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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/983/2022

ATA/463/2023 du 02.05.2023 sur JTAPI/947/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/983/2022-PE ATA/463/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 mai 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ recourant
représenté par Me Gazmend ELMAZI, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 septembre 2022 (JTAPI/947/2022)


EN FAIT

A. a. Monsieur A______, né le ______ 1985, est ressortissant du Kosovo.

b. Dans le formulaire M remis à l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), il a indiqué être arrivé à Genève le 13 mars 2007.

c. Les 13 juillet 2018, 3 décembre 2018, 1er mars 2019, 24 avril 2019, 17 juillet 2019, 31 juillet 2021 et 2 janvier 2022, il a sollicité de l’OCPM de pouvoir bénéficier d’un visa de retour, indiquant vouloir se rendre au Kosovo pour des raisons familiales.

B. a. Par ordonnance pénale du 4 juillet 2019, le Ministère public du canton de Genève (ci-après : MP) a condamné M. A______ à une peine pécuniaire de
120 jours-amende pour lésions corporelles par négligence au sens de l’art. 125 al. 1 du code pénal (CP – RS 311.0), entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire au sens de l’art. 91a al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière, (LCR - RS 741.01) et violation des obligations en cas d’accident au sens de l’art. 92 al. 2 LCR.

Il lui était reproché d’avoir, à Genève, le 15 décembre 2018, alors qu’il circulait au volant de son véhicule automobile immatriculé GE 1______ sur la route d’Hermance en direction de Thonon, omis de respecter le signal de prescription « Cédez le passage » et ainsi ne pas avoir accordé la priorité à Monsieur B______, lequel circulait normalement au guidon de son motocycle, provoquant de la sorte un heurt et la chute de M. B______ lui causant une rupture de l’urètre. De même, il lui était reproché d’avoir quitté les lieux de l’accident sans remplir ses devoirs y relatifs, se dérobant aux mesures permettant de déterminer son incapacité de conduire, et ce alors qu’il ne pouvait ignorer qu’au vu de l’accident intervenu et des dégâts et blessures causés, ces mesures auraient été diligentées au moment même où les autorités se seraient rendues sur place.

b. Par ordonnance pénale du 20 juillet 2021, le MP a condamné M. A______ à une peine pécuniaire de 120 jours-amende pour faux dans les titres selon l’art. 251 ch. 1 CP, infractions aux art. 115 al. 1 let. b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), tentative d’infraction à l’art. 118 al. 1 LEI et infraction à l’art. 92 al. 1 let. a de la loi fédérale sur
l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

Il lui était reproché d’avoir, entre le mois de juillet 2014 et le 19 juillet 2021, séjourné et travaillé en étant démuni des autorisations nécessaires. Dans le cadre de la demande de l’« opération Papyrus », il lui était encore reproché d’avoir produit des documents non-authentiques, soit falsifiés, notamment des fiches de salaire afin de tenter d’induire en erreur l’OCPM en lui donnant de fausses indications sur sa situation salariale dans le but d’obtenir frauduleusement une autorisation de séjour. Enfin, il lui était reproché d’avoir omis, lorsqu’il séjournait en Suisse, de respecter l’obligation de s’assurer pour le risque maladie.

C. a. Le 6 juin 2018, il a déposé auprès de l’OCPM une demande de régularisation de ses conditions de séjour dans le cadre de l’« opération Papyrus ».

b. Le 29 octobre 2021, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser d’accéder à sa demande du 6 juin 2018. Il lui a imparti un délai pour exercer, par écrit, son droit d’être entendu.

c. Par décision du 25 février 2022, rendue après avoir entendu par écrit l’intéressé, l’OCPM a refusé de soumettre le dossier de M. A______ avec un préavis favorable au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM), a prononcé son renvoi de Suisse et lui a imparti un délai au 25 avril 2022 pour quitter le territoire suisse et l’ensemble de l’espace Schengen, l’exécution de cette mesure apparaissant possible, licite et raisonnablement exigible.

Il ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité. Il n’avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Les différentes condamnations pénales dont il avait fait l’objet ne correspondaient pas au comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger qui souhaitait obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il n’avait pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence. Une réintégration au Kosovo n’aurait pas de graves conséquences sur sa situation personnelle car il avait suivi l’école obligatoire dans ce pays et obtenu un diplôme d’école de commerce. Enfin, selon la convention sociale conclue entre la Suisse et le Kosovo, les ressortissants kosovars pouvaient, à nouveau, percevoir les prestations de l’assurance-invalidité lorsqu’ils résidaient hors de la Suisse.

D. a. Par acte du 26 mars 2022, M. A______ a interjeté recours contre cette décision par devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation et à la transmission de son dossier avec un préavis favorable au SEM, en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur en sa faveur.

Il était à Genève depuis près de quinze ans.

La condamnation pénale du 20 juillet 2021 prise en compte par l’OCPM était entrée en force faute d’avoir été contestée. Toutefois, les éléments constitutifs de faux dans les titres n’étaient pas réunis puisque les éléments erronés présents sur les fiches de salaire portaient uniquement sur le taux d’activité réel et non sur l’existence des rapports de travail.

Il avait un bon niveau en langue française et remplissait le critère de l’intégration linguistique. Il avait toujours subvenu à ses besoins, était autonome financièrement et ne dépendait pas de l’aide sociale.

Il souffrait de limitations fonctionnelles qui ne lui permettaient pas de travailler à 100% et son dossier était en cours d’instruction auprès de l’assurance-invalidité. Un renvoi de Suisse aurait pour conséquence qu’il ne pourrait pas bénéficier des mesures de l’assurance-invalidité ni de celles de réadaptation. Si son taux d’invalidité reconnu devait être inférieur à 50%, il ne pourrait pas percevoir sa rente au Kosovo. Dans ces conditions, sa réintégration au Kosovo était compromise et participerait manifestement à une dégradation de ses conditions d’existence.

À l’appui de son recours, il a produit notamment :

-          un rapport médical du 6 avril 2018 faisant état de douleurs intenses au niveau de la clavicule droite, de l’épaule et du bras droits suite à un accident survenu le 7 septembre 2016. L’utilisation de l’épaule droite était réduite à 80%, une médication et des séances de physiothérapie étaient mises en place ;

-          une « convention pour la période d’initiation et de mise au courant avec allocation d’initiation au travail » conclue entre l’office de
l’assurance-invalidité de Genève, M. A______ et l’entreprise C______ Sàrl pour la période du 17 mai au 12 novembre 2021. Le taux d’activité était fixé à 50% et un profil d’activité adapté mis en place.

b. Par jugement du 13 septembre 2022, le TAPI a rejeté le recours.

Monsieur A______ ne se trouvait pas dans une situation d’une extrême gravité. Son intégration ne pouvait être qualifiée de bonne car il avait fait l’objet de condamnations pénales. Il avait certes subvenu à ses besoins et ne faisait l’objet d’aucune dette. Sa maîtrise de la langue française était néanmoins faible. Il n’avait pas non plus fait état d’une quelconque intégration socioculturelle. Les motifs médicaux qu’il alléguait ne pouvaient pas justifier à eux seuls l'octroi d'un permis de séjour, dans la mesure où il n'avait aucunement été démontré que, dans son cas, un suivi médical suffisant était indisponible au Kosovo. S’agissant de l’exigibilité du renvoi, les problèmes de santé liés à son épaule n'apparaissaient pas d'une gravité telle à constituer un obstacle à l'exécution de son renvoi au Kosovo. Compte tenu de l'infrastructure médicale dont disposait actuellement le Kosovo (des hôpitaux étatiques dans tous les districts, dont notamment la Clinique universitaire de Pristina qui disposait de tous les départements médicaux), il y avait lieu d'admettre que A______ pourrait y trouver un encadrement médical adéquat pour poursuivre, si nécessaire, le traitement entamé en Suisse.

E. a. Par acte du 14 octobre 2022, M. A______ a formé recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à l’octroi d’un permis de séjour en sa faveur.

Il n’était pas contesté qu’il s’était adapté et intégré à la société suisse, qu’il avait un emploi et qu’il bénéficiait d’une indépendance financière. Il comptabilisait un séjour continu de plus de quinze ans en Suisse. Il n’avait plus aucun lien avec son pays d’origine, si ce n’était avec sa famille à qui il rendait visite durant ses vacances.

Il a produit des fiches de salaire pour les années 2009 à 2022.

b. Par réponse du 14 novembre 2022, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le 13 janvier 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur le refus de l’OCPM de préaviser favorablement auprès du SEM l’autorisation de séjour du recourant.

2.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

2.2 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

En l'absence de liens d'une certaine intensité avec la Suisse, l'aspect médical et les éventuelles difficultés de réintégration de la personne concernée dans le pays d'origine ne sauraient justifier, à eux seuls, l'octroi d'un permis humanitaire pour cas de rigueur ; le cas échéant, ces critères ne peuvent en effet être pris en considération que dans le cadre de l'examen de la licéité et de l'exigibilité de l'exécution du renvoi (arrêts du Tribunal administratif fédéral
[ci-après : TAF] C-2712/2012 du 9 juillet 2014 consid. 5.7 ; C-3216/2010 du
29 janvier 2014 consid. 3.6 ; C-5710/2011 du 13 décembre 2013 consid. 5.1). En d'autres termes, une grave maladie (à supposer qu'elle ne puisse pas être soignée dans le pays d'origine) ne saurait justifier, à elle seule, la reconnaissance d'un cas de rigueur au sens des dispositions précitées, l'aspect médical ne constituant qu'un élément parmi d'autres (durée du séjour, intégration socioprofessionnelle et formations accomplies en Suisse, présence d'enfants scolarisés en Suisse et degré de scolarité atteint, attaches familiales en Suisse et à l'étranger, etc.) à prendre en considération (ATF 128 II 200 consid. 5.4 ; arrêts du TAF F-4125/2016 du
26 juillet 2017 consid. 5.4.1 ; C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ;
C-5450/2011 du 14 décembre 2012 consid. 6.4). Les motifs médicaux constituent avant tout un obstacle à l'exécution du renvoi au sens de l'art. 83 al. 4 LEI et une personne qui ne peut se prévaloir que d'arguments d'ordre médical ne se distingue pas de ses compatriotes restés dans son pays d'origine et souffrant de la même maladie (arrêts du TAF F-4125/2016 précité consid. 5.4.1 ; C-912/2015 précité consid. 4.3.2 ; C-5450/2011 précité consid. 6.4).

2.3 L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

Ces conditions devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b).

2.4 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

2.5 Devant la chambre de céans, le recourant fait valoir qu’il remplit tous les critères pour l’octroi d’un permis de séjour dans le cadre de l’« opération Papyrus » : il a un emploi, est indépendant financièrement, n’a pas de dettes, a séjourné à Genève de manière continue depuis quinze ans et fait preuve d’une intégration réussie.

S’agissant d’abord de la durée de son séjour en Suisse, il n’est pas possible, sur la base des pièces dossier, de retenir que le recourant remplissait la condition du séjour ininterrompu de dix ans requise au moment du dépôt de sa demande, le 6 juin 2018. Dans son formulaire M, l’intéressé a indiqué qu’il était arrivé en Suisse le 13 mars 2007. Or, aucune pièce au dossier ne permet d’étayer un séjour continu en Suisse depuis cette date. L’extrait de son compte individuel atteste d’un bref emploi en novembre 2008. Il n’y figure aucune activité lucrative en 2009 et 2010. L’intéressé a certes produit des fiches de salaire pour les mois de février 2009, juillet 2010 et janvier et février 2014, mais l’enquête menée par le MP a permis d’établir que ces documents étaient falsifiés. Selon les déclarations du recourant devant la police, il travaillait à plein temps en qualité de plâtrier-peintre depuis 2007 et recevait son salaire en mains propres. Son employeur n’avait toutefois pas établi de fiches de salaire. Faute de pièces justificatives, il n’est toutefois pas possible de suivre ses déclarations sur ce point. La seule attestation de l’opérateur de téléphonie mobile Swisscom indiquant un numéro actif depuis mai 2007 ne suffit pas pour démontrer un séjour continu en Suisse depuis 2007.

Quoi qu’il en soit, même à retenir un séjour continu de dix ans en Suisse, exigé dans le cadre de l’« opération Papyrus », le recourant ne remplit pas la condition de l’absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal). En effet, par ordonnance pénale du 4 juillet 2019, il a été déclaré coupable de lésions corporelles par négligence, d’entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire et de violation des obligations en cas d’accident, en sus de sa condamnation pour faux dans les titres.

Il résulte des éléments qui précèdent que le recourant ne remplit pas les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour sous l’angle de l’« opération Papyrus ».

2.6 C’est également à juste titre que l’OCPM puis le TAPI ont retenu que le recourant ne remplissait pas les conditions du cas de rigueur. Outre que la durée de son séjour doit être relativisée, dès lors qu’il s’est déroulé dans l’illégalité, le recourant, qui a travaillé dans le domaine de la construction, n’établit pas qu’il aurait réalisé une intégration professionnelle exceptionnelle. Il a certes travaillé, n’a pas recouru à l’aide sociale et n’a pas fait l’objet de dettes. Il ne soutient toutefois pas avoir acquis en Suisse des connaissances si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre ailleurs. Il n’établit pas non plus s’être investi dans la vie associative, culturelle ou sportive de la Suisse. Enfin, il a fait l’objet de deux condamnations pénales, l’une pour lésions corporelles par négligence et violation des obligations en cas d’accident, et l’autre pour avoir cherché à tromper l’OCPM. Ces éléments trahissent un mépris certain pour l’ordre juridique suisse qui exclut à lui seul une intégration, a fortiori exceptionnelle, et partant la réalisation d’un cas de rigueur.

Quant à sa situation médicale, le recourant ne soutient plus devant la chambre de céans qu’elle serait un obstacle à sa réintégration dans son pays d’origine. Les pièces médicales versées au dossier ne permettent en tous les cas pas de justifier, à elles seules, la reconnaissance d’un cas de rigueur. Outre que les attestations produites remontent à 2018, soit à près de cinq ans, les problèmes médicaux décrits par les médecins au niveau de la clavicule, de l’épaule et du bras droit, n’apparaissent pas relever d’une gravité telle qu’ils pourraient empêcher sa réintégration au Kosovo au sens de la jurisprudence précitée. Il s’impose d’ailleurs de rappeler que les motifs médicaux constituent avant tout un obstacle à l’exécution du renvoi au sens de l’art. 83 al. 4 LEI.

Pour le reste, le recourant apparait avoir gardé des liens avec le Kosovo, puisqu’il a formulé sept demandes de visa pour le Kosovo depuis 2018, ce qu’il admet. Il a passé au Kosovo son enfance, son adolescence, soit la période essentielle pour la formation de sa personnalité, ainsi que les premières années de sa vie d’adulte. Il maîtrise la langue et les codes culturels du pays. S’il se heurtera sans doute à des difficultés, il ne soutient pas que sa réintégration sera impossible et il pourra compter sur l’appui de sa famille et tirer profit des connaissances professionnelles et linguistiques acquises lors de son séjour en Suisse.

C’est partant à juste titre que tant l’autorité intimée, qui n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation, que le TAPI, ont retenu que les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour n’étaient pas remplies.

2.7 Dès lors que l’OCPM a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, il devait prononcer son renvoi.

En l’espèce, aucun motif ne permet de retenir que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigée. Le recourant ne soutient plus devant la chambre de céans que ses problèmes de santé constitueraient un obstacle à son renvoi au Kosovo. D’ailleurs, comme l’a relevé le TAPI, l’intéressé a commencé un nouvel emploi à temps plein à partir d’avril 2022, ce qui tend à démontrer qu’il a recouvré sa pleine capacité de travail. Au demeurant, et compte tenu de l'infrastructure médicale dont dispose actuellement le Kosovo (soit des hôpitaux étatiques présents dans tous les districts, dont notamment la Clinique universitaire de Pristina qui dispose de tous les départements médicaux), il y a lieu d'admettre que le recourant pourra y trouver un encadrement médical adéquat pour poursuivre, si nécessaire, le traitement entamé en Suisse (arrêts du Tribunal administratif E-6397/2018 du 22 janvier 2019 et F-3505/2018 du 20 novembre 2018 consid. 3.3.2).

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 octobre 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 septembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gazmend Elmazi, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.