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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3560/2022

ATA/459/2023 du 02.05.2023 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;RÉINTÉGRATION PROFESSIONNELLE;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL)
Normes : Statut AIG (A).57.al5
Résumé : Admission partielle du recours et fixation de l’indemnité pour refus de réintégration à 6 mois du dernier salaire, en lieu et place des 3 mois octroyés par la commission de recours de l’Aéroport international de Genève. L’indemnité de 6 mois tient compte de l’ensemble des circonstances, dont les manquements et violations aux devoirs de fonction, l’âge du recourant (44 ans au moment du licenciement), du fait qu’il a immédiatement retrouvé un emploi, de ses entretiens de développement positifs (objectifs atteints voire dépassés), de la durée des rapports de travail (douze années de service), et de l’attitude de l’employeur (qui a notamment suspendu l’employé avec effet immédiat sans justification et écarté ses explications et critiques à l’encontre de l’enquête interne, qui s’est effectivement révélée lacunaire et erronée sur certains points).
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3560/2022-FPUBL ATA/459/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 mai 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______ recourant
représenté par Me Nadine von Büren-Maier, avocate

contre

AÉROPORT INTERNATIONAL DE GENÈVE intimé

et

COMMISSION DE RECOURS DE GENÈVE AÉROPORT



EN FAIT

A. a. Monsieur A______ est titulaire d’un diplôme d’études d’ingénieur de gestion et d’un diplôme d’ingénieur en génie électrique, décernés par la Haute école spécialisée. Il a été engagé à partir du 1er janvier 2008 par l’Aéroport international de Genève (ci-après : l’AIG) en qualité d’ingénieur chargé de projets. Dès le 1er octobre 2009, il a occupé la fonction de chef du service électricité (ci-après : le service) à temps complet, avec une réduction temporaire de son taux d’activité à 80 % du 1er avril au 31 mai 2013.

Selon les entretiens de développement, les prestations de M. A______ correspondaient aux exigences du poste, voire les dépassaient, tant au niveau de la qualité et de la quantité du travail fourni, que de l’engagement et du comportement, ou encore des rapports professionnels et de l’encadrement du personnel. L’entretien conduit au début de l’année 2020 et portant sur l’année 2019 faisait état d’un « contexte avec [les] contremaîtres pas simple ». Un objectif était fixé au 31 décembre 2020 afin de traiter « la problématique RH avec les contremaîtres et leurs équipes ».

En 2020, son revenu mensuel brut s’élevait à CHF ______.

b. M. A______ est titulaire de l'attestation fédérale de personne de métier avec autorisation générale d'installer selon l’ordonnance sur les installations à basse tension (ci-après : OIBT) et peut être inscrit auprès de l’Inspection fédérale des installations à courant fort (ci-après : ESTI).

Le 3 juillet 2008, l’AIG a accepté la demande de l’intéressé visant à partager sa maîtrise d’installateur électricien en la mettant à disposition d’une entreprise externe, pour autant que ladite entreprise ne travaille pas pour l’AIG.

À partir du 1er octobre 2011, M. A______ a exercé une activité accessoire pour le compte de la société B______ (ci-après : B______). Leur contrat de travail prévoyait un taux d’occupation de 25 % et une rémunération mensuelle de
CHF ______.-. Cette activité a été inscrite au registre fédéral des autorisations générales d’installer et de contrôler (ci-après : le registre) tenu par l’ESTI.

Le 22 mars 2013, l’ESTI a enregistré la demande d’inscription au registre de M. A______ en tant que personne de métier pour l’AIG, avec un taux d’occupation de 75 %. Cette demande était accompagnée d’une attestation du 19 mars 2013 de la division des ressources humaines de l’AIG (ci- après : la DRH) aux termes de laquelle l’intéressé exercerait son activité à 80 % dès le 1er avril 2013, avec précision du nombre d’heures hebdomadaires et du salaire mensuel brut.

Par courriel du 3 octobre 2018, la DRH a informé plusieurs collaborateurs de l’AIG qu’elle devait tenir à jour un registre des activités accessoires et des charges publiques exercées par les membres du personnel, conformément à sa nouvelle directive relative à la prévention et la gestion des conflits d’intérêts. Le 25 octobre 2018, M. A______ a confirmé à son responsable hiérarchique qu’il continuait à exercer son activité en tant que porteur de maîtrise à 25 % pour B______, ce que la DRH ignorait peut-être puisque le courriel ne lui était adressé qu’en copie. Après avoir constaté que l’entreprise avec laquelle il partageait sa maîtrise collaborait pour la deuxième fois avec l’AIG, la DRH a invité M. A______ à lui proposer des alternatives. Le 4 décembre 2018, l’employé a indiqué qu’il cesserait son activité à la fin du mois de février 2019.

c. La Cour des comptes a réalisé un audit sur la gestion du service suite à une « communication citoyenne » alléguant des dysfonctionnements. Dans son rapport du 18 mai 2020, elle a notamment indiqué avoir constaté une importante souffrance du personnel due à un climat de travail délétère. Elle a également rapporté l’exercice d’activités privées durant les heures de travail, l’utilisation du matériel du service à des fins privées, ainsi que des pratiques contraires aux intérêts économiques de l’AIG après analyse de certains achats et de factures. Enfin, elle a constaté l’instauration inaboutie d’une nouvelle culture éthique, expliquant qu’un cadre du service avait exercé une activité accessoire engendrant un conflit d’intérêts.

d. Le 27 mai 2020, l’AIG a décidé d’ouvrir une enquête interne afin d’identifier tout dysfonctionnement au sein du service et tout comportement illicite ou non conforme aux règles applicables.

Le rapport y relatif du 31 août 2020 a conclu que la promotion de M. A______ pouvait être définie comme le résultat d’un « mauvais casting » et qu’il serait beaucoup plus à sa place dans un rôle de chef de projets, ses compétences en la matière étant reconnues, même par ses détracteurs. Mal à l’aise dans son rôle de chef de service, il n’avait ni la poigne ni l’empathie requises pour un tel poste. Il faisait preuve de maladresse et d’incompétence dans la gestion des difficultés rencontrées par les équipes, ce qui le faisait passer pour un leader évanescent. Son acceptation tacite des excès en matière d’activités privées sur les heures de travail en faisait foi. Son départ constituait un préalable pour une amélioration des contacts relationnels et une refonte du système organisationnel du service.

e. Par courrier du 28 septembre 2020 remis en mains propres, l’AIG a informé
M. A______ qu’il envisageait de mettre un terme aux rapports de travail pour motif justifié et l’a suspendu avec effet immédiat de ses fonctions, compte tenu de la gravité des faits reprochés. L’enquête avait en effet conclu à une politique managériale défaillante, avec des souffrances et des inégalités ressenties par les collaborateurs, une atteinte aux intérêts économiques de l’AIG en lien avec l’absence de contrôle de la facturation des prestataires et des pratiques inadmissibles consistant en l’accomplissement d’activités privées sur le temps de travail par des collaborateurs et des cadres, ainsi que l’utilisation du matériel de l’AIG à des fins privées. Elle avait également révélé une conduite contraire à l’éthique professionnelle, étant rappelé qu’à la date de l’examen réalisé par la Cour des comptes, il était inscrit comme expert-conseil au registre à un taux de 75 % pour l’AIG et 25 % pour B______. Or, durant toute sa carrière pour l’AIG, il avait travaillé à 100 % à l’exception des mois d’avril et mai 2013. De plus, avant d’accorder une autorisation à un expert employé dans plusieurs entreprises, l’autorité fédérale compétente était tenue de vérifier que le taux d’occupation global admissible de 100 % n’était pas dépassé. L’attestation du 19 mars 2013 que M. A______ avait lui-même demandée à la DRH ne précisait pas qu’il avait repris son activité à 100 % dès le 1er juin 2013. Dès cette date, les conditions légales d’autorisation n’étaient plus remplies. Il avait donc trompé les autorités fédérales en leur remettant un document mentionnant un taux d’activité de 80 %, sans avoir précisé qu’il avait repris son activité principale à 100 %. En outre, il avait violé l’interdiction prévue en 2008 puisqu’B______ avait obtenu un important mandat du service. L’enquête avait également mis en exergue une gestion contraire aux intérêts économiques de l’AIG, en raison de surfacturations systématiques et des soupçons de vols de matériel. Le rapport d’enquête et les procès-verbaux d’audition étaient annexés.

Par courriers des 14 octobre et 10 novembre 2020, M. A______ a contesté l’intégralité des reproches formulés à son encontre et invoqué une atteinte à son intégrité personnelle. Il a sollicité sa réintégration.

f. Par décision du 13 novembre 2020, l’AIG a résilié les rapports de service de M. A______ pour le 31 mai 2021 sur la base des manquements relevés dans sa lettre d’intention. Il a considéré que l’inscription volontairement erronée du taux d’activité dans le registre et la violation de l’interdiction de conflits d’intérêts constituaient à elles seules un motif justifié de licenciement. En outre, le rapport d’enquête avait remis en cause ses compétences managériales et sa capacité de procéder à des gestions adaptées. Son inaction face aux graves dysfonctionnements perdurant au sein du service, laissant place aux abus et à un climat de travail insupportable, rendait la poursuite des rapports de travail incompatible avec la bonne marche du service.

B. a. Le 14 décembre 2020, M. A______ a recouru contre cette décision auprès de la commission de recours de l’AIG (ci-après : la commission), sollicitant sa réintégration, subsidiairement le paiement d’une indemnité pour licenciement injustifié. Il a invoqué une violation du droit d’être entendu et reproché à l’enquêteur de n’avoir procédé à aucune instruction à décharge. Par ailleurs, aucune suite n’avait été donnée à ses offres de preuves. Sur le fond, la résiliation des rapports de service n’était pas justifiée.

b. Le 4 février 2020, l’AIG a maintenu sa décision et déclaré qu’il n’entrerait pas en matière sur une réintégration.

c. Dans le cadre de son instruction, la commission a entendu les parties et auditionné plusieurs témoins, dont une employée de la DRH, un contremaître, deux électriciens spécialisés, un chef de projet en électricité, le supérieur hiérarchique de M. A______ et son prédécesseur.

d. Par décision du 23 septembre 2022, reçue le 27 septembre 2022, la commission a partiellement admis le recours de M. A______, considérant que la résiliation des rapports de service ne reposait pas sur un motif justifié. Elle a condamné l’AIG à lui payer une indemnité équivalant à trois mois du dernier salaire.

S’agissant de la politique managériale défaillante, l’enquête de la Cour des comptes, l’enquête interne et ses auditons avaient mis en lumière une souffrance des collaborateurs du service en raison de l’attitude de deux contremaîtres, dont l’AIG s’était depuis séparé. L’enquête interne, dont les conclusions s’agissant de
M. A______ apparaissaient quelque peu « forcées », n’avait pas apporté de nouveaux éléments significatifs le concernant. La situation et les manières du service semblaient avoir été largement ignorées par la direction et la DRH durant plusieurs années. Si le chef de service avait certainement manqué de curiosité et de réactivité dans la gestion des tensions, des actions correctives prises de concert avec l’employeur étaient en cours, si bien que son comportement ne constituait pas un motif justifié de licenciement lorsque ce dernier avait été prononcé.

Concernant la conduite contraire à l’éthique professionnelle, les enquêtes avaient permis de déterminer que M. A______ avait sollicité et obtenu une autorisation de partage de sa maîtrise avec une entreprise tierce, à la condition que cette dernière ne soit pas active sur le site aéroportuaire. Or, B______ avait remporté plusieurs marchés pour l’employeur, ce que l’intéressé n’ignorait pas. De plus, en tant qu’homme de métier, il lui appartenait de se soucier du respect des conditions posées au partage de sa maîtrise, ce qu’il n’avait pas fait. Il avait objectivement violé ses devoirs de service ainsi que les conditions de l’autorisation qui lui avait été octroyée. Cela étant, l’AIG et M. A______ étaient parvenus à un accord amiable sur l’arrêt de l’activité accessoire et l’employeur avait estimé que ces faits ne méritaient pas de sanction. Tous les éléments relatifs à cette problématique étaient connus de l’AIG en 2018 ou auraient pu l’être au moyen de recherches raisonnables, ce qui était de sa responsabilité. Ce grief ne pouvait donc servir de base à la décision querellée.

Quant à la défense des intérêts économiques de l’AIG, le dossier de procédure ne permettait pas de constater une surfacturation systématique qui aurait été tolérée par le chef de service. Aussi, la réalité matérielle de ce grief n’était pas établie.

S’agissant des soupçons de vols de matériel, ses enquêtes n’avaient pas pu mettre en évidence que des vols auraient été commis au magasin du service. Ce grief, en phase de traitement, ne pouvait servir de base à la décision contestée.

En cas de licenciement injustifié, le statut du personnel de l’AIG permettait de proposer la réintégration de l’employé et, en cas de refus, de condamner l’employeur au paiement d’une indemnité ne dépassant pas dix-huit mois de salaire fixe. L’AIG avait décidé de ne pas réintégrer M. A______, quelle que soit l’issue de la procédure. Compte tenu de ses états de service qui étaient bons, de ses compétences techniques reconnues, qu’il aurait néanmoins dû traiter de manière plus active et déterminée les problématiques concrètes qui lui étaient remontées, qu’il avait violé ses devoirs de fonction en relation avec l’exercice de son activité accessoire, mais qu’un accord avec l’employeur était intervenu, qu’il demeurait jeune et avait retrouvé un emploi dès le lendemain de la fin de son contrat avec l’AIG, l’indemnité était fixée à trois mois du dernier salaire brut, calculé sur le traitement annuel, à l’exclusion de tout autre élément de rémunération.

C. a. Par acte du 27 octobre 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de la commission, concluant à son annulation et à la condamnation de l’AIG au paiement d’une indemnité équivalant à dix-huit mois de salaire brut.

La commission avait mésusé son pouvoir d’appréciation et fixé une indemnité insuffisante, alors que les rapports de travail avaient été résiliés de manière injustifiée et abusive, tant s’agissant des motifs invoqués que de la manière dont le licenciement avait été prononcé, et ce après douze ans de bons et loyaux services durant lesquels il n’avait fait l’objet d’aucune critique ou remarque s’agissant de son « leadership », de ses relations de travail et de la qualité de ses prestations. Au contraire, ses compétences en tant que cadre avaient été saluées par les divers témoins entendus par la commission et ses entretiens d’évaluation n’avaient jamais soulevé de points négatifs. Il avait donné entière satisfaction à son employeur jusqu’à son licenciement abrupt.

Les investigations de la commission avaient établi qu’il avait pleinement rempli ses obligations de chef de service et entrepris toutes les mesures qui pouvaient être attendues de lui afin de trouver des solutions au conflit existant entre les collaborateurs et les contremaîtres. Il avait commencé à recevoir des échos concernant des problèmes relationnels au sein du service en 2018. Il avait alors organisé, de concert avec la DRH, deux séances afin d’évoquer ces difficultés, l’une avec les collaborateurs et l’autre avec les contremaîtres. Le résultat de ces réunions avait été discuté à plusieurs reprises avec la DRH, mais il ne pouvait pas se douter de l’ampleur des souffrances subies et prendre des mesures plus concrètes. En effet, les communications des collaborateurs demeuraient vagues et officieuses, ce qui avait été confirmé à la commission par un témoin qui avait expliqué que les électriciens faisaient l’objet de menaces constantes de la part de leur contremaître et n’osaient pas faire remonter l’information. Il avait encouragé les collaborateurs qui se sentaient sous pression à saisir la DRH, ce qui avait été fait en 2020. La DRH et lui avaient alors désigné deux personnes pouvant jouer le rôle de « courroie de transmission » entre collaborateurs et contremaîtres. Il avait également organisé une séance spécifique avec le contremaître visé par les doléances, et sa participation avait été jugée adéquate et constructive par la DRH. Il avait averti sa direction des tensions existantes et des mesures entreprises, et fixé des objectifs précis aux contremaîtres s’agissant de leur comportement dans le cadre des entretiens annuels. Il avait établi, avec son supérieur hiérarchique et la DHR, un plan d’action clair comprenant des échéances conformément aux recommandations de la Cour des comptes, mais ces mesures n’avaient pas pu être mises en œuvre en raison de l’enquête interne. Partant, aucun « défaut de curiosité » ne pouvait être pris en compte pour la fixation du montant de l’indemnité lui étant due, à défaut de tout fondement. La seule manière de remédier aux problèmes rencontrés au sein des équipes était la voie de la procédure d’information et de conciliation prévue par le règlement sur la protection de la personnalité de l’AIG qui permettait de s’adresser à une personne de confiance externe, de manière confidentielle et sans risque de représailles. Il était indispensable que les collaborateurs saisissent officiellement les personnes au bénéfice d’un pouvoir décisionnel pour que la situation puisse être effectivement redressée. Mais les employés n’étaient pas au courant de l’existence d’une telle procédure, comme expliqué par un témoin qui avait déclaré que le dispositif de prise en charge de situation de harcèlement n’avait été mis en place qu’environ deux mois avant le rapport de la Cour des comptes. Dès lors que la DRH avait exactement le même niveau d’information que lui, elle aurait dû immédiatement communiquer aux équipes les procédures existantes. Alternativement, l’AIG pouvait diligenter une enquête interne afin de déterminer l’existence de problèmes propres à atteindre la personnalité des employés et prendre les mesures utiles pour mettre fin au conflit. Cependant, quand bien même la DHR avait été saisie de cette affaire par les collaborateurs du service, l’AIG n’avait pas jugé utile de procéder à une telle enquête interne afin de protéger la personnalité de ses employés.

Le partage d’une maîtrise au bénéfice de plusieurs entreprises était une pratique courante dans le métier. Son contrat de travail conclu avec B______ prévoyait un taux d’activité de 25 %, qui ne correspondait pas à des heures effectuées, mais à des responsabilités endossées dans le cadre de la mise à disposition de sa maîtrise. Il avait temporairement réduit son taux d’activité pour l’AIG à 80 % afin de mettre en route son activité auprès d’B______, mais celle-ci lui avait pris moins de temps que prévu et il n’avait pas été nécessaire de prolonger la réduction au-delà du 31 mai 2013. Il ne pouvait pas expliquer pour quelle raison l’attestation de diminution de son activité ne mentionnait pas ce terme. Il avait obtenu l’aval de sa hiérarchie pour déployer son activité accessoire et avait agi en toute transparence, sans chercher à cacher ses liens avec B______. Il avait conclu un accord avec cette dernière, aux termes duquel elle ne participerait pas aux appels d’offres de l’AIG. Elle l’avait toutefois fait à son insu et il n’avait eu connaissance de la soumission qu’au moment où elle s’était vu attribuer le marché. Il n’avait pas du tout participé à la procédure qui avait abouti à l’adjudication et n’avait par la suite eu aucun rôle à jouer, puisque les travaux avaient été placés sous la responsabilité d’un chef de projet, qui était l’un de ses subordonnés. Il avait à une seule reprise rencontré un représentant
d’B______ qui avait des revendications en matière d’honoraires. Il avait alors pleinement assumé son rôle et refusé tout paiement supplémentaire. Lorsque l’AIG avait adopté une nouvelle pratique concernant les activités accessoires et envoyé le courriel du 3 octobre 2018, il avait spontanément et immédiatement contacté son supérieur hiérarchique, respectivement la DRH, pour leur rappeler qu’il exerçait toujours son activité accessoire, dans le but de vérifier si celle-ci était toujours acceptée. Il avait alors été convenu qu’il la cesserait à la fin du mois de février 2019. Il avait demandé à B______ de procéder à la radiation de son inscription auprès du registre après son départ, mais elle avait pris du retard dans ses démarches administratives. Ainsi, les prétendues violations avaient eu lieu plusieurs années avant le licenciement et avaient été définitivement réglées d’un commun accord avec la DHR et son supérieur hiérarchique à la fin de l’année 2018, sans qu’aucun avertissement ne soit prononcé ni qu’une quelconque remarque ne soit mentionnée dans son rapport d’évaluation. Il était incohérent et abusif de constater, d’une part, que ces faits ne constituaient pas un motif de licenciement et, d’autre part, de considérer qu’ils devaient être pris en compte dans le cadre de la fixation de l’indemnité. L’incident réglé de manière amiable deux ans avant la résiliation des rapports de travail ne pouvait plus le prétériter dans ses droits. Enfin, s’il fallait retenir ces prétendues violations dans la fixation de l’indemnité, il conviendrait alors de prendre en considération le fait que le risque afférent à l’existence d’un éventuel conflit d’intérêt ne s’était jamais concrétisé, puisqu’il s’était toujours montré fidèle aux intérêts de son employeur, qui n’avait donc subi aucun préjudice du fait de ses agissements.

Quand bien même la commission avait reconnu que le licenciement ne reposait sur aucun motif fondé, elle passait complètement sous silence son caractère abusif. La manière dont l’enquête interne avait été conduite et ses conclusions injustifiées, que la commission avait qualifiées de « quelque peu forcées », démontraient qu’il s’agissait uniquement d’une « enquête alibi » ayant pour but de désigner des personnes fautives pour les manquements dont l’AIG endossait la responsabilité et de licencier les cadres du service, lui en particulier. Son « licenciement politique » abusif, prononcé en l’absence de motif fondé afin de lui faire porter la responsabilité des dysfonctionnements constatés par la Cour des comptes, devait être considéré comme particulièrement grave et être pris en compte dans la fixation de l’indemnité qui lui était due. Il avait été destitué de ses fonctions avec effet immédiat, sans que les conclusions de l’enquête interne, les reproches formulés et les raisons justifiant sa suspension lui soient expliqués et sans qu’il puisse rendre tranquillement ses affaires et saluer ses collègues. Le caractère immédiat de la suspension était d’autant moins justifié qu’il n’était pas la source des tensions entre les collaborateurs ni la raison d’un quelconque climat délétère au sein du service. Les qualificatifs utilisés par l’enquêteur pour décrire sa personnalité et son travail confinaient à l’acharnement et l’avaient profondément choqué, l’atteignant dans son intégrité personnelle. L’AIG avait aveuglément suivi l’appréciation de l’enquêteur, basée sur un seul entretien avec lui et contraire à toutes les évaluations de ses supérieurs, remettant ainsi en cause ses capacités professionnelles, ses relations avec ses collègues et ses subordonnés, ainsi que sa fidélité, sans aucun fondement. Durant la période de suspension, l’AIG n’avait fourni aucun effort pour analyser ses explications et éclaircir la situation, alors qu’un peu de bonne volonté lui aurait permis de constater le caractère injustifié du licenciement. Il avait vécu sa mise à pied et son licenciement comme une parfaite humiliation alors qu’il n’avait jamais commis de faute méritant un tel traitement.

Il avait découvert après l’enquête de la Cour des comptes que des collaborateurs du service exerçaient des activités privées durant les heures de travail, mais cela se faisait de manière ponctuelle et dans des proportions moindres que celles mentionnées dans le rapport. Par ailleurs, il avait constaté que les enquêteurs avaient commis des erreurs dans leur analyse de la surfacturation, ce dont il avait fait part à son responsable. Leur discussion n’avait pas été prise en compte dans le cadre de la procédure de licenciement, ce qu’il avait précisé à la commission. Après la publication du rapport de la Cour des comptes, il avait immédiatement établi le plan d’action avec les ressources humaines et son supérieur afin d’éviter que les dysfonctionnements ne se reproduisent.

Le milieu de l’électricité étant petit et tous les hommes de métier se connaissant, son licenciement avait porté atteinte à sa réputation. Il avait souffert de troubles du sommeil et perdu 6-7 kilos en quelques jours. Enfin, il avait dû défendre sa réputation souillée durant la longue période de procédure en espérant que l’autorité intimée reconnaisse ses torts et le réintègre. Il avait cependant été contraint de retrouver un nouvel emploi sans tarder pour ne pas être pénalisé par le chômage, étant rappelé que son licenciement avait été qualifié de licenciement « pour fautes graves ». Sa candidature avait été refusée pour plusieurs postes intéressants en raison de son licenciement. Il avait été engagé dès le 1er juin 2021 pour un salaire équivalent, mais ses conditions de travail, notamment son horaire et son 2ème pilier, étaient moins avantageuses, avec une rente de vieillesse inférieure de CHF 1'389.40 par mois. En outre, depuis sa suspension, il avait dépensé plus de CHF 52'000.- dans la défense de ses intérêts, sans compter la présente procédure.

b. Dans sa réponse du 7 décembre 2022, l’autorité intimée a conclu au rejet du recours, considérant que la commission, qui disposait d’un large pouvoir d’appréciation, avait analysé les éléments pertinents et que le montant de l’indemnité était proportionné.

c. Par écriture du 17 janvier 2023, le recourant a maintenu que la commission n’avait pas effectué un examen complet des circonstances puisqu’elle n’avait pas pris en compte de nombreux faits pertinents et essentiels relatifs aux rapports de travail, en particulier ses douze années de bons et loyaux services, la haute qualité de son travail, le caractère abusif de son licenciement s’agissant des réels motifs, de la manière dont il avait été prononcé, du mépris affiché par l’AIG à son égard, de l’atteinte subie à sa personnalité qui n’avait pas été protégée par l’employeur et de l’atteinte à son avenir économique. À l’inverse, afin de réduire le montant de l’indemnité, elle avait pris en compte un incident clos depuis plusieurs années par un accord amiable sans qu’aucune sanction ait été prononcée. De même, elle avait considéré qu’il aurait dû traiter de manière plus active certaines problématiques sans tenir compte de ses démarches ni préciser quelles autres mesures auraient été adéquates. En occultant volontairement des éléments essentiels à son détriment et en se focalisant principalement sur des éléments à charge, elle avait violé le droit et appliqué abusivement les critères pertinents pour fixer l’indemnité, qui avait pour but de réparer le dommage subi. L’indemnité était disproportionnée et inéquitable. Enfin, la composition de la commission, formée principalement d’employés de l’AIG, conjuguée à la longue durée de la procédure de recours et son résultat choquant, l’amenaient à fortement douter de l’impartialité de cette autorité de première instance.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ -
E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 75 du statut du personnel de l’Aéroport international de Genève, entré en vigueur le 1er mars 2006 [ci-après : le statut]).

2.             Le litige porte sur le montant de l’indemnité octroyée au recourant suite au refus de l’AIG de le réintégrer, étant rappelé que l’absence de motif justifié à son licenciement n’est pas contestée.

3.             L’AIG est un établissement de droit public autonome jouissant de la personnalité juridique ayant pour but d’exploiter l’aéroport et ses installations (art. 1 de la loi sur l’aéroport international de Genève du 10 juin 1993 - LAIG - H 3 25).

Le statut, complété par les règlements, les directives et les instructions, régit les rapports de travail entre l’AIG et son personnel (art. 1 al. 1 statut). Tous les membres du personnel sont liés à l’AIG par des rapports de droit public
(art. 4 statut).

3.1 L’art. 56 al. 2 du statut prévoit que le délai de congé des cadres supérieurs, cadres et employés est de six mois pour la fin d’un mois dès la 5e année de service.

Conformément à l’art. 57 let. A du statut, l’AIG ne peut notifier une résiliation que pour un motif justifié. Cette condition est remplie lorsque, pour une raison sérieuse, la poursuite des rapports de travail n’est pas dans l’intérêt du bon fonctionnement du service (al. 3). Lorsqu’un licenciement est déclaré injustifié par l’autorité de recours, cette dernière peut proposer la réintégration de l’intéressé et, en cas de refus de l’AIG, condamner celui-ci au paiement d’une indemnité ne dépassant pas
18 mois de salaire fixe (al. 5).

3.2 Selon la jurisprudence de la chambre de céans relative à la fixation de l'indemnité pour refus de réintégrer des agents publics, l'indemnité en question doit être fixée en prenant en compte toutes les circonstances d'espèce et en les appréciant sans donner une portée automatiquement prépondérante à certains aspects, comme le fait d’avoir ou non retrouvé un emploi en cours de procédure (ATA/962/2021 du 21 septembre 2021 consid. 11a ; ATA/112/2019 du 5 février 2019 consid. 4f ; ATA/587/2018 du 12 juin 2018 consid. 6a ; ATA/693/2015 du 30 juin 2015
consid. 11).

L’indemnité est exprimée en un certain nombre de mois du dernier traitement brut de l'employé, qui inclut le 13e salaire lorsque celui-ci fait partie de la rémunération fixe, comme c'est le cas pour les employés soumis à la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05 ; art. 2 al. 1 de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 - LTrait - B 5 15), à l'exclusion d'autres éléments de rémunération, l'art. 57 let. A al. 1 du statut mentionnant le salaire « fixe » (ATA/278/2020 du 10 mars 2020 consid. 2a ; ATA/1042/2016 du
3 décembre 2016 ; ATA/258/2014 du 15 avril 2014). En l'absence de conclusions sur ce point, les intérêts moratoires n'y sont pas additionnés (art. 69 al. 1 LPA).

3.3 À titre d’exemples, dans le cas d’un employé ayant œuvré pour l'AIG pendant douze ans, qui avait déjà fait l'objet d'un avertissement pour violation des règles de sûreté, dont les évaluations avaient toutes été positives, les objectifs fixés par son employeur ayant été atteints ou dépassés, qui était atteint dans sa santé et âgé de
52 ans, ce qui rendait plus difficile la possibilité de retrouver un emploi, la chambre de céans a fixé l'indemnité à 6 mois du dernier salaire fixe, étant relevé que l’employeur n’avait pas correctement mené la procédure de reclassement en déléguant partiellement son obligation et en demandant à l'intéressé d'indiquer quels postes pourraient lui convenir, sans s’être adressé aux autres établissements autonomes pour connaître l'existence de postes vacants adaptés, et n'avait proposé ni formation ni stage à l'intéressé et ne lui avait pas signalé l'existence de deux postes qui auraient pu correspondre au profil (ATA/278/2020 du 10 mars 2020).

L'indemnité, fondée sur l’art. 31 al. 4 LPAC, pendant de l’art. 57 let. A al. 5 du statut (ATA/278/2020 du 10 mars 2020 consid. 2a ; ATA7123/2012 du 6 mars 2012 consid. 4a), a été fixée à 6 mois de salaire sur un montant maximal de 24 mois pour absence de procédure de reclassement, les circonstances comprenant aussi la durée des rapports de service (douze ans), les conditions du transfert de l'intéressée dans un autre service (présenté par la hiérarchie comme une nouvelle chance alors qu'apparaissait dans la procédure l'intention de son employeur d'écarter l'employée), le manque de soutien de la hiérarchie dans le cadre de la procédure d'enquête administrative ouverte contre son supérieur hiérarchique et qui avait affecté l'intéressée, la chronologie des événements (l'employée avait été convoquée à un entretien de service et s'était fait licencier à l'issue d'une procédure qui ne la concernait pas directement et lors de laquelle elle n'avait pas pu se défendre alors que de nombreux témoignages l'avaient accablée ; ATA/1193/2017 du 22 août 2017 confirmé par arrêt 8C_697/2017 du Tribunal fédéral du 11 octobre 2018).

Une indemnité de 9 mois sur vingt-quatre a été allouée à une employée dont la résiliation des rapports de service ne reposait pas sur un motif fondé dûment constaté, compte tenu du fait qu’elle était active depuis dix ans au sein de l’État de Genève, que ses prestations n’étaient pas contestées dans la décision litigieuse, que l’employeur avait agi dans la précipitation, qu’elle était toujours en incapacité de travail au moment de la résiliation querellée, mais aussi du fait qu’elle était au bénéfice d’une rente-pont AVS (ATA/1621/2019 du 5 novembre 2019).

L’indemnité a été fixée à 6 mois dans le cas d’un employé ayant été au service des TPG pendant douze ans et demi et qui était âgé de 36 ans au moment du licenciement, qui allait mieux sur le plan psychologique et pourrait rapidement retrouver du travail grâce à son expérience professionnelle (ATA/962/2021 du
21 septembre 2021).

4.             En l’espèce, au moment de son licenciement le 13 novembre 2020, le recourant était au service de l’AIG depuis plus de douze ans et avait toujours travaillé à l’entière satisfaction de l’employeur jusqu’en 2020, atteignant voire dépassant les objectifs fixés. Ses qualifications et compétences techniques ont été unanimement reconnues. Lors de son évaluation de 2020, un contexte « pas simple » avec les contremaîtres a été signalé et un objectif lui a été fixé au 31 décembre 2020 pour traiter cette problématique, mais ses rapports de travail ont été résiliés avant cette échéance.

4.1 L’audit de la Cour des comptes et l’enquête interne ont révélé d’importantes souffrances des employés du service en raison d’un climat de travail délétère. La commission a retenu que le recourant avait entrepris des démarches pour tenter d’y remédier, mais qu’il avait manqué de curiosité et de réactivité dans la gestion des tensions existant dans son service.

Le recourant conteste cette appréciation. Il avait été informé dès 2018 de l’existence d’un important conflit relationnel au sein de son service et avait alors organisé avec la DRH deux séances d’équipe, l’une avec et l’autre sans les contremaîtres. Il avait ensuite discuté du résultat de ces réunions avec la DRH, incité les collaborateurs à saisir cette dernière, averti sa direction, organisé une séance avec un contremaître, fixé des objectifs aux contremaîtres lors des entretiens annuels, établi un plan d’action avec son supérieur et la DRH conformément aux recommandations de la Cour des comptes.

La commission a entendu plusieurs personnes dans le cadre de ses investigations. Madame C______, gestionnaire des ressources humaines, a notamment confirmé qu’elle avait organisé avec le recourant les deux séances du début de l’année 2018 et ajouté qu’il n’y avait pas eu de suites particulières jusqu’en
février 2020, lorsque des collaborateurs du service s’étaient adressés à elle sur conseil du recourant. Monsieur D______, contremaître au sein du service, a indiqué qu’il avait, à plusieurs reprises, rapporté au chef de service que beaucoup de collaborateurs se plaignaient de deux contremaîtres. Si les employés avaient eu l’impression d’avoir été écoutés par le recourant, il ne s’était pas passé
« grand-chose » par la suite. Monsieur E______, électricien spécialisé, a témoigné des nombreuses tensions existant avec un contremaître et expliqué avoir été personnellement discriminé. Il a précisé qu’il avait été difficile de s’exprimer lors de « la » réunion organisée avec le recourant car ils étaient inquiets à cause des menaces du contremaître. Monsieur F______, directeur des infrastructures depuis 2017 et supérieur du recourant, a exposé qu’il y avait « passablement de problèmes relationnels » entre les contremaîtres et les équipes en 2018-2019, que le recourant avait mis en place « un certain nombre d’actions », certaines avec le support de la DRH, mais qu’elles n’avaient pas permis de résoudre les difficultés et que d’autres actions « planifiées » n’avaient pas pu être mises en place en raison des enquêtes.

Ces déclarations témoignent d’une certaine passivité de la part du chef de service qui s’est contenté d’une seule séance au début de l’année 2018 avec les collaborateurs sans les contremaîtres mis en cause et qui n’a plus entrepris la moindre action concrète jusqu’en 2020, alors que les difficultés ont persisté et qu’il savait le climat de travail nuisible. On relèvera à cet égard que les notes produites par l’intéressé relatives aux séances de travail tenues en juillet, octobre et
novembre 2019 ne portent pas sur les problèmes relationnels au sein du service, mais sur son organisation, la charge de travail, l’horaire, la formation ou encore la répartition des tâches. Concernant le document daté de janvier 2020 et intitulé « Rôle et tâches des contremaîtres », il ne fait aucune référence aux dysfonctionnements litigieux. Finalement, ce n’est que dans la note « Attentes pour les Contremaîtres Juillet-Août 2020 ! » que les problèmes relationnels sont évoqués. Il y est rappelé aux contremaîtres le devoir de s’adresser de manière bienveillante à leurs équipes, sans « agressivité », sans « dénigrement » et sans « menace », le devoir de réserve et de respect de la confidentialité des relations. Il ressort également de ce document que le recourant s’est entretenu avec deux contremaîtres les 29 juillet et 28 août 2020.

En outre, contrairement à ce que soutient le recourant, les éventuelles responsabilités de la DRH et de sa direction, qui étaient également au courant de l’important conflit qui perdurait et qui n’ont pas non plus agi durant cet intervalle de deux ans, ne sauraient le disculper de ses propres manquements. En sa qualité de chef de service, il lui incombait de protéger la personnalité de ses collaborateurs et de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer et d’améliorer la protection de leur santé physique et psychique. S’il n’était effectivement pas compétent pour sanctionner ou licencier les contremaîtres mis en cause, il était de son ressort de les convoquer à un entretien de service afin de leur rappeler officiellement leurs obligations et leur fixer des objectifs à brève échéance, sans attendre le rapport de la Cour des comptes. Il aurait également pu demander à ses supérieurs de prendre les mesures qui ne relevaient pas de sa compétence, ou réorganiser son service. De même, il lui revenait d’inviter ses collaborateurs à contacter la DRH sans délai afin qu’ils puissent être renseignés sur la procédure à suivre en cas de harcèlement.

Dans ces conditions, l’appréciation de la commission qui a retenu un « manque de curiosité et de réactivité » n’apparaît pas critiquable.

4.2 Les rapports de la Cour des comptes et de l’enquêteur interne ont également conclu à une conduite contraire à l’éthique professionnelle, le recourant ayant exercé une activité accessoire sans respecter l’exigence à laquelle l’autorisation lui avait été accordée, à savoir que l’entreprise ne travaille pas pour l’AIG.

Le recourant fait valoir que les faits se sont produits plusieurs années avant le licenciement et ont été définitivement réglés d’un commun accord, sans qu’aucune sanction ne soit prononcée. En outre, il avait exercé son activité pour B______ en toute transparence avec l’AIG. Il avait convenu avec cette société qu’elle ne participerait pas aux appels d’offres, mais elle l’avait fait à son insu. Il n’avait toutefois pas coopéré aux procédures d’adjudication et avait défendu les intérêts de son employeur lorsque B______ avait émis des revendications financières. Enfin, aucun conflit d’intérêt ne s’était jamais concrétisé.

Entendu par la commission, Monsieur G______, directeur des infrastructures jusqu’en mai 2017 et précédent supérieur hiérarchique du recourant, a expliqué que l’exigence à laquelle était soumise l’autorisation de partager la maîtrise avait pour but d’éviter tout conflit d’intérêts. M. F______ a déclaré à la commission qu’il avait appris que le recourant exerçait une activité accessoire de longue date lors de l’envoi du courriel de la DRH, ce qui n’avait apparemment pas été enregistré par cette dernière. S’agissant d’une activité auprès d’une entreprise d’électricité, cela lui posait un « problème philosophique » et il avait demandé au chef de service de la cesser, lui accordant à cet effet un délai de quelques mois. Monsieur H______, chef de projet en électricité, a indiqué qu’B______ avait remporté deux marchés et qu’il avait eu besoin des compétences techniques de son chef de service en vue de « la confection de la soumission », mais que celui-ci n’était pas intervenu du tout dans le processus, que ce soit pour la confection de l’offre, l’élaboration des critères ou encore l’adjudication. Au cours d’un chantier, une séance avait eu lieu entre un représentant d’B______, lui-même et le recourant, lequel avait soutenu la position de l’employeur.

Ces témoignages mettent à mal les allégations du recourant, lequel ne semble pas avoir agi « en toute transparence », puisque son supérieur hiérarchique direct entré en fonction le 1er septembre 2017 a ignoré l’existence de son activité accessoire jusqu’à réception du courriel du mois d’octobre 2018. En outre, si les déclarations de M. H______, telles que rapportées dans le procès-verbal de son audition par la commission, sont peu claires, puisque ce témoin a indiqué avoir eu besoin des compétences techniques du chef de service pour la « confection de la soumission », il appert clairement que le recourant a collaboré au marché public en aidant à la préparation d’un document et en participant à une réunion de travail. On relèvera encore que si B______ avait réellement soumissionné à l’insu du recourant et en violation de leur accord, l’intéressé aurait dû cesser immédiatement son activité accessoire après la première adjudication.

Ainsi, en exerçant une activité accessoire pour B______, société qui s’est vu attribuer deux marchés par l’employeur, le recourant a gravement violé ses devoirs de fonction. Qu’il n’ait pas participé aux appels d’offres, qu’il ait soutenu la position de l’AIG lors d’une négociation et qu’aucun conflit d’intérêts ne se soit concrétisé ne sont pas déterminants, puisque la condition à laquelle le recourant pouvait partager sa maîtrise a été expressément mentionnée dans l’autorisation du
3 juillet 2008, étant encore relevé que ce document précise qu’il incombait au recourant de s’assurer du respect de cette exigence. Enfin, que les violations des devoirs de service ne puissent plus être invoquées pour fonder un licenciement, puisqu’aucune sanction n’a été prononcée à l’époque où elles ont été découvertes, n’est pas pertinent. Toutes les circonstances doivent être prises en considération dans le cadre de la fixation de l’indemnité due en cas de refus de réintégration.

De surcroît, le recourant ne pouvait être inscrit au registre en qualité de personne de métier pour l’AIG et pour la société B______ que si son taux d’occupation global ne dépassait pas 100 %, ce que l’autorité fédérale était tenue de vérifier. Il ressort des pièces versées à la procédure que l’intéressé a demandé à la DRH, au mois de mars 2013, de diminuer son taux d’activité à 80 % durant les mois d’avril et de
mai 2013, précisant qu’il avait besoin d’une attestation indiquant au minimum le nombre d’heures par semaine et le salaire mensuel ou annuel. La DRH a rédigé un tel document le 19 mars 2013 comportant ces deux mentions, sans référence aucune à la durée provisoire de la réduction du taux d’activité. Le recourant a remis cette attestation à l’ESTI le 22 mars 2023, ce qui lui a permis d’être inscrit en tant qu’homme de métier à un pourcentage de 75 % pour l’AIG, parallèlement à son activité pour B______ à 25 %, laquelle lui a rapporté une rémunération mensuelle de CHF 1'000.-. Il n’a toutefois jamais annoncé aux autorités fédérales qu’il travaillait à nouveau pour l’AIG à 100 % dès le 1er juin 2013 et que, dès cette date, les conditions d’autorisation n’étaient plus remplies, ce qui constitue à tout le moins une grave négligence.

La commission était donc fondée à tenir compte du fait que le recourant avait violé ses devoirs de fonction en relation avec l’exercice de son activité accessoire et qu’un accord était intervenu avec l’employeur.

4.3 C’est également à juste titre qu’elle a tenu compte du fait que le recourant était relativement jeune au moment de son licenciement, puisqu’il était âgé de 44 ans, et qu’il avait retrouvé un emploi dès le lendemain de la fin de son contrat de travail, emploi dont les conditions salariales sont comparables.

4.4 En revanche, la commission n’a pas pris en considération le contexte dans lequel les rapports de travail ont été résiliés, en particulier le fait que le licenciement, dénué de motifs fondés, a été accompagné d’une mesure de suspension avec effet immédiat, que rien ne justifiait.

De plus, l’employeur a refusé toute réintégration et écarté sans le moindre examen les explications et critiques du recourant à l’encontre de l’enquête interne, qui s’est effectivement révélée lacunaire, voire erronée sur certains points. À cet égard, il sera relevé à titre d’exemple que la commission a écarté les reproches de surfacturation systématique des prestations et de contrôle défaillant de factures. En outre, l’enquête interne a essentiellement visé le recourant et trois contremaîtres, sans chercher à faire la lumière sur l’intégralité des dysfonctionnements rapportés par la Cour des comptes ni à déterminer les parts de responsabilité de chacun. En effet, malgré les remarques du recourant, l’enquêteur n’a pas entendu ses supérieurs hiérarchiques, ni les membres de la DRH. L’audition de ces personnes par la commission a cependant permis de constater qu’elles étaient également au courant des problèmes relationnels et qu’elles n’ont pas non plus entrepris d’action concrète pour y remédier avant l’audit de la Cour des comptes.

Par conséquent, la chambre de céans considère que l’indemnité de 3 mois accordée par la commission n’est pas suffisante. Elle la fixera à 6 mois du dernier salaire, ce qui correspond aux solutions retenues dans des affaires comparables (tranche d’âge du recourant, une dizaine d’années de service, évaluations positives et objectifs atteints, violation des devoirs de l’employé, attitude incorrecte de l’employeur) et prend en considération les modalités du licenciement et les inconvénients subis par le recourant, en particulier le 2ème pilier moins avantageux.

5.             Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée au recourant, à la charge de l'AIG (art. 87 al. 2 LPA), compte tenu de l’admission partielle du recours.

Compte tenu des conclusions du recours tendant au paiement d’une indemnité équivalant à dix-huit mois de salaire brut, la valeur litigieuse est supérieure à
CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 octobre 2022 par Monsieur A______ contre la décision de la Commission de recours de l’Aéroport international de Genève du 23 septembre 2022 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision en tant qu’elle condamne l’Aéroport international de Genève à lui payer une indemnité équivalant à trois mois du dernier salaire ;

fixe l'indemnité due à Monsieur A______ par l’Aéroport international de Genève pour refus de réintégration à six mois de son dernier salaire mensuel ;

condamne en tant que de besoin l’Aéroport international de Genève à verser ce montant sans délai ;

confirme la décision pour le surplus ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à Monsieur A______ à la charge de l’Aéroport international de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nadine von Büren-Maier, avocate du recourant, à l’Aéroport international de Genève ainsi qu’à la commission de recours de Genève Aéroport.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen, Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :