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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3168/2021

ATA/217/2023 du 07.03.2023 sur JTAPI/243/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3168/2021-PE ATA/217/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 mars 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______ recourante
représentée par Me Michel Celi Vegas, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 mars 2022 (JTAPI/243/2022)


EN FAIT

A. a. Madame A______ est née le ______ 1972, est ressortissante du Nicaragua.

B. a. Par formulaire daté du 6 février 2017, cosigné par son employeuse, Madame B______, née le ______ 1925, Mme A______ a déposé une demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative.

b. L’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) ayant préavisé défavorablement la susdite demande par décision du 26 avril 2017, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), par décision du 29 mai 2017, a refusé l’octroi d’une autorisation de séjour et prononcé le renvoi de Mme A______ en lui impartissant un délai au 9 juin 2017 pour quitter la Suisse.

c. Le 23 août 2017, Mme A______ a déposé une demande de régularisation de son séjour fondée sur un cas de rigueur, dans le cadre de « l’opération Papyrus ».

d. Par décision du 12 avril 2018, l’OCPM a refusé de donner suite à cette demande de régularisation, au motif que les conditions de l’opération « Papyrus » et d’un cas de rigueur n’étaient pas remplies.

e. Par jugement du 29 juin 2018, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a déclaré irrecevable le recours de Mme A______ du 11 mai 2018 pour défaut de paiement de l’avance de frais dans le délai imparti.

f. Par lettre du 12 septembre 2018, l’OCPM a imparti à Mme A______ un délai au 12 décembre 2018 pour quitter la Suisse.

C. a. Par courrier du 8 mars 2019, Mme A______ a déposé auprès de l’OCPM une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur. Elle était arrivée en Suisse en 2013 à l’âge de 40 ans et avait aussitôt commencé à travailler dans le domaine de l’économie domestique, ce qui lui avait permis d’être complètement indépendante financièrement. Elle ne faisait l’objet d’aucune poursuite et son casier judiciaire était vierge. Elle avait réussi l’examen de français de niveau A2, était bien intégrée socialement et n’envisageait pas de retourner dans son pays natal.

b. Par décision du 18 mars 2019, le secrétariat d'État aux migrations (ci- après : SEM) a prononcé à l’encontre de Mme A______ une interdiction d’entrée en Suisse valable immédiatement et jusqu’au 17 mars 2021.

c. Selon le registre de l’OCPM, Mme B______ est décédée le ______ 2020.

d. Par courrier du 19 avril 2021, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser de soumettre son dossier avec un préavis positif au SEM et de prononcer son renvoi de Suisse. Il lui a accordé un délai de trente jours pour faire part, par écrit, de ses observations et objections éventuelles.

e. Mme A______ n’a pas fait usage de son droit d’être entendu.

f. Par décision du 12 août 2021, l’OCPM a refusé de soumettre au SEM le dossier de Mme A______ avec un préavis positif et a prononcé son renvoi de Suisse en lui impartissant un délai au 12 octobre 2021 pour ce faire.

La durée de son séjour en Suisse, soit huit ans depuis 2013, devait être relativisée par rapport aux nombreuses années passées dans son pays d’origine. Au vu des pièces du dossier, son intégration professionnelle et socioculturelle n’était pas particulièrement remarquable. Le fait de ne pas se conformer aux injonctions claires de quitter le territoire constituait un non-respect manifeste de l’ordre juridique suisse. Mme A______ n’avait pas non plus démontré qu’une réintégration dans son pays d’origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle, indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place. Le dossier ne faisait pas apparaître que l’exécution de son renvoi serait impossible, illicite, ou non raisonnablement exigible.

D. a. Par acte du 14 septembre 2021, Mme A______ a recouru auprès du TAPI contre cette décision, concluant principalement, sous suite de frais et de dépens, à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour en application de l’art. 30 al. 1 let. b de loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Elle a conclu préalablement à sa comparution personnelle.

Sa présence en Suisse depuis huit ans représentait une longue durée selon la jurisprudence. Elle était employée de manière stable auprès de différents employeurs et percevait un salaire qui lui permettait de vivre en Suisse sans avoir recours à l’assistance sociale. Elle n’avait pas de casier judiciaire en Suisse et ne faisait pas l’objet de poursuites. S’étant efforcée de suivre des cours de français, elle avait pu progresser dans cette langue. Elle était bien intégrée sur le territoire genevois et y avait de nombreux amis qui étaient devenus « sa nouvelle famille ».

S’agissant de ses possibilités de réintégration dans son pays d’origine, elle n’avait plus aucun réseau amical là-bas. Elle n’y était plus jamais retournée et ses parents, très âgés, ne pourraient pas l’aider à se réintégrer, de sorte que ses perspectives professionnelles et personnelles seraient fortement compromises en cas de renvoi de Suisse.

b. Dans sa réponse du 17 novembre 2021, l’OCPM a conclu au rejet du recours, faute d’éléments nouveaux fournis par Mme A______.

c. Par jugement du 14 mars 2022, le TAPI a rejeté le recours.

Mme A______ disait résider en Suisse depuis 2013, soit depuis près de neuf ans. Cette durée devait être relativisée du fait que le séjour avait été effectué de manière illégale, puis à la faveur d'une simple tolérance. Elle indiquait avoir toujours occupé plusieurs emplois dans le secteur de l’économie domestique, ce qui lui avait permis de ne jamais dépendre de l’assistance publique. On ne pouvait ainsi qualifier son intégration professionnelle d’exceptionnelle.

Le fait de ne pas dépendre de l'aide sociale, de ne pas faire l’objet de poursuites ou d’actes de défaut de biens, d'éviter de commettre des actes répréhensibles et de s'efforcer d'apprendre la langue nationale parlée au lieu de domicile constituait un comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger. Mme A______ ne s’était pas conformée aux décisions de renvoi des 29 mai 2017 et 12 avril 2018, ce qui dénotait un certain dédain des injonctions officielles des autorités cantonales.

Pour le surplus, Mme A______ étant venue s’établir en Suisse alors qu’elle était âgée de 40 ans, elle avait passé toute son enfance, toute son adolescence, période décisive pour la formation de la personnalité, mais aussi une partie importante de sa vie d’adulte au Nicaragua. Elle avait dû ainsi conserver de fortes attaches avec sa patrie, dont elle connaissait parfaitement les us et coutumes.

E. a. Par acte posté le 2 mai 2022, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant préalablement à sa comparution personnelle et principalement à l'annulation du jugement attaqué, à l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas d'extrême gravité ainsi qu'à une indemnité de procédure.

Elle n'avait été entendue oralement à aucun moment de la procédure administrative, ce qui constituait une violation de son droit d'être entendue, alors qu'elle souhaitait faire connaître de vive voix les circonstances et l'évolution de sa situation en Suisse.

La durée de son séjour était longue au sens de la jurisprudence. Elle s'était intégrée professionnellement et développée personnellement en Suisse, et elle était très attachée à ce pays. Elle avait fait l'effort de suivre des cours de français. L'intégration réussie n'impliquait pas forcément une trajectoire particulièrement brillante.

Elle n'était jamais retournée dans son pays d'origine depuis son arrivée en Suisse en 2013, et seuls ses parents, qui étaient très âgés et ne pourraient pas la soutenir dans sa réintégration, se trouvaient encore au Nicaragua. En tant que femme seule, elle y serait en danger.

Le TAPI avait versé dans l'arbitraire en méconnaissant tous ces facteurs. Les autorités devaient favoriser la régularisation des sans-papiers en Suisse.

b. Le 9 juin 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours. Les arguments soulevés dans celui-ci étaient en substance semblables à ceux présentés en première instance et n'étaient pas de nature à modifier sa position.

c. Le 16 juin 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 15 juillet 2022 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 12 juillet 2022, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires à formuler.

e. Mme A______ ne s'est pas manifestée.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             La recourante demande à être entendue, et se plaint d'une violation de son droit d'être entendue pour le motif qu'elle ne l'a pas été jusqu'ici.

1.   

2.   

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 144 II 427 consid. 3.1.3 ; 141 I 60 consid. 1.3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_411/2021 du 17 août 2022 consid. 2.3).

2.2 En l'espèce, la recourante indique seulement qu'elle souhaite être entendue pour faire connaître sa situation et l'évolution de celle-ci de vive voix. Elle ne précise pas en quoi cette audition irait au-delà des allégations contenues dans ses écritures ou des preuves écrites figurant au dossier, étant rappelé que le droit d'être entendu ne confère pas de droit à être entendu oralement, la procédure administrative étant en principe écrite (art. 18 LPA). Il ne sera dès lors pas donné suite à sa demande d'audition, et le grief de violation du droit d'être entendu sera écarté pour les mêmes motifs.

3.             Le litige porte sur la conformité au droit, d'une part, du refus de l'autorité intimée de préaviser favorablement le dossier de la recourante auprès du SEM pour l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité – la conclusion tendant à l'octroi d'une autorisation de séjour est ainsi irrecevable –, et d'autre part, du prononcé du renvoi de la recourante.

3.1 Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

3.2 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers (LEtr - RS 142.20) et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

4.             La recourante affirme se trouver dans un cas individuel d'extrême gravité.

4.1 La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des personnes étrangères dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Nicaragua.

4.2 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

4.3 L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/878/2022 du 30 août 2022 consid. 5b).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

4.4 Selon la jurisprudence, le fait de renvoyer une femme seule dans son pays d'origine, où elle n'a pas de famille, n'est généralement pas propre à constituer un cas de rigueur, à moins que ne s'y ajoutent d'autres circonstances qui rendent le retour extrêmement difficile (ATF 128 II 200 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.2 ; 2A.582/2003 du 14 avril 2004 consid. 3.1 ; 2A.394/2003 du 16 janvier 2004 consid. 3.1). Un tel cas peut en revanche se présenter lorsque, aux difficultés de réintégration dues à l'absence de famille dans le pays d'origine, s'ajoute le fait que, contrainte de regagner ce pays, l'intéressée laisserait derrière elle une partie importante de sa proche parenté, tels que ses parents, ses frères et ses sœurs, appelés à demeurer durablement en Suisse, avec qui elle a partagé pendant longtemps les mêmes difficultés liées à son existence (arrêts du Tribunal fédéral 2A.92/2007 du 21 juin 2007 consid. 4.3 ; 2A.245/2004 précité consid. 4.2.2 ; 2A.340/2001 du 13 novembre 2001 consid. 4c), ou dans la situation de la mère d'un enfant mineur n'ayant plus aucun membre de sa famille dans son pays d'origine pour l'avoir, de surcroît, quitté dans des circonstances traumatisantes (arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 précité consid. 4.2.2 ; 2A.582/2003 précité consid. 3.1 ; 2A.394/2003 précité consid. 3.1). À l'inverse, une telle séparation pourra d'autant mieux être exigée que les perspectives de réintégration dans le pays d'origine apparaissent plus favorables (arrêts du Tribunal fédéral 2A.183/2002 du 4 juin 2002 consid. 3.2 ; 2A.446/1997 du 24 avril 1998 consid. 3b ; ATA/41/2022 du 18 janvier 2022 consid. 8c).

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art.
58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013, état au 1er octobre 2022, n. 5.6.10 ; ATA/1025/2022 du 11 octobre 2022 consid. 4c).

L'art. 58a al. 1 LEI précise que pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

4.5 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/822/2021 du 10 août 2021 consid. 2b).

4.6 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d'autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'elle y soit bien intégrée, tant socialement que professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2).

4.7 Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées).

Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance – par exemple en raison de l'effet suspensif attaché à des procédures de recours – ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2.2).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

En l’espèce, s’agissant du critère de la durée du séjour, la durée du séjour de la recourante en Suisse est aujourd'hui de bientôt dix ans, de sorte qu'il s'agit déjà d'une longue durée au sens de la jurisprudence. Toutefois, cette durée doit être relativisée dès lors que ledit séjour s'est entièrement déroulé dans l’illégalité ou au bénéfice d’une simple tolérance des autorités de migration. Ainsi, la durée de son séjour ne saurait être considérée comme déterminante, au regard de toutes les circonstances, pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité.

4.8 La recourante estime également pouvoir se prévaloir d’une intégration exceptionnelle.

En Suisse, la recourante a travaillé dans l'économie domestique, notamment comme femme de ménage et garde-malade – même si l'on ignore quelles activités précises elle a déployées depuis 2020. S'il est louable, grâce à ces activités, que la recourante n'ait jamais émargé à l'aide sociale ni fait l'objet de poursuites, elles ne sont toutefois pas constitutives d'une ascension professionnelle remarquable, selon la jurisprudence constante, quel que soit le degré de satisfaction de ses employeurs, et ne l'ont pas conduite à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu'elle ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d'origine.

Sur le plan social, elle met en avant ses relations amicales en Suisse. Cet élément, qui n'est au demeurant pas étayé, n'apparaît pas de nature à permettre de qualifier son intégration de particulièrement poussée au regard des années passées à Genève.

Pour le reste, elle a passé la plus grande partie de sa vie au Nicaragua, dont toute son enfance, son adolescence et une partie déjà importante de sa vie d'adulte, années déterminantes pour le développement de sa personnalité. Elle en connaît la langue, les us et coutumes et y possède encore de la famille, puisqu'elle indique y avoir encore ses parents, quand bien même ceux-ci sont désormais âgés. Finalement, de retour dans son pays d'origine, la recourante, qui est en bonne santé, pourra faire valoir l'expérience professionnelle et éventuellement les connaissances linguistiques acquises en Suisse. La recourante se contente enfin de considérations toutes générales sur ses difficultés de réintégration en tant que femme seule, si bien que cet élément ne saurait à lui seul justifier une dérogation aux conditions d'admission.

4.9 Dans ces circonstances, il ne ressort pas de la globalité du dossier que les difficultés auxquelles la recourante devrait faire face en cas de retour dans son pays d’origine seraient pour elle plus graves que pour la moyenne des personnes étrangères, en particulier des ressortissants du Nicaragua retournant dans leur pays.

Au vu de ce qui précède, la recourante ne se trouve pas dans une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI. S'il est vrai qu'un retour dans son pays d'origine pourra engendrer pour elle certaines difficultés, elle ne se trouve pas dans une situation si rigoureuse que l'on ne saurait exiger son retour. L'autorité intimée était ainsi fondée à refuser de donner une suite positive à sa demande d'autorisation de séjour et l'instance précédente à confirmer ledit refus.

5.             Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, toute personne étrangère dont l'autorisation est refusée, révoquée ou qui n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyée. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64d al. 1 LEI).

5.1 Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

5.2 En l'espèce, aucun élément du dossier ne permet de retenir que l'exécution du renvoi de la recourante ne serait pas possible, licite ou ne pourrait être raisonnablement exigée.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 mai 2022 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 mars 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Celi Vegas, avocat de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.