètres de densification accrue dans leur PDCom et auxquelles ce n'était plus l'art. 59 al. 4bis qui s'appliquait, mais l'art. 59 al. 4 LCI. Le département ne pouvait ainsi, sur la seule base du préavis négatif de la commune, interrompre l'instruction de la requête et la rejeter.

L'art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI n’était pas destiné à préciser le contenu du PDCn 2030 ou de sa fiche A04 et n'avait ainsi pas modifié la manière dont il appartenait jusque-là aux instances spécialisées d'examiner la conformité d'un projet de PDCom avec cette fiche et au Conseil d'État d'approuver cas échéant un plan jugé conforme. Si l’entrée en vigueur de cette disposition n’empêchait pas les communes d'entamer la révision d'un PDCom déjà conforme au PDCn 2030, elle ne devait pas, dans l'intervalle, faire obstacle à l'application du plan en force et des périmètres de densification accrue définis.

Contrairement à l’argument selon lequel il n'était chronologiquement pas possible d'adopter un PDCom conforme à l'art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI avant la modification de cette disposition, il y avait lieu de retenir que son applicabilité immédiate n’empêchait pas de considérer qu'au moment de son entrée en vigueur, des communes pouvaient d'ores et déjà disposer d'un PDCom conforme. Certaines communes ne disposaient pas, au 28 novembre 2020, d'un PDCom définissant des périmètres de densification accrue. Si, au moment de l'élaboration de l'art. 59 al. 4bis LCI, il avait fallu considérer que toutes les communes disposant d'une zone villas devaient nécessairement reprendre et adapter leur PDCom, cette disposition ou une disposition transitoire ou encore les travaux préparatoires l'auraient formulé de manière explicite, ce qui n’était pas le cas.

La commune ne pouvait pas se référer à la notion de périmètre de densification accrue comme s'il s'agissait d'une notion nouvelle, alors que l'art. 10 al. 3 aLaLAT, avant la modification légale en cause, obligeait déjà les communes à adopter un plan directeur devant déterminer notamment les secteurs pouvant faire l’objet d’une densification accrue. Aucune nouvelle exigence n'était posée par le nouvel art. 59 al. 4 et 4bis LCI sur le plan de la construction ou de l’aménagement, de sorte qu’il ne pouvait être retenu que les règles fixées par le PDCom 2ème génération, destinées selon la commune à permettre d'apprécier les dérogations, ne répondraient plus aux exigences du nouveau droit.

Enfin, dans la mesure où le nouvel art. 59 al. 4 et 4bis LCI avait été adopté par le Grand Conseil deux semaines avant l'approbation du PDCom par le Conseil d'État, il fallait considérer que ce dernier n’aurait pas approuvé un plan dont il y aurait eu lieu de constater d'ores et déjà l'incompatibilité avec une base légale allant entrer en vigueur quelques semaines plus tard. Il n’était de plus pas question d'accorder automatiquement des dérogations, les périmètres de densification accrue n'ayant pas vocation à fixer un rapport de surface déterminé pour chaque parcelle ; chaque projet serait toujours soumis à examen sous l'angle d'un certain nombre de critères, notamment qualitatifs, sans que le rapport de surface maximum soit toujours admissible.

Le PDCom 2ème génération de la commune contenait les différents éléments mis en avant par le département dans la « Marche à suivre pour la densification de la zone 5, Modalités d’application du nouvel article 59 LCI » mise en ligne le 19 janvier 2021. La stratégie d'évolution de la zone 5 était déclinée en différents principes ayant trait à un ensemble complet d'éléments urbanistiques, ainsi qu’en fiches concernant cinq secteurs différents du territoire communal, deux d'entre eux, dont celui sur lequel se trouvait la parcelle litigieuse, précisant quels secteurs pouvaient faire l'objet d'une densification selon l'art. 59 LCI. Cette directive n’excluait pas l'existence de PDCom compatibles approuvés avant l'entrée en vigueur du nouvel art. 59 al. 4 et 4bis LCI.

13) Le 28 novembre 2022, la commune a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation et à la confirmation de la décision de refus d’autorisation de construire du 5 octobre 2021.

Conformément à la stratégie de densification de la zone villa qu’elle avait adoptée depuis 2020, elle avait, en l’état, l’intention de ne pas admettre de périmètres de densification accrue au sens de l’art. 59 al. 4 et 4bis LCI.

Le jugement attaqué remettait en cause son droit légal de veto selon l’art. 59 al. 4bis LCI sur toute demande d’autorisation contenant une dérogation fondée sur l’art. 59 al. 4 LCI dans une commune n’ayant pas encore défini un périmètre de densification accrue dans son plan communal, ce qui portait atteinte à son droit et lui causait un dommage irréparable. Son préavis suffisait à exclure tout octroi d’une autorisation de construire.

Le TAPI ne pouvait pas admettre qu’elle avait défini des secteurs de densification accrue au sens de l’art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI. Il avait erré en considérant qu’il n’y avait pas de différence entre les règles applicables à l’élaboration de la stratégie de densification des zones avant et après la modification de cette disposition et que, de ce fait, la stratégie développée sous l’ancien droit serait désormais automatiquement applicable. Les nouvelles normes visaient à imposer à la commune de décider de la densification accrue au stade de la planification, ce qui différait du régime préexistant. De plus, si la stratégie de la zone 5 élaborée sous l’ancien droit avait été la même, la commune n’aurait pas engagé un processus de révision de sa stratégie ni ne l’aurait remise en cause en refusant désormais d’avoir une zone de densification sur son territoire. Un plan directeur communal antérieur à la modification de l’art. 10 al. 3 LaLAT, ne pouvait pas répondre aux exigences nouvelles de cette disposition qui introduisait, d’une part, la définition obligatoire des secteurs de densification accrue et, d’autre part, les voies d’accès à prévoir. Enfin, la « Marche à suivre pour la densification de la zone 5 » du 19 janvier 2021 et l’ancien guide datant de 2017 étaient différents tant au niveau de leurs objectifs que de leur contenu, de sorte que le TAPI ne pouvait pas retenir qu’une stratégie d’évolution élaborée sous l’empire de l’ancien droit équivalait à une planification conforme aux nouvelles normes, étant relevé que le délai d’adaptation fixé d’abord au 1er juillet 2022 avait été repoussé au 31 décembre 2022 vu le retard pris par certaines communes.

14) Le 25 janvier 2023, le département a conclu à l’admission du recours, à l’annulation du jugement attaqué et à la confirmation de sa décision du 5 octobre 2021.

Pour entrer dans la catégorie de l’art. 59 al. 4 LCI, les plans directeurs communaux devaient prévoir des périmètres de densification accrue déterminant de manière précise les cas où la dérogation pouvait s’appliquer, ainsi que leurs voies d’accès projetées ou existantes. Ce dernier élément manquait encore dans de nombreux plans communaux et avait nécessité une adaptation de la stratégie des communes en matière de densification de la zone 5 afin de se conformer au nouveau droit. Le texte de l’art. 59 al. 4 et 4bis LCI n’apportait pas la preuve que certaines communes avaient déjà, au moment de leur entrée en vigueur, un PDCom conforme à cette disposition avec une stratégie de densification. Une rédaction différente de l’al. 4bis aurait eu pour effet de figer la situation au moment de son entrée en vigueur et de ne pas pouvoir prendre en compte les évolutions de plans directeurs réalisées dans l’intervalle.

La « Marche à suivre pour la densification de la zone 5 » avait fait l’objet de modifications substantielles le 19 janvier 2021 afin de s’adapter aux nouveaux art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI et 10 al. 3 LaLAT. La dernière version avait été rédigée pour guider les communes et préciser ce qui devait être compris comme identification des périmètres à densifier. Contrairement à ce qu’avait retenu le TAPI, la stratégie de densification de la zone 5 était une partie du PDCom distincte devant répondre à certaines exigences et pouvant être approuvée séparément du PDCom 2ème génération. Ce n’était que lorsque les deux étaient adoptés que l’art. 59 al. 4 LCI était applicable. Dans le cas contraire, le droit de veto des communes prévu à l’art. 59 al. 4bis LCI devait être respecté.

En l’occurrence, le PDCom de la recourante ne respectait pas les exigences posées par les art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI et 10 al. 3 LaLAT, notamment en raison de l’absence de détermination précise du secteur de densification accrue ainsi que des accès en lien avec des périmètres à densifier. Sa stratégie de densification de la zone 5 n’avait pas été approuvée, raison pour laquelle une mise à jour était toujours en cours.

15) Le même jour, D______, C______ et Mme et M. B______ ont conclu à l’irrecevabilité du recours, faute d’existence d’un préjudice irréparable pour la commune, le cas échéant à son rejet et à la confirmation du jugement entrepris.

La reprise, par l’autorité intimée, de l’instruction de la requête en autorisation de construire ne causait aucun préjudice irréparable à la recourante, qui préservait l’intégralité de ses droits. Le jugement de renvoi n’ordonnait pas au département de délivrer l’autorisation précitée et rien ne permettait de retenir qu’il aurait l’obligation de statuer positivement. Si l’autorisation était délivrée après instruction, la commune serait en droit de recourir à son encontre auprès du TAPI. Celle-ci n’avait en outre pas établi que les hypothèses d’un prolongement de la procédure ou de l’accroissement des coûts seraient réalisées, deux aspects susceptibles de n’impacter que les intimées. Partant, aucune des conditions de recevabilité d’un recours dirigé contre une décision incidente n’était remplie.

Au fond, les « directives pour l’élaboration des plans directeurs communaux de 2ème génération » et annexe, publiées par l’office de l’urbanisme en 2016, rappelaient que les communes devaient proposer une stratégie pour leur zone villas en identifiant les secteurs à densifier ou à protéger. Le PDCom de la recourante avait été élaboré dans ce contexte, procédant à une séparation entre les différents secteurs et proposant une stratégie complète de densification. La commune avait ainsi conscience que, conformément au PDCn 2030, elle devait établir un plan directeur évaluant le potentiel à bâtir, notamment en zone 5, dans le cadre d’une stratégie d’évolution. À teneur du PDCom, la parcelle concernée se situait dans un périmètre densifiable et éligible pour une dérogation au sens de l’art. 59 al. 4 LCI. La recourante ne pouvait dès lors pas soutenir qu’elle ne disposait pas d’une stratégie de densification accrue pour sa zone 5 lorsque son PDCom avait été approuvé par le Conseil d’État le 14 octobre 2020. La résolution du Conseil municipal produite par la recourante n’était pas de nature à remettre en cause ce constat.

16) Le 1er mars 2023, la recourante a soutenu qu’elle disposait d’un intérêt digne de protection à l’annulation du jugement entrepris. Le renvoi du dossier au département pour l’instruction de la demande d’autorisation de construire l’exposait à un préjudice irréparable. Le jugement attaqué lui déniait le droit de veto selon l’art. 59 al. 4bis LCI. Si son recours n’était pas admis, il serait définitivement considéré que son PDCom 2ème génération contenait bel et bien un périmètre de densification accrue tel que désormais prescrit par l’art. 59 al. 4 et 4bis LCI. Même en cas de refus de l’autorisation de construire, elle ne pourrait plus disposer de son droit de veto pour les demandes d’autorisation de construire déposées avant le 1er janvier 2023, ce qui ne ferait pas disparaître entièrement son préjudice. Le jugement litigieux entraînait par ailleurs des problèmes de coordination, dès lors qu’il entrait en contradiction avec la politique actuelle de la commune concernant la densification de la zone 5 en lien avec le nouveau droit, consistant à refuser en l’état la définition des périmètres concernés et l’octroi de dérogations durant l’élaboration de sa nouvelle stratégie.

Son PDCom 2ème génération n’intégrait pas les nouvelles exigences légales, connues au plus tôt le 11 août 2020 et les nouveaux al. 4 et 4bis de l’art. 59 LCI n’y étaient pas concrétisés.

17) Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) a. Constitue une décision finale au sens de l'art. 90 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) celle qui met un point final à la procédure, qu'il s'agisse d'une décision sur le fond ou d'une décision qui clôt l'affaire en raison d'un motif tiré des règles de la procédure (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, n. 2.2.4.2) ; est en revanche une décision incidente (art. 4 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) celle qui est prise pendant le cours de la procédure et qui ne représente qu'une étape vers la décision finale (ATA/990/2022 du 4 octobre 2022 consid. 2b ; ATA/1124/2020 du 10 novembre 2020 consid 2b).

b. Le prononcé par lequel une autorité renvoie la cause à l'autorité inférieure pour qu'elle rende une nouvelle décision constitue en principe une décision incidente (arrêt du Tribunal fédéral 2C_233/2019 du 29 août 2019 consid. 1.2.1 et les références citées). Il s'agit en effet d'une simple étape avant la décision finale qui doit mettre un terme à la procédure. Une décision de renvoi revêt en revanche le caractère d'une décision finale lorsque le renvoi a lieu uniquement en vue de son exécution par l'autorité inférieure sans que celle-ci ne dispose encore d'une liberté d'appréciation notable (ATF 135 V 141 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_194/2018 du 1er octobre 2018 consid. 1.2 ; ATA/990/2022 précité consid. 2b ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p. 361 s.).

Les développements ci-dessus sont également applicables aux notions de décision finale et de décision incidente au sens de la LPA (ATA/990/2022 précité consid. 2b ; ATA/974/2021 du 21 septembre 2021 consid. 2b).

c. En l'espèce, le TAPI a jugé que le département ne pouvait, sur la seule base du préavis négatif de la commune, interrompre l'instruction de la requête en autorisation de construire et rejeter cette dernière, et lui a retourné le dossier afin qu'il reprenne l'instruction de la requête et statue au terme du processus.

Par conséquent, le jugement litigieux ne met pas un terme définitif à la procédure et ne contraint pas le département à statuer dans un sens ou dans l’autre, de sorte qu’il doit être qualifié de décision incidente, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté.

3) Le recours a été interjeté dans le délai de dix jours applicable pour la contestation des décisions incidentes (art. 62 al. 1 let. b LPA).

4) a. Les décisions incidentes sont susceptibles de recours, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

b. L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b LTF. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 432 n. 1265). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1).

La jurisprudence admet notamment qu'il peut résulter un préjudice irréparable, au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, pour un service cantonal qui doit se soumettre aux injonctions du Tribunal cantonal ; si elle ne pouvait attaquer la décision de renvoi, l'autorité concernée serait contrainte de prendre une nouvelle décision qu'elle considère comme fausse et qu'elle ne pourrait plus contester par la suite (ATF 134 II 124 consid. 1.3; 133 V 477 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_266/2021 du 9 août 2022 consid. 3.1 ; Bernard CORBOZ, Commentaire de la LTF, 2ème éd., 2014, n. 17a ad art. 93 LTF).

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c et les arrêts cités ; cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive : Stéphane GRODECKI/ Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1622/2017 précité consid. 4d ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d).

c. En l'espèce, le présent litige porte sur la question de savoir si le département pouvait refuser l’autorisation de construire sollicitée en application de l’art. 59 al. 4bis LCI, vu le préavis négatif de la commune, ou s’il devait, comme l’a retenu le TAPI, poursuivre l’instruction de la demande et se prononcer sur la base de l’art. 59 al. 4 LCI, dès lors que la commune devrait être considérée comme ayant déjà défini les périmètres de densification accrue en zone 5 de son territoire.

Certes, le seul retour du dossier au département pour instruction ne permet pas d’anticiper l’issue qui sera donnée à la requête en autorisation de construire, de sorte qu’il n’est pas exclu que celle-ci soit favorable à la commune. Toutefois, si le présent recours devait être déclaré irrecevable, la recourante se verrait privée de son droit de prononcer le refus de l’autorisation avant toute instruction et du double degré de juridiction pour trancher la question litigieuse précitée, susceptible de concerner d’autres procédures visant des demandes déposées avant le 1er janvier 2023.

Le jugement attaqué étant en conséquence susceptible de causer à la recourante un préjudice irréparable, son recours sera déclaré recevable.

5) La recourante conteste devoir être considérée comme une commune ayant défini des secteurs de densification accrue et estime pouvoir faire usage du droit de veto fondé sur l’art. 59 al. 4bis LCI conduisant au refus de l’autorisation de construire en cause.

a. L’art. 59 al. 1 à 4bis LCI a la teneur suivante :

« La surface de la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 25 % de la surface de la parcelle. Cette surface peut être portée à 27,5 % lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, respectivement à 30 % lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent. Ces pourcentages sont également applicables aux constructions rénovées ou agrandies qui respectent l’un de ces standards » (al. 1).

« Par surface de plancher prise en considération dans le calcul du rapport des surfaces, il faut entendre la surface brute de plancher de la totalité de la construction hors sol » (al. 2).

« Lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département peut renoncer à prendre en considération dans le calcul du rapport des surfaces, la surface de plancher (al. 3) : des combles dont la hauteur est inférieure à 1,8 m (let. a) ; des combles de peu d’importance, indépendamment du vide d’étages (let. b) ; des garages de dimensions modestes, lorsque ceux-ci font partie intégrante du bâtiment principal (let. c) ; des serres, jardins d’hiver ou constructions analogues en matériaux légers et de dimensions modestes (let. d) ».

« Une surface en pleine terre, à savoir dénuée de toute construction en surface ou en sous-sol et non revêtue, de la parcelle ou du groupe de parcelles considérées par la demande d'autorisation de construire doit être préservée » (al. 3bis).

« Dans les périmètres de densification accrue définis par un plan directeur communal approuvé par le Conseil d'État et lorsque cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département (al. 4) : peut autoriser, après consultation de la commune et de la commission d’architecture, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé dont la surface de plancher habitable n’excède pas 44% de la surface du terrain, 48 % lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique (TPHE), reconnue comme telle par le service compétent (let. a) ; peut autoriser exceptionnellement, lorsque la surface totale de la parcelle ou d’un ensemble de parcelles contiguës est supérieure à 5’000 m2, avec l’accord de la commune exprimé sous la forme d’une délibération municipale et après la consultation de la commission d’architecture, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé dont la surface de plancher habitable n’excède pas 55 % de la surface du terrain, 60 % lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique (TPHE), reconnue comme telle par le service compétent (let. b) ».

« Dans les communes qui n’ont pas défini de périmètres de densification accrue dans leur plan directeur communal, lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département peut accorder des dérogations conformes aux pourcentages et aux conditions de l’al. 4, lettres a et b. Pour toutes les demandes d’autorisation de construire déposées avant le 1er janvier 2023 un préavis communal favorable est nécessaire » (al. 4bis).

b. Ce dernier alinéa avait pour but d'aménager une période transitoire laissant aux communes le temps nécessaire pour procéder à l'établissement des périmètres de densification. Échéant le 1er juillet 2022 selon une proposition d'amendement du département du territoire, puis finalement le 1er janvier 2023 selon un sous-amendement du premier signataire du projet de loi (rapport PL 12566-A p. 19), cette période transitoire signifiait que passé cette date, « le département pourrait autoriser des constructions dans les cas où les communes n'auraient pas défini ses périmètres ou qu'il y aurait un désaccord. Si les communes refusaient ou que le département n'était pas d'accord avec la manière dont les choses avaient été faites, le département pouvait émettre une réserve à l'approbation du PDCom et donnerait par la suite des autorisations en fonction des critères sur lesquels ils travaillaient actuellement pour améliorer la qualité des projets » (rapport PL 12566-A p. 15). L'association des communes genevoises (ci-après : ACG) avait exprimé sa satisfaction d'avoir été associée à l'élaboration de l'amendement général déposé par le département du territoire et s'y était déclarée favorable (rapport PL 12566-A p. 16).

c. L’art. 156 al. 5 LCI (dispositions transitoires) – dans sa version entrée en vigueur le 28 novembre 2020 – prévoit que les al. 3bis, 4 et 5 de l’art. 59 LCI, dans leur teneur du 1er octobre 2020, s’appliquent aux demandes d’autorisation déposées après leur entrée en vigueur.

d. L’actuel art. 10 al. 3 LaLAT, également adopté le 1er octobre 2020 et entré en vigueur le 28 novembre 2020, prévoit que les communes sont tenues d'adopter un PDCom, lequel détermine notamment les périmètres de zone 5 qui peuvent faire l'objet d'une densification accrue, ainsi que leur voies d'accès, projetées ou existantes à modifier, au sens de l'art. 19 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). À cet effet, elles dressent un cahier des charges établi selon les directives du département. Le projet de PDCom est ensuite élaboré en liaison avec le département et la commission cantonale d'urbanisme. Le département peut toutefois renoncer à cette exigence pour les communes de moins de 1'000 habitants qui en font la demande en la motivant.

Les travaux préparatoires précisent qu'il s'agit là aussi d'un amendement du département du territoire, indiquant qu'il souhaitait doter les acteurs concernés d'une approche renouvelée « pour être plus pertinents dans les autorisations qui concerneront les futurs projets. Le département souhaite pouvoir lever le moratoire d'ici à la fin de l'année. Ces propositions ont été partagées avec l'ACG » (rapport PL 12566-A p. 16).

e. Suite à l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, le département a publié en ligne, le 19 janvier 2021, une « Marche à suivre pour la densification de la zone 5, Modalités d’application du nouvel article 59 LCI ». La transposition dans le PDCom de la stratégie de densification de la zone 5 doit suivre plusieurs étapes, à savoir :

- production du diagnostic territorial de la zone 5 n'ayant pas vocation à être déclassée selon le PDCn 2030 ;

- formulation des enjeux territoriaux de la zone 5, permettant de valider l'opportunité ou non d'une densification dans certains secteurs ;

- élaboration de la stratégie de densification et définitions des secteurs à préserver d'une densification et de ceux à densifier, avec ou sans modification de zone, en particulier les secteurs à densification accrue. La stratégie identifie les voies d'accès, projetées ou existantes à modifier, induites par cette densification, notamment en lien avec le plan directeur de chemin pour piétons et les mobilités douces. La stratégie peut varier d'un secteur à l'autre selon le contexte et les enjeux identifiés. Elle traduit la vision communale pour le secteur concerné et identifie les conditions qualitatives à respecter lors de la densification ;

- traduction de la stratégie dans une carte de synthèse et des fiches de mesures. Identification des espaces et de leurs statuts (privés ou publics) devant accueillir les aménagements partagés. Le lien avec le plan directeur de chemin pour piétons doit être établi.

La marche à suivre indique que les outils de mise en œuvre des secteurs de densification accrue sont les lignes directrices d'aménagement ; les images directrices pour les groupes de parcelles (avec incitation à l'utilisation des clauses dérogatoires des règlements cantonaux, incitation aux mesures favorisant la desserte et incitation au regroupement parcellaire) ; autres outils (plans d'alignement, plan localisé de quartier, règlements spéciaux et plans de site).

Par ailleurs, le département a mis en ligne, le 14 janvier 2021, une carte intitulée « état d'avancement des stratégies de densification zone 5 approuvées », dont il résulte que la commune A______ fait partie des six communes pour lesquelles la stratégie de densification de zone 5 a été approuvée avec « adaptations à prévoir selon les nouvelles modalités de la LCI du 1/10/2020 », les autres communes se trouvant à des stades moins avancés.

6) a. Le PDCom fixe les orientations futures de l'aménagement de tout ou partie du territoire d'une ou plusieurs communes. Il est compatible avec les exigences de l'aménagement du territoire du canton, contenues notamment dans le PDCn (art. 10 al. 1 et al. 2 LaLAT).

La fiche A04 du PDCn, intitulée « Favoriser une utilisation diversifiée de la zone villas », a pour objectif la poursuite de la densification sans modification de zone de la zone villas en favorisant l'habitat individuel groupé. Elle vise une accentuation de la densification de la zone villas aux abords de l'agglomération, alors que les secteurs relevant de la protection du patrimoine et des sites devraient conserver une urbanisation plus légère. Cette fiche donne mandat aux communes de proposer, dans leurs PDCom, des stratégies communales pour leur zone villas en identifiant les secteurs à densifier, les éléments remarquables à protéger, le maillage arborisé à maintenir ou à créer, les espaces verts et publics à créer.

b. Le PDCom 2ème génération A______, a été adopté par le Conseil municipal le 26 mai 2020 et approuvé par le Conseil d’Etat le 14 octobre 2020.

Son chapitre 6 « projet directeur communal » comporte notamment une sous-partie intitulée « Stratégie d’évolution de la zone 5 » (6.1.2 p. 128 – 141). Il y est relevé notamment qu'une stratégie d'évolution de la zone 5 a été mise en œuvre afin de conditionner la densification en respectant la qualité de vie communale A______ et ses atouts paysagers, s’appuyant sur le diagnostic de la zone 5 qui évalue entre autres le potentiel théorique de la zone à bâtir de la commune. « Afin d'établir la stratégie, le territoire est séparé en cinq secteurs possédant des caractéristiques spécifiques : les trois coteaux, que sont le coteau nord, le coteau centre et le coteau sud ; le village A______ et le plateau sud. Cette stratégie « est basée sur quatre prémisses de bases » à savoir celle de l'égalité de traitement des propriétaires, celle de la compensation pour le bien de la collectivité, celle du respect des mesures d'accompagnement liées à l'aménagement du territoire et celle de la préservation et de la mise en valeur de l'identité et du caractère de chaque secteur (p. 131-132). « L'étude du potentiel théorique de développement de la zone à bâtir a permis d'identifier des secteurs en zone d'affectation 5 sur le territoire A______ ayant encore un potentiel de densification, situés sur le coteau mais aussi en bordure de zone agricole et des pénétrantes de verdure. Cette étude, illustrée par une carte, a permis d'identifier des secteurs à conditionner en termes de développement et d'autres présentant une opportunité d'étudier de nouvelles liaisons pédestres et espaces publics » (p. 132). « Pour répondre aux objectifs d'intérêt public, la stratégie de densification de la zone 5 vient s'appuyer sur neuf principes d'intervention concernant l'urbanisme, l'environnement, énergie et mobilité, qui doivent être pris en compte à chaque analyse de projet » (p. 135), lesquels sont repris dans un tableau synoptique proposant une progression depuis des conditions impératives vers des conditions qui ne sont que des recommandations (p. 139).

Le chapitre 7 du PDCom, intitulé « programme de mise en œuvre », comprend différentes fiches, dont les fiches A consacrées aux aspects d'urbanisme, parmi lesquelles figurent cinq fiches relatives à la stratégie d'évolution dans la zone 5 dans cinq secteurs différents (fiches A4 à A8 p. 174 à 202). Chaque secteur est assorti d'une carte qui désigne par couleurs et pictogrammes divers éléments relatifs à l'urbanisme et au cadre bâti, au paysage, à la nature et à l'agriculture, ainsi qu'à la mobilité. Il résulte des cartes concernant les secteurs S1 (coteau nord), S2 (coteau centre) et S4 (coteau sud) qu'elles désignent en jaune les parcelles appartenant au « secteur densifiable en zone 5 », tandis que les cartes concernant les secteurs S3 (village) et S5 (plateau sud) désignent en outre, parmi ces parcelles, les périmètres « avec possibilités d'obtention de la dérogation art. 59 – selon application des critères (tableau synoptique) » et les périmètres « de protection des pénétrantes vertes exclus à la dérogation art. 59 – parcelles en contact direct avec la zone agricole ZA ».

c. La parcelle litigieuse n° 1'046 fait partie du secteur S5 (plateau sud) et appartient au périmètre « avec possibilités d'obtention de la dérogation art. 59 ».

7) En l’espèce, le TAPI a retenu que le nouvel art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI n'avait pas modifié la manière dont il appartenait aux instances spécialisées d'examiner la conformité d'un projet de PDCom et au Conseil d'État de l’approuver. Selon les premiers juges, l’entrée en vigueur de cette disposition n’empêcherait pas les communes d'entamer la révision d'un PDCom déjà conforme au PDCn 2030, celle-ci ne devant pas faire obstacle à l'application du plan en force et des périmètres de densification accrue définis. Par ailleurs, l’applicabilité immédiate du nouveau droit n’empêcherait pas de considérer qu'au moment de son entrée en vigueur, certaines communes pouvaient d'ores et déjà disposer d'un PDCom conforme, rien n’indiquant que toutes les communes disposant d'une zone villas devaient nécessairement reprendre et adapter leur plan. Il a également considéré que le nouvel art. 59 al. 4 et 4bis LCI n’imposerait pas de nouvelle exigence et ne viserait pas à accorder automatiquement des dérogations. Le Conseil d’État n’aurait en outre pas pu approuver un plan dont il aurait constaté qu’il serait incompatible avec une base légale allant entrer en vigueur quelques semaines plus tard. Enfin, le PDCom 2ème génération de la commune contiendrait les différents éléments ressortant de la marche à suivre du département, cette directive n’excluant pas l'existence de PDCom compatibles approuvés avant l'entrée en vigueur du nouvel art. 59 al. 4 et 4bis LCI.

Ce raisonnement ne saurait toutefois être suivi, compte tenu du contexte et de la chronologie dans lesquels s’inscrit l’entrée en vigueur des nouveaux art. 59 al. 4 et 4bis LCI et 10 al. 3 LaLAT le 28 novembre 2020. Il y a en effet lieu de prendre en considération l’ensemble du dossier, notamment du texte des dispositions précitées, des travaux préparatoires dans le cadre du PL 3______, dont le rapport a été publié le 11 août 2020, ainsi que de la marche à suivre publiée par le département le 19 janvier 2021 et du PDCom 2ème génération adopté par le Conseil municipal le 26 mai 2020. Il en découle que la modification légale a introduit une manière d’élaborer dans les communes la stratégie de densification des zones différente de celle développée sous l’ancien droit, dans la mesure où il appartient désormais à celles-ci de décider de la densification accrue sur leur territoire au stade de la planification. Pour être conformes à l’art. 59 al. 4 LCI, les plans directeurs communaux doivent en effet prévoir des périmètres de densification accrue déterminant de manière précise les cas où une dérogation peut s’appliquer, ainsi que leurs voies d’accès à prévoir, étant précisé que ce dernier élément n’apparaît pas encore, en l’état, dans l’ensemble des plans communaux. La mise en conformité au nouveau droit a ainsi nécessité un travail de grande ampleur en vue de l’adaptation de la stratégie des communes en matière de densification de la zone 5, raison pour laquelle le législateur, en accord avec les acteurs concernés, a introduit un délai d’adaptation fixé d’abord au 1er juillet 2022 puis reporté au 31 décembre 2022, vu le retard pris par certaines communes.

En effet, un amendement général a été proposé pour « laisser le temps » aux communes pour procéder à l’établissement des périmètres de densification. Cet amendement a été accepté, à l’instar de la modification de l’art. 10 al. 3 LaLAT. Celui-ci a ainsi été amendé par le département qui a expliqué que si l’on introduisait une taxe d’équipement, les communes devaient désigner le programme d’équipement qui devait être prévu. Si certes, A______ est mentionnée comme ayant son PDCom en « consultation technique » lors de la présentation du département à la commission d’aménagement du Grand Conseil le 27 novembre 2019 et comme « approuvé » sur la carte du 19 janvier 2021 annexée à la « Marche à suivre pour la densification de la zone 5 », une adaptation selon les « nouvelles modalités LCI » du 1er octobre 2020 est expressément réservée.

Contrairement à ce que retient le TAPI, il ne peut être admis sans réserve qu’un PDCom antérieur à la modification légale est néanmoins susceptible de répondre aux exigences des nouvelles dispositions et qu’une stratégie d’évolution élaborée sous l’ancien droit équivaudrait à une planification conforme aux nouvelles normes. La « Marche à suivre pour la densification de la zone 5 » a d’ailleurs été publiée dans le but d’adapter la manière de procéder aux nouveaux art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI et 10 al. 3 LaLAT, la version du 19 janvier 2021 ayant été rédigée pour guider les communes et apporter des précisions concernant l’identification des périmètres à densifier. La stratégie de densification de la zone 5 ne constitue dès lors qu’un aspect du plan communal et est susceptible d’être approuvée séparément du PDCom 2ème génération.

Dans le cas de la recourante, pour laquelle l’ensemble n’était pas approuvé au 31 décembre 2022, son droit de veto prévu à l’art. 59 al. 4bis LCI devait être respecté. En effet, lorsque le département a refusé de délivrer l’autorisation de construire litigieuse, le PDCom de la recourante ne respectait pas les exigences posées par les art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI et 10 al. 3 LaLAT, notamment en raison de l’absence de détermination précise du secteur de densification accrue ainsi que des accès en lien avec des périmètres à densifier. Sa stratégie de densification de la zone 5 n’avait pas été approuvée et une mise à jour était toujours en cours.

Au vu de ce qui précède, la remise en cause du droit de veto de la commune au sens de l’art. 59 al. 4bis LCI sur toute demande d’autorisation contenant une dérogation fondée sur l’art. 59 al. 4 LCI s’avère contraire au droit et à la volonté du législateur, de sorte qu’au moment où le département a rendu sa décision de refus, le seul préavis de la recourante suffisait à exclure tout octroi d’une autorisation de construire, ce dont les requérants devaient se douter en déposant leur projet le 24 juin 2021.

Le recours sera en conséquence admis et le jugement attaqué annulé.

8) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la recourante, à la charge de Mme et M. B______, D______ et C______ pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 novembre 2022 par la commune A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 novembre 2022 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 novembre 2022 (JTAPI/1229/2022) ;

dit qu’aucun émolument ne sera perçu ;

alloue à la commune A______ une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge conjointe et solidaire de Madame et Monsieur B______, D______ et C______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat de la recourante, à Me Nicolas Cuénoud, avocat de Madame et Monsieur B______, à Me Paul Hannah, avocat de D______ et C______, au département du territoire-OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :