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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3851/2021

ATA/194/2023 du 28.02.2023 sur JTAPI/873/2022 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3851/2021-LCI ATA/194/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 février 2023

3ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représentée par Me Pascal Pétroz, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCLPF intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 août 2022 (JTAPI/873/2022)


EN FAIT

A. a. Par arrêt du 5 mai 2021, le Tribunal fédéral a rejeté le recours d’A______
(ci-après : la société) dans le cadre d’un litige l’opposant à l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) et portant sur le plan financier définitif d’une promotion immobilière située au ______ à Thônex. Ce faisant, il a confirmé l’arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) du 6 octobre 2020 (
ATA/1000/2020) qui constatait la teneur finale du plan financier définitif, arrêtant le prix de revient à CHF 51'033'714.- et renvoyant le dossier à l’OCLPF pour qu’il adapte en conséquence le plan de vente du 16 avril 2018.

b. Le 21 juin 2021, à la demande de la société, une réunion s’est tenue à l’OCLPF dès 14h15 entre d’une part Messieurs B______ et C______, respectivement administrateur avec signature individuelle et directeur de la société et, d’autre part, D______, directeur de l’OCLPF. Le contenu de cette réunion est litigieux.

c. Par courriel du même jour, à 18h09, adressé à la société, M. D______ a indiqué :

« Faisant suite à la séance de ce début d'après-midi, nous revenons à vous sur les deux premiers points que vous avez abordés, à savoir votre proposition d'envoi de justificatifs des intérêts intercalaires ainsi que des travaux de réparation réalisés en garantie, en lieu et place des entreprises responsables. Nous avons par ailleurs pris bonne note de votre intention de vous conformer aux décisions judiciaires. Comme annoncé, le projet de fixation définitive ainsi que son annexe étant en cours de finalisation conformément aux décisions de justice, après réflexion, il n'apparaît pas utile que vous nous transmettiez les pièces susmentionnées. Nous vous transmettrons directement la décision définitive dans les meilleurs délais et poursuivrons les échanges sur son application comme évoqué en séance ».

B. a. Le 5 octobre 2021, l'OCLPF a adressé à A______ une décision définitive de vente modifiant partiellement l'accord définitif de vente du 25 mai 2018 dans le sens des considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_624/2020 du 5 mai 2021, et dont le dispositif était le suivant :

« 1. Les prix de vente définitifs admis pour chacun des logements et chacune des places de stationnement des immeubles, sis ______ à Thônex, sont arrêtés dans le plan de vente détaillé annexé à la présente, lequel annule et remplace le plan de vente du 16 avril 2018, conformément aux décisions des juridictions cantonale et fédérale des 6 octobre 2020 et 5 mai 2021.

« 2. La différence entre, d'une part, les prix de vente acquittés par les acquéreurs des logements considérés et, d'autre part, les prix de vente définitivement admis revient légitimement aux propriétaires actuels desdits biens.

« 3. Ces montants deviennent exigibles à l'entrée en force de la présente décision, qui est assimilée à un jugement exécutoire au sens de l'art. 80 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1), et doivent être remboursés aux propriétaires actuels desdits biens. »

b. Dans son courrier d'accompagnement du même jour adressé à A______, l'OCLPF relevait que le prix de revient global des immeubles considérés avait été arrêté à CHF 51'033'714.-, respectivement le prix de vente total des logements et places de stationnement à CHF 60'212'782.-, marge maximale de bénéfice et risque limitée à 18 % du prix de revient compris, et que le prix de vente autorisé avait été réduit conformément à l'arrêt du Tribunal fédéral du 5 mai 2021.

Il appartenait dès lors à A______ de rembourser aux acquéreurs des logements et places de stationnement précités le montant indûment perçu ensuite de l'aliénation de ces derniers.

Le remboursement des sommes indûment perçues ressortait exclusivement au droit privé, l'intervention de l'office se limitant à fixer les prix de vente autorisés en vertu des dispositions légales applicables. Aussitôt que la décision définitive de vente serait entrée en force, elle serait transmise aux propriétaires concernés à qui il serait indiqué qu'il leur appartiendrait de rechercher leur créance auprès d'A______, chacun d'eux étant libre de convenir directement avec elle des modalités de remboursement. A______ était pour le surplus invitée à prendre contact, aussi rapidement que possible, avec les propriétaires concernés afin de convenir avec eux, individuellement, du planning du remboursement de sa dette à leur égard.

c. Par courriel du 27 octobre 2021, faisant suite à la décision du 5 octobre 2021, et « comme convenu et selon [son] courriel du 1er juin 2021 », la société a transmis à M. D______ les justificatifs des intérêts intercalaires effectivement payés et des travaux imprévus relatifs à la réfection des terrasses. Elle détaillait différents montants et sollicitait un entetien.

C. a. Par acte du 5 novembre 2021, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision du 5 octobre 2021. Elle a conclu préalablement à ce qu'il soit dit que le recours avait effet suspensif et à ce que la procédure soit suspendue jusqu'à la fin des échanges en cours entre les parties ; principalement, la décision devait être annulée.

Après avoir reçu l'arrêt du Tribunal fédéral du 5 mai 2021, elle avait demandé à l'OCLPF à pouvoir rencontrer son directeur pour discuter des modalités de remboursement aux acquéreurs. Lors de l'entretien du 1er juin 2021, elle avait expliqué ne pas disposer des liquidités nécessaires pour procéder audit remboursement. Elle avait ainsi sollicité un délai compris entre dix-huit mois et deux ans pour pouvoir réaliser une promotion voisine et affecter les revenus y afférents aux remboursements en question. Elle avait également demandé à l'OCLPF de reconsidérer sa décision au sujet de la non prise en compte des intérêts intercalaires dans le cadre du plan financier définitif et des travaux de réfection des balcons, selon des justificatifs à produire.

L'OCLPF s'était engagé à poursuivre les échanges en cours. Il lui appartenait de respecter son engagement.

La décision querellée ne pouvait pas être assimilée à un jugement exécutoire, les récipiendaires des prestations concernées étant des justiciables. De même, on voyait mal comment et sur quelle base légale, une autorité administrative pourrait fixer une exigibilité émargeant au droit privé. Le recours devrait donc être admis sur ce point.

Si par impossible, il devait être considéré qu'un délai avait été fixé à l'entrée en force de la décision pour s'exécuter, il faudrait alors considérer qu’il était beaucoup trop court et que la décision consacrait dès lors une violation disproportionnée de sa liberté économique. En effet, il était illusoire de pouvoir rembourser une somme de l'ordre de cinq millions de francs dans un délai aussi court. Il conviendrait par conséquent de lui octroyer un délai compris entre dix-huit et vingt-quatre mois.

b. L’OCLPF a conclu au rejet du recours.

c. Après un double échange d’écritures, et la demande de la société que MM. B______ et C______ soient entendus, le TAPI a rejeté le recours par jugement du 31 août 2022.

Leur audition n'apporterait pas d'éléments différents de ceux déjà exposés dans les écritures de la société, compte tenu en particulier de leurs liens avec cette dernière et de leur position au sein de celle-ci.

Lors de la discussion qui avait eu lieu le 1er juin 2021 entre la société et le directeur de l'OCLPF, la question des intérêts intercalaires et des travaux de réparation des terrasses et des balcons avait notamment été évoquée ainsi que celle du délai pour procéder aux remboursements. Aucun élément du dossier ne permettait de conclure que l'autorité intimée aurait adopté un comportement contradictoire ni qu'elle aurait donné quelque assurance d'entrer en matière sur la question de la comptabilisation des coûts afférents aux travaux sous garantie. Au contraire, quelques heures à peine après l'entretien du 1er juin 2021, cette dernière s'était très clairement exprimée au sujet de la proposition d'envoi des justificatifs des intérêts intercalaires et des travaux de réparation réalisés en garantie, en indiquant qu'elle n'était pas utile, sa décision étant en cours de finalisation. Rien n'indiquait non plus que l'OCLPF aurait accepté d'entrer en matière sur l'octroi d'un délai pour procéder au remboursement. Le seul fait d'avoir accepté d'entendre l'administrée à une reprise ne pouvait être interprété comme constitutif d'une promesse que ses attentes allaient être suivies du résultat escompté. Une violation du principe de la bonne foi ne pouvait être reprochée à l'autorité intimée.

Il résultait de l'art. 80 al. 1 LP que les jugements civils, pénaux, administratifs exécutoires constituaient des titres de mainlevée définitive, dans la mesure où ils contenaient un dispositif condamnant, de manière inconditionnelle, le poursuivi au paiement d'une somme d'argent (ou à la prestation de sûretés), ainsi qu'aux frais et dépens. Selon la doctrine, l'art. 80 al. 2 ch. 2 LP assimilait aux jugements les décisions administratives rendues par les autorités administratives suisses, à savoir par les autorités de la Confédération, du canton du for ou d'un autre canton. Le créancier pouvait également être l’administré en présence d’une décision qui lui allouait une prestation pécuniaire de la part de la collectivité ou dans le cadre de remboursement ou de restitution de contributions. Dès lors qu'un jugement d'une juridiction administrative pouvait porter sur des prestations en argent en faveur d'un administré et que la LP leur assimilait les décisions administratives, l'argument de la recourante tombait à faux.

L'OCLPF n’avait pas contrevenu au principe de proportionnalité en n'assortissant pas sa décision d'un terme pour son exécution.

D. a. Par acte du 3 octobre 2022, la société a interjeté recours contre le jugement du 31 août 2022 devant la chambre administrative. Elle a conclu à l’annulation de la décision entreprise. Quatre griefs étaient soulevés : premièrement, son droit d’être entendue avait été violé, le TAPI s’étant opposé à l’audition des deux témoins. Ceux-ci étaient destinés à établir la teneur de l’entretien du 1er juin 2021 à l’OCLPF. Le TAPI semblait avoir considéré d’emblée que leurs déclarations ne seraient pas crédibles compte tenu de leur qualité d’administrateur de la société. L’OCLPF avait changé d’avis après l’entretien en indiquant dans un courriel que « après réflexion », il n’était pas utile de transmettre des pièces. Deuxièmement, le principe de la bonne foi avait été violé au vu des termes « après réflexion » précités. Troisièmement, les décisions de l’OCLPF n’étaient pas assimilables un jugement exécutoire, les récipiendaires des prestations concernées étant des justiciables. Une autorité administrative ne pouvait pas fixer une exigibilité émergeant au droit privé, ce que le Tribunal fédéral avait récemment confirmé. Enfin, le délai fixé dans la décision était beaucoup trop court pour être exécuté, consacrant une violation disproportionnée de sa liberté économique. Elle avait considéré de bonne foi être au bénéfice d’un forfait de fin de chantier (ci-après : FFC) et n’avait jamais imaginé que des montants de l’ordre de cinq millions de francs devraient être remboursés aux acquéreurs. Elle avait de surcroît payé des impôts importants sur ces montants qu’elle avait finalement été condamnée à rembourser et que l’administration fiscale cantonale avait refusé de lui restituer. Ce n’était pas faire offense aux acquéreurs qui avaient fait une bonne affaire, devenant propriétaires à un prix largement inférieur au prix du marché, que de leur demander de patienter quelque peu, le temps que les montants nécessaires pour les désintéresser puissent être réunis.

b. L’OCLPF a conclu au rejet du recours. C’était sans arbitraire que le TAPI avait renoncé à l’audition des deux témoins. L’OCLPF n’avait pas violé le principe de la bonne foi, n’ayant jamais fait ni promesses ni donné d’assurance à la recourante de procéder à la modification du prix de revient définitif de son opération immobilière. La jurisprudence citée par la recourante relative à la prétendue absence de caractère exécutoire de la décision administrative traitait d’une situation différente. Enfin, la société avait disposé d’un délai bien plus important que celui sollicité pour s’organiser en vue de répondre à ses obligations.

c. Dans sa réplique, la société a persisté dans ses conclusions.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Dans un premier grief, le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendue.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l’espèce, la recourante allègue que l’argumentation du TAPI partirait de la prémisse que l’audition des deux administrateurs ne serait pas crédible ». Les auditions devraient servir à prouver le contenu de l’entretien du 1er juin 2021, notamment que l’OCLPF aurait changé d’avis.

Or, d’une part, les deux personnes concernées n’ont pas la qualité de témoins, mais représentent la société dès lors qu’ils sont, respectivement directeur, consultant en immobilier et mandataire de la société pour M. C______, et administrateur avec signature individuelle pour M. B______ (art. 7 LPA). C’est dès lors à bon droit que le TAPI a retenu leurs liens avec la société pour refuser leur audition, celle-ci n’étant pas de nature à prouver des faits, ni à modifier l’issue du litige. D’autre part, un courriel a été adressé à la société quelques heures après la réunion par l’autorité intimée. Il en détaille les points importants. Ainsi, même à suivre la recourante sur le contenu de l’entrevue et à retenir que l’OCLPF aurait modifié sa position, la société ne pourrait en déduire aucun droit conformément aux considérants qui suivent.

Le grief de violation du droit d’être entendue par le TAPI sera écarté.

3.             La recourante invoque une violation du principe de la bonne foi.

3.1 Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2). Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 4.1).

3.2 La recourante soutient que, lors de l’entretien du 1er juin 2022, l’OCLPF serait entré en matière sur une prise en charge des intérêts intercalaires et des travaux effectués sous garantie. Or, le courriel qui lui a été adressé le jour même de l’entrevue indique clairement revenir sur les « deux premiers points que vous avez abordés, à savoir votre proposition d'envoi de justificatifs des intérêts intercalaires ainsi que des travaux de réparation réalisés en garantie, en lieu et place des entreprises responsables ». Le courriel précise que l’OCPLF avait « pris bonne note de [l]’intention [de la société de se] conformer aux décisions judiciaires. Comme annoncé, le projet de fixation définitive ainsi que son annexe étant en cours de finalisation conformément aux décisions de justice, après réflexion, il n'apparaît pas utile que vous nous transmettiez les pièces susmentionnées. Nous vous transmettrons directement la décision définitive dans les meilleurs délais et poursuivront les échanges sur son application comme évoqué en séance ». Ainsi la poursuite des échanges évoquée ne porte que sur l’application ultérieure de la décision de l’OCLPF du 5 octobre 2021.

De surcroît, la quatrième condition nécessaire et cumulative à l’application du principe de la bonne foi ne serait en tous les cas pas remplie. Outre que l’OCLPF n’a pas donné d’assurances à la société sur les questions des intérêts intercalaires et des travaux de réparation réalisés en garantie, la recourante n’indique pas quelles dispositions elle aurait prises, entre, approximativement, 15h et 18h le 21 juin 2021 auxquelles elle ne saurait renoncer sans subir de préjudice.

Le grief sera écarté.

4.             La recourante conteste le caractère exécutoire de la décision querellée de même que l'exigibilité de ses obligations, de sorte que selon elle, le chiffre 3 de son dispositif devrait être annulé.

4.1 Le créancier qui est au bénéfice d’un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l’opposition (al. 1) ; les décisions des autorités administratives suisses sont assimilées à des jugements (al. 2 ch. 2 ; art. 80 LP).

Dans la mesure où les acquéreurs de biens immobiliers ont indûment payé un prix supérieur à celui autorisé par l’OCLPF, le respect de la LGZD, dont l’un des objectifs est d’assurer des prix de vente en zone de développement correspondant au besoin prépondérant d’intérêt général (art. 2 al. 1 let. b et art. 5 al. 1 let. b LGZD), implique que la différence entre le prix de vente effectivement payé et celui autorisé par l’OCLPF soit restituée aux acquéreurs qui en ont été les bénéficiaires. La restitution, fondée sur un enrichissement illégitime à concurrence de la différence, correspond aussi au rétablissement d’une situation conforme au droit, mesure administrative prévue aux art. 15 RGZD et 129 let. e LCI applicable par analogie, en cas d’inobservation de la loi, du règlement ou des décisions prises en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 15 RGZD qui renvoie aux art. 129 et 136 LCI applicables par analogie, art. 9 al. 2 LGZD réservant les mesures et sanctions respectivement prévues aux art. 129 ss et 137 ss LCI, applicables par analogie ; ATA/1132/2022 du 8 novembre 2022 consid. 5).

Le système est analogue en matière de loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20 ; ATA/1348/2020 du 22 décembre 2020 et les références citées ; Emmanuelle GAIDE/Valérie DÉFAGO GAUDIN, La LDTR : Démolition, transformation, rénovation, changement d'affectation et aliénation : immeubles de logement et appartements : loi genevoise et panorama des autres lois cantonales, 2014, pp. 479 ss et les références citées).

Les décisions portant l’obligation de payer une somme d’argent ou à fournir des sûretés sont exécutées par la voie de la poursuite pour dettes et la faillite. Elles sont assimilées aux jugements exécutoires au sens de l’art. 80 LP dès qu’elles sont passées en force conformément à l’art. 53 LPA (art. 55 al. 1 LPA).

4.2 En l’espèce, à teneur du chiffre 2 de la décision querellée, « la différence entre, d'une part, les prix de vente acquittés par les acquéreurs des logements considérés et, d'autre part, les prix de vente définitivement admis revient légitimement aux propriétaires actuels desdits biens », ce que la recourante ne conteste au demeurant pas.

À teneur du ch. 3 contesté, « ces montants deviennent exigibles à l'entrée en force de la présente décision, qui est assimilée à un jugement exécutoire au sens de l'art. 80 LP, et doivent être remboursés aux propriétaires actuels desdits biens (ch. 3) ».

Cette formulation comprend trois notions : l’exigibilité et son dies a quo ; l’assimilation à un jugement exécutoire et la définition des bénéficiaires desdits montants.

4.2.1 Les prix de vente définitifs ont fait l’objet de l’arrêt du Tribunal fédéral qui a confirmé l’arrêt de la chambre de céans. La recourante était tenue par les plafonnements par postes ressortant des décisions qui ont été rendues en sa faveur, en contrepartie de prestations de l’État. Le trop-perçu par la recourante a été établi par la procédure précitée et son montant est en conséquence aujourd’hui exigible. Le fait que les bénéficiaires du trop-perçu par la recourante soient des tiers, en l’occurrence les acheteurs des logements, est sans incidence sur le caractère exigible des montants concernés. Le dies a quo qui tient compte de la procédure en cours est conforme aux règles générales de procédure administrative.

4.2.2 L’assimilation de la décision de l’autorité intimée à un jugement exécutoire est conforme à l’art. 80 al. 2 ch. 2 LP. La procédure jusqu’au Tribunal fédéral a mis à charge de la recourante une obligation pécuniaire, à savoir de rembourser un montant total avoisinant les cinq millions, perçus à tort. L’art. 55 LPA, à l’instar de l’art. 40 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021) prévoit que les décisions portant condamnation à payer une somme d’argent sont exécutées par la voie de la poursuite conformément à la LP. L’art. 55 al. 1 LPA mentionne expressément qu’une telle décision est assimilée aux jugements exécutoires au sens de l’art. 80 LP dès qu’elles sont passées en force conformément à l’art. 53 LPA.

4.2.3 Enfin, l’autorité intimée ne fait que rappeler qui sont les bénéficiaires des montants concernés, ce que la recourante ne conteste pas.

4.3 Le recourant invoque deux arrêts du Tribunal fédéral. Le premier
(ATF 143 III 162) mentionne que « d'après la jurisprudence, il faut entendre par "décision administrative", au sens de l'art. 80 al. 2 ch. 2 LP, tout acte administratif imposant de manière contraignante la prestation d'une somme d'argent à l'État ou à une autre corporation publique (ATF 47 I 222 consid. 1; RVJ 1972 p. 61 consid. 3a; arrêt 5P.350/2006 du 16 novembre 2006 consid. 3.1, avec la doctrine citée). » Le cas, à l’instar du second exemple donné par la recourante, est toutefois différent, s’agissant de l’application de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) et ne portant pas sur une prestation pécuniaire allouée à un administré par le biais d’une décision.

Le grief sera écarté.

5.             La recourante se plaint d’une violation du principe de la proportionnalité, « si par impossible il devait être considéré qu’un délai a été fixé à l’entrée en force de la décision pour s’exécuter »,

5.1 Le principe de la proportionnalité exige que les mesures mises en œuvre soient propres à atteindre le but visé (règle de l'aptitude) et que celui-ci ne puisse être atteint par une mesure moins contraignante (règle de la nécessité) ; il doit en outre y avoir un rapport raisonnable entre ce but et les intérêts compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATA/1218/2021 du 16 novembre 2021 consid. 6a ; ATA/997/2021 du 28 septembre 2021 consid. 7g).

5.2 En l’espèce, le seul « délai » mentionné consiste dans la précision, par l’autorité intimée, que « aussitôt que la décision définitive de vente sera entrée en force, elle sera transmise aux propriétaires concernés à qui il sera indiqué qu'il leur appartiendra de rechercher leur créance auprès d'A______, chacun d'eux étant libre de convenir directement avec elle des modalités de remboursement ». Cette précision est apte à atteindre le but d’intérêt public visé soit le respect de la législation en matière de construction de logements. Elle est nécessaire pour ce faire et proportionnée au sens étroit, l’accord définitif de vente fixant le prix global, réduisant le prix de vente total des logements et places de stationnement, ayant été notifié à la recourante il y a plusieurs années, le 25 mai 2018. L’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit et, par voie de conséquence, l’intérêt des acquéreurs à pouvoir être rapidement remboursés prime l’intérêt de la recourante à obtenir des délais de paiement supplémentaire.

Le grief est mal fondé.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 octobre 2022 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 août 2022 ;

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge d’A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Petroz, avocat de la recourante, au département du territoire - OCLPF, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :